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La formation professionnelle, l'agriculture, l'aménagement du territoire... À l'occasion de sa visite, aujourd'hui, en Franche-Comté, le Premier ministre plaidera pour les réformes auxquelles il tient. Il s'en explique ici.
L'Est Républicain : En Haute-Saône, vous signerez une convention sur la formation en alternance. Pensez-vous que la formule puisse répondre au chômage des jeunes ?
Édouard Balladur : Le développement de la formation et de l'insertion professionnelles constitue l'une des réponses les plus appropriées que notre pays peut apporter au problème du chômage. Le chômage des jeunes de moins de 26 ans est quatre fois plus élevé en France qu'en Allemagne, pour ne prendre que cet exemple. Cette situation n'est pas acceptable. C'est la raison pour laquelle le projet de loi quinquennale relatif au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle prévoit une réforme profonde de notre système de formation professionnelle, allant dans le sens de la simplification, d'un partenariat accru entre les organismes de formation, les entreprises et les collectivités locales. La convention que je vais signer en Haute-Saône prend donc valeur d'exemple.
"L'accord de Blair-House n'est pas acceptable en l'état"
L'Est Républicain : Dans ce département rural pouvez-vous rassurer les agriculteurs sur la négociation du GATT ?
Édouard Balladur : Depuis la formation du Gouvernement, nous n'avons cessé de défendre l'agriculture française dans les instances communautaires et internationales avec la plus grande fermeté. En ce qui concerne le soi-disant accord de Blair-House, j'ai indiqué à maintes reprises qu'il n'était pas acceptable en l'état. Cette position, réaffirmée avec force par la France lors du Conseil des ministres des Affaires étrangères et de l'Agriculture qui s'est tenu à Bruxelles le 20 septembre, a permis à la Communauté d'adopter une position conforme à nos vœux, visant à engager de nouvelles discussions avec les États-Unis. Je rappelle que ce sont nos objectifs :
- s'assurer que les engagements pris par la Communauté ne vont pas au-delà de la réforme de la Politique Agricole Commune ;
- garantir la pérennité de la Politique Agricole Commune ;
- respecter les principes de base de la Politique Agricole Commune et notamment la préférence communautaire ;
- maintenir la vocation exportatrice de la Communauté.
L'Est Républicain : Vous faites de l'aménagement du territoire une priorité. Celui-ci ne risque-t-il pas de bénéficier aux métropoles régionales plus qu'aux campagnes reculées ?
Édouard Balladur : La fonction des métropoles régionales est incontestable pour permettre un développement équilibré du territoire national. Leur expansion, dès lors qu'elle est raisonnée, leur accessibilité, la qualité des services susceptibles d'y être offerts, sont autant d'éléments nécessaires pour tous les Français. Trois priorités distinctes ont été fixées au Gouvernement dans la nouvelle politique d'aménagement du territoire: une action en faveur des banlieues qui sont en situation difficile, afin de préserver la cohésion sociale; une croissance mieux répartie entre les régions, afin d'atteindre un développement économique harmonieux ; une lutte contre la désertification du milieu rural, afin de mettre en valeur toutes les capacités du territoire national. La réforme de la dotation globale de fonctionnement permettra, dès l'année prochaine, une meilleure répartition des crédits d'État, au bénéfice des petites communes. Le moratoire sur la fermeture des services publics en milieu rural décidé dès le mois d'avril, et qui sera prolongé, est un témoignage supplémentaire de l'attention que j'accorde aux zones rurales.
"Soutenir la consommation"
L'Est Républicain : L'allégement de l'impôt sur le revenu ne compense pas les prélèvements du printemps. Comment les Français pourraient-ils consommer davantage ?
Édouard Balladur : Les prélèvements opérés au printemps ont un impact économique totalement différent de l'impôt sur le revenu. En effet, la CSG constitue un prélèvement sur les ménages qui est réutilisé en prestations destinées aux ménages. La CSG permet de continuer à financer des prestations sociales (vieillesse et maladie) qui n'auraient pu être financées sans cet effort de redressement des finances sociales. La réforme de l'impôt sur le revenu représente un allégement global de 19 Mds F et aura un effet multiplicateur portant sur la consommation des ménages et notamment des familles : 87 % des familles de trois enfants bénéficieront d'un allégement au moins égal à 10 %. De plus, plusieurs mesures renforcent le soutien de la consommation. La multiplication par près de quatre de l'allocation de rentrée scolaire (5 Mds F) a bénéficié aux ménages modestes. La possibilité de sortie anticipée du Plan d'Épargne Populaire (7 Mds F) sans pénalité et en bénéficiant de la prime de l'État permettra aux ménages de mobiliser rapidement une partie de leur épargne. Enfin, la réforme de la fiscalité de l'épargne a pour objet de faciliter les retraits des SICAV de capitalisation en vue de la consommation et de l'investissement en logement.
"Aménagement du territoire : Il faut réformer en profondeur"
L'Est Républicain : Vous jugez nécessaire de ne pas trop bousculer la société française. Est-ce compatible avec la volonté de profondes réformes ?
Édouard Balladur : Je crois que dans notre société, il n'y a pas de réforme qui ne doive être réfléchie, expliquée, comprise. Et il est vrai que cela demande autant de temps que de détermination. Si je prends l'exemple de la politique d'aménagement du territoire, vous pouvez constater que la volonté du Gouvernement est claire : il s'agit de réformer en profondeur une vision des choses qui conduisait à s'accommoder d'inégalités de développement de plus en plus choquantes entre les diverses parties du pays. Nous avons décidé de ne pas accepter une telle évolution. Fallait-il pour autant que l'État décide seul des priorités d'aménagement, du choix des grandes infrastructures, de la répartition des équipements ? Je ne le crois pas. Cela aurait peut-être permis de donner l'impression que nous allons vite en besogne mais nous nous serions nécessairement heurtés à l'incompréhension puis à l'hostilité de tous ceux qui estiment légitimement avoir des idées à exprimer, des aspirations à faire valoir, des projets à mettre en œuvre. C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de commencer par un grand débat national. Il en tirera ensuite tous les enseignements et les traduira dans une loi d'orientation sur l'aménagement du territoire qu'il proposera au Parlement au printemps prochain. Les Français veulent la réforme mais ils veulent aussi avoir leur mot à dire. C'est au Gouvernement qu'il revient de rendre compatibles ces deux aspirations également légitimes.