Texte intégral
Dominique Roederer (RFO-Paris) : Présent en Nouvelle-Calédonie, de lundi à jeudi prochains, Dominique Perben a reçu hier Marie Guyard et Olivier Robert de RFO-Paris. Avec eux, il aborde certains des points qu'il aura à connaître sur place, aussi bien ici qu'à Wallis et Futuna ou en Polynésie.
Marie Guyard : Monsieur le ministre, à mi-chemin du référendum d'autodétermination, quel doit être le rôle de l'État dont le suivi des accords de Matignon, à un moment où la concertation sur le territoire connaît semble-t-il quelques difficultés ?
M. Dominique Perben : La position du Gouvernement est très simple. Nous l'avons exprimée à plusieurs reprises au Parlement. J'ai eu l'occasion de le confirmer à mes différents interlocuteurs aussi bien du RPCR que du FLNKS : c'est la poursuite des accords de Matignon. C'est-à-dire, l'État, tient ses engagements aussi bien sur le plan, j'allais dire politique, l'esprit de ces accords, mais également sur le plan financier, sur le souci de rééquilibrage des investissements entre les trois provinces, donc c'est le sens du message que je délivrerai sur place à Nouméa mais je dirais que mes principaux interlocuteurs sont déjà bien au courant de la détermination du Gouvernement.
Olivier Robert : Après la nomination en septembre dernier d'un ambassadeur à Port-Vila, votre visite au Vanuatu est l'occasion de consacrer solennellement le réchauffement des relations entre les deux pays.
M. Dominique Perben : Oui, je pense à la normalisation des choses M. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères a souhaité que je profite de ma visite dans les territoires du Pacifique pour accepter l'invitation qui avait été présentée par le Vanuatu à la France. Donc, je me rendrai là-bas pour consacrer effectivement un petit peu le rétablissement de bonnes relations et l'éventualité de relations de coopération aussi avec cet État.
Olivier Robert : Alors quel type de coopération ?
M. Perben : Nous en parlerons. C'est un peu une visite exploratoire mais je crois savoir que Vanuatu souhaite l'établissement de relations de coopération comme la France a des relations de coopération avec d'autres États indépendants et je crois que ce sera le sujet de nos conversations.
Marie Guyard : L'étape à Suva à Fidji, marque-t-elle également la volonté d'une coopération plus étroite de la France avec les pays ?
M. Perben : Je crois que ce dont il est question, c'est de développer des relations de coopération régionale sur l'ensemble du Pacifique. C'est important pour la politique étrangère. Je crois que c'est aussi une dimension importante pour les relations entre les territoires d'Outre-Mer français et la Métropole. C'est en tout cas, un sujet sur lequel, moi, je souhaite travailler et progresser. Je pense que l'avenir du Pacifique et des États du Pacifique est à l'évidence, un avenir prometteur. C'est autour du Pacifique que va probablement se passer beaucoup de choses au cours du siècle prochain. La France a la chance d'être une puissance du Pacifique grâce à la Nouvelle-Calédonie, à Wallis et à la Polynésie. Et je pense qu'à partir de là, nous devons développer notre présence régionale et la visite à Fidji s'inscrit dans cette perspective.
Olivier Robert : Concernant Wallis et Futuna, quelles mesures comptez-vous prendre pour poursuivre le désenclavement de l'archipel ?
M. Perben : À Wallis, il y a deux choses importantes dans l'immédiat, c'est de corriger au plus vite les effets du tremblement de terre. Je me rendrai sur place et je voudrais constater que les choses se sont un peu accélérées. Car j'ai le sentiment que cela ne va pas très vite et c'était mon premier souci à l'occasion de ce voyage dans le Territoire. Ensuite, il nous faut améliorer incontestablement les équipements de base dans ce Territoire qui est relativement on retard. Et enfin, nous devons être attentifs au développement d'une sorte de chômage, je dirais à la mode moderne malheureusement dans une société qui jusque-là, avait une autre manière de réguler l'activité économique. Donc, il y a aussi sans doute à réfléchir à la façon dont des activités économiques nouvelles pourraient se développer pour faire en sorte que l'évolution sociale qui tentera magnifiquement de se produire, ne débouche pas sur une paupérisation.
Marie Guyard : En Polynésie, la priorité, c'est bien sûr de désengager progressivement l'économie de l'archipel du tout nucléaire. Vous souhaitez ainsi que le Président du Gouvernement territorial, que la mise en œuvre du pacte de progrès passe par une loi d'orientation. Quels seraient les axes de cette loi d'orientation ?
M. Perben : C'est d'abord bien sûr d'encadrer dans une perspective à moyen terme, les relations entre les Territoires et la Métropole pour assurer une sorte de stabilité aux efforts des uns et des autres et pour permettre au Gouvernement du Territoire, de savoir dans quelle perspective il peut travailler. Ensuite, la deuxième idée, c'est l'idée de diversification économique. Trouver les moyens d'aider au développement de nouvelles filières économiques : la pêche, le tourisme et pas seulement. Peut-être des activités de transformation. Mon voyage sera justement l'occasion d'essayer d'aller un petit peu plus loin dans l'analyse des choses. Et puis bien sûr, le troisième volet, c'est l'aspect équipements publics. C'est la santé publique, enfin, tous leg secteurs d'activités conjoints que nous pouvons avoir et qui méritent d'être inscrits dans la loi. Au bout du compte, il apparaît plus raisonnable de n'envisager que pour l'automne. Ce qui était d'ailleurs respectivement prévu comme cela et à l'occasion de ce déplacement nous pourrons aller un peu plus loin avec l'ensemble du Gouvernement territorial.
Olivier Robert : Alors le moratoire sur les essais nucléaires doit se terminer cet été. Est-ce qu'une décision a été prise sur une reprise éventuelle des essais nucléaires cet été ?
M. Perben : Alors, le ministre des Départements et Territoires d'Outre-Mer n'est pas particulièrement compétent en matière d'essais nucléaires. La décision du Gouvernement sera prise en temps utile dans un sens ou dans l'autre. Ce que je voudrais simplement dire, c'est que pour nous, Territoire de Polynésie et ministère des Territoires d'Outre-Mer, il nous faut quoiqu'il arrive, j'allais dire, même s'il y a une reprise, nous situer dans une perspective différente. Et je crois qu'il faut que la Polynésie construise une économie capable d'être indépendante de la reprise d'essais nucléaires, ou de la persistance d'essais nucléaires. Car même s'il y avait reprise, chacun sait qu'elle serait momentanée et probablement de courte durée. Donc, il faut absolument que nous arrivions à aider à la diversification économique de la Polynésie et à faire en sorte que le budget du Territoire ne soit pas dépendant comme il l'a été des apports d'investissements militaires sur l'archipel de Mururoa.
Olivier Robert : Qu'attendez-vous de la loi Pons sur la défiscalisation à réaménager donc ?
M. Perben : Alors la loi qui est en train de passer au Parlement et qui est en cours de navette, et qui est une amélioration du système qui existait jusque-là. J'allais dire même par rapport au système de 1986 puisque vous savez que cette loi a apporté deux éléments très importants, qui est la possibilité d'utiliser des financements défiscalisés pour des concessions de services publics. Ce qui est très intéressant pour les collectivités locales. Et ensuite, le deuxième élément intéressant, c'est la possibilité de défiscaliser les apports en fonds propres d'entreprises en difficultés d'Outre-Mer. Ce qui était quelque chose qui était demandée dans les milieux économiques de l'Outre-Mer et qui est introduit pour la première fois dans le système législatif. Donc cette nouvelle loi sur la défiscalisation, à mon sens, va apporter un surplus d'investissements privés dans l'Outre-Mer. Cela est exact, sans conteste pour les départements. En ce qui concerne les Territoires, les choses sont un peu plus compliquées puisqu'il y a une fiscalité territoriale qui n'est normalement pas concernée par la loi de défiscalisation. Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère du Budget sur cette affaire. C'est un sujet extrêmement difficile y compris d'ailleurs, sur le plan technique, pour arriver à intervenir sur une structure fiscale autonome du Territoire, il y a tout de même un effet positif à mon avis, incontestable. En particulier avec des effets sur le secteur BTP, sur le secteur touristique.
Marie Guyard : Vous l'avez déjà évoqué tout à l'heure, mais revenons-y un instant si vous le voulez bien. Comment voyez-vous le rôle de la France dans la zone Pacifique, notamment face à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie ?
M. Perben : Je crois qu'il faut dans toute région du monde, un équilibre. Et je pense que les états indépendants du Pacifique peuvent être désireux de relations équilibrées tant avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande qu'avec la France. Et c'est dans cette perspective, peut-être d'un rééquilibrage de la zone du Pacifique que je situe mon voyage là-bas. Ou tout au moins aux îles Fidji et au Vanuatu et je pense que dans cette perspective, la démarche française doit être bien interprétée y compris de nos amis Australiens.
Olivier Robert : Il n'y a donc plus aucun contentieux entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ?
M. Perben : Il ne semble pas.
Dominique Roederer : C'était donc Dominique Perben au micro de RFO Paris. Le ministre des DOM-TOM arrive lundi 14 juin 1993 en Nouvelle-Calédonie.