Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la loi d'orientation agricole (LOA) et la réforme de la PAC, dans le cadre des négociations de l'organisation mondiale du commerce, Paris le 9 septembre 1998.

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Circonstance : Conseil national de la FNSEA à Paris le 9 septembre 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

J’ai plaisir à être parmi vous à l’occasion de ce Conseil national de rentrée de la F.N.S.E.A., pour faire le point sur les dossiers qui vont nous occuper au cours de cet automne...

Deux dossiers principaux domineront l’actualité agricole de cette fin d’année 1998 : Je veux parler bien sûr de la loi d’orientation agricole et de la réforme de la politique agricole commune. Ces deux dossiers importants ont pour toile de fond la préparation, dès maintenant, des prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce.

Mais cela ne résume pas tous les débats auxquels nous aurons à faire face. Le Conseil des Ministres a adopté ce matin le projet de loi de finances pour 1999, dont l’examen débutera bientôt au Parlement.

Le débat sur le recours aux organismes génétiquement modifiés en agriculture connaîtra très certainement de nouveaux développements dans les mois qui viennent. Et puis, l’actualité immédiate nous le rappelle, la question des relations entre les obtenteurs de semences et les agriculteurs n’est pas encore réglée. Voilà des exemples parmi d’autres des dossiers nombreux auxquels nous serons amenés à nous intéresser.

1 – Je voudrais commencer par la loi d’orientation agricole.

Je ne ferai pas devant vous une nouvelle fois un exposé sur le contenu de ce projet de loi d’orientation agricole. Celui-ci est désormais bien connu, et je sais que votre organisation a beaucoup travaillé et discuté sur ce projet.

S’il fallait résumer en quelques mois l’intérêt politique que ce projet présente à mes yeux je dirais la chose suivante.

Il s’agit en premier lieu de fixer la doctrine de la France en matière de politique agricole. Au travers de cette définition, de cette affirmation politique, du rassemblement qui peut s’opérer autour d’une nouvelle conception de la politique agricole, la France sera plus forte dans les négociations communautaires et internationales à venir.

Cette conception je la résumerai de la façon suivante.

Mon but c’est de travailler pour une agriculture qui soit faite demain par des agriculteurs. Cette affirmation peut paraître surprenante, pourtant elle ne va pas de soi. Plusieurs modèles d’agriculture sont envisageables. On peut redouter par exemple une agriculture totalement intégrée, dépendante à la fois des industries d’amont pour son approvisionnement et des industries d’aval pour ses débouchés. Entre les deux les agriculteurs ne seraient plus que des façonniers pour les uns et pour les autres, dont on attendrait la production de matières premières les moins chères possible. Ce n’est pas quelque chose d’inenvisageable que j’agite ici pour faire peur. Je suis convaincu au contraire que si nous ne faisons rien c’est vers ce genre d’agriculture que nous nous dirigeons.

Ce n’est pas le choix que je fais. L’ambition de mon projet de loi c’est au contraire de permettre l’existence d’exploitations nombreuses dirigées par des agriculteurs responsables porteurs de leur propre projet et indépendants.
 
C’est aussi de faire que l’agriculture soit prise en compte dans toute sa dimension, qu’elle ne soit pas réduite à la seule activité de production de matière première. Bref, vous le savez, ce dont il s’agit c’est de faire reconnaître par la politique agricole la multi fonctionnalité de l’agriculture. C’est-à-dire le fait que l’agriculture joue un rôle non seulement économique mais aussi un rôle social et un rôle environnemental.

L’ambition de ce projet de loi d’orientation agricole, c’est aussi de permettre à l’agriculture de continuer à jouer le rôle essentiel qui est le sien dans l’occupation équilibrée de notre territoire. Dans ce domaine aussi j’en suis convaincu le « laisser-faire » ne peut aboutir qu’à des évolutions extrêmement négatives, concentration excessive d’un côté, abandon de territoires de l’autre. Au bout du compte cela conduit à un gâchis économique qu’il est de la responsabilité du gouvernement d’éviter au travers de la politique publique qu’il développe.

C’est aussi se préoccuper des conséquences de la politique agricole sur l’emploi. J’ai déjà eu l’occasion de le dire et de le répéter il ne me parait pas normal que la politique publique contribue à la disparition d’exploitations et à la disparition d’emplois. Elle ne peut être justifiée dans la situation que nous connaissons que par la contribution qu’elle apporte au maintien et à la création d’emplois dans notre pays.

Voilà rapidement rappelé quelles sont les grandes orientations que j’entends mettre en œuvre au travers de cette loi d’orientation.

Celle-ci a été examinée par la Commission de la Production et des Échanges de l’Assemblée Nationale au début de l’été.
 
Cette Commission, et son rapporteur, M. PATRIAT, ont fait un travail très important. Je sais qu’elle a entendu vos responsables pour recueillir leurs avis et leurs propositions. Ce sont finalement près de six cents amendements qui ont été déposes près de cette commission. Cent soixante d’entre eux ont été retenus et adoptés par la Commission de la Production et des Échanges. C’est dire que le travail a été sérieux et approfondi et que les points de vue présentés par les organisations professionnelles agricoles, par les différents parlementaires, ont été très largement pris en compte par le rapport final. Je ne suis pas encore en mesure de vous dire si le Gouvernement retiendra la totalité de ces amendements. Cela nécessite un examen approfondi et des échanges interministériels qui n’ont pas encore eu lieu. Je salue en tout cas la qualité et le sérieux du travail qui a été fait par cette Commission.

Cela ne clôt pas, vous le savez, le travail parlementaire.

L’Assemblée nationale examinera en première lecture le projet de loi d’orientation agricole du 5 au 12 octobre prochain.

Le projet doit venir ensuite en débat devant le Sénat dans le courant du mois de janvier.

Le Gouvernement a demandé l’urgence pour ce projet de loi, Ceci devrait permettre si tout se passe bien, de terminer les travaux parlementaires autour de la fin du premier trimestre de l’année 1999.

Dans le même temps le travail de préparation des décrets d’application de celle loi est déjà engagé. C’est en effet ce qu’ont souhaité les parlementaires.

Je voudrais à ce propos faire une mention particulière du travail de préfiguration des contrats territoriaux d’exploitation qui est engagé dans pris de soixante-quinze départements français.

J’ai souhaité depuis le début de la préparation de ce texte, que le Gouvernement soit éclairé en permanence par les avis et les propositions de l’ensemble des parties intéressées à la mise en œuvre de celle loi.

De la même façon, je n’ai cessé de répéter que le Gouvernement ne pourrait pas définir par un décret élaboré dans le secret des bureaux des fonctionnaires le contenu des contrats territoriaux d’exploitation. Celui-ci ne peut être déterminé que par un travail de concertation extrêmement large, conduit dans les départements, avec toutes les organisations agricoles, mais pas seulement agricoles, intéressées à ce débat afin d’élaborer des contrats territoriaux qui nous permettront demain la mise en œuvre efficace de cette orientation.

J’avais souhaité que ce travail soit engagé dans une dizaine de départements. Le succès est allé bien au-delà de ce que j’envisageais, puisqu’au moment où je m’apprêtais à arrêter la liste des dix départements retenus, plus de cinquante d’entre eux avaient fait acte de candidature. Il m’a semblé préférable dans ces conditions de laisser le champ de la réflexion aussi largement ouvert que possible.

Le travail est maintenant engagé. Je souhaite vraiment qu’il s’agisse d’un travail de réflexion libre et approfondi. Je trouverais regrettable que la réflexion soit obérée par des considérations institutionnelles ou budgétaires avant que la réflexion sur le contenu même des contrats territoriaux ait eu lieu. C’est par là qu’il faut commencer, les problèmes de gestion et de financement viendront après. Je n’en méconnais pas l’importance, je ne cherche pas à éviter la question et les responsables de la F.N.S.E.A. comme des autres organisations savent que nous avons déjà abordé à de nombreuses reprises ces questions de financement et de gestion à venir des contrats territoriaux. Mais que cela n’empêche pas de réfléchir sur le fond et sur le contenu des contrats. C’est seulement si nous faisons ce travail que nous réussirons demain à faire des contrats territoriaux d’exploitation les outils d’une nouvelle politique agricole.
 
2 – Ceci nous mène à aborder la seconde question essentielle que je souhaitais développer devant vous, celle de la réforme de la Politique Agricole Commune.

Il y a en effet dans mon esprit un lien étroit entre les débats nationaux que nous avons autour de la L.O.A. et la réforme de la P.A.C. Votre Président l’a dit et je partage ce sentiment, cela n’aurait aucun sens d’adopter une loi en France qui irait dans une direction complètement opposée à celle qui serait dessinée à Bruxelles.

Aussi je tiens à vous rassurer j’ai cette préoccupation moi aussi à l’esprit, et c’est précisément parce que je veux pouvoir peser dans les débats à Bruxelles dans le sens que nous souhaitons en France qu’il était nécessaire et urgent d’avancer dans le travail d’élaboration de notre Loi d’Orientation Agricole en France.

Comment se présente cette négociation de l’agenda 2000 ?

a) Quelques éléments sur le calendrier et le contexte de la négociation en premier lieu.

Le Conseil des ministres de l’Agriculture n’évoquera la proposition de réforme de la P.A.C. que lors de sa réunion de la fin du mois d’octobre et ensuite à celle de la fin du mois de novembre. Entre temps il n’y aura à Bruxelles que des réunions techniques au niveau des fonctionnaires pour poursuivre l’examen technique de l’ensemble du projet.

Avant que les ministres de l’Agriculture ne se réunissent pour en discuter, un autre Conseil des ministres à Bruxelles aura à connaître un rapport présenté par la Commission sur ce que l’on appelle les ressources propres de l’Union Européenne. Il s’agit d’un rapport dans lequel la Commission fera le point sur la contribution apportée par chacun des États-membres au budget communautaire, sur le bénéfice qu’il tire des dépenses communautaires, ci sur les voies qui peuvent être envisagées pour rééquilibrer la contribution nette de chacun des États au budget communautaire. Contribution nette voulant dire la différence entre ce qu’un État paie à Bruxelles et ce qu’il en reçoit.

Vous savez en effet que cette question est devenue une des questions essentielles des négociations qui sont menées à Bruxelles depuis quelques mois. Le problème a été posé en premier lieu par l’Allemagne, timidement d’abord en 1997 puis de façon de plus en plus affirmée en 1998. L’Allemagne a été rejointe par l’Autriche, par les Pays-Bas et par la Suède, autant d’États-membres de l’Union qui demande une limitation de leur contribution nette au budget communautaire.

On ne peut que regretter qu’un débat de cette nature focalise l’intérêt des ministres de l’Union européenne. Cette notion de contribution nette est en effet étrangère aux idéaux initiaux de la construction européenne. Une des valeurs fondatrices de la Communauté européenne dans un premier temps, de l’Union européenne ensuite est la solidarité entre les États-membres. Ce raisonnement uniquement budgétaire, en termes de taux de retour, pourrait s’avérer extrêmement destructeur à terme pour la construction européenne. Il est par ailleurs extrêmement réducteur. En effet le bénéfice qu’un pays tire de la construction européenne ne saurait être réduit aux dépenses du budget communautaire dont il bénéficie. La stabilité politique, la croissance économique, l’ouverture des marchés, les investissements, etc. sont autant de bénéfices économiques qui reviennent à des pays dont la contribution au budget communautaire peut paraître lourde.

Mais enfin qu’on le regrette ou pas le problème est maintenant posé avec une telle force, que les ministres de l’Économie des Quinze entendrons un rapport de la Commission sur cette question au mois d’octobre.

Cela a fait les gros titres de la presse agricole la semaine dernière. Je voudrais clarifier tout malentendu à ce propos. Cette idée de cofinancement est une des idées sur lesquelles travaille la Commission de l’Union européenne en vue de préparer son rapport, et elle ne le fait pas à la demande de la France parce que nous lui aurions suggéré une telle orientation. J’ai suffisamment combattu toute idée de renationalisation de la PAC pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés là-dessus.

D’autres solutions sont envisageables pour limiter la contribution de l’Allemagne. Par exemple un mécanisme d’écrêtement de la contribution nette du même type que celui dont bénéficie la Grande Bretagne depuis plusieurs années. D’autres encore sont possibles. Ces solutions éventuelles, leur impact sur la contribution des uns et des autres seront présentées dans le courant du mois d’octobre au Conseil des ministres de l’Économie et des Finances qui engageront alors la discussion. Aucune décision n’est prise pour le moment bien entendu, et les discussions risquent d’être longues.

Si j’ai été aussi long sur ce sujet c’est qu’il me paraît tout à fait déterminant pour l’avenir des négociations. On peut craindre que toute la négociation ne se trouve bloquée par ces questions budgétaires. Celles-ci pourraient donc remettre en cause le calendrier prévu par la présidence autrichienne qui conduisait à ce que les grandes décisions politiques sur l’agenda 2000 soient prises au Conseil européen de Vienne du mois de décembre prochain.

L’élargissement futur de l’Union européenne qui justifie également l’urgence d’une réforme de la PAC selon la Commission, cet élargissement semble-t-il prendra plus de temps qu’il n’était prévu. La perspective d’une adhésion de pays comme la Pologne, la Hongrie, la République tchèque ou d’autres rentrant dans l’Union européenne dès l’an 2000 en intégrant immédiatement l’ensemble de l’acquis communautaire s’est beaucoup éloignée. On s’aperçoit que cela sera plus compliqué, coûtera plus cher et demandera plus de temps que les uns et les autres ne l’envisageaient initialement. Sans doute de longues périodes de transition seront elles nécessaires pour permettre l’intégration dans de bonnes conditions de ces pays d’Europe centrale et orientale dans l’Union européenne.

Il y a donc au moment où je vous parle une grande incertitude sur le calendrier. Et il n’existe aucune certitude sur la capacité des instances politiques de l’Europe à trouver une solution à l’ensemble des dossiers en cours d’examen avant les élections européennes du printemps prochain.

b) Cela ne nous dispense naturellement pas d’avoir une position sur le fond. Celle position, j’ai déjà eu l’occasion de m’en expliquer devant le Congrès de votre organisation aussi bien qu’à Bruxelles, et je dirai que sur le fond elle n’a pas varié.

La politique agricole doit permettre d’atteindre plusieurs objectifs :

– Préserver le revenu des agriculteurs ;

– Contribuer par une intervention publique efficace à l’équilibre des marchés agricoles qui sont par nature spéculatifs ;

– Assurer la sécurité alimentaire de l’Europe;

– Favoriser un type d’agriculture fondé sur des agriculteurs nombreux responsables, capables de préserver leur autonomie face aux industries d’amont et d’aval ;

– Permettre une valorisation équilibrée de l’ensemble des territoires.

Il n’est pas possible de remplir l’ensemble de ces objectifs en recourant à un seul outil de politique agricole, par exemple les aides directes au revenu. C’est d’ailleurs pourquoi l’ensemble des organisations communes de marché existant actuellement mêlent plusieurs types d’outils d’intervention économiques. L’O.C.M. céréales recourt à la fois à l’intervention publique, aux aides directes au revenu, et d’une certaine façon au contingentement de la production au travers du gel des terres. On pourrait faire les mêmes observations pour l’organisation commune du marché de la viande bovine ou celle des produits laitiers.

Je ne pense pas qu’il soit possible de faire autrement et de faire reposer toute la politique agricole sur les seules aides directes au revenu des agriculteurs comme le propose la Commission.

C’est la divergence fondamentale que j’ai avec elle.

Par ailleurs sans faire devant vous de l’examen technique de cette proposition, comme nous avons pu le faire dans de nombreuses réunions de travail, il apparaît que l’intérêt essentiel de ce projet de réforme ne tient pas à sa capacité à instaurer durablement l’équilibre des marchés agricoles. Son intérêt serait plutôt de dégager des marges de manœuvre à la Commission dans le cadre des prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce. En baissant les prix garantis, elle pourrait demain, plus facilement, accepter une nouvelle réduction de la préférence communautaire, une diminution supplémentaire du budget accordé aux restitutions à l’exportation, etc.

Les épisodes récents, en particulier celui de la négociation d’un accord de libre-échange avec le MERCOSUR, montrent qu’il n’est pas possible de donner de chèques en blanc à la Commission dans ce domaine. Il faut au contraire limiter autant que possible la marge de négociation dont elle peut bénéficier dans ces prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce.

C’est pourquoi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je défendrai une position consistant à demander à mes collègues européens de faire preuve de beaucoup plus de pragmatisme dans la démarche que ce que nous propose la Commission.

Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire avant la conclusion des négociations de l’organisation mondiale du commerce. Mais les ajustements de la politique agricole commune auxquels il faut procéder doivent être strictement limités à ce qui est nécessaire au maintien de l’équilibre des marchés dans les prochaines années.

Dans le même temps il faut commencer à réorienter la politique agricole commune dans la voie d’un découplage progressif entre les aides à l’agriculture et à la production.

Bien sûr une discipline budgétaire pour l’agriculture doit être acceptée, comme elle existe dans les autres domaines.

Mais surtout il faut mettre à profit les années qui viennent pour que l’Union européenne réfléchisse au fond aux évolutions possibles, à long terme, de sa politique agricole.

Quels sont ces ajustements strictement nécessaires à l’équilibre des marchés agricoles ?

S’agissant des grandes cultures je dirai que la baisse du prix d’intervention des céréales qui devrait favoriser l’équilibre à long terme du marché ne doit pas conduire à une remise en cause de la protection communautaire. Elle doit donc être encadrée dans cette limite.

La production d’oléagineux doit continuer à bénéficier de soutiens spécifiques, Le maintien du statu quo, c’est-à-dire de l’organisation actuelle des aides à la production d’oléagineux me paraît préférable à ce que la Commission propose.

Les protéagineux doivent bénéficier d’un soutien spécifique sous la forme d’une aide supérieure de 16 ECUS par tonne à celle des céréales.

Les moyens d’accorder à la production de maïs un soutien suffisant doivent être préservés.

Enfin les cultures à usage non alimentaires doivent être encouragées par un régime d’aide particulier.

S’agissant de la viande bovine, je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’à mes yeux la baisse des prix garantis ne constitue pas la solution au problème que cette production devra affronter à l’avenir. L’adaptation de l’organisation commune du marché de la viande bovine doit reposer sur deux jambes : adaptation des prix à l’évolution des prix de la viande blanche, cela est sans doute indispensable, mais aussi maîtrise de la production car sans maîtrise de la production il n’y aura pas de solution au problème d’équilibre de ce marché.

Alors la baisse du prix d’intervention de la viande bovine doit être limitée à ce qui est nécessaire au maintien de l’équilibre entre les viandes blanches et les viandes rouges à moyen terme. Cela dépendra donc du niveau retenu au bout du compte pour le prix des céréales.

La baisse du prix d’intervention doit être intégralement compensée pour tous les types de production, qu’il s’agisse des vaches allaitantes ou des bovins mâles.

Et puis surtout ne l’oublions pas les outils de maîtrise de la production doivent être renforcés :

Les génisses doivent être éligibles à la prime maintien du troupeau de vaches allaitantes ;

L’ajustement des quotas nationaux de prime à la vache allaitante proposé par la Commission me parait nécessaire ;

L’augmentation progressive de la prime à l’extensification et le durcissement des critères d’éligibilité me parait être aussi une voie que l’on ne peut pas refuser. Il faut sans doute par contre définir les conditions dans lesquelles nous nous y engageons ;

La prime à la transformation des jeunes doit être maintenue ;

Les moyens permettant de favoriser une réduction progressive du poids des carcasses des animaux abattus doivent également être étudiés.

C’est en jouant sur l’ensemble de ces instruments que l’on pourra assurer durablement l’équilibre du marché de la viande bovine.

S’agissant de la production laitière je l’ai dit et je le répète, l’abandon des quotas laitiers serait une erreur, et je m’y oppose. C’est pourquoi je refuse purement et simplement la position de la Commission en ce domaine.

Enfin, c’est vrai, il faut à l’occasion de cette négociation commencer à réorienter la politique agricole commune. Les aides doivent être en partie distribuées de façon différente de la situation que nous connaissons aujourd’hui. Il faut passer d’une logique de filière à une logique plus horizontale permettant un développement équilibré des exploitations sur le territoire.

C’est pourquoi j’ai soutenu les idées de modulation des aides, bien sûr il ne s’agit pas d’inventer des solutions qui ne toucheraient que la France.

C’est la politique européenne qui doit être infléchie, il faut donc un cadre communautaire à cette modulation des aides qui devrait toucher l’ensemble des États-membres. Deux idées sont avancées par la Commission pour le moment :

L’idée d’un plafonnement dans certaines conditions. Je ne récuse pas l’idée de plafonnement, ce que je refuse dans la proposition de la Commission c’est le fait que les économies ainsi réalisées au lieu de revenir aux États-membres et aux agriculteurs des États-membres seraient une simple source d’économie pour le budget communautaire. Dans ces conditions elle ne me parait pas acceptable.

L’autre idée c’est la possibilité de moduler dans certaines limites les aides directes versées aux exploitants pour financer des actions conduites par les exploitations agricoles, en particulier pour développer l’emploi. Il me semble que nous pouvons utilement travailler à préciser ce règlement communautaire pour que les critères de prélèvement et de distribution de ces crédits soient conformes aux intérêts de notre agriculture, et aux orientations dont j’ai parlé tout à l’heure à propos de la loi d’orientation agricole.

Voilà quelles sont les orientations que je défendrai dans le débat communautaire sur la réforme de la politique agricole commune.

3 – Il me reste à répondre rapidement à quelques questions posées par le Président GUYAU.

Celle relative aux semences fermières et à l’initiative de la SICASOV tout d’abord. J’ai entendu les principaux responsables syndicaux appeler de leurs vœux un accord interprofessionnel qui permette de donner une solution satisfaisante à cette situation. Celle voie me parait infiniment préférable à celle des décisions unilatérales qui débouchent sur des conflits. Il faut donc que toutes les parties concernées s’engagent dans cette concertation. Je suis prêt à en aider le déroulement et l’aboutissement, le moment venu, mais je ne peux pas me substituer aux parties intéressées à la discussion.

La crise porcine ensuite. Chacun en connaît la gravité. Nous la mesurons d’autant mieux que cette crise était attendue et prévue depuis plusieurs mois. Les mesures à court terme seront annoncées vendredi, je l’ai dit à la suite de la rencontre que j’ai eue avec les représentants des producteurs de porcs ce lundi.

Elles comporteront des mesures communautaires, car la crise est européenne et sa gestion doit être communautaire si nous voulons réellement agir sur le marché.

Des mesures nationales seront prises pour venir en aide aux agriculteurs en situation difficile.

Au-delà, il faut dégager sans attendre les propositions permettant de prévenir le retour périodique de ces crises qui sont à chaque fois plus destructrices. Soit l’on s’accommode de ce « laisser faire » mais il faut en accepter les aléas, soit il faut engager un débat communautaire sur l’évolution de l’OCM.

Et puis, il faut que chacun prenne ses responsabilités, et que les professionnels mettent en place les outils qui permettront aux éleveurs de surmonter ces périodes difficiles. Ceux-ci ne peuvent pas dépendre totalement de l’État.

J’en viens maintenant au budget pour 1999 adopté par le Conseil des ministres de ce matin.

Globalement, et hors la subvention au BAPSA qui obéit à des règles particulières, mon budget augmentera en 1999 de + 3 %. Il s’agit de la plus forte progression enregistrée depuis 1993.

En ce qui concerne le BAPSA (prestations sociales agricoles), la hausse des recettes de TVA permet de diminuer la subvention d’équilibre.

Ce budget s’articule autour de quatre priorités fortes.

1ère priorité, le contrat territorial d’exploitation.

Alors que le débat sur la loi d’orientation agricole va s’engager, il est logique que des moyens financiers soient inscrits au titre de ce qui constitue le cœur de la LOA, à savoir le contrat territorial d’exploitation.

Comme sa mise en œuvre sur le terrain se fera en fin d’année, compte tenu du calendrier de discussion du projet de loi, la dotation de démarrage de 300 MF que j’ai inscrite pour 1999 permettra de donner un élan réellement décisif au CTE.

À terme, cependant, les crédits européens devraient en constituer la source de financement principale.

2e priorité, l’enseignement agricole, dont les moyens augmenteront de six pour cent.

Il bénéficie actuellement d’un grand succès auprès des familles, grâce à la qualité de ses programmes et à ses taux enviables d’insertion professionnelle.

Résultat exceptionnel, j’ai obtenu la création de 308 emplois nouveaux d’enseignants et des personnels techniques. Un effort important a été fourni également sur les dotations à caractère social : bourses, frais de stage, fonds social lycéen, santé scolaire.

3e priorité, la sécurité sanitaire de l’alimentation. 80 emplois seront créés pour renforcer les capacités de contrôle et d’intervention du ministère dans ce domaine de préoccupation essentiel de nos concitoyens.

4e et dernière priorité, les retraites agricoles. Le Gouvernement prévoit pour la seconde année consécutive un effort considérable en faveur de la revalorisation des retraites agricole.

Les demandes que vous avez formulées en ce domaine, M. le Président, sont largement satisfaisantes par une 2e étape du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites décidé l’an dernier par le Gouvernement. J’ai obtenu du Premier ministre une mesure à cet effet de 1,2 milliard en 1999, soit 1,6 milliard en année pleine.

Ainsi, par exemple, la retraite minimale des chefs d’exploitation se rapproche du minimum vieillesse, avec 3.000 F/mois.

Autres exemples, les veuves toucheront 320 F/mois de plus, et les aides familiaux presque 500 F de plus.

J’en arrive ainsi au terme de mon intervention. Vous le voyez, les enjeux de cette rentrée sont considérables. Ils nécessiteront la mobilisation et le dialogue permanent pour que la France puisse faire jouer toutes ses forces dans le même sens, celui de la défense de notre agriculture.