Article de M. Jacques Chirac, président du RPR dans "Le Figaro" du 16 décembre 1993 sur son soutien à la politique du gouvernement à l'occasion de la signature des accords du GATT.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le résultat des négociations du GATT avec déclaration de politique générale du gouvernement le 15 décembre 1993.

Média : Le Figaro

Texte intégral

Je soutiens la politique du gouvernement. À la continuité de votre action répondra la continuité de notre soutien. Mais en ce 15 décembre, c'est le Gatt, qui occupe nos esprits.

J'ai souvent dénoncé la légèreté avec laquelle l'ancienne majorité avait entamé et conduit ces négociations. Il y a neuf mois, la France était isolée et certains de nos intérêts fondamentaux étaient soit menacés, soit ignorés.

Alors dans l'opposition, tous ensemble, nous avions dit non à l'imposture qui consistait à nous dénoncer comme d'abominables protectionnistes : non à l'imposture qui consistait à nous culpabiliser, en montrant du doigt les agriculteurs français.

Nous sommes sortis du brouillard et des faux-semblants. Les résultats de cette politique de ferme reprise en main de la négociation sont satisfaisants. Nous sommes parvenus, sur un certain nombre de points essentiels, à des améliorations significatives par rapport à l'état des discussions qui prévalait il y a quelques semaines encore. On mesure le travail accompli au chemin parcouru.

Le principe d'une organisation mondiale du commerce a été arrêté. L'accord négocié au Gatt organise une réduction des droits de douane. Le bénéfice est évident pour notre industrie et pour nos services. Enfin dans le domaine agricole, la France est parvenue à obtenir d'indiscutables garanties.

Bien entendu, beaucoup dépendra de notre vigilance dans l'application de textes, souvent complexes, voire imprécis. L'organisation mondiale du commerce, dont le principe vient d'être décidé, doit être précisée dans ses modalités. Nous devons aussi être très attentifs à la compatibilité de l'accord agricole du Gatt avec la politique agricole commune réformée. L'engagement pris devant les agriculteurs européens de n'admettre aucun hectare de jachère supplémentaire devra être rigoureusement respecté.

Il est impératif de tirer les leçons de cette négociation :

L'Europe doit devenir majeure, affirmer sa cohésion, et savoir dominer ses complexes à l'égard des Américains. Nous devons réaffirmer le principe de la préférence communautaire. L'Europe doit désormais se doter d'instruments de défense commerciale de même nature que ceux dont disposent les Etats-Unis. Comment, après ce qui s'est passé, ne pas se poser aussi la question du fonctionnement des institutions communautaires ? Ce n'est pas la compétence des commissaires européens qui est en cause, mais leur légitimité. C'est au conseil de décider.

Il faut qu'une grande loi d'orientation agricole, qui serait le pendant de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire que prépare le gouvernement, fixe de nouvelles règles du jeu. Cette grande loi définira, notamment par la baisse des charges, les conditions d'exercice de la profession agricole, afin que notre production soit demain compétitive.

La culture n'est pas une marchandise. Je me réjouis qu'elle ait été exclue de l'accord final du Gatt (…). Encore une fois, la fermeté a payé, face aux prétentions inacceptables des Américains.

J'ai lu et j'ai entendu ici ou là que le gouvernement aurait pu être gêné dans sa négociation par la fermeté des positions que nous avons prises avant les dernières élections législatives, pour ne pas dire l'intransigeance que nous avions affichée.

J'ai la faiblesse de croire qu'il n'en a rien été. Je dirai même, au contraire. Une négociation, et celle-ci n'a pas échappé à la règle, est toujours une épreuve de force où l'angélisme ne paie pas. Il faut être prêt à dire non à bon escient.

Un gouvernement peut d'autant plus résister et imposer sa vision qu'il se sent et se sait soutenu par une majorité déterminée, appuyée elle-même sur l'opinion publique. C'est bien ce qui s'est passé. Et je suis convaincu que c'est grâce à notre soutien, aujourd'hui, que le gouvernement trouvera toute la détermination souhaitable pour veiller à ce que la mise en œuvre de cet accord se fasse dans des conditions et avec des garanties telles que nos intérêts soient totalement préservés et que nos entreprises tirent le plus grand bénéfice de la libéralisation des échanges.

Monsieur le Premier ministre, vous nous demandez la confiance. Vous avez celle du Rassemblement, vous avez celle de la majorité. Vous pouvez vous appuyez sur elle. Ensemble, nous donnerons un nouvel essor à la France.