Texte intégral
Le Quotidien : Après la victoire de Dominique Baudis sur Jean-François Deniau, le PR a laissé éclater sa fureur.
Philippe Vasseur : Dominique Baudis a été désigné par l'UDF. Il sera donc la tête de liste de l'union de la majorité aux prochaines élections européennes. Nous avons été et nous sommes toujours des militants de l'union. Dominique Baudis peut compter sur l'appui du Parti républicain dans la campagne des élections européennes qui s'ouvrira bientôt. Je ne cacherai pas cependant que l'amertume est aujourd'hui le sentiment dominant du Parti républicain. Dominique Baudis n'est pas en cause ; plutôt la manière dont les choses se sont passées. Bien sûr, nous aurions acceptée, mais force est de constater qu'un certain nombre de façons de voter n'auraient pas été les mêmes il y a quelques semaines ou même quelques jours seulement…
Le Quotidien : Pourriez-vous être plus précis ?
Philippe Vasseur : Nous avons cru jusqu'au bout que l'UDF avait devant elle un choix stratégique : quelle est la meilleure tête de liste d'union ? Quelle est celle qui concilie le mieux les idées, les convictions du RPR et de l'UDF, de ceux qui avaient voté « oui » à Maastricht, et de ceux qui avaient voté « non », bref, le plus à même de rassembler l'électorat de la majorité, toute la majorité. Nous croyions être bien armés pour cela. Nous nous sommes retrouvés victimes de personnes qui ont fait un choix conjoncturel, se fondant sur des motivations qui n'avaient strictement rien avoir avec l'enjeu.
Le Quotidien : C'est André Santini que vous visez ainsi ?
Philippe Vasseur : Je ne citerai aucun nom. Je note simplement qu'à l'issue de ce vote devant le bureau politique de l'UDF, et des conditions dans lesquelles il s'est déroulé, certains membres du Parti républicain – et je comprends leur impatience et leur analyse –, en ont assez que le Parti républicain fasse toujours tous les efforts et ne soit jamais payé en retour.
Le Quotidien : Ce n'est en effet pas la première fois que vous échouez à imposer vos vues et vos candidats au sein de l'UDF. Le PR ne devrait-il pas remettre en cause sa stratégie au sein de la confédération, cesser de jouer « les gros bras » à l'extérieur, pour finir par s'incliner devant les procédures plus ou moins démocratiques de l'UDF ?
Philippe Vasseur : Nous ne jouons pas les « gros bras ». Nous sommes une force partisane incontestable, bien organisée sur le terrain, et aux militants nombreux et actifs. Par ailleurs, convaincus de longue date de la nécessité de l'UDF, nous avons loyalement joué le jeu de la confédération. Mais nous ne renonçons pas à notre identité et notre spécificité. Et les mauvaises manières qui nous sont faites conduisent un certain nombre d'entre nous à rechercher une nouvelle manière, plus efficace, d'affirmer notre identité.
Le Quotidien : De quelle manière ?
Philippe Vasseur : Un certain nombre de députés du Parti républicain, et non des moindres, sont en train de s'interroger très sérieusement sur l'opportunité de constituer un groupe républicain à l'Assemblée nationale.
Le Quotidien : Ce serait un sale coup pour l'UDF ?
Philippe Vasseur : Il y a eu des précédents. Entre 1988 et 1993, les centristes ont constitué leur propre groupe autonome. Certains députés CDS sont restés au groupe UDF, la plupart des autres ont rejoint le groupe UDC. Les députés du PR feraient de même. Ils ne seraient donc pas les premiers à avoir commis un crime de lèse-majesté UDF…
Le Quotidien : C'est une mesure de représailles ?
Philippe Vasseur : Non. Seulement le produit d'une analyse. Au sein de l'UDF, le PR se Fait le plus souvent écraser. Il ne parvient pas à faire entendre sa voix. Sans doute, le groupe autonome le lui permettrait davantage. Longtemps, les partisans du maintien des députés PR au sein du groupe unique de l'UDF ont affirmé que le message, les idées du PR seraient ainsi plus largement répandues. Ces arguments ne tiennent plus la route. C'est avec beaucoup de sérénité que nous songeons à ce groupe autonome. Au cours de cette semaine, nous nous réunirons pour prendre notre décision. On ne souhaitait poser cette question qu'après les élections européennes. Le calendrier initialement prévu pourrait donc être accéléré. Je le répète, ce n'est pas une mesure de représailles. Mais la défaite de Jean-François Deniau, l'autre jour, a été la goutte d'eau qui a fait déborder la piscine. Trop c'est trop. En tant que secrétaire général du parti, je suis garent de l'unité du parti, mais je dois reconnaître que les arguments des partisans de l'autonomie m'ont ébranlé.
Le Quotidien : Vous avez l'appui du président Gérard Longuet ?
Philippe Vasseur : Jusqu'à la fin de la semaine dernière, Gérard Longuet était en Chine et n'était pas joignable. Aucune décision définitive n'a encore été prise. Et aucune ne sera prise sans l'aval du parti et de son président.
Le Quotidien : Un groupe PR indépendant se rapprocherait plus clairement qu'il ne l'a fait jusque-là, du RPR. On va vers la constitution franche d'un axe RPR-PR dominant dans la majorité ?
Philippe Vasseur : L'existence de ce groupe républicain indépendant n'empêchera pas le PR de demeurer membre de l'UDF, ainsi que le CDS l'a fait de 1988 à 1993. Il est vrai cependant que nous avons toujours été partisans d'une union solide de la majorité. Le groupe républicain serait sans contexte un excellent trait d'union entre le RPR et l'UDF.
Le Quotidien : Pourtant, le PR comptait beaucoup sur le RPR pour refuser Dominique Baudis comme tête de liste de la majorité. Déçu par le choix du RPR ?
Philippe Vasseur : Même si le RPR avait refusé Dominique Baudis, Jean-François Deniau n'aurait pu être remis en selle. Il est vrai cependant que de nombreux PR ont espéré qu'un refus du RPR d'entériner la décision du bureau politique de l'UDF permettrait l'émergence d'un troisième homme. Le RPR a fait le choix que l'on sait. Je le répète. Dominique Baudis peut compter sur le soutien du Parti républicain.