Texte intégral
Le Parisien : 22 mars 1994
Le Parisien : Que peut-on attendre de la nouvelle réunion de la Convention de Bâle ?
Michel Barnier : L'évolution qui semble se dessiner est satisfaisante. Je souhaite, désormais, que la position de l'Union européenne soit suivie. Je veux parler de l'interdiction de tout nouveau mouvement de déchets vers un pays en vue d'une élimination, comme la mise en décharge par exemple, et de l'interdiction d'exporter pour valorisation, sauf exception accordée expressément par l'État recevant les déchets, et seulement dans la mesure où il possède la capacité technique de valoriser ces déchets de façon écologiquement rationnelle. Ces dispositions rentreraient en vigueur en 1997.
Le Parisien : Quels contrôles préconisez-vous pour que, sous couvert de recyclage, on n'expédie pas tout autre déchet dangereux ?
Michel Barnier : Effectivement, nous devons nous assurer que la valorisation est réelle, qu'elle n'est pas un leurre pour masquer une mise en décharge. Faire payer les déchets par la société qui déclare avoir l'intention de les recycler pourrait constituer une première garantie. La valorisation doit ensuite s'apprécier dans le bilan écologique sur le site du traitement et dans sa valeur ajoutée. Enfin, les transferts de déchets doivent être contrôlés avec vigilance par les États concernés. Je vous rappelle que la France propose aujourd'hui que l'État donne son accord avant de recevoir tout déchet.
Le Parisien : Est-ce que l'attitude du Danemark, qui, lui, refuse même toute dérogation, n'est pas la meilleure garantie contre tout trafic ?
Michel Barnier : De tels trafics ont malheureusement toujours existé, Ce qui est vrai aujourd'hui risque de l'être encore demain, même en France. C'est précisément pour cette raison que, dès mon entrée au gouvernement, j'ai demandé au ministre du Budget, Nicolas Sarkozy, de renforcer, grâce aux douaniers, les mesures de surveillance et de contrôle aux frontières. Résultat plusieurs camions transportant des déchets toxiques ont été interceptés dans l'est de la France. Les coûts de traitement sont tels que l'intérêt financier de tenter d'échapper aux filières légales est fort, qu'il y ait ou non une interdiction générale. Je ne crois pas qu'une interdiction totale empêcherait ce trafic. Le maintien de normes et le renforcement des contrôles me paraîtraient plus pragmatiques et efficaces…
Le Figaro : 4 avril 1994
Le Figaro : On reproche au gouvernement de faire ses réformes dans la (...) puis de reculer quand celles-ci rencontrent une forte opposition… Qu'en pensez-vous ?
Michel Barnier : On ne peut pas parler de précipitation. Si vous évoquez les turbulences ou les secousses liées à la loi Falloux ou au CIP, il n'est pas juste de parler de précipitation. Ces textes ont fait l'objet de longues délibérations au Parlement. Mais l'impact de telle ou telle mesure a été mal mesuré. On peut comparer la loi Giraud a une sorte de boîte à outils contre le chômage. L'un de ces outils ne « fonctionnait » pas bien. Il était bon de le retirer et de repartir sur de nouvelles bases. On est dans une période d'extrême sensibilité. Nos concitoyens supportent l'effort quand il est partagé, mais ne supportent, pas le sentiment d'injustice. Nous, membres du gouvernement, sommes les premiers comptables, avec l'ensemble des membres du Parlement de ce besoin d'explications, de dialogue et de justice.
Le Figaro : Le gouvernement a essuyé beaucoup de critiques. Que pensez-vous de la manière de se comporter de la majorité ?
Michel Barnier : J'ai assisté mardi à la réunion du groupe RPR, je n'ai pas entendu de critiques. Mais j'ai trouvé légitimes l'expression de certaines préoccupations et la vigilance des députés.
Le Figaro : Mais quand Philippe Séguin dit…
Michel Barnier : Philippe Séguin est dans son rôle quand il veut renforcer le contrôle parlementaire, les ministres ont toujours intérêt à écouter l'écho qui vient du pays à travers les parlementaires. Je ne suis pas choqué par ce qu'a pu dire Philippe Séguin. En revanche, il y a eu parfois dans les mois passés des petites phrases inutiles qui ont toujours un effet négatif dans l'opinion. D'une manière générale, sur quoi le gouvernement et sa majorité seront-ils jugés, et d'abord l'année prochaine, au mois de Mai ? Sur des choses simples et graves le chômage aura-t-il, oui ou non, été stabilisé, aura-t-il oui ou non reculé ? La majorité aura-t-elle été, oui ou non, capable d'unité ?
Le Figaro : Ce sera donc sur l'union et le chômage que se jouera l'élection présidentielle ?
Michel Barnier : C'est l'échéance la plus importante. Aucune victoire présidentielle ne peut être construite sur une critique politicienne du gouvernement ou son affaiblissement. Militant gaulliste depuis plus de vingt-cinq ans, j'ai constaté — et je ne suis pas le seul — que chaque fois que la famille libérale était divisée, nous avons perdu. Tout en respectant le souhait d'Édouard Balladur que les ministres ne s'engagent pas dans cette élection avant l'heure, je pense que la majorité doit l'aborder d'une même voix et avec un seul candidat C'est ce qu'attendent les Français. Et ce serait un bien mauvais service à rendre à ce candidat, quel qu'il soit, que d'affaiblir le gouvernement d'aujourd'hui.
Le Figaro : Le gouvernement semble accepter qu'il y ait deux catégories de citoyens, ceux qui ont les moyens de se faire entendre (Air France, les pécheurs, les jeunes…) et ceux qui n'en ont pas les moyens. Pour les premiers, à chaque fois le gouvernement a payé ou reculé…
Michel Barnier : Les conflits n'étaient pas de même nature, et les réponses ne pouvaient être les mêmes. Je pense que l'une des réponses à apporter pour éviter cette société à deux vitesses serait de consulter davantage les Français, comme le président d'Air France le fait actuellement au sein de cette entreprise. Les gens ont des idées, ils sont capables d'efforts et de courage, d'accepter des mesures difficiles quand il s'agit de l'intérêt de leur pays ou de leur entreprise. Bien sûr, il ne faut pas banaliser le référendum. Je pense plutôt à une journée annuelle de « consultation nationale ». Une journée de vote, dans toutes les mairies. Ce jour-là le gouvernement, la région, département, la municipalité poseraient une ou deux questions sur des sujets d'intérêt général. Ce serait une vraie réponse à ce besoin de participation, une manière aussi de respecter le citoyen.
Moderniser la démocratie
Ce pourrait être aussi un moyen de faire avancer l'idée de Charles Pasqua d'organiser des primaires pour l'élection présidentielle, les partis posant, lors de la dernière consultation avant la date fixée pour l'élection, la question du choix de leur meilleur candidat. Ce n'est là qu'une idée personnelle, et sans doute lui faudra-t-il du temps pour cheminer. Elle permettrait, j'en suis sûr, de moderniser la démocratie française.
Le Figaro : En quoi consisterait cette modernisation ?
Michel Barnier : Cette modernisation passe par trois axes. Que l'État républicain soit plus fort, plus respecté, plus impartial. C'est dans ce sens que travaille Édouard Balladur. Que l'État fasse moins de choses ou les fasse mieux, ce qui devrait conduire à de nouvelle étapes de la décentralisation. Que les Français soient davantage consultés.
Le Figaro : De combien de temps dispose un gouvernement pour réformer ? Doit-il tout faire durant l'« état de grâce » et cesser ensuite ?
Michel Barnier : Ce devrait être toujours le temps des réformes ! Le gouvernement garde la même volonté, mais, quand on compte le temps nécessaire pour mettre en œuvre les lois, pour les expliquer, une année au moins est nécessaire. Si, après cette année-là, on entre dans une période de campagne électorale, le climat est alors moins serein, et les réformes moins faciles.
RMC : Mercredi 13 avril 1994
D. Rey : L'année 1993 était-elle un bon cru ?
Michel Barnier : Il n'est pas encore parfait, mais il est meilleur que celui de l'année dernière. Ce sont des chiffres que nous avons rendus publics avec P. Douste-Blazy, le ministre de la Santé. Il s'agit simplement du travail de tous les services de l'action sanitaire et sociale sur le terrain, du ministère de l'Environnement. Durant l'été dernier, nous avons contrôlé 3 500 points de baignade, 1 700 lieux de baignade le long de la mer, et 1 600 dans les endroits d'eau douce, à l'intérieur des terres. Donc, ce sont ces résultats qui sont rendus publics, comme je m'y étais engagé l'année dernière, avec deux mois d'avance pour que tout le monde sache à quoi s'en tenir au moment où l'on fait le choix de son lieu de vacances.
D. Rey : Les meilleurs élèves, ceux qui ont vraiment fait un effort ?
Michel Barnier : Globalement, les résultats sont meilleurs puisque 90 % des lieux de baignade en mer, contre 86 % l'année dernière, sont conformes aux normes de la santé publique. Pour l'eau douce, 85 % sont conformes, c'est un peu moins bien, contre 82 % l'année dernière. À la fois sur les lieux d'eau douce et sur les lieux du littoral, il y a une amélioration. Je ne vais pas donner des bons points ou montrer du doigt. Chaque Français peut interroger 36.15 Info plages, parce que le souci de transparence que nous avons sera total. Nous nous étions engagés avec P. Douste-Blazy pour la transparence et la vérité. Je crois que les gens sont intelligents et sont capables de comprendre les efforts que font les communes pour leur assainissement, et les endroits où il y a encore des efforts à faire. Sur 36 15 Info plages, toutes les informations pour chaque lieu de baignade, les causes des pollutions, et les mesures engagées sont publiques et peuvent être consultées.
D. Rey : Comment expliquez-vous qu'il y ait plus de problèmes au niveau des rivières et des fleuves ?
Michel Barnier : À la fois les rivières, les fleuves, les lacs ou les étangs. L'habitude était moins ancienne de traiter les pollutions. L'objectif que nous avons pour toutes les communes de France, c'est qu'en l'an 2000, c'est-à-dire très vite, 80 % de l'eau usée des égouts soit raccordée aux stations d'épuration, alors qu'aujourd'hui, ce taux n'est que de 60 %. Un gros effort qui est plus fait depuis plus longtemps par les communes stations le long de la côte parce qu'elles ont peut-être davantage de moyens que les petites communes. Je suis élu d'un pays rural et je sais que souvent, ce sont de toutes petites communes qui ont des lieux magnifiques et qu'elles n'ont pas les moyens de créer une grande station d'épuration pour une population touristique qui vient décupler, quelquefois, la population permanente. Mais j'observe, comme ministre de l'Environnement, un mouvement général et donc des investissements beaucoup plus importants, maintenant, pour l'équipement en assainissement.
D. Rey : Pensez-vous qu'il y ait des efforts à faire pour la gestion de notre patrimoine hydraulique, et dans quel sens ?
Michel Barnier : J'en suis tout à fait sûr. La gestion de l'eau, en France, est décentralisée. Nous avons cette chance d'avoir six grandes agences de l'eau qui recouvrent les six grands bassins hydrographiques. Des comités de bassin, avec une gestion à la fois démocratique et décentralisée. Je suis convaincu, bien que le risque de sécheresse soit moins grave cette année car les nappes phréatiques se sont rechargées, même si ce n'est pas parfait : le risque de sécheresse s'éloigne. Néanmoins, ce n'est pas une raison pour ne pas continuer à faire des efforts d'économie, à la fois dans la vie quotidienne, l'arrosage, les douches, les chasses d'eau : on pourrait faire 20 à 30 % d'économie de l'eau. La gestion des villes, les nettoyages, les équipements municipaux, les espaces verts et l'industrie elle-même : il y a des efforts à faire dans l'industrie, et des efforts sont faits pour consommer moins d'eau J'ai par exemple en tête une raffinerie en Loire-Atlantique, à Donges : pour fabriquer une tonne de produits pétroliers, il y a six ans, elle consommait six mètres cubes d'eau, contre 0,33 aujourd'hui. Des progrès sont donc possibles. Comme pour l'énergie, ne baissons pas la garde sous prétexte que le prix du pétrole est moins élevé aujourd'hui ou qu'il n'y a plus de sécheresse pour cet été. Ne baissons pas la garde : il y a des efforts importants contre le gaspillage pour économiser l'énergie comme pour économiser l'eau.
D. Rey : Après la véritable marée de détritus qui a envahi les côtes de l'Atlantique et de la Manche cet hiver, vous avez envisagé la possibilité d'une réglementation à l'échelle européenne, pour la protection des côtes. Où en est le dossier ?
Michel Barnier : Il a pas mal avancé. On est toujours un peu insatisfait. J'avais demandé, durant les fêtes de Noël, au moment où, comme beaucoup, j'en avais un peu ras-le-bol de cette invasion de détonateurs, de pesticides, de produits divers sur nos plages venant de bateaux irresponsables et de ces cargaisons qui sont anonymes, j'avais demandé une réunion des ministres européens de la Mer et de l'Environnement. Elle a eu lieu, j'étais avec B. Bosson, à Bruxelles, il y a quelques jours, et nous avons obtenu des douze pays européens un renforcement de notre réglementation pour que les bateaux soient davantage contrôlés, éventuellement retenus au port quand ils ne sont pas conformes à la réglementation internationale, qu'on identifie davantage les cargaisons. Plus de bateaux irresponsables et plus de cargaisons anonymes. Nous avons connu un progrès, malheureusement grâce à ces incidents. Je regrette toujours que l'on soit obligé de réagir. Je pense, dans ce domaine comme dans d'autres en matière d'environnement, qu'il vaut mieux prévenir que d'être obligé de réparer. La réglementation européenne, la sévérisation des normes est en route et nous en avons décidé avec les douze autres ministres.
Le Quotidien : Mercredi 21 avril 1994
Le Quotidien : À quoi va servir la Commission française sur le développement durable ?
Michel Barnier : L'engagement a été pris à Rio en juin 1992 par 178 pays : promouvoir le développement durable dont les orientations sont tracées par l'Agenda 21. La Commission française du développement durable est le pendant en France de la Commission des Nations unies qui, chaque année, examinera les chapitres de l'Agenda 21. La Commission française appuiera la participation de la France à l'action internationale dans le domaine du commerce et de l'environnement, des conventions « Climat » et « Biodiversité », du fond mondial pour l'environnement, etc. Il s'agit, d'une minière plus générale, d'orienter l'action des pouvoirs publics mais aussi de mobiliser les acteurs du développement économique vers cette nouvelle voie.
Le Quotidien : Les associatifs se sentent floués. On leur avait promis 12 postes dans cette commission, ils n'en ont plus que deux. Pourquoi ?
Michel Barnier : Tout simplement parce que le nombre de membres de cette commission a été ramené de 50 à 14 ! Je vous rappelle que cette commission compte des représentants d'élus, de la communauté scientifique, du monde de l'entreprise et de l'économie, de l'enseignement. Les associations sont représentées dans cette commission par Michel Faucon, représentant français auprès des Nations unies des organisations françaises de solidarité internationale et par Patrick Legrand, président de France Nature Environnement, qui regroupe l'ensemble des associations de protection de l'environnement.
Le Quotidien : Vous semblez vous soucier du problème d'expression des Français. Que faire pour leur permettre de s'exprimer ?
Michel Barnier : Je pense en effet que le gouvernement et les élus locaux doivent être davantage à l'écoute du pays. Les turbulences liées à la loi Falloux ou au CIP et l'expérience du référendum au sein d'Air France en témoignent. Les Français sont capables d'efforts et de courage, d'accepter des mesures difficiles quand elles relèvent de l'intérêt de leur pays ou de leur entreprise, à condition qu'ils se sentent concernés et consultés. Voilà pourquoi je pense, à titre personnel, à une journée annuelle de « consultation nationale », où toutes les mairies de France seraient ouvertes. À cette occasion, le gouvernement pourrait poser aux Français une ou deux questions sur des sujets d'intérêt national mais aussi la région, le département et la commune sur des sujets d'ordre local selon les problèmes et les projets en débat. Cette idée me semble constituer une des réponses à ce besoin de participation. C'est aussi une manière de respecter le citoyen. Ce vote, qui n'aurait pas forcément valeur de décision — il ne s'agit pas d'un référendum —, pourrait aussi être l'occasion de permettre aux jeunes de 16 à 17 ans de s'exprimer. Ce pourrait être aussi l'occasion d'organiser des primaires pour les élections présidentielles. Sans doute faudra-t-il du temps à cette idée pour cheminer, mais je suis convaincu que la démocratie française a aujourd'hui besoin d'oxygène et de périodes de respiration et que le débat et le dialogue lui feraient l'économie de bon nombre de crispations et de conflits.
Le Quotidien : Vous avez lancé un débat national sur l'énergie. Il y a déjà eu un débat sur les transports qui n'a pas eu de suite. Pouvez-vous assurer que ce sera différent avec ce débat ?
Michel Barnier : Ce débat, que nous avons voulu organiser avec Gérard Longuet, ministre de l'Industrie, et François Fillon, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, répond à une volonté de transparence. Il s'agit, à travers ce grand débat national décentralisé dans les régions, d'évoquer l'ensemble des aspects de la politique énergétique de la France : les sources d'énergie et les perspectives de développement pour certaines d'entre elles comme les énergies renouvelables, la maîtrise de l'énergie, l'énergie nucléaire avec notamment la question du traitement des déchets, etc. Ce débat pourra d'ailleurs aboutir sur des mesures d'ordre législatif visant à inciter le développement des énergies renouvelables, par exemple, ou les économies d'énergie, mais encore à une loi sur la sûreté nucléaire que je crois aujourd'hui nécessaire.
Le Quotidien : La cellule de prospective, que vous avez installée au ministère, va plancher sur les transports propres. Quelles sont vos idées sur cette question ?
Michel Barnier : Il est temps de reconnaître que le progrès technique des trente dernières années, celui de la reconstruction et des trente glorieuses, celui de la voiture et de l'électroménager pour tous, ce progrès technique là est achevé. Celui qui s'annonce, plus qualitatif et moins quantitatif, suscite un engouement forcément moindre et génère moins d'emplois et moins de revenus, mais il participe à la construction d'un nouveau monde. La voiture propre est au cœur de ce débat. Des initiatives dispersées sont menées depuis longtemps mais l'État peut et doit fixer des objectifs ambitieux pour rendre visible, aux yeux de tous, la différence entre la grande époque de l'automobile, avec sa légende, ses chaînes de montage, ses autoroutes, son bruit, sa poussière et trop souvent ses morts, et celle des voitures silencieuses consommant moins d'énergie, non polluantes et moins bruyantes. Voilà pourquoi j'ai souhaité que la cellule de prospective que je viens d'installer se penche en premier lieu sur cette question. Elle travaillera aussi avec le ministère des Transports sur le meilleur équilibre entre le rail et la route pour les marchandises. Les récentes décisions que vient d'obtenir Bernard Bosson pour les TGV et le transport combiné au plan européen vont dans ce sens.
Le Quotidien : Les énergies renouvelables ont-elles vraiment un avenir ?
Michel Barnier : Je le crois réellement. Les énergies renouvelables ont souffert, dans l'euphorie des années 1970, de technologies peu fiables, de contre-références mises en place par des « bricoleurs ». Le contre-choc pétrolier a donné un coup d'arrêt définitif au développement de ces énergies. Or, aujourd'hui, la situation est très différente. Les énergies renouvelables ont atteint leur maturité technologique. J'ai pu le constater dans l'Aude avec la plus grande ferme éolienne il y a quelques jours. Elles apportent une réponse adaptée aux différentes situations climatiques, géographiques et à des préoccupations écologiques et esthétiques en montagne, pour équiper les villages ou certains départements d'outre-mer par exemple. Les énergies renouvelables aujourd'hui ne représentent que 10 % de la production d'énergie et elles représentent un marché potentiel fort qui n'a pas été encore pleinement exploité. Un exemple le marché du photovoltaïque s’accroît de 20 % d'une année sur l'autre.
Le Quotidien : Vous avez annoncé un inventaire national sur les sites industriels pollués. Où en est-on ?
Michel Barnier : Cet inventaire a été lancé le 3 décembre dernier. Dans un premier temps, notre objectif consiste à établir la liste des sites industriels connus et de les qualifier. Un questionnaire précis a été envoyé aux inspecteurs des installations classées. Les données seront collectées au cours de l'été et informatisées, et cette liste pourrait être diffusée au cours de l'automne prochain. C'est une de mes principales priorités que celle du traitement des sols contaminés. Il faut donc les recenser, les hiérarchiser et trouver les moyens de les traiter progressivement.
Le Quotidien : Vous annoncez 35 000 emplois verts en deux ans. On se rend compte ce sont essentiellement des « petits boulots ». Alors, existe-t-il vraiment des emplois verts proprement dit ?
Michel Barnier : Je ne suis pas d'accord avec l'idée des « petits boulots ». Ce sont des postes qui peuvent devenir durables et dont un bon nombre existe déjà dans des organismes publics comme l'ONF, les fédérations de chasse et de pêche, les parcs et les réserves. Dans l'environnement urbain comme dans le milieu naturel, des dizaines de milliers d'emplois sont possibles et utiles. Utiles car il s'agit de lutter contre les risques naturels et de protéger l'environnement, utiles car il s'agit de préserver la qualité de la vie. Le gouvernement souhaite encourager ces emplois. C'est pourquoi nous avons dégagé 300 millions de francs afin d'aider des projets de collectivités locales ci d'associations en faveur des emplois verts.
Le Quotidien : L'écologie politique semble mal en point en France avec les divisions entre les Verts et Génération Ecologique. Cela signifie-t-il que l'environnement est condamné dans notre pays ?
Michel Barnier : Ce n'est pas parce que les écologistes ont pris un coup sur la tête en mars 1993 et qu'aujourd'hui ils se divisent et s'affaiblissent que les problèmes d'environnement disparaissent. Je n'ai jamais cru à une certaine forme d'écologie politique. Quand leurs représentants s'y essaient, ils ressemblent aux autres. Leur force est d'être différents et de rester proches du terrain. Je reste persuadé que le dialogue est possible avec un certain nombre d'entre eux et que la prochaine élection présidentielle pourrait être l'occasion avec ceux-là d'un contrat de travail, sur la base d'un dialogue sincère. La sensibilisation à la qualité de la vie est toujours aussi forte aujourd'hui, voire plus. En effet, en période de crise, lorsque l'on est obligé de composer avec le chômage, lorsque le pouvoir d'achat est contenu, les gens supportent encore moins le bruit, la pollution ou la dégradation de leur paysage. L'environnement est donc bien un facteur d'unité sociale.