Interview de M. Philippe Vasseur, secrétaire général du PR, à RTL le 21 octobre 1993, sur la grève à Air-France, le droit de grève, le budget 1994 de l'agriculture et le GATT.

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Texte intégral

P. Caloni : Votre réaction à la grève d'Air France ?

P. Vasseur : Je constate que l'on ne pouvait pas éviter le plan de restructuration. Il s'agit de faire des économies qui portent sur plus de 5 milliards de francs, et l'argent est rare, on va le voir du reste à l'occasion des différents budgets. Je constate aujourd'hui deux choses: d'une part, qu'il faut toujours dire la vérité aux gens et on aurait peut-être dû leur dire plus tôt dans quelle situation était Air France, car on savait depuis longtemps qu'Air France était en mauvais état. Par ailleurs, il faut quand on est dans une telle situation savoir partager les sacrifices et il y a une certaine incompréhension de la part des gens qui font grève aujourd'hui parce qu'ils ont le sentiment que c'est à eux qu'on demande les efforts et que ces derniers sont mal répartis. Deuxième problème : je comprends les angoisses de ces gens mais actuellement dans notre pays, il y a des gens qui ont la possibilité de prendre des usagers en otages. Ils peuvent bloquer, paralyser, créer de fortes perturbations et ils en usent et en abusent parfois. Et puis il y en a d'autres qui se trouvent dans des situations comparables, moins nombreux, ils sont dans des entreprises moins importantes, des PME, et qui eux n'ont que le pouvoir de faire grève qui est un droit inscrit dans la Constitution qu'il ne faut pas remettre en cause et dont on ne parle jamais. Il ne faut pas abuser quand on est dans un service public, quand on a la responsabilité d'un service public, il faut réfléchir et peut-être trouver d'autres moyens que ceux qui consistent à semer une perturbation dont souffrent les usagers qui à la limite n'y sont pour rien.

P. Caloni : Vous pensez qu'il est plus facile de prendre des usagers en otages quand on appartient à un service public qu'à un domaine privé ?

P. Vasseur : Oui. Il est plus facile dans on est à la RATP, à la SNCF, dans le transport aérien de prendre les gens en otages.

P. Caloni : Que peut-on envisager pour qu'il n'y ait plus de prises d'otages ?

P. Vasseur : Je ne veux pas me lancer dans un grand dégagement qui consisterait à dire qu'il faut remettre en cause le droit de grève. Je le répète le droit de grève est un droit imprescriptible qui figure dans la Constitution. Simplement, il faut quand même que ceux qui sont dans une situation de service public aient aussi des responsabilités qui soient en regard de la notion qu'ils ont à défendre. On finit toujours en menant des actions violentes, par retourner l'opinion contre soi.

P. Caloni : Vous présentez le rapport sur le budget du ministère de l'Agriculture. C'est un bon budget ou pas ?

P. Vasseur : C'est un budget qui est en augmentation car il y a des efforts à faire. Hélas on a trouvé un trou de l'ordre de 7 milliards de frs dans les caisses, on le savait, on l'avait mesuré. Et l'augmentation du budget de l'Agriculture qui est importante, de près de 18 %, est consacrée à combler ce trou dans les caisses. Pour les dépenses hélas ! pas de progression. Je dirai tout à l'heure au ministre que c'est un budget d'attente. Il n'est pas mauvais, il pourrait être meilleur et je sais, je le dis, qu'il y aura d'autres mesures qui seront prises avant la fin de l'année. Des mesures plus fortes, plus amples, pour alléger les charges qui pèsent aujourd'hui sur l'agriculture. Car curieusement on a parlé d'alléger les charges des entreprises dans le domaine des services, de l'industrie, et on n'a pas allégé, très peu en tout cas, les charges des agriculteurs.

P. Caloni : Vous êtes pour un plan quinquennal ?

P. Vasseur : Parfaitement et je ne comprends pas que l'on n'ait pas saisi cette idée plus tôt. Je me bats pour que l'on adopte un plan de 5 ans pour l'agriculture. On ne peut pas tout faire en une seule fois. Il s'agit aujourd'hui non pas de distribuer des subventions mais de mettre en place un cadre permettant de tracer une perspective pour les agriculteurs, de leur dire : "voilà comment vous allez pouvoir travailler, voilà quel avenir on vous donne." On ne peut pas le faire sur un an, il faut le faire dans la durée. Et comme on fait des lois quinquennales pour l'emploi, pour les finances publiques, pour la justice, je ne comprends pas pourquoi on ne met pas en chantier aujourd'hui une loi quinquennale pour l'agriculture française.

P. Caloni : Dans l'état actuel des choses, faut-il signer pour le GATT ?

P. Vasseur : Il n'y a pas que l'agriculture dans le GATT contrairement à une idée un peu trop répandue. Faut-il un accord ? Oui c'est souhaitable. Il faut un accord car nous n'avons rien à gagner à un désordre du commerce mondial, une guerre commerciale. Faut-il signer n'importe quoi ? Réponse : non ! Et le compromis de Blair House, pour moi, c'est n'importe quoi. Il ne faut pas l'accepter. Cette espèce de pression américaine très forte qui est pour l'agriculture, donc pour l'espace rural français, donc pour l'aménagement du territoire, donc pour l'équilibre de notre société, quelque chose qui nous ferait un mal considérable. On ne peut pas accepter une reddition sans conditions, on ne peut pas accepter de capituler en rase-campagne et donc oui à un accord mais pas à n'importe quel accord.