Déclarations de MM. François Hollande, premier secrétaire du PS et Robert Hue, secrétaire général du PCF, dans "Le Nouvel Observateur" le 9 juillet 1998, à Europe 1 le 15 et dans "Le Parisien" le 22, sur les relations entre le PS et le PC au sein de la majorité plurielle, la politique fiscale et les mesures de régularisation des "sans-papiers".

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Média : Europe 1 - Le Nouvel Observateur - Le Parisien

Texte intégral

Le Nouvel Observateur, 9 juillet 1998

Le Nouvel Observateur : Les communistes viennent d’obliger Lionel Jospin à retirer son projet de réforme du scrutin européen. Ils accusent le PS de céder à la tentation d’« hégémonie ». Les socialistes suspectent le PCF de pratiquer le double langage. N’avez-vous pas le sentiment, l’un et l’autre, que la majorité plurielle est en train de déraper ? Ne risque-t-elle pas une crise grave ?

Robert Hue : Non, nous ne sommes pas au bord de la crise. Nous travaillons ensemble depuis un an et beaucoup de travail a été accompli. Des réformes ont été entamées conformément aux engagements pris. Il faut aborder maintenant une nouvelle étape. Il s’agit de s’attaquer à des réformes de structures. Nous devons y réfléchir ensemble. Parfois nous avons des points de vue différents. Parfois le manque de concertation provoque des blocages. Mais je ne veux pas parler de crise.

François Hollande : Nous sommes en train d’inventer un nouveau système de relations. Nous n’avions pas gouverné avec les communistes depuis près de quinze ans. Et c’était dans un tout autre contexte historique. Avec les Verts et le Mouvement des citoyens, dont l’existence est récente, nous n’avions aucune expérience gouvernementale. Qui aurait dit, lorsque nous avons signé l’accord avec les communistes, avant les élections de juin, que nous réussirons si vite à relancer la croissance, à redonner confiance aux Français, à instaurer les 35 heures, à créer autant d’emplois jeunes ? Si nous sommes plutôt populaires aujourd’hui, c’est parce que le gouvernement travaille et que le PS veille à ne pas se confondre avec le pouvoir. Nous avons un objectif, et je suis convaincu qu’il est partagé par le PCF, c’est de gouverner ensemble et dans la durée. Mais nos rapports doivent être fondés à la fois sur l’authenticité et la sincérité. Lorsque nous avons des convergences, il faut les souligner, lorsque nous avons des divergences il ne faut pas craindre de les exprimer, sans pour autant les exagérer ou les cultiver.

Le Nouvel Observateur : Le premier secrétaire du PS n’est-il pas inquiet de la propension du PCF à se démarquer du gouvernement, et plus encore de voter contre certains de ses textes ?

François Hollande : Détaillons les sujets de désaccord. Le mode de scrutin aux régionales ? Je pense, comme Robert Hue, qu’il y a eu manque de concertation. Ce qui n’a pu se faire en première lecture se réalisera en seconde lecture. Les propositions de Robert Hue sur la fiscalité ? J’ai toujours dit qu’en les formulant il était dans son rôle. Mais j’ai ajouté qu’il n’obtiendrait pas forcément satisfaction en totalité. Il est normal que les diverses composantes de la majorité plurielle fassent des propositions, mais encore faut-il que celles-ci s’inscrivent dans la logique de ce que fait le gouvernement. Soyons clairs : je ne me satisfais pas des votes négatifs de notre partenaire communiste, et je ne souhaite pas que s’installe une solidarité partielle sur laquelle on ne peut rien construire de solide.

Robert Hue : Je ne m’en satisfais pas non plus. J’ajoute qu’il pourrait y avoir un petit danger pour nous-mêmes : c’est la banalisation. Si l’on pouvait dire : « Les communistes sont contre tel ou tel projet, mais peu importe, le gouvernement n’en tient pas compte et poursuit sa route comme si de rien n’était », ce n’est pas ce que nous voulons.

François Hollande : Ce serait préjudiciable pour ceux-là mêmes qui se livreraient à un tel jeu. Comment faire comprendre aux militants et aux électeurs que l’on participe à un gouvernement sans voter ses textes ? Comment convaincre ceux qui à gauche doutent encore, si on cède trop souvent aux arguments de ceux qui à l’extrême gauche parient en fait sur notre échec ?

Robert Hue : Pas si simple. Car en même temps il faut nécessairement s’interroger : pourquoi un vote négatif ? Est-ce que les textes du gouvernement correspondent bien à l’esprit de ce qu’ont été les engagements communs ? Entendons-nous bien : si je fais des propositions, par exemple sur la réforme fiscale, ce n’est pas pour me démarquer, pour imprimer à toute force la marque communiste. Je ne pose pas le problème en termes de revendication par rapport au PS. Je m’efforce d’apporter ma pierre à l’édifice, voilà tout.

Le Nouvel Observateur : Mais le PS à vos yeux reste hégémonique !

Robert Hue : Le risque d’hégémonie existe. Nous l’avons rencontré lors de l’expérience gouvernementale de 1981 à 1984 ! Le parti dominant a naturellement tendance à imposer ses vues. Et puis il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles la gauche est arrivée à la direction des affaires du pays. Soyons francs : nous ne nous attendions pas à une victoire aussi nette et aussi rapide. Nous avions beaucoup travaillé ensemble dans l’opposition. Mais l’on sait que notre débat d’idées n’était pas achevé, loin s’en faut. Je pense notamment à l’Europe, où les divergences subsistaient.

Exergue : « Hue : le risque d’hégémonie du PS existe. Hollande : Ce n’est pas parce qu’on est le plus petit qu’on a forcément raison. »

Le Nouvel Observateur : Autrement dit, la déclaration commune n’ayant pas tranché sur plusieurs dossiers importants, le peuple n’aurait pas choisi…

François Hollande : Le peuple a tranché une orientation générale, celle que proposaient Lionel Jospin et le PS… dans un esprit d’union. Mais Robert a raison sur un point : même si les électeurs se sont prononcés comme l’on sait l’année dernière, il reste que nous affrontons des problèmes nouveaux à bien des égards. La façon de construire l’Europe après l’euro ne pouvait pas être arrêtée au mois de juin 1997 puisqu’il n’y avait pas l’euro. Il faut donc que nous élaborions ensemble la nouvelle politique européenne de la France. Jospin a inventé une méthode assez nouvelle, qui consiste à définir des orientations non pas en fonction du poids politique ou des attributions ministérielles de chacun, mais en fonction d’une délibération collective. Je crois sincèrement que le PS est guéri de toute culture hégémonique, mais une rechute est toujours possible ! Nous sommes donc très attentifs aux reproches de nos alliés… même si nous les considérons parfois infondés.

Le Nouvel Observateur : Est-ce que vous vous dites parfois : si on avait davantage écouté le PCF ou les Verts, on aurait évité telle ou telle erreur ?

François Hollande : Je me dis que peut-être aussi le gouvernement n’a-t-il pas assez entendu le PS ! Car la conception que j’en ai est précisément d’en faire un acteur de plein exercice, avec ses propositions et son autonomie de réflexion. J’ai le sentiment, lors du mouvement des chômeurs ou du texte sur l’exclusion, que le PS et ses parlementaires avaient fait davantage bouger les choses que ses partenaires, qui se sont surtout définis comme des relais du mouvement social plutôt que comme partie prenante du gouvernement.
À chaque fois nous essayons de prendre en compte les propositions de nos alliés… et la réalité. Il faut donc que ces propositions soient cohérentes avec ce que nous construisons, sinon elles n’ont pas de sens. Celles des Verts et de certains élus communistes sur les sans-papiers sont en contradiction avec la loi Chevènement déjà votée. On peut intervenir comme les socialistes l’ont déjà fait pour faciliter les recours, réétudier un certain nombre de dossiers, éviter des jurisprudences contradictoires. Mais au-delà, on n’est plus en cohérence avec la loi. Nous avons voulu, nous socialistes, une majorité plurielle. Chacun peut et doit s’exprimer, mais ce n’est pas parce qu’on est le plus petit qu’on a forcément raison.

Robert Hue : Je le redis : nous nous inscrivons dans la durée, et nous n’aspirons pas à jouer simplement un rôle d’aiguillon. D’accord avec François, il faut prendre en compte les résultats des élections. Mais je nuancerai l’idée que les Français ont tranché en faveur des orientations de Jospin et du PS. Au premier tour, nous avons certes affirmé nos positions respectives. Mais au second, les candidats communistes ont été élus avec les voix des électeurs socialistes et inversement. Ce n’est pas seulement un homme, Jospin, et un parti, le PS, qui ont gagné, mais une majorité et un programme pluriels. Il ne faut pas l’oublier : sans cette pluralité allant jusqu’au gouvernement, il n’y aurait pas de majorité à gauche. J’ajouterais que si le suffrage universel s’impose à tous, il ne règle pas une fois pour toutes tous les problèmes de la société. Il y a aussi le mouvement social, qui à un moment donné impose d’autres rapports de force.

François Hollande : Deux remarques sur ce que vient de dire Robert : d’abord il a raison de souligner que les députés PS n’ont pas été élus uniquement avec des voix socialistes, et ceux du PC avec les seules voix communistes. Tous ont gagné grâce au rassemblement des électeurs de gauche, au second tour. Ne l’oublions pas. Pour ce qui concerne le mouvement social, je le respecte. Il faut l’entendre, sinon on risque d’affronter de sérieuses difficultés. L’entendre, mais pas forcément s’y soumettre. Le devoir du politique est de défendre l’intérêt général, et par définition le mouvement social incarne des intérêts particuliers.

Le Nouvel Observateur : En écoutant Robert Hue, on a l’impression que le PCF joue parfois sur les deux tableaux. Il évoque la gauche plurielle, ce qui lui permet d’une certaine façon d’éviter la question du rapport de force avec le PS. Et en même temps il affirme être le relais du mouvement social. Une manière de dire : les socialistes gouvernent, et nous défendons les intérêts des travailleurs…

Robert Hue : « Un pied dehors et un pied dedans » ? Non, ce n’est pas notre position.

Le Nouvel Observateur : Même quand le PC vote contre les textes du gouvernement et pratique la participation sans soutien ?

Robert Hue : Je souhaite que le maximum de lois, la totalité si c’est possible, soient votées en commun après avoir été élaborées ensemble. Un vote négatif pourrait être un vote de crise, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ne tournons pas autour du pot : derrière chaque difficulté il y a des différences, voire des divergences politiques, et je dirais que c’est normal : nous n’avons pas la même histoire, nous ne sommes pas identiques et nous ne voulons pas l’être. Nous voulons seulement travailler ensemble. Les communistes souhaitent être un relais, un trait d’union entre le gouvernement et le monde du travail, le mouvement social dans la diversité. Ils n’ont pas le monopole de ce rôle, mais ils ont quand même une originalité, une sensibilité historique, un rapport avec le mouvement social qui sont non seulement utiles mais nécessaires à la gauche plurielle. Prenez l’exemple de l’ISF. Il est dans notre rôle de montrer que la gauche ne doit pas céder aux pressions des milieux patronaux et des grandes fortunes. En même temps, et c’est quelque chose de nouveau, nous sommes les auteurs de propositions très réalistes. C’est ce qui fait l’originalité du PCF et de la gauche française : nous sommes actuellement le seul pays d’Europe où les communistes sont au gouvernement avec les socialistes.

François Hollande : Dès lors que nous élaborons ensemble les textes du gouvernement, nous devons veiller à ce qu’ils soient votés. Je ne veux pas que s’installe l’idée d’une majorité plurielle à éclipse.

Robert Hue : Mais pour que les textes du gouvernement soient adoptés par toute la majorité, il faut qu’avant ils soient discutés par toute la majorité !

François Hollande : Les projets de loi sont par définition ceux de tout le gouvernement. Ils donnent toujours lieu à un débat collectif en son sein.

Le Nouvel Observateur : Robert Hue, qu’est-ce qui pourrait pousser le PC à quitter le gouvernement ?

Robert Hue : Je refuse de m’inscrire dans cette hypothèse. Moi je veux la durée. Si demain nous avons un différend grave avec nos partenaires, nous en discuterons ensemble. Il faut bien comprendre qu’après les élections deux événements se sont produits : le PS a décidé de constituer une majorité avec d’autres forces de gauche ; et le PC a décidé, lui, de participer au gouvernement de la France avec les socialistes. Ces deux événements sont fondamentaux pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui : des confrontations parfois rudes entre partenaires, mais en même temps la volonté de poursuivre la route ensemble.

François Hollande : Le troisième événement, c’est que les Français ont ratifié nos choix respectifs. On aurait pu penser que l’opinion ne comprendrait pas l’attitude des socialistes désirant, à la fin du XXe siècle, gouverner avec d’autres : communistes, Verts, radicaux ou Mouvement des citoyens. On aurait pu constater notamment dans l’électorat communiste des réticences ou des rejets. Eh bien non ! L’électorat, à gauche et au-delà, a ratifié notre volonté commune.

Le Nouvel Observateur : François Hollande, pour les socialistes qu’est-ce qui serait inacceptable, qu’est-ce qui pourrait créer une rupture de la majorité plurielle ?

François Hollande : Que les communistes retrouvent les vieux réflexes. C’est-à-dire qu’ils ne comprennent pas que nous avons changé de période. Nous ne sommes plus dans un rapport de force où les socialistes gouvernent avec un passager dormant mais hostile, qui est le PCF. Désormais, nous voulons les uns et les autres transformer ce pays et gouverner dans la durée. Donc nous sommes amenés à inventer, ce qui ne veut pas dire improviser, mais au contraire se fixer des règles et les respecter, adopter un rythme et s’y tenir. Nous avons une obligation de résultat. Ou bien nous réussirons ensemble, et ce sera bon pour tous les partenaires de la coalition. Ou bien nous échouerons ensemble, ensemble, et personne ne pourra profiter de la défaite générale.

Le Nouvel Observateur : François Hollande dit : nous avons adopté le bon rythme, et Robert Hue affirme : il faut accélérer... N’est-ce pas un de vos principaux désaccords ?

Robert Hue : Appuyer sur la pédale d’accélérateur, ce n’est pas marquer un désaccord ! François Hollande a raison de dire que les Français ont souhaité un gouvernement pluriel et qu’ils ne veulent pas d’incohérence, mais je crois aussi qu’ils veulent entendre la musique de chacun. Je pense que les gens sont satisfaits de notre action, ils sont conscients de l’évolution du chômage, approuvent la création des emplois-jeunes, la loi sur l’exclusion, mais en même temps il y a chez eux une forte attente. Ceux que je rencontre dans mes permanences me disent souvent : « Je voudrais maintenant voir quelque chose de plus concret, qui améliore mon existence quotidienne. » Pour répondre à cette attente, il faut utiliser davantage les fruits de la croissance, donner un nouvel élan économique et social par une augmentation sensible du pouvoir d’achat, relancer par la consommation beaucoup plus qu’on ne le fait. Et je suis un peu inquiet, je le dis, parce que nos choix européens peuvent conduire, en France, à des choix économiques et sociaux qui s’éloigneraient de nos engagements.

Le Nouvel Observateur : La construction européenne induit-elle une politique libérale ?

François Hollande : Non. Un grand marché et une monnaie unique justifient plus que jamais une régulation politique. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que le pacte de stabilité nous contraigne. Sans lui, la politique budgétaire ne serait pas si différente !

Robert Hue : Ce qui nous contraint aujourd’hui, c’est qu’en Europe la préoccupation sociale ne domine pas, c’est le moins qu’on puisse dire. Paradoxalement, au moment où les partis sociaux-démocrates gouvernent ou vont gouverner dans la quasi-totalité des pays européens, le libéralisme gagne encore du terrain. Ce qui devrait poser un problème identitaire aux socialistes, dont l’expérience au pouvoir a parfois conduit à des pratiques libérales. En France, et je m’en félicite, le Premier ministre et le PS défendent l’Europe sociale. Et le PCF est là pour aider à ce que le gouvernail reste bien à gauche.

François Hollande : La social-démocratie vit en effet une période assez exceptionnelle, surtout si en septembre le SPD gagne en Allemagne. Nous en tirons une légitime fierté, mais cela nous crée aussi une lourde responsabilité. Si nous échouons, nous ne pourrons pas dire : c’est la faute aux libéraux ! Je crois que tous les sociaux-démocrates au pouvoir en ont pris conscience. Mais pour le moment les socialistes gouvernent les pays d’Europe, ils ne gouvernent pas encore l’Europe. Il ne suffit pas d’avoir la charge d’un pays, voire de douze sur quinze, pour avoir la maîtrise de l’Europe. Les socialistes doivent être beaucoup plus ambitieux et donner un cours différent aux affaires européennes. Avec les élections de Tony Blair et de Lionel Jospin, la construction européenne a déjà été réorientée. Mais je ne veux pas ici dégager la responsabilité des sociaux-démocrates. J’accepte l’interpellation de Robert Hue. Je lui rappelle seulement que d’autres régimes ont connu des déconvenues autrement plus cruelles.

Robert Hue : Je connais les déconvenues d’un modèle de pensée avec lequel nous avons totalement rompu. Je n’en pense pas moins que certaines expériences sociales-démocrates ont conduit à des choix éloignés d’un socialisme qui se voulait un dépassement du capitalisme. Il faut effectivement que des mutations se poursuivent au Parti communiste. Mais je pense que la question est posée aussi aux sociaux-démocrates, afin qu’on ne tombe pas dans un social-libéralisme pas si éloigné de l’ultralibéralisme.

Le Nouvel Observateur : Les socialistes français ne sont-ils pas eux­mêmes isolés au sein du mouvement social-démocrate européen ?

François Hollande : Non, et ce serait d’ailleurs une erreur de se mettre, y compris pour donner à la social-démocratie une autre dynamique, en marge...

Robert Hue : L’expérience française est aujourd’hui largement regardée. Pour la réduction du temps de travail, elle a donné le ton. L’automne dernier, les 35 heures ont contribué à trouver une issue à la crise italienne. En Espagne, le débat est ouvert. Toute une série de mouvements, en Europe, s’inspirent de notre démarche sociale. Ce qui se passe en France interpelle nos partenaires européens. Quand on dit que le SPD pourrait établir l’impôt sur la fortune en Allemagne s’il gagne les prochaines élections, ça me semble aller dans le bon sens.

François Hollande : Et il n’a pas besoin d’avoir un Robert Hue à son côté, donc c’est un sacré progrès de sa part ! La gauche française, le Parti socialiste en premier, doit faire bouger la gauche européenne. Encore faut-il ne pas être arrogant, ne pas penser que nous avons raison et que les autres ont tort. Il y a des idées, parfois assez originales, à prendre chez Blair : ne soyons pas enfermés dans une fausse vision de la Grande-Bretagne. Regardons aussi ce qui se passe en Italie, ce qui se passera demain, je l’espère, en Allemagne. Ou ce qui se construit dans les pays scandinaves, qui font beaucoup mieux que nous en matière de protection sociale ou de formation des adultes. Si nous jouons notre rôle en Europe, nous pouvons être très influents. Depuis un an, modestement, nous avons contribué à réhabiliter le politique. Nous avons montré qu’il était possible de changer la réalité autrement que dans les convulsions.

Le Nouvel Observateur : D’un mot, Robert Hue, si vous aviez un conseil à donner à François Hollande...

Robert Hue : Je n’aime pas donner de conseils. Nous avançons ensemble – avec le PS, le Premier ministre, la majorité plurielle – pour que les engagements pris en commun soient respectés. Mais puisque le PS est en position dominante dans cette majorité, il a des responsabilités particulières pour que soient maintenant créées les conditions du changement qu’attendent les Français. Il faut donner des signes forts, prendre des dispositions qui libèrent la société française des forces de l’argent.

Le Nouvel Observateur : Et vous, François Hollande ? Sans tomber dans la tentation hégémonique, quel conseil donneriez-vous au Parti communiste et à Robert Hue ?

François Hollande : C’est non pas d’être unitaire – je crois que Robert Hue l’est –, non pas d’être sincère – je ne doute pas de la sincérité de l’engagement des communistes –, mais de veiller à rester dans la cohérence d'une action gouvernementale qu’ils approuvent globalement.

François Hollande - Europe 1 – mercredi 15 juillet 1998

 

Europe 1 : Le chef du parti le plus puissant de la majorité plurielle et la langue bien pendue la plus libre. Bonjour François Hollande. Le Tour de France arrive après-demain chez vous en Corrèze. On avait envie de continuer la fête du Mondial. Les langues se délient. On a entendu tout à l’heure Cyrille Guimard. On découvre l’ampleur du dopage dans le vélo. Qu’est-ce que vous en pensez ?

 

François Hollande : Qu’il faut sortir de l’hypocrisie, pas simplement dans le vélo d’ailleurs. Dans un certain nombre de sports, il y a des substances qui sont utilisées et tolérées. Ou on est très rigoureux et il faut l’être partout et pour tous, ou alors on considère que les parcours sont difficiles, très difficiles, les exploits très durs à réaliser et à ce moment-là il faut être beaucoup plus souple. Ma position est que, si on veut que ça soit un spectacle, si on veut que le sport soit en adhésion avec la population, il faut être sévère, rigoureux, dur donc, mais il faut que la règle soit claire et qu’il n’y ait pas de tolérance. Il y a eu, depuis de trop longues années, trop de tolérance.

Europe 1 : Jean-Claude Killy disait ici avant-hier qu’il voulait la vérité, que même il était prêt à des sanctions contre qui le mérite, allant jusqu’à l’exclusion de médecins, de soigneurs, de coureurs ou d’équipes de coureurs s’il le fallait. Est-ce que vous demandez que l’enquête aille vite ?

François Hollande : Oui, il faut qu’elle aille vite bien entendu, c’est l’intérêt même de la course, mais en même temps je ne voudrais pas qu’il y ait une suspicion sur le Tour parce que ce serait illégitime, et puis, deuxièmement, qu’il y ait une espèce de procès qui soit fait avant que tout ait été véritablement établi. Donc moi je souhaite qu’il y ait une justice sereine pour le cyclisme comme pour le reste, c’est-à-dire qu’on évite les jugements trop rapides aussi.

Europe 1 : Vous avez trouvé le président excellent, puisque, selon vous, il a reconnu les mérites et les succès du gouvernement Jospin… ?

François Hollande : Non, n’allons pas trop vite…

Europe 1 : Vous l’avez trouvé bon ?

François Hollande : C’est lui qui nous a trouvés excellents. Ne jugez pas…

Europe 1 : Mais j’ai trouvé que dans cette période de modestie, M. Hollande jouait un peu les fanfarons, non, après, comme commentaire ?

François Hollande : Ce n’est pas quand même ordinaire qu’un président de la République sous une cohabitation, qui généralement joue le rôle de chef de l’opposition, dise du bien du gouvernement. Je ne pouvais bouder mon plaisir. Donc j’ai dit, bravo à l’équipe de France, elle a eu tous les mérites et en plus, elle nous a permis d’avoir un 14 juillet exceptionnel, c’est-à-dire un Jacques Chirac qui disait du bien du gouvernement de Lionel Jospin et qui sommait ses propres amis d’être plus en harmonie avec lui-même et qui même tançait Édouard Balladur. Écoutez, trop, c’était manifestement un contentement que je ne pouvais pas garder pour moi-même.

Europe 1 : Mais est-ce que vous pouvez reconnaître qu’un président qui se garde de sectarisme, de chauvinisme de clan, qui n’est ni de gauche ni de droite, c’est un bon président ?

François Hollande : D’abord, il n’a pas dit qu’il n’était pas de droite, il a même demandé que l’opposition soit derrière lui, que c’était normal que les siens soient avec lui, c’est un peu normal. Donc je ne l’ai pas trouvé, là, hors de la vie politique. Mais j’ai pensé qu’il était bon pour un 14 juillet, avec ce qui s’était passé depuis plusieurs jours, ce qui allait se passer encore pour plusieurs jours, que l’on ait peut-être une trêve et que lui-même a pensé que la lucidité méritait d’être saluée, que ce qu’avait fait le gouvernement depuis un an devait l’amener à nuancer le jugement qu’il avait exprimé le 14 juillet dernier.

Europe 1 : Mais c’est extraordinaire : une équipe nationale qui gagne le Mondial, un président acteur dans la durée, un Premier ministre de qualité. Les Français ont toutes les chances, ils sont bénis. Je ne sais pas combien de temps ça va durer ?

François Hollande : Je crois que ce qui est bien, c’est que les Français soient heureux. C’est quand même un enthousiasme qu’on n’a pas vu depuis très longtemps. Deuxièmement, c’est bien que les Français aient confiance en eux, soient devenus plus fiers. Je crois que ça serait tout à fait utile, même sur le plan économique. Et enfin c’est bien qu’on ait un modèle d’intégration qui fonctionne comme il fonctionne. J’ai été très frappé par la presse étrangère, plus que par la presse française, pardonnez-moi : la presse étrangère, notamment la presse allemande a dit quand même, c’est terrible, notre modèle d’intégration, nous en Allemagne, il fonctionne quand même moins bien qu’en France. C’est quand même bien qu’il y ait une équipe comme ça, plurielle, alors qu’en Allemagne il n’y a que des blancs – si je peux m’exprimer ainsi – alors qu’il y a quand même beaucoup de Turcs et beaucoup de maghrébins qui vivent en Allemagne…

Europe 1 : C’est formidable…

François Hollande : Oui, je crois que ça mérite aussi d’être…

Europe 1 : Mais il y a des sans-papiers qui demandent d’être régularisés, qui vous demandent un geste. Est-ce que vous allez le faire ?

François Hollande : Nous avons fait le geste qui convenait…

Europe 1 : Vous n’en ferez pas davantage ?

François Hollande : Nous n’en ferons pas davantage, sauf s’il y a démonstration que les recours n’ont pas été étudiés comme il convenait.

Europe 1 : Encore sur ce climat, on n’est pas en train de donner dans l’unanimisme ou dans la cohabitation chewing-gum, dans le consensus chewing-gum ?

François Hollande : Je crois que les Français ne demandent pas le consensus. Ils demandent qu’il y ait un pays conscient de ses forces, utile aux autres et capable de se surpasser. Ils ne demandent pas que s’effacent les frontières naturelles entre les familles politiques.

Europe 1 : Et la gauche croit que ça peut durer comme ça quatre ans ?

François Hollande : Cela dépend de nous. Il faut que l’on travaille, que l’on soit solidaire, que l’on réussisse, que l’on donne une perspective, un enthousiasme. Il faut que l’on soit à l’image de ce qu’est le pays, c’est-à-dire qu’il faut que l’on soit enthousiaste pour entraîner. Il faut que l’on soit cohérent pour donner une perspective et puis aussi il faut qu’on intègre tous ceux qui sont encore loin du compte. Parce que, dans ce climat d’euphorie, il y a les problèmes qui demeurent.

Europe 1 : Et quand vous dites « nous », vous voulez dire la majorité, Lionel Jospin, Jacques Chirac ?

François Hollande : Tous ceux qui sont en charge de la responsabilité du pays. Aujourd’hui, c’est davantage la gauche, même si le Président de la République est de droite. Mais tous ceux qui ont une once de décision dans ce pays doivent être à l’unisson de ce qui s’est passé.

Europe 1 : Jacques Chirac s’est tout de même démarqué hier. Il l’a fait d’en haut, l’Élysée, une certaine leçon en douceur. Il a demandé, par exemple, que soit réduite la pression fiscale. Dans une semaine, le gouvernement Jospin va présenter son budget 99. Quelles baisses d’impôt le PS vous réclame-t-il ?

François Hollande : Moi je souhaite qu’il y ait des baisses d’impôt. Il ne sera pas facile d’en réaliser, mais je souhaite qu’il y en ait. Il y a eu trop de hausses d’impôt et notamment sous les gouvernements Juppé et Balladur et surtout sur la TVA. Voilà pourquoi, au nom du Parti socialiste, je souhaite que la TVA soit baissée sur un certain nombre de produits.

Europe 1 : Vous souhaitez, c’est-à-dire qu’il y aura une baisse de la TVA ? Vous serez écouté ?

François Hollande : J’espère que je serai écouté. Mais je fais mon travail de responsable politique et j’indique que ce qui doit baisser, ce sont les impôts que paient tous les Français. Et qu’à partir de là, c’est la TVA qui doit faire l’objet de la priorité en matière de baisse d’impôt. Pas de TVA sur tous les produits, TVA sur certains produits…

Europe 1 : Par exemple ?

François Hollande : Sur l’énergie, parce que l’on sait très bien que les coûts d’abonnement à EDF sont élevés, mais j’indique aussi que je souhaite une baisse de TVA sur les produits de la restauration, des cafés parce que vous voyez, dans l’enthousiasme général, je crois qu’il est bon aussi que ceux qui peuvent se payer de temps en temps un certain nombre de sorties puissent le faire. Et ça fait partie, je crois, de ce qui doit être une priorité en termes de consommation populaire.

Europe 1 : On a cru comprendre que les biens professionnels ne seraient pas assujettis à l’impôt sur la fortune. Cela ne convient pas à Robert Hue. Il l’a répété hier à l’Élysée d’ailleurs. Comment cet ISF rapportera-t-il davantage ?

François Hollande : Nous, ce que nous souhaitons, c’est que les plus grosses fortunes soient appelées à davantage de solidarité et donc à davantage de contribution. On sait que cet impôt sur la fortune ne rapporte que 10 milliards de francs. C’est quand même très peu par rapport à une masse d’impôts de 1 400 milliards. Il est possible de lui donner plus de rendement, notamment en évitant qu’échappe à l’impôt sur la fortune un certain nombre de grands patrimoines qui utilisent les évasions classiques en termes de fortune…

Europe 1 : Et ça rapporterait combien de plus ?

François Hollande : Je souhaite que l’impôt sur la fortune augmente au moins d’un tiers, de façon à ce que justement on puisse baisser la TVA sur certains produits. Vous voyez qu’il y a une logique : il ne s’agit pas d’augmenter les impôts pour punir ceux qui ont le plus ; il s’agit d’augmenter les impôts des plus grandes fortunes pour que le plus grand nombre de Français bénéficient de baisses d’impôt.

Europe 1 : Alors vous-même et beaucoup dans le Parti socialiste étaient partisans d’inclure les biens professionnels dans l’ISF. Vous appliquez la décision-consigne de Lionel Jospin. Est-ce que ça veut dire que quand on est le parti de la majorité, on est tenu de marcher au pas, même si c’est avec des mocassins ?

François Hollande : Des mocassins, ça va plus vite…

Europe 1 : C’est élégant.

François Hollande : Oui, plus que des pataugas. Mais donc il ne s’agit pas de suivre nécessairement ce que fait le gouvernement. Il s’agit d’être utile. Moi, ce que j’ai souhaité au nom du Parti socialiste, c’est qu’il y ait davantage d’impôt sur la fortune. Si ça peut se faire avec la base actuelle, l’assiette actuelle, sans effaroucher certaines entreprises qui pourraient éventuellement en prendre ombrage, si on élargissait aux biens professionnels, je suis d’accord, mais à condition que cela rapporte plus. Et c’est pourquoi je me suis rallié à cette solution-là car techniquement l’impôt sur la fortune aurait davantage d’efficacité s’il avait une assiette large. Mais si c’est pour faire des exonérations, des abattements, des dérogations, cela ne rapporte plus rien. Donc je préfère que l’impôt sur la fortune ait du rendement.

Europe 1 : Et les œuvres d’art ?

François Hollande : Les œuvres d’art, il ne s’agit pas là aussi d’avoir un débat théologique ou théorique. Lorsqu’il y a un certain nombre de patrimoines qui sont placés en œuvres d’art. Il faut en prendre une forfaitisation pour que ce soit intégré de façon raisonnable dans le calcul de l’impôt. Je suis aussi favorable, je vous le dis, à ce qu’il y ait un impôt sur les plus-values, car je préfère que l’on prenne en compte l’enrichissement rapide. Il n’est pas normal que ceux qui ont fait une plus-value dans un délai très court, quelques jours, aient le même taux d’imposition que ceux qui ont fait une plus-value alors qu’ils avaient acheté leurs titres il y a deux, trois ans, voire davantage. Je pense qu’il est très important de saisir ce qui est l’enrichissement rapide.

Europe 1 : On est obligé d’aller vite. Hier le Président de la République vous a fait quelques petits reproches sur les 35 heures, la politique familiale…

François Hollande : Je me dis que c’est une ambition légitime. Vous n’allez pas le chicaner là-dessus ?

Europe 1 : Non, les sans-papiers, etc. Mais il a rejeté le mandat présidentiel, si on l’a bien compris, de cinq ans. Cinq ans, c’est le régime à l’américaine. Nous sommes Français. Cinq ans dit-il, c’est la quatrième République parlementaire, paralysée, etc. Vous à gauche, est-ce que vous ferez la campagne pour les cinq ans ?

François Hollande : Nous, nous sommes en faveur de la réduction de tous les mandats à cinq ans, y compris le mandat présidentiel. Je ne crois pas qu’il y ait là de crainte à avoir, de réticence à avoir. La modernisation de la vie politique, c’est aussi revenir plus souvent devant l’électeur pour rendre compte de son mandat.

Europe 1 : Chaque camp va réfléchir, sans doute pour l’avenir, à ce qu’a symbolisé le Mondial. Qu’est-ce que vous en retirez déjà et est-ce qu’il y aura des prolongements pour capter toute l’énergie et la vitalité des Français qui s’est exprimée et qui demande aux politiques d’agir en en tenant compte ?

François Hollande : Le Mondial a mobilisé toute la jeunesse de ce pays, garçons et filles, et je crois que si on a une leçon à retenir, c’est qu’il faut tout faire pour que la jeunesse de ce pays soit fière de son avenir, fière de ce qu’elle est, et donc ait sa place dans la société. Elle ne l’a pas suffisamment.

François Hollande - Le Parisien, 22 juillet 1998

Le Parisien : Aujourd’hui, les « clignotants » économiques sont au vert. Or, on a l’impression que les grandes réformes, à peine évoquées, sont abandonnées…

François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste : Si vous faites allusion à la discussion sur l’ISF (impôt sur la grande fortune), je vous rappelle que cet impôt ne rapporte que 10 milliards de francs par an, et que l’intégration de l’outil de travail exigerait tellement d’exonérations qu’elle ne rapporterait que peu de choses. Bref, élargir l’ISF aux biens professionnels n’aurait qu’une portée symbolique. Je préfère donc accroître son rendement. Plus généralement, je crois que le gouvernement n’a nullement mis ses ambitions entre parenthèses. Regardez le prochain budget : la baisse de la taxe d’habitation pour les plus modestes, l’allègement de la taxe professionnelle en faveur de l’emploi : cela va corriger deux impôts injustes et inefficaces. De même, baisser la TVA et durcir l’ISF… Comment dire, alors, que ce n’est pas une réforme d’envergure !

Le Parisien : Allez-vous baisser l’impôt sur le revenu ?

François Hollande : Alain Juppé, qui n’est pas un modèle de flair politique, avait choisi de baisser cet impôt, qui n’est payé que par la moitié des Français. Ma priorité, c’est d’alléger des impôts que paient tous les Français, comme la TVA. C’est bon pour la justice sociale et c’est utile économiquement pour une relance de la consommation.

Le Parisien : Six mois après le vote de la loi Chevènement, l’immigration reste une épine dans le pied du gouvernement…

François Hollande : Ce qui fait la noblesse de la politique, c’est de respecter les principes que I’on a soi-même édictés. Nous avons défini des critères pour accorder la régularisation : c’est une base juridique qui s’impose à tous. Nous devons simplement veiller à ce qu’il y ait unité de jurisprudence, bref à ce que les gens soient traités de la même manière, à situation équivalente où qu’ils soient sur le territoire.

Le Parisien : Charles Pasqua a surpris tout le monde en se déclarant favorable à la régularisation de tous les sans-papiers. Et les sondages montrent que la moitié des Français y seraient favorable. Le gouvernement ne va-t-il pas devoir évoluer ?

François Hollande : C’est Charles Pasqua qui, avec ses lois de 1993, a créé des dizaines de milliers de sans-papiers. C’est lui qui, avec Jean-Louis Debré, a encore durci les conditions de circulation des étrangers et c’est l’honneur de ce gouvernement que d’avoir régularisé aujourd’hui plus de 70 000 personnes pour qu’elles puissent vivre auprès de leurs familles. Aujourd’hui, pressé par le remords et ébloui par la Coupe du monde, Charles Pasqua voudrait régulariser tous ceux qui en ont fait la demande même s’ils n’ont aucun droit à faire valoir. Curieuse conception de la règle républicaine ! À moins qu’il n’ait voulu faire un coup ! Mais il visait alors davantage le Président de la République que le Premier ministre. En tout cas, sa déclaration justifie s’il en était besoin la nécessité de régulariser ceux qui avaient été jetés dans la clandestinité par les lois… Pasqua.

Le Parisien : On dit que vous n’avez guère envie d’être tête de liste aux élections européennes. Avez-vous en tête les mésaventures européennes de Michel Rocard ?

François Hollande : Non. Un principe guide mon action : il faut régler les problèmes en leur temps. Ni trop tôt ni trop tard. Nous ferons cette désignation début 1999, pour ne pas lasser les Français avec une campagne trop longue. Mais ce scrutin ne m’inquiète pas. Jamais les socialistes européens n’auront été aussi nombreux aux responsabilités au sein de l’Union. Ce ne sera pas très compliqué d’expliquer aux Français qu’il faut que nous soyons en phase au niveau européen afin de mettre vraiment les priorités en faveur de la croissance, de l’emploi et du respect des normes sociales.

Le Parisien : Comment voyez-vous l’opposition ?

François Hollande : La droite aujourd’hui n’est plus capable de résister à ses tentations. Les accords entre la droite et le FN se multiplient. Démocratie libérale va bientôt accueillir Soissons et Blanc dans ses rangs. Et Philippe Séguin n’a plus l’autorité pour arrêter cela. Déboussolée, la droite a inventé un nouveau concept : l’opposition s’oppose. Mais à quoi ? Elle s’est opposée à la réforme du mode de scrutin, à la réforme de la justice, et elle a même trouvé des gens dans ses rangs pour s’opposer à la révision constitutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie ! Si le rêve de l’opposition, c’est de s’opposer, elle risque de le faire très longtemps !

Le Parisien : Le Président de la République a reconquis une cote de popularité très haute…

François Hollande : Ne vous leurrez pas. Lionel Jospin est populaire parce qu’il gouverne et Jacques Chirac l’est… parce qu’il ne gouverne pas.