Interview de M. Luc Guyau, président de la FNSEA et du COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union), dans "La Tribune" du 19 mars 1998, sur son opposition à la réforme de la PAC.

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« La Tribune » - Les propositions de la Commission de Bruxelles permettent-elles d’assurer, selon vous, « le développement du modèle actuel d’agriculture européenne » ?

Luc Guyau : « Je ne crois pas qu’elles correspondent à cet objectif fixé par les chefs d’État ou de gouvernement des Quinze lors du dernier sommet européen, en décembre à Luxembourg. Car elles ne peuvent pas assurer de revenu à un nombre suffisant d’agriculteurs permettant de maintenir l’équilibre entre les produits et les territoires. Avec un tel projet, fondé sur la baisse systématique des prix partiellement compensée, nous irons de restructuration en restructuration, d’agrandissement en agrandissement des exploitations. Dans trois ou quatre ans, on pourra bien sûr rétorquer que les agriculteurs ont toujours un revenu. Mais, entre-temps, beaucoup d’exploitations auront disparu. Le type d’agriculture liant les hommes, les produits et les territoires, que nous défendons au niveau européen, ne peut pas exister s’il n’y a pas un minimum de mécanismes de régulation. »

« La Tribune » - Pouvait-on envisager un autre type de réforme dans la perspective de l’élargissement de l’Union européenne à l’Est ?

- « Nous n’avons jamais nié la nécessité d’ajuster la politique agricole commune. Mais il ne faut pas imposer le même modèle pour toutes les productions. Ce que l’on peut faire pour les céréales est différent de ce que l’on doit faire pour le lait, la viande ou pour les fruits et légumes. Or, pour la Commission de Bruxelles, il n’y a que la baisse des prix partiellement compensée et la suppression des mécanismes d’intervention qui comptent. Nous pouvons en effet concevoir qu’une baisse limitée des prix de certaines céréales peut permettre d’accéder plus facilement au marché mondial. Mais il n’en va pas de même pour la viande et le lait. Pour la viande bovine, par exemple, avec une baisse de 30 % des prix, nous serons encore 50 % plus chers que les Argentins. Je ne parle même pas des produits méditerranéens absents des propositions de Bruxelles qui, pourtant, concernent 60 % des agriculteurs de l’Union européenne. »

« La Tribune » - La Commission européenne estime que, avec son projet, les Quinze disposeront d’une « base solide » pour les prochaines négociations à l’Organisation mondiale du commerce.

- « Franz Fischler, le commissaire à l’Agriculture, nous dit que les trois quarts des aides agricoles seront désormais considérées comme étant « tolérées ». Or, depuis six mois, les Américains n’arrêtent pas de réclamer la suppression de ce type de soutiens… »

« La Tribune » - Bruxelles envisage aussi de plafonner les aides pour les répartir d’une façon plus juste. Y êtes-vous favorable ?

- « Il faut supprimer les excès. Cependant, cette politique doit viser non seulement les quantités, mais aussi les utilisations. Quand les aides dépassent un certain niveau, elles deviennent en effet incompréhensibles. »