Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mes Chers Confrères,
Je tiens à vous dire mon émotion et ma fierté de pouvoir, dès le début de mon mandat de ministre de la Santé, m'adresser à vous, à vous aussi, Monsieur le Président auquel j'adresse mes félicitations chaleureuses pour votre, élection.
D'abord parce que comme médecin et enseignant, j'ai toujours apprécié – et pourquoi ne pas le dire – admiré les succès incontestables qu'elle a obtenu, depuis l'origine, dans son œuvre de promotion de la santé.
Certes elle tire sa légitimité de son statut d'organisation internationale, au sein des Nations Unies, mais son rôle irremplaçable s'est forgé grâce à son immense capacité d'expertise et au travail des hommes qui la servent. Enfin, je me réjouis d'être ici car la France a, avec une grande continuité, soutenu la vocation de l'OMS à demeurer le chef d'orchestre des actions de santé au niveau international.
Le soutien de la France reste donc indéfectible. Cependant chacun comprendra ici qu'il ne pourra être complet et actif que si un certain nombre de conditions sont remplies.
Nous sommes en cette fin de siècle dans une situation d'urgence : il n'est plus l'heure de perdre du temps à des querelles stériles, au jeu des ambitions et des intrigues. Nous sommes comptables aux yeux de l'opinion internationale de la santé de millions d'hommes et de femme : notre mandat impératif est celui de l'éthique et de l'efficacité. Tout le reste est indigne de notre mission.
Il s'agit pour ce faire d'engager un certain nombre de réformes qui conditionnent l'avenir de l'OMS et les conclusions de cette Assemblée seront à cet égard décisives.
À l'évidence, l'aube de l'an 2000 ne verra pas le rayonnement de "la Santé pour tous" ! Nous en sommes conscients. Ayons aussi le courage de le dire l'objectif ne sera pas atteint, sauf à connaître un fantastique mouvement de solidarité, de pacification, de redémarrage économique, et de restructuration dynamique des systèmes de santé.
Tous, nous avons conscience de la nécessité de retrouver les voies des certitudes que nous avons au cœur. Nous, en grande majorité des médecins, ressentons l'exigence de rester fidèles à notre déontologie, de n'oublier jamais que, pour nous, la santé des populations passe avant tout, qu'elle est la seule ambition qui vaille.
Comment ne pas ressentir la détresse des pays les plus pauvres, accablés par une dégradation constante de l'état de santé de leurs populations ? Comment ne pas être meurtris par ce terrible fossé entre la misère sanitaire et l'invention de technologies médicales de plus en plus sophistiqués ? C'est pourquoi je manquerai pour une fois à l'usage en ne vous parlant pas des problèmes de santé que connaît la France, mon pays, à la résolution desquels nous œuvrons sans relâche.
Non, je vous parlerai de l'Afrique.
C'est l'Afrique qui aujourd'hui éprouve, plus qu'aucun autre continent, la souffrance humaine.
Continent déjà meurtri, elle connaît une nouvelle et profonde blessure née des ravages du Sida. Elle doit supporter encore un nouveau fardeau qui l'accable plus que toute autre région du monde, malgré la volonté, le dévouement de tant d'acteurs sur le terrain, célèbres ou inconnus.
Selon les prévisions du Programme mondial de lutte contre la Sida – et je rends hommage à la qualité des travaux de cette équipe – on dénombrera à la fin du siècle au moins 15 millions d'adultes infectés, dont près de six millions auront développé le Sida.
Mais aussi, et ce fait est profondément choquant, on comptera plus de 10 millions d'orphelins de parents morts du Sida. Comment limiter les conséquences de cette tragédie ? En posant cette question, je m'adresse autant à l'OMS, qu'aux autres organisations du système des Nations-Unies, notamment celles qui ont pour vocation de s'occuper des enfants, qui sont aussi les nôtres.
Je m'efforcerai, avec mon collègue français chargé de la Coopération, d'orienter l'aide bilatérale de la France en matière de Santé. Mon prédécesseur avait déjà déclaré l'année 1992 "Année Santé en Afrique". Je poursuivrai dans cette voie en développant les efforts en matière de lutte contre le Sida en Afrique.
Mais l'effort devrait être généralisé et surtout coordonné, à travers le programme de l'OMS, entre les principaux bailleurs qu'ils soient multi ou bilatéraux afin qu'ils mobilisent des structures publiques, ou bien des organisations non gouvernementales.
Qu'il me soit permis de dire ici combien j'apprécie la qualité des travaux du groupe des bailleurs du comité de gestion du Programme Sida qui se sont penchés sur cette question. À travers cet exemple, on découvre des pistes encourageantes qui peuvent servir pour l'ensemble des programmes de l'OMS. Les solutions, telles que la mise en place de comités de gestion conjoints, sont sans doute à explorer.
Mais il ne faut plus attendre. Le temps joue en faveur du virus VIH, et en faveur de tous les facteurs qui menacent la santé.
L'organisation se trouve à un tournant de son histoire. Elle doit se renouveler, je pense que nous en sommes tous conscients et d'accord. La France réclame des réformes depuis plusieurs années. Elle a été l'un des acteurs principaux de la mise en place d'un groupe spécial de réflexion au sein du Conseil exécutif. Ce groupe a terminé ses travaux et les communiquera sous peu au Directeur général.
Il me semble d'une importance vitale, et j'utilise ce mot à dessein, que le Directeur Général s'engage à mettre en œuvre rapidement toutes les recommandations de ce rapport.
J'insisterai tout d'abord sur le besoin de recentrer la structure de façon à ce que l'on ait la vision claire d'une seule OMS cohérente dans son action quel que soit le niveau d'intervention.
À l'heure actuelle, le fractionnement des programmes et leur cloisonnement entravent leur efficacité. Il est probablement nécessaire de concentrer sur les pays et notamment les pays les plus pauvres, une grande partie des moyens de façon à étoffer l'aide aux infrastructures en allégeant tous les échelons intermédiaires de l'organisation.
Cette présence accrue sur le terrain devrait se manifester tout particulièrement, en cas de catastrophes ; la dimension "santé" de l'aide humanitaire est une constante : pourtant l'OMS, malgré quelques initiatives ces derniers temps, n'est pas encore suffisamment présente.
Le deuxième aspect qui me paraît essentiel est de redonner le pouvoir de décision aux organes directeurs, tel que le prévoit la constitution de l'OMS afin de donner à l'organisation plus d'efficacité.
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur Général, Mesdames et Messieurs, les jours qui vont suivre vont être cruciaux. Il se trouve que nous devons simultanément faire face à des décisions d'importance : le choix d'un Directeur Général, le choix d'une stratégie, le vote d'un budget.
L'OMS a, par le passé, su apporter aux hommes des continents les plus pauvres le meilleur de la science des pays développés. C'est là une ambition incomparable, la plus belle sans doute, en ces temps où s'accroissent les inégalités de toute nature, devant la vie, devant la mort, une ambition qu'elle n'a pas le droit d'oublier.
Il appartient à l'OMS, parce qu'elle procède d'un double humanisme : celui de la science – et c'est en médecin que je parle – celui de la solidarité de destin entre les peuples du monde – c'est le ministre du Gouvernement français qui à présent s'adresse à vous – de conjuguer plus que toute autre organisation sans doute la morale, sans laquelle aucune action n'est légitime, l'efficacité, sans laquelle la morale reste velléitaire.
Je veux croire que ces conceptions sauront éclairer, au-delà de cette Assemblée mondiale, l'action de l'OMS durant les prochaines années. Soyez assurés que pour sa part la France saura demeurer vigilante.