Texte intégral
Une politique pour l'architecture, c'est, bien sûr, permettre d'exprimer la culture de notre temps, depuis la forme des grandes infrastructures jusqu'aux plus modestes équipements communaux, dans le respect de notre histoire… Mais c'est aussi mettre la qualité irremplaçable de la création architecturale au service de tous ceux qui vivent l'architecture sur les places publiques, comme dans les logements. C'est aussi et peut-être surtout apprendre à ceux qui exerceront les métiers de l'architecture, dans leur richesse et leur diversité, l'exigeante discipline de l'élaboration du « projet ».
Voilà l'objectif que je me suis assigné au printemps 1993, lors de mon arrivée à la tête du ministère qui assume sans nul doute la plus lourde responsabilité sur le paysage des villes et des campagnes de notre pays.
J'ai choisi de promouvoir le dialogue et le travail avant le discours, de miser sur les hommes et les métiers plutôt que sur l'effet médiatique du chef-d'œuvre. Depuis presque un an et demi, j'ai appliqué à l'architecture des valeurs de clarté et de transparence, ainsi que la volonté de progrès respectueux des personnes qui guident mon action politique.
Ce progrès doit commencer dès la formation, Nous devons offrir aux étudiants en architecture la possibilité de trajectoires de formation permettant de marier les savoirs du droit, de l'économie, des sciences de par exemple, à une bonne connaissance des méthodes de l'architecture.
La création d'une maîtrise d'architecture, diplôme national équivalent aux autres diplômes universitaires, est une étape nécessaire de ces nouveaux parcours. Un doctorat délivré dans les écoles d'architecture consacrerait de façon décisive leur intégration dans l'enseignement supérieur.
Ce dialogue incontournable avec l'Université implique de remettre à leur vraie place les savoirs originaux de l'architecture, culturels autant que techniques. C'est la réforme à laquelle je m'attache.
Pour donner toute sa place à l'architecture, il faut que les hommes qui en décident.et ceux qui la font sachent se parler. Le développement des métiers de partenaires qualifiés de l'acte d'architecture dans la maîtrise d'ouvrage publique ou privée, l'ingénierie de projet, la gestion de chantier, ou la scénographie, la communication, le design » appellent cette démarche.
Au service de la création
Et j'ai la conviction que cette diffusion du savoir architectural au sein des différentes professions favorisera celui de la création par les architectes. Il y faut, en effet, des décideurs capables de formuler une commande, d'en choisir l'expression et d'y mettre le juste prix.
Avec le ferme soutien du premier ministre, j'ai déployé beaucoup d'énergie pour inscrire dans la réalité quotidienne de véritables relations entre maîtrise d'ouvrage publique et maîtrise d'œuvre privée. Les décrets de décembre 1993 donnent toute sa place à la conception et affirment la rigueur technique qui préside à la transformation d'une commande on projet.
Le rôle du gouvernement a été de rendre ces choix possibles, à travers l'impératif de clarté et d'équilibre entre les acteurs politiques et professionnels. Pour le faciliter, j'ai tenu à promouvoir, avec la parution d'un guide de négociation, une démarche simple et progressive qui aide chacun à déterminer ses objectifs et les moyens d'y répondre, sans se dissimuler que la qualité a une valeur et un coût.
C'est le même principe de liberté et de responsabilité qui m'a conduit à donner au volet paysager du permis de construire une efficacité réelle avec le décret entré en vigueur récemment : « La maison appartient à celui qui la voit. ».
Je sais que les professionnels sauront faire droit à ces démarches nouvelles, comme ils ont su répondre à « l'appel à concepteurs » que j'ai lancé au cours de l'été 1993 avec le ministre de la Ville, l'Association des maires de France et l'Union des organismes FILM. Près de 2 000 jeunes professionnels ont constitué plus de 600 équipes pour démontrer aux maîtres d'ouvrage leur engagement créatif au service des quartiers défavorisés. D'ores et déjà, le plan de relance pour la Ville a permis de concrétiser plusieurs de ces « suggestions de commandes ».
J'y vois la preuve de ce que ma conviction sur la qualité de l'architecture française trouve un écho croissant : il faut savoir rendre tes citoyens, et les professionnels eux-mêmes, attentifs au progrès et au succès nés de l'architecture… C'est un Français qui a reçu cette année, pour la première fois, le prix Pritzker véritable « Nobel » de l'architecture... un Français qui va construire l'Opéra de Shanghai, un Français qui réalise des installations olympiques à Berlin, un Français qui dirige actuellement l'école d'architecture de l'université de Columbia (États-Unis), etc.
Avec imagination et rigueur, le savoir-faire architectural a transformé on « vraie ville » des barres et des tours construites dans les années 60, à Paris XIIIe, dans sa proche banlieue, à Orly, dans la communauté urbaine de Lyon ou à Toulouse… L'avance technologique et la négociation gouvernementale ont su vendre les TGV en Asie ; à nos entreprises d'y joindre l'offre d'architecture pour les gares et les ouvrages d'art, avantage original sur nos concurrents…
C'est dans le même esprit que j'invite tous ceux qui partagent confiance et ambition pour l'architecture nationale à s'associer à la première manifestation dédiée à sa vitalité en janvier 1995, les « Actualités de l'architecture » mettront à la disposition de tous ses acteurs les acquis les plus récents du savoir architectural et urbain.
J'ai voulu qu'à titre symbolique, la première fois, cet événement ait lieu en province, dans un haut lieu de l'architecture contemporaine, à Tours.
Car l'architecture doit être pour tous les Français la mise en scène de l'avenir au quotidien.