Déclarations de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, sur l'aménagement culturel du territoire, à Roubaix le 1er février 1994, Fontevrault le 11 février, Arles le 15 février et Strasbourg le 17 février 1994.

Prononcé le 1er février 1994

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Roubaix – 1er février 1994

I. – Remerciements pour la participation active dans la préparation de cette rencontre

La ville de Roubaix ; l'équipe des Archives du Monde du Travail ; aux services de la Direction Régionale des Affaires Culturelles ; les experts qui nous ont aidé à concevoir les débats, les présidents et les rapporteurs des quatre ateliers ; vous tous : élus, responsables d'institutions culturelles, créateurs, responsables d'associations ou d'entreprises qui avez pris sur votre temps pour venir aujourd'hui.

II. – Pourquoi ces quatre rencontres ici à Roubaix et dans les jours qui viennent à Fontevraud, Arles et Strasbourg ?

Notre pays est engagé dans un vaste débat sur l'aménagement du territoire. J'ai souhaité que le ministère chargé de la culture y soit pleinement associé. La négociation en cours des contrats de plan que j'ai suivie de très près m'a montré que la situation était souvent complexe et que bien des choses devaient être améliorées.

Pour moi, il s'agit, dans un premier temps, d'être à l'écoute des besoins et des aspirations, des initiatives et des expériences, des échecs et des réussites.

J'ai souhaité vous rassembler pour réfléchir et débattre, entendre les témoignages et recueillir les propositions des responsables et des acteurs que vous êtes, venus de toute la France : de cette région d'abord, Roubaix, Lille, le bassin houiller du Pas de Calais, Amiens, mais aussi de Bordeaux, de Marseille, de Vénissieux, du bassin houiller Lorrain ou de Montbéliard, de l'Isère ou d'Agen…

Ces échanges et ces débats me permettront de préparer des propositions nouvelles dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire qui sera discutée avant l'été et dans le cadre d'un effort continu pour moderniser l'action de l'Etat : rétablir les grands équilibres géographiques et sociaux, donner un nouveau souffle à l'idéal du service public de la culture, mieux nous préparer aux grands défis du présent et des temps à venir : je songe au problème de l'emploi et de l'insertion sociale, je songe aux conséquences des nouvelles technologies de la communication et au développement du divertissement électronique que nous ne maîtrisons pas suffisamment et qui pourraient tout simplement bouleverser la place que la création artistique et la diffusion culturelle ont toujours eu au cœur de nos sociétés.

III. – Les grandes questions au présent débat : culture et lien social

C'est la question des rapports entre la culture et la cité. À l'heure où celle-ci semble être ébranlée dans sa cohésion par le développement du chômage et d'une certaine forme de violence, la culture me semble devoir jouer un rôle essentiel de socle et de langage commun. Ce n'est pas une nouveauté en soi niais le contexte actuel le rend plus que jamais nécessaire si la culture veut s'inscrire dans la pratique quotidienne des Français et, au-delà de celle-ci, dans leur vie.

La culture c'est, dans ces conditions, l'affirmation d'une identité commune, le refus des ghettos et de l'exclusion, le souci de l'urbanisme et de l'esthétique quotidienne.

Les quatre thèmes des ateliers qui vous sont proposés ce matin en témoignent.

1. Quartiers, réseaux d'acteurs, tissus associatifs, qui sera présidé par Christian Vanneste, député du Nord, et dont Jacky Vieux, Directeur de la maison du Rhône à Givors sera le rapporteur.

2. Culture et lutte contre l'exclusion, président Pierre Bedier, Député des Yvelines et Jean Metrai professeur d'université, rapporteur.

3. Territoire social, mémoire collective et interculturalité, Président, Michel-Samuel Weis, maire-adjoint de Mulhouse et Michel Rautenberg, ethnologue, rapporteur.

4. Nouvelles sociabilités urbaines et nouvelles pratiques culturelles et artistiques, Président, Julien Dray, député de l'Essonne et François Dubet, sociologue, rapporteur.

Comme vous le voyez, je souhaite engager largement et librement le débat sans tabous ni a priori.

Je ne vais pas préjuger de nos échanges en vous rappelant tout ce que nous faisons déjà en ces domaines. Vous le savez d'ailleurs puisque c'est avec vous que nous le faisons, partout où vous agissez, sur tous les fronts de l'action culturelle :

– la prévention de l'exclusion par le développement de l'action culturelle dans les zones en difficulté ;
– par le développement de l'éducation artistique et de l'offre culturelle en direction des enfants et des jeunes ;
– par la prise en compte des patrimoines dans leur richesse et leur diversité et le travail sur la mémoire collective ;
– par l'effort, plus que jamais nécessaire, dans les domaines de la formation et de l'insertion professionnelle.

IV. – Débattre pour agir

Vos échanges, dans les quatre ateliers de ce matin, les rapports et le débat que nous aurons cet après-midi, ont un objectif précis et concret : convaincre que la culture est l'affaire de tous. Je suis bien conscient qu'il nous reste beaucoup à faire pour sensibiliser l'ensemble des responsables des politiques urbaines à l'importance de la culture en France et dans nos échanges avec le monde.

Dans cette matière délicate et sensible, la démonstration ne peut générale, elle doit s'appuyer sur des exemples concrets que nous allons examiner aujourd'hui. Mais il faut avancer en identifiant avec lucidité et exigence les vraies difficultés, les sources de blocages. Je suis convaincu que c'est à partir de ces multiples expériences réussies que la culture montrera la place qui devrait être la sienne dans l'action des pouvoirs publics, dans les quartiers Cu en direction des catégories de population en difficulté.

Mais en définitive, pourquoi ce combat ?

Le sort de chacun est nié au sort de tous et le lien social, dans notre tradition politique, c'est la démocratie. Depuis la cité grecque, le forum et le théâtre sont au cœur de la cité, c'est-à-dire de la polis. La délibération citoyenne, la mise en scène des passions humaines, leur représentation théâtrale constituent le socle même de notre conception de la démocratie, La scène et la tribune sont nées avec la ville : l'histoire et ses drames ont peu à peu rendu cet héritage indéchiffrable. Il nous revient d'en redéfinir le sens. C'est à cet effort que je vous invite.


Fontevrault – 11 février 1994

I. – Remerciements pour la participation active dans la préparation de cette rencontre :

Le Centre Culturel de l'Ouest ; la Direction régionale des affaires culturelles des Pays-de-la-Loire ; les services de la Préfecture du Maine-et-Loire ; la DATAR, dont le Délégué Pierre-Henri Paillet participera cet après-midi à nos travaux ; les experts qui nous ont aidés à concevoir les débats, les présidents et rapporteurs de chaque atelier ; vous tous, élus, responsables d'institutions culturelles, créateurs, responsables d'entreprises ou d'associations qui avez pris sur votre temps pour venir aujourd'hui.

II. – Pourquoi ces quatre rencontres ici à Fontevraud, comme dans les jours qui ont précédé à Roubaix, et dans les jours qui viennent à Arles et Strasbourg ?

Notre pays est engagé dans un vaste débat sur l'aménagement du territoire. J'ai souhaité que le ministère chargé de la culture y soit pleinement associé. La négociation en cours des contrats de plan que j'ai suivie de très près m'a montré que la situation était souvent complexe et que bien des choses devaient être améliorées.

Pour moi, il s'agit, dans un premier temps, d'être à l'écoute des besoins et des aspirations, des initiatives et des expériences, des échecs et des réussites.

J'ai souhaité vous rassembler pour réfléchir et débattre, entendre les témoignages et recueillir les propositions des responsables et des acteurs que vous êtes, venus de toute la France : de cette région d'abord, des Pays-de-la-Loire, niais aussi des régions voisines, Bretagne, Poitou-Charentes, et même des départements les plus éloignés, Hautes-Alpes, Pyrénées-Orientales, Gers.

Ces échanges et ces débats me permettront de préparer des propositions nouvelles dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire qui sera discutée avant l'été et dans le cadre d'un effort continu pour moderniser l'action de l'État. Rétablir les grands équilibres géographiques et sociaux, donner un nouveau souffle à l'idéal du service public de la culture, mieux nous préparer aux grands défis du présent et des temps à venir. Je songe au problème de l'emploi et de l'insertion sociale, je songe aux conséquences des nouvelles technologies de la communication et au développement du divertissement électronique que nous ne maîtrisons pas suffisamment et qui pourraient tout simplement bouleverser la place que la création artistique, la sauvegarde du patrimoine et la diffusion culturelle ont toujours eu au cœur de nos sociétés.

III. – Les grandes questions du présent débat : culture et monde rural

1. Nous avons quelques interrogations fondamentales à reformuler peut-être, à revisiter certainement.

J'ai souhaité, vous le savez, mettre la question du public, des publics, au cœur de mon action. Quels publics la culture doit-elle servir et à quelles fins ? Existe-t-il une problématique rurale différente de la problématique urbaine en matière de culture ? Quels services culturels est en droit d'attendre le monde rural aujourd'hui, si tant est qu'il ait des besoins spécifiques ? La notion de « public » est, elle même suffisante pour rendre compte des relations vécues que les habitants entretiennent avec leur environnement culturel (des monuments historiques à l'architecture rurale et aux paysages). Quelle peut et doit être l'implication des pouvoirs publics ?

Une constatation s'impose : il existe des espaces ruraux, et en leur sein une culture, des cultures. La question centrale est : comment mobiliser l'énergie de cette « culture en campagne », cette « culture hors les villes », dans la dynamique du développement ? Comment aider chaque habitant de ce pays à forger son identité en assumant son héritage, et à construire une communauté culturelle originale et ouverte ?

2. Dans le débat sur le développement local, rural, nous avons besoin de faire une pause pour écouter avec plus d'attention quelques témoins qui dans leur action ont donné la priorité à la dimension culturelle. Prendre connaissance de pratiques imaginatives ou de conservation vivante mais non nécessairement modélisables, discuter pour élargir le propos, interroger les résultats pour poursuivre, amender, se fixer de nouveaux objectifs, telle peut être la démarche des ateliers.

3. Nous ne devons pas nous séparer sans avoir affirmé quelques grandes orientations fortes, sur trois points notamment que je vous suggère.

Quelles voies suivre ou ouvrir pour mettre à profit le patrimoine, immédiatement présent aux yeux et à l'esprit des habitants des campagnes, ouvrages d'art ou quotidiens implantés dans un paysage façonné par des siècles de travaux ? Comment refaire vivre, aujourd'hui, les richesses d'hier, pour poursuivre la création qui les a fait naître ?

On affirme trop souvent et trop rapidement que les territoires ruraux sont pauvres en ressources, humaines et matérielles. Comment mettre à profit les énergies présentes, favoriser la rencontre des acteurs professionnels de la culture et de ces militants bénévoles des associations et des sociétés savantes, qui peuvent devenir des intermédiaires précieux pour les publics les plus larges ?

Comment pallier l'éloignement des centres culturels prestigieux ? Assurer un service minimum du livre, de la musique, des arts visuels, susceptible d'entraîner une ouverture plus large vers le spectacle vivant, la rencontre avec des créateurs ? Comment mettre à profit la nécessaire solidarité entre les partenaires qu'appelle l'essor économique, pour multiplier ces centres de ressources, plus volontiers dénommés, sur place, maisons d'accueil, maisons de pays, écomusées ?

Les quatre thèmes des ateliers qui vous sont proposés ce matin invitent à revisiter les formules, à ne garder que celles qui peuvent donner sens à l'action, à les nourrir de nos questions. Alors nous pourrons bousculer le confort des pratiques reproduites, imaginer des solutions nouvelles :

1. La culture doit-elle être considérée comme un service public ? (bilan de l'action actuelle, intercommunalité, réseaux), qui sera présidé par François Baroin, député de l'Aube, et dont Jacques Palard, chercheur, sera le rapporteur.

2. Itinérante et polyvalence : une réponse à la spécificité du monde rural, président Gérard Fayolle, Président du Conseil Général de la Dordogne, et Didier Bouillon, professeur, rapporteur.

3. Du terroir au pays et au bassin de vie, président Jean Arthuis, sénateur-maire de Château-Gontier, et Bernard Kayser, professeur d'université, rapporteur.

4. L'interaction villes/campagnes, facteur de développement culturel, président Anne Henis, maire de Valognes, et Pierre Moulinier, chargé de mission au Département des études et de la prospective du ministère de la Culture et de la Francophonie, rapporteur.

Sans préjuger du sens de nos débats, des critiques et des souhaits qui pourront être formulés, je voudrais rappeler quelques éléments de l'action de mon ministère au bénéfice des habitants des territoires ruraux, action parfois insuffisamment reconnue :  la moitié environ des conventions de développement culturel signées chaque aimée entre l'État et les collectivités territoriales (notamment les départements) sont consacrées au milieu rural ;  l'action éducative, qui profite aux petits ruraux comme aux petits citadins ; – la recherche de solutions novatrices pour pallier la dispersion géographique (écoles de musique départementales, intercommunales, mise en réseau des musées de la vie rurale) ; l'action de mieux en mieux coordonnée en région entre nos directions régionales et les services dépendant du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, de ceux de l'Environnement, de l'Équipement, des Transport et du Tourisme, etc.

Mais les témoins présents parmi nous seront mieux à même d'illustrer la diversité et la densité des actions conduites sur le terrain, c'est pourquoi je vous invite sans plus tarder à commencer la réflexion au sein des quatre ateliers.


Arles – 15 février 1994

I. – Remerciements pour la participation active dans la préparation de cette rencontre

La municipalité et les services de la ville d'Arles ; les responsables de l'École nationale de la Photographie, de l'Espace Van Gogh (Centre Universitaire), de la Commanderie Sainte Luce ; –les services de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Provence-Alpes-Côte-D'azur ; les experts qui nous ont aidé à concevoir les débats, les présidents et les rapporteurs des quatre ateliers ; vous tous élus, responsables d'institutions culturelles, créateurs, responsables d'associations ou d'entreprises qui avez pris sur votre temps pour venir aujourd'hui

II. – Pourquoi ces quatre rencontres : il y a quelques jours à Roubaix, Fontevraud, aujourd'hui à Arles et après-demain à Strasbourg ?

Notre pays est engagé dans un vaste débat sur l'aménagement du territoire. J'ai souhaité que le ministère chargé de la culture y soit pleinement associé. La négociation en cours des contrats de plan que j'ai suivie de très près m'a montré que la situation était souvent complexe et que bien des choses devaient être améliorées.

Pour moi, il s'agit, dans un premier temps, d'être à l'écoute des besoins et des aspirations, des initiatives et des expériences, des échecs et des réussites.

J'ai souhaité vous rassembler pour réfléchir et débattre, entendre les témoignages et recueillir les propositions des responsables et des acteurs que vous êtes, venus de toute la France : de cette région d'abord dont le dynamisme en matière d'économie culturelle est bien connu, je citerai deux entreprises installées à Arles, Harmonia Murdi et Actes Sud mais venus aussi, et je m'en félicite, de Boulogne, de Troyes, d'Aquitaine, pour ne citer que quelques exemples.

Ces échanges et ces débats me permettront de préparer des propositions nouvelles dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire qui sera discutée avant l'été et dans le cadre d'un effort continu pour moderniser l'action de l'État : rétablir les grands équilibres géographiques et sociaux, donner un nouveau souffle à l'idéal du service public de la culture, mieux nous préparer aux grands défis du présent et des temps à venir : je songe au problème de l'emploi et de l'insertion sociale, je songe au développement des nouvelles technologies de la communication et au du multimédia et de l'interactivité qui vont modifier la place de la création artistique et de la diffusion culturelle au cœur de nos sociétés.

III. – Les grandes questions au présent débat : culture et développement économique

Ce débat recoupe en fait des problématiques multiples :

Comment favoriser l'émergence et la croissance d'entreprises culturelles créatrices de richesse nationale, de richesse culturelle et d'accroissement du PIB tout à la fois ?

Comment la culture, le dynamisme, la richesse de notre patrimoine, de la création et du spectacle vivant peuvent-ils constituer un atout pour le développement local et permettre d'attirer de nouvelles ressources humaines et de nouvelles activités économiques ?

Comment concilier la nécessité d'avoir des entreprises culturelles concurrentielles avec les entreprises étrangères et la volonté d'aménagement équilibré du territoire qui peut aller à l'encontre de la concentration des entreprises et de leur fréquente localisation en région parisienne ?

Les nouvelles technologies sont-elles susceptibles de dépasser cette contradiction ?

Les quatre thèmes des ateliers qui vous sont proposés ce matin témoignent de la volonté d'aborder au fond ces différentes questions :

1. Le développement culturel comme atout du développement économique, qui sera présidé par Jean Bousquet, Maire de Nîmes, et dont Charles Robillard, Directeur de la Société Argos sera le rapporteur.

2. La concentration des industries culturelles en région parisienne est-elle une fatalité ?, président Jean-Pierre Camoin, Sénateur-maire d'Arles et rapporteur Michel Orier, Directeur de la Maison de la Culture d'Amiens.

3. Tourisme, culture et patrimoine, Président Jean-Paul Hugot, Sénateur du Maine et Loire, rapporteur Jean-Luc Soule du Festival du Périgord Noir.

4. Nouvelles technologies : une nouvelle approche de l'aménagement culturel du territoire, président et Paul Sorjano de la société Médiéva, rapporteur.

IV. – Débattre pour agir

Comme vous le voyez, je souhaite engager largement et librement le débat.

Je ne vais pas préjuger de nos échanges en vous rappelant tout ce que nous faisons déjà en ces domaines.

Le ministère de la Culture soutient l'innovation dans les entreprises culturelles en participant au mécanisme d'aides de l'ANVAR.

Les entreprises culturelles voient leur recourt à l'emprunt bancaire facilité par les mécanismes de garantie de l'lFCIC.

Mes services travaillent avec les partenaires sociaux sur les questions relatives à l'emploi culturel et plus particulièrement à une réflexion perspective sur les qualifications dont les entreprises auraient besoin dans les années qui viennent.

Enfin, j'ai d'ores et déjà lancé, au sein de mon administration, un groupe de travail sur les nouvelles technologies et un autre sur le multimédia.

Vos échanges, dans les quatre ateliers ce matin, les rapports et le débat que nous aurons cet après-midi, ont un objectif précis et concret : convaincre que la culture est l'affaire de tous. Je suis bien conscient qu'il nous reste beaucoup à faire pour sensibiliser l'ensemble des responsables à l'importance de la culture en France et dans nos échanges avec le monde.

Dans cette matière délicate et sensible, la démonstration ne peut être générale, elle doit s'appuyer sur des exemples concrets, que nous allons examiner aujourd'hui. Mais il faut avancer en identifiant avec lucidité et exigence les vraies difficultés, les sources de blocages. Je suis convaincu que c'est à partir de ces multiples expériences réussies que la culture montrera la place qui doit être la sienne en vue de contribuer directement ou indirectement au développement économique.


Strasbourg – 17 février 1994

I. – Remerciements pour la participation active dans la préparation de cette rencontre

L'opéra du Rhin ; la ville de Strasbourg ; les services de la Direction régionale des affaires culturelles ; les experts qui nous ont aidé à concevoir les débats, les présidents et les rapporteurs des deux tables rondes ; vous tous : élus, responsables d'institutions culturelles, créateurs, responsables d'associations ou d'entreprises qui avez pris sur votre temps pour venir aujourd'hui.

II. – pourquoi ces quatre rencontres sur l'aménagement du territoire, à Roubaix ou nous avons abordé les rapports entre « culture et lien social », à Fontevraud autour du thème « culture et monde rural », en Arles pour interroger les liens entre « culture et développement économique » et, en dernier lieu, ici à Strasbourg pour débattre des rapports entre grandes métropoles, développement culturel et Europe ?

Notre pays est engagé dans un vaste débat sur l'aménagement du territoire. J'ai souhaité que le ministère chargé de la culture y soit pleinement associe. La négociation en cours des contrats de plan que j'ai suivie de très près m'a montré que la situation était souvent complexe et que bien des choses doivent être améliorées.

Pour moi, il s'agit, dans un premier temps, d'être à l'écoute des besoins et des aspirations, des initiatives et des expériences, des échecs et des réussites.

J'ai souhaité vous rassembler pour réfléchir et débattre, entendre les témoignages et recueillir les propositions des responsables et des acteurs que vous êtes, venus de toute la France, de cette région d'abord, Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Guebwiller, Sélestat, Haguenau, mais aussi des régions voisines, la lorraine, la Franche-Comté, la Champagne-Ardenne, la bourgogne et même de villes plus éloignées comme Marseille, Lyon, bordeaux, rennes ou Lille.

Ces échanges et ces débats me permettront de préparer des propositions nouvelles dans le cadre de la loi sur l'aménagement du territoire qui sera discutée avant l'été et dans le contexte d'un effort continu pour moderniser l'action de l'état : rétablir les grands équilibres géographiques et sociaux, donner un nouveau souffle à l'idéal du service public de la culture, mieux nous préparer aux grands défis du présent et des temps à venir : je songe au problème de l'emploi et de l'insertion sociale, je songe aux conséquences des nouvelles technologies de la communication et au développement du divertissement électronique que nous ne maîtrisons pas suffisamment et qui pourraient tout simplement bouleverser la place que la création artistique et la diffusion culturelle ont toujours eu au cœur de nos sociétés.

III. – Les grandes questions du débat de Strasbourg : aménagement du territoire et Europe.

À la suite des trois débats qui abordaient sous un angle avant tout national les problèmes majeurs se rapportant à l'aménagement culturel du territoire, il m'a paru nécessaire de mettre en perspective ces réflexions par rapport à notre environnement européen.

Sans préjuger du contenu de nos échanges, nous pouvons déjà distinguer, me semble-t-il, deux questions essentielles :

– comment caractériser une métropole culturelle européenne et qu'est-ce qu'une ville française peut attendre de ce « label » ?
– quelles sont les conséquences, sur l'aménagement culturel du territoire français, du développement des échanges intra-européens par lequel se dessinent une nouvelle carte culturelle de notre continent, de nouveaux réseaux ?

L'enjeu pour notre pays est double

La France possède en Europe et dans le monde une image culturelle très forte. Ce capital a-t-il été suffisamment utilise pour notre positionnement en Europe ? Des études menées par la DATAR sur le degré d'attractivité et d'influence internationale des grandes villes européennes ont permis de définir un axe majeur de développement qui part de l'Ecosse pour descendre vers Rome en traversant le sud de l'Angleterre, le Benelux, l'Allemagne et l'Italie du nord.

En France, seule Strasbourg grâce à son positionnement géographique dont elle a su, avec dynamisme, tirer profit peut prétendre bénéficier des atouts de ce « croissant » reliant les grands centres de décision européens.

En serait-il de même sur une carte européenne du développement culturel ? La France apparaitrait-elle au cœur du réseau des grandes métropoles culturelles en Europe ou, malgré tout le poids de sa culture, en resterait-elle à l'écart ? Occupons-nous, fidèles en cela à notre tradition, une place de premier plan dans la circulation des idées en Europe, dans la création de nouveaux réseaux internationaux et interrégionaux ou bien nous faut-il combler d'éventuels handicaps lies a notre géographie ou à notre organisation administrative ?

Finalement, une ville peut-elle devenir aujourd'hui une grande métropole culturelle européenne sans être, avant tout, une grande métropole économique ou universitaire ?

Deuxième enjeu pour notre pays, me semble-t-il : la France ne peut prétendre augmenter son rayonnement culturel en Europe sans renforcer, avant toutes choses, le maillage des institutions sur l'ensemble du territoire en réduisant le déséquilibre entre paris et la province.

L'Europe culturelle se construit pour une large part à partir de réseaux villes ou de régions. Tout en s'efforçant de gommer les disparités géographiques d'accès a la culture, l'état doit soutenir les efforts des collectivités locales qui cherchent à constituer des pôles privilégies de développement culturel d'envergure européenne. Nous devrons conjuguer compétitivité et irrigation du territoire. La France, en dehors de paris, n'est plus, depuis longtemps, un désert, surtout pas un désert culturel. Nous le voyons à Strasbourg, mais aussi à Toulouse, à Lille, à Rennes, à Lyon, à Nantes, à Marseille, à Grenoble et dans bien d'autres villes. Ces métropoles culturelles ont une double vocation d'aménagement du territoire : au niveau local par un travail de mise en réseau des partenaires et de sensibilisation des publics et au niveau européen au sein de nouveaux courants d'échanges culturels, politiques et économiques.

Ces deux objectifs seront d'autant plus efficacement remplis que sera renforcée la complémentarité entre les instances multilatérales européennes – je pense bien sûr a l'union européenne et au conseil de l'Europe dont je remercie les représentants d'avoir bien voulu s'associer à nos travaux –, les réseaux professionnels européens, l'état et les collectivités locales.

C'est dans cet esprit que j'ai, pour ma part, place l'objectif d'un rééquilibrage Paris/Province au premier rang de mes priorités, au même titre que le rayonnement culturel de la France en Europe et dans le monde. Ces deux enjeux sont étroitement lies, comme l'ont bien compris de nombreuses collectivités territoriales en développant d'ambitieuses relations internationales, notamment grâce à des coopérations transfrontalières.

Nous aurons l'occasion au cours de cette journée de développer ces différents aspects, à travers :

1. Une première table-ronde présidée par Jean-François Bazin, président du conseil régional de bourgogne et dont le rapporteur sera René Rizzardo, directeur de l'observatoire des politiques culturelles : « dynamique et rayonnement culturels : les conditions d'accès d'une ville française au rang de métropole culturelle européenne. Quelles conséquences pour l'aménagement culturel du territoire régional ? ».

2. Une deuxième table ronde présidée par Daniel Buren et dont le rapporteur sera Jean-Pierre Deru, directeur de la fondation marcel Hicter à Bruxelles : « Europe, Nouveaux territoires », nouveaux échanges, nouveaux réseaux, quelles conséquences pour le développement culturel en France ? ».

Vos témoignages et vos réflexions illustreront le caractère tangible de l'Europe culturelle. Je souhaite qu'ils mettent également en avant vos attentes et vos propositions qui m'aideront à orienter mon action en matière d'aménagement du territoire et de relations internationales.

L'ouverture a l'Europe, l'Europe communautaire mais aussi l'Europe centrale et orientale, est chaque jour davantage au cœur de notre réalité et de nos préoccupations. À nous de montrer aujourd'hui qu'elle est une part intégrante de l'aménagement culturel du territoire et un atout pour le positionnement des grandes métropoles françaises sur notre continent.


Maison de la Culture – Supplément à la lettre d'information n°364 24 mars 1994

L'aménagement culturel du territoire

Les quatre débats sur l'aménagement culturel du territoire, organisés par le ministère de la Culture et de la francophonie, s'insèrent dans la réflexion préparatoire à la loi que le Gouvernement déposera pour la session de printemps.

La méthode choisie était la suivante : mener quatre débats nationaux en région, avec des participants venant de toute la France et de tous les horizons ; faire émerger la parole de tous, faire remonter l'information sur nombre d'expériences vivantes, innovantes, voir comment, et avec qui, elles sont menées, quelles sont les raisons des réussites, des blocages.

Roubaix : culture et lien social

Quatre thèmes : quartiers, réseaux d'acteurs, tissus associatifs.

Président : Christian Vanneste, député du Nord ; rapporteur : Jacky Vieux, directeur de la Maison du Rhône à Givors - Trois expériences : le cinéma L'Alhambra à Marseille, La Sauvegarde (lecture et petite enfance) dans le Nord, Bord'eau Vaporetto à Bordeaux.

L'offre culturelle s'adresse le plus souvent aujourd'hui à un usager-consommateur que l'institution cherche à fidéliser.

Ce schéma de pratiques culturelles est approprié à des couches sociales qui en ont fait l'apprentissage et pour lesquelles la tradition associative est également familière. Dans le même temps les procédures de développement social urbain génèrent, de nouvelles formes associatives définies comme outils d'apprentissage collectif.

L'identité a-t-elle aujourd'hui le même sens quand se sont dissipés, non les classes sociales, mais les sentiments d'appartenance qui faisaient ciment communautaire ? Que savons-nous du lien social à la fin du XXème siècle ? Notre culture républicaine rêve d'un monde homogène, le projet culturel doit-il poursuivre cette image ou intégrer de nouvelles représentations du champ social fait de cosmopolitisme ethnique culturel et social ?

Culture et lutte contre l'exclusion

Président : Pierre Bedier, député des Yvelines ; rapporteur : Jean Métrai, professeur à l'Université Lyon II.

Cinq expériences : le Théâtre de l'Unité à Montbéliard, le Samirami Métropole Théâtre à Roubaix, le Musée Dauphinois à Grenoble, le patrimoine ethnologique, le français, langue d'accueil. Les populations touchées, les processus, les formes, les manifestations de l'exclusion sont connues. Est-il possible et comment passer de la réparation à l'anticipation, de faire que toute réparation soit anticipation ?

Lutter contre l'exclusion, c'est alors lutter contre :

L'accumulation de handicaps qui ne sont pas tous économiques. Comment l'école et l'action culturelle peuvent-elles unir leurs efforts pour réduire « l'échec scolaire » ?

Le rétrécissement de l'espace relationnel. Comment les opérateurs culturels peuvent-ils être non seulement médiateurs mais traducteurs culturels auprès de toutes les populations ?

C'est travailler à l'élaboration de ce qui donne sens à l'existence, à l'élaboration des valeurs dans une période de crise des valeurs.

Territoire social, mémoire collective et inter culturalité

Président : Michel-Samuel Weis, maire-adjoint chargé de la culture à Mulhouse ; rapporteur : Michel Rautenberg, ethnologue en Rhône-Alpes. Quatre expériences : la Compagnie Traction Avant à Vénissieux, le Festival contes et musiques en couleurs à Bordeaux, l'Action culturelle du Bassin houiller Lorrain, l'interculturalité à Saint-Martin d'Hères.

Dans les projets culturels, deux questions reviennent de manière récurrente : quelles mémoires de la ville méritent d'être valorisées ? et comment la mémoire collective peut-elle contribuer à renforcer la cohésion urbaine ? Derrière ces questions qui sous-tendent des problématiques centrales pour l'avenir des villes, se profilent les questions du lien social qu'elle pourrait renforcer, des territoires auxquels elle donne sens, et de la cohabitation entre diverses communautés.

C'est là l'enjeu des politiques culturelles qui doivent favoriser l'expression publique des mémoires collectives sans altérer leur capacité à limiter l'anémie sociale. Cependant, valoriser la mémoire collective ne doit pas signifier la figer. Elle se nourrit des échanges verbaux, elle propose des interprétations du monde contemporain à la lumière de l'expérience passée, elle est un système de repères qui évolue sans cesse. - nouvelles sociabilités urbaines et nouvelles pratiques culturelles et artistiques. Président Julien Dray, député de l'Essonne ; rapporteur : François Duber, professeur à l'Université Bordeaux II. Trois expériences : Culture Commune dans le Nord, Carmen (TV) à Amiens, le Florida à Agen.

Les cultures se fractionnent, se divisent, se multiplient, en même temps qu'elles se massifient. Pour les groupes en voie d'exclusion, l'absence de culture « installée » conduit au silence, la culture ne protège plus, elle ne permet plus de parler autrement qu'à travers les signes imposés d'une culture de masse. Pour créer du lien social, ce qui est une autre façon de désigner la démocratie, la culture ne doit pas être éducative ou «grande», elle doit donner une parole qui puisse être entendue par d'autres. C'est ce qui appelle aujourd'hui une action volontaire.

Fontevraud : culture et monde rural

Quatre thèmes : La culture doit-elle être considérée comme un service public ?

Président : François Baroin, député de l'Aube ; rapporteur : Jacques Palard, directeur de recherche au CNRS. Quatre expériences : l'action en ZPPAU du Finistère, la BDP de l'Ardèche, le Collège (les Hautes-Vallées à Guillestre, Ciné 32 à Auch.

Si la culture doit être considérée au plein sens du terme comme un « service public », sur quel(s) argumentaire(s) peut-on en appuyer la justification ultime : au nom de quel principe (équité et parité en tonnes d'accès aux « biens » culturels, lutte contre l'exclusion…) ? En rapport avec quel autre objectif jugé éventuellement supérieur (développement local, identité territoriale…) ? Sur la base de quelle conception de l'intérêt général et, de façon plus prosaïque mais non moins essentielle, sur quel niveau d'engagement financier et quelle fonction du mécénat publie ? Comment en définir par avarice les critères d'évaluation, sur le double plan clos processus et des résultats ?

Itinérante et polyvalence : une réponse à la spécificité du monde rural.

Président : Gérard Fayolle, président du conseil général de Dordogne ; rapporteur : Didier Bouillon, professeur à l'Ecole nationale supérieure du paysage à Versailles. Trois expériences : l'Écomusée du Quercy Cuitais, le réseau des bibliothèques des Mauges, la Demeure René-Guy Cadou à Louisfert.

Il convient d'envisager le rôle que peuvent jouer certains équipements dans les cas d'itinérante des services culturels : faut-il privilégier la création de pôles ou leur nomadisme ? Qui peut prendre en charge une telle itinérante, et comment assurer une bonne coordination entre les différentes initiatives ? Faut-il s'appuyer sur une expression culturelle existante ou, au contraire, la susciter d'une manière volontariste ? Est-il nécessaire de s'appuyer sur les structures-relais (parcs naturels régionaux, centres permanents d'initiation à l'environnement, associations diverses) et sous quelle forme contractuelle ? Puisque la polyvalence est partout présente, comment fédérer les différentes imitatives en un projet global d'aménagement et le développement harmonieux du territoire ? Quelle forme peut prendre le projet culturel : inscription dans les contrats du pays, dans les chartes intercommunales, dans les chartes de parcs naturels régionaux ? Comment inscrire le développement culturel parmi les autres services publics, afin de concilier économie de moyens et meilleure efficacité ?

Du terroir au pays et au bassin de vie. Président : Jean Arthois, sénateur-maire de Château-Gontier ; rapporteur : Bernard Kayser, professeur à l'Université Toulouse Le Mirail. Trois expériences : Tautavel, la Thiérache herbagère en Picardie, le Parc régional de Bretonne. L'existence de cultures locales, au niveau du terroir, ne fait aucun doute. Elles sont plus ou moins affirmées, jouent un rôle plus ou moins grand dans la dynamique sociale, sont implicites ou, au contraire, productrices de sens. Mais la question qu'il faut poser est celle de la réalité, de la formation, voire de la création d'une identité culturelle dans un espace plus large : une somme de cultures locales engendre-t-elle une culture territoriale, une culture de « pays » ?

Une identité culturelle peut-elle donner à une population une cohésion suffisante pour définir, délimiter le territoire dans lequel prendrait sa place un projet de développement ?

L'interaction villes/campagnes, facteur de développement culturel

Président : Anne Hénis, maire de Valognes ; rapporteur : Pierre Moulinier, chargé de mission au DEP. Trois expériences : Rur'Art en Poitou-Charcutes, l'Ensemble Justiniana à Besançon, l'ADDM Mayenne.

La problématique villes/campagnes doit se comprendre comme une interaction : influence réciproque, passage continu d'un monde à l'autre, voire pour certains « rurbains », vie marquée par une double appartenance, dépendance économique réciproque, partage des valeurs de chaque univers culturel…

N'y a-t-il pas un échange inégal entre exportation du « meilleur de la culture rurale » (son patrimoine) vers la ville, et envoi vers la campagne de « sous-produits culturels médiocres » ? Quelles sont les institutions-pivots d'un dialogue villes/campagnes ?

Arles : culture et développement économique

Quatre thèmes : Le développement culturel comme atout du développement économique.

Président : Jean Bousquet, député-maire de Nîmes ; rapporteur : Charles Robillard, agence Argos. Quatre expériences : les Porcelaines Deshoulières dans le Cher, la ville de Troyes, Nausicaa à Boulogne-sur-Mer, La soie des Cévennes.

Le développement culturel est un des atouts du développement économique. Certes, cette donnée n'est pas quantifiable et, en outre, n'est en elle-même pas suffisante pour assurer le développement économique. Mais on sait maintenant que la culture est une des conditions d'attractivité pour faire venir dans une entreprise des cadres et généralement des salariés. Par ailleurs, ont été étudiés des exemples concrets, comme celui des Porcelaines Deshoulières, qui sont un des mécènes du Printemps de Bourges ou de la ville de Troyes, qui crée une communication sur des événements culturels pour restaurer une image due à une industrie vieillissante.

La concentration des industries culturelles en région parisienne est-elle la finalité ?

Président : Jean-Pierre Camoin, sénateur-maire d'Arles ; rapporteur : Michel Orier, directeur de la Maison de la culture d'Amiens. Quatre expériences : les moulages plastiques de l'Ouest, Harmonia Mundi à Arles, Actes Sud à Arles, Ardèche Images à Lussas.

La centralisation des entreprises culturelles est d'abord une réalité forte. Aux causes de la concentration commune aux différentes branches industrielles s'ajoutent probablement des raisons propres au système culturel français : l'importance du rôle de l'Etat dans son économie la nécessité d'une mobilisation optimale des médias pour promouvoir l'ensemble des produits induisent une tendance à la centralisation.

On a peut-être les fatalités qu'on mérite et la formidable révolution technologique qui s'annonce, pour laquelle il faudra, sous peine d'acculturation, considérablement multiplier nos capacités de production, est l'occasion d'espérer que les PME-PMI qui ne manqueront pas de se développer feront de la culture un secteur véritablement générateur d'emplois.

Tourisme, culture et patrimoines

Président : Jean-Paul Hugot, sénateur du Maine-et-Loire ; rapporteur : Jean-Luc Soulé, festival du Périgord Noir. Trois expériences : la commune de Gavaudun, l'aménagement du Pont du Gard, Ciné-sites à Bordeaux.

Le patrimoine est constitué de tous les éléments à valeur identitaire, symbolique ou historique pouvant être appropriés comme éléments constitutifs d'une mémoire par une population donnée en référence sur un territoire déterminé. Le patrimoine apparaît bien comme ayant un pouvoir l'ancrage dans l'animation d'un territoire. Mais les publics, parfois désorientés face à ces patrimoines multiples, ont-ils toujours le recul nécessaire pour juger de la pertinence de la référence identitaire des patrimoines proposés ?

Nouvelles technologies : une nouvelle approche de l'aménagement culturel du territoire.

Rapporteur : Paul Soriano, directeur de la Société Médiéva. Trois expériences : le CICV à Montbéliard, l'industrie de l'image à Annecy, Société 2001 à Antony.

Dans ces conditions, le triptyque territoires-culture-technologie peut inspirer des initiatives intéressantes en matière d'aménagement du territoire.

Celles-ci peuvent prendre la limite de centres de ressources, accessibles par les réseaux : pôles de compétences, d'expertise ; bibliothèques, médiathèques, banques d'images en réseau ; équipements techniques partagés.

On peut penser à des pôles d'activité, combinant l'industrie, la formation et la R&D, le cas échéant, en relation avec la valorisation du patrimoine culturel local ou un événement (festival…).

La technologie peut également être un moyen de rapatrier des activités délocalisées dans les pays à faibles coûts salariaux.

Enfin, il existe des effets, diffus mais réels, d'attraction réciproque entre le monde de la culture et celui des industries « high teen » : une concentration de techniciens de haut niveau suscite une demande d'animation culturelle qui à son tour constitue un facteur d'attraction - d'autant que les cloisonnements (entre « scientifiques » et « créatifs » notamment) tendent à perdre de leur opacité…

Strasbourg : grandes métropoles, développement culturel et Europe

Deux thèmes : Dynamique et rayonnement culturels : les conditions d'accès d'une ville française au rang de métropole culturelle européennes. Quelles conséquences pour l'aménagement culturel du territoire régional ?

Président : Jean-François Bazin, président du conseil régional de Bourgogne ; rapporteur : René Rizzardo, directeur de l'Observatoire des politiques culturelles de Grenoble. Deux expériences : L'Opéra du Rhin à Strasbourg, les Musées de Marseille.

L'accès des villes françaises au rang de métropole culturelle européenne pose deux séries de questions : celle des finalités, celle des obstacles et des conditions à créer. Trois finalités peuvent être retenues : la place des villes françaises dans l'espace culturel européen doit être renforcée ; les dynamiques artistiques et patrimoniales s'enrichissent des échanges internationaux qui doivent être aussi renforcés, c'est l'enjeu d'une confrontation positive entre création et production nationale et le reste du monde ; les grandes villes sont des moteurs du développement régional ; leur rayonnement culturel international profite largement au territoire de leur « influence » et crée une ouverture.

La situation particulière des villes françaises suscite quelques interrogations : sur le rôle de l'Etat : si rien ne peut se faire sans la volonté et le dynamisme des villes, les capacités de l'Etat à renforcer durablement les atouts artistiques et patrimoniaux à vocation internationale en région seront déterminants. Il a un rôle de solidarité car toutes les villes ne sont pas à égalité de chance dans leurs « ambitions européennes » ; sur la nécessaire convergence des stratégies des collectivités publiques, des acteurs artistiques et culturels, des acteurs économiques : quelles négociations, quels partenariats, pour quels projets ? sur le rôle des régions : vont-elles rester de simples collectivités « d'appoint » ? Vont-elles jouer un rôle-clé dans les rapports entre les métropoles culturelles et les espaces régionaux ou inter-régionaux ?

Europe : nouveaux « territoires », nouveaux échanges, nouveaux réseaux, quelles conséquences pour le développement culturel en France

Président : Daniel Buren ; rapporteur : Jean-Pierre Dent, directeur de la fondation Marcel Hicter à Bruxelles. Deux expériences : SaarLorLux, le Carrefour des littératures européennes à Strasbourg. Les échanges existent depuis des siècles, ils sont touffus, riches et multiples. Les réseaux, eux, se tissaient bien avant qu'on ne les nomme. Découvrir de nouveaux territoires, c'est souvent croire qu'ils existent vraiment et re-regarder le sien – c'est également repenser les échanges plus en termes de coopération. La pratique de coopération culturelle inter-régionale étant centrale même en terme de petits projets concrets afin de créer des dynamiques d'ouverture et de ne pas tomber dans des crispations pouvant mener aux dérives sous-nationalistes dont l'Europe n'est pas avare. Les réseaux jouent le rôle de révélateur autant que de vecteur. Ils sont indispensables, souples, ouverts, novateurs. Ils procèdent aussi d'un effet de mode et peuvent parfaitement devenir des « clubs » si on n'y prend garde. Ils permettent principalement un formidable brassage de professionnels de pays différents.