Texte intégral
Mesdames et Messieurs, nous avons souhaité, Monsieur Alain Lamassoure et moi-même, faire le point à deux jours de l'ouverture de cette Conférence, de la préparation de la réunion de Paris relative au Pacte de Stabilité. Vous avez tous en tête les origines de cette initiative. C'est une idée de notre Premier ministre, M. Balladur, qui l'a lancée en avril 1993, il y a maintenant un tout petit peu plus d'un an. Cette idée a été proposée à nos partenaires de l'Union européenne qui ont travaillé durant le deuxième semestre de l'année 1993 avant d'adopter à Bruxelles, au Conseil européen de décembre, cette initiative qui est devenue une initiative de l'Union européenne et constitue même l'une des toutes premières actions communes de la PESC, de la politique étrangère et de sécurité commune, en tout cas sa première manifestation concrète et officielle.
Quels sont les objectifs de cette Conférence pour un Pacte de Stabilité en Europe ? Il y en a deux. C'est d'abord un exercice de diplomatie préventive. Nous l'avons dit dès le départ. En d'autres termes, il s'agit de prévenir les différends ou les conflits en Europe centrale, notamment sur les questions de frontière et de minorités. Inutile de souligner la nécessité d'un tel exercice de diplomatie préventive si l'on veut éviter que ne se reproduise un drame comme celui de l'ex-Yougoslavie.
Deuxième objectif, tout à fait complémentaire cette Conférence s'inscrit dans la démarche de l'Union européenne en vue de ses futurs élargissements. Le premier élargissement va être réalisé, nous l'espérons, d'ici le 1er janvier de l'année prochaine à quatre nouveaux pays puis viendra le tour des pays d'Europe centrale et orientale et des États baltes, auxquels l'Union européenne s'est adressée lors du Conseil de Copenhague de juillet 1993. Il faut donc réunir les conditions de ce futur élargissement, notamment en matière de stabilité, en matière de bon voisinage. La Conférence pour un Pacte de Stabilité s'inscrit dans cette perspective.
Quelle sera la méthode ? Le 26 et le 27 mai prochain se tiendra, vous le savez à Paris, la Conférence d'ouverture qui va lancer le processus et, en particulier, qui va lancer les tables régionales; nous avons repris ce mot de « table », au vocabulaire de la CSCE. Les pays concernés engageront ensuite des négociations, soit dans le cadre de ces tables régionales, soit dans des formats plus restreints – puisque nous avons envisagé que les tables régionales puissent donner naissance selon une procédure et un programme qu'elles détermineront elles- mêmes – à des tables bilatérales, en présence le cas échéant de pays médiateurs. Nous pensons qu'il sera utile d'ici la fin de l'année de faire l'état d'avancement des travaux de ces tables régionales ou bilatérales, par exemple à l'occasion d'une Conférence intérimaire et notre objectif est de tenir la Conférence finale qui devrait approuver le Pacte, au premier semestre, voire au premier trimestre de l'année 1995. Quand je dis approuver le Pacte, qu'est-ce que ce sera que ce Pacte ? Dans notre esprit, c'est l'ensemble des accords de bon voisinage que les pays participants auront conclus entre eux ou qu'ils apporteront dans la corbeille, si je puis dire, la CSCE ayant vocation à devenir la gardienne de ces accords de bon voisinage. Voilà pour la méthode Conférences d'ouverture, tables régionales et tables bilatérales, Conférence intérimaire et enfin Conférence finale au premier trimestre de l'année 1995. C'est un calendrier tendu qui impliquera donc un fort engagement de l'Union européenne, particulièrement de la diplomatie française, pour obtenir son respect.
Revenons à la Conférence de Paris qui commencera jeudi. Elle s'étalera donc sur un jour et demi. L'ouverture aura lieu à l'UNESCO, jeudi 26 à 10 heures. Après un accueil par le Directeur général de l'UNESCO, M. Balladur prononcera la première allocution, suivie de celle du Président de la Conférence au nom de l'Union européenne, à savoir mon collègue grec, M. Pangalos et de celle de M. Martino, le Ministre italien, puisque l'Italie est Présidente en exercice, vous le savez, de la CSCE et que la CSCE joue un rôle important dans le déroulement de la Conférence et des tables régionales qui suivront. Le 26 mai, le Premier ministre offrira un déjeuner, ici au Quai d'Orsay, en l'honneur de tous les Chefs de délégation. Le Président de la République les recevra à l'Elysée en fin d'après-midi et je donnerai moi- même un dîner au Musée des Monuments français pour l'ensemble des délégations. Le 25 mai, la séance plénière se poursuivra de dix heures à midi et aboutira, nous l'espérons, à l'adoption du document final de la Conférence d'ouverture avant le déjeuner qui aura lieu à l'UNESCO.
Je vous rappelle que nous avons invité à cette Conférence tous les pays membres de la CSCE, sauf la Serbie-Monténégro, ce qui représente environ 57 délégations. Comment arrive- t-on à ce chiffre de 57 ? D'abord les Douze de l'Union européenne, les quatre pays en cours d'adhésion l'Autriche, la Finlande, la Norvège, la Suède, les pays principalement concernés par la Conférence : c'est-à-dire les quatre du groupe de Visegrad Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie plus la Bulgarie et la Roumanie, plus les trois pays Baltes : l'Estonie, Lettonie et Lituanie. La Slovénie est également invitée. Sont également invités les pays voisins de ces pays principalement concernés, c'est-à-dire la Biélorussie, la Moldavie et l'Ukraine, les pays intéressés à la stabilité en Europe: Albanie, Canada, Chypre, États-Unis, Islande, Malte, Russie, St-Siège, Suisse et Turquie, dix, ce qui fait 39. Enfin, s'ajoutent à cela les pays de la CSCE qui sont invités en tant qu'observateurs et qui n'ont pas été cités parmi les précédents, plus un certain nombre d'organisations, c'est-à-dire les Nations-unies, la CSCE en tant que telle, le Conseil de l'Europe, l'Union de l'Europe occidentale et l'OTAN ; c'est comme cela qu'on arrive au chiffre de 57.
Je voudrais, pour terminer, avant de répondre à vos questions, rendre hommage à tous ceux qui se sont beaucoup investis dans la préparation de cette Conférence : tout d'abord nos propres services bien entendu, mais la préparation a fait l'objet aussi d'une intense coopération franco-allemande qui s'est manifestée particulièrement et tout récemment par l'envoi d'une lettre que j'ai co-signée avec mon collègue allemand aux pays principalement concernés que j'ai cités tout à l'heure. Je remercie aussi les Douze, et tout particulièrement la Présidence grecque qui ont beaucoup travaillé. La Conférence qui s'est tenue à Athènes la semaine dernière a permis d'aboutir à un projet de déclaration commune qui, je l'espère, sera adoptée jeudi sans difficulté.
J'ai enfin saisi l'occasion de mon voyage en Russie la semaine dernière, comme vous le savez, pour apporter à nos partenaires russes des précisions, des clarifications qu'ils demandaient, et à l'issue de ces entretiens, Andrei Kozyrev m'a affirmé qu'il serait à Paris le 26 et le 27 mai et que la Russie participerait pleinement au processus de la Conférence de Stabilité. Voilà, alors plutôt que de poursuivre mon exposé, sous réserve qu'Alain Lamassoure veuille ajouter à ce stade quelque chose, nous sommes prêts à répondre maintenant à vos questions.
Q. : M. le Ministre, vous avez parlé de prévention. Vous avez parlé de pays principalement concernés. Donc, on peut parler de dangers hypothétiques. Quelle prévention face à quels dangers croyez-vous qu'il faut faire vis à vis de la République tchèque par exemple ?
R. : Oh, je ne veux pas examiner tel ou tel cas. C'est aux tables régionales et ensuite aux tables bilatérales qui en sortiront de poser les problèmes. Globalement, et sans personnaliser par rapport à tel ou tel pays, il y a un fait qui est là, qui est indéniable, incontournable, comme on voudra, c'est qu'il existe entre certains des pays principalement concernés des problèmes de voisinage. Cela peut être parfois des problèmes de minorités, cela peut être d'autres problèmes. Ici, un barrage qui détourne telle ou telle partie du débit des eaux, ce qui peut donner lieu à polémique. Ailleurs, cela peut être un autre problème, s'agissant des États baltes que deviendront, par exemple, les retraités russes au fur et à mesure que le retrait des troupes se fait ? Bref, je ne veux pas dresser la liste, c'est aux tables régionales elles-mêmes qu'il appartiendra de la dresser. Mais je ne surprendrai personne en disant qu'il y a des problèmes en Europe centrale et dans ces dix pays. Il vaut donc mieux les prévenir. Il n'y a sans doute pas de risque de conflit ouvert la plupart du temps, je m'en réjouis. Instruits par l'expérience, nous préférons prévenir. Et j'ajoute que nous sommes disposés, l'Union européenne est prête à mettre dans la corbeille, pour faciliter ce processus, un certain nombre d'initiatives que nous avons appelées des projets d'intérêt commun qui marqueraient le soutien de l'Union européenne à ce processus; cela peut-être des incitations de caractère économique, par exemple, permettant aux pays principalement concernés non seulement de signer des accords, mais également de bénéficier de ce contexte général de la Conférence pour préparer leur entrée dans l'Union européenne. Il faut bien avoir en tête, je crois, les deux objectifs qui, pour nous, sont tout à fait complémentaires et que je rappelais tout à l'heure la prévention d'éventuels conflits qui, par définition puisqu'il s'agit de prévention, ne sont pas ouverts et, en même temps, une démarche d'accompagnement facilitant l'entrée de ces pays, qui ont vocation à y entrer, dans l'Union européenne. Ces deux choses sont convergentes.
Q. : M. le Ministre, vous parlez de diplomatie préventive. N'est-ce pas un des rôles principaux de l'ONU, et pourquoi donc une telle Conférence dans ce cas-là ?
R. : La question est presque provocante. Est-ce que l'ONU suffit à la tâche ? Ça n'est pas tout à fait évident et nous avons donc pensé qu'une telle initiative, centrée sur un certain nombre de pays, (ce que j'ai dit tout à l'heure) était non seulement non contradictoire avec le travail de l'ONU, cela va de soi, mais pouvait être un apport supplémentaire. Donc je ne vois pas du tout de difficulté de ce point de vue, sans que ceci apparaisse aucunement comme une critique contre les Nations-unies. Moi, je suis plutôt de ceux qui pensent que, cahin caha, avec beaucoup de difficultés, les Nations-unies jouent un rôle et que pour rester en Europe, en ex- Yougoslavie, elles l'ont joué, et qu'elles ont obtenu, au fil des mois, un certain nombre de résultats concrets. Je voyais encore tout récemment des images dans un grand journal sur la reconstruction de Sarajevo. On y voyait, pour être tout à fait concret, des feux tricolores dans les rues en train d'être réinstallés. Les choses ont changé à Sarajevo. Elles ont changé parce que la France a joué son rôle, elles ont changé parce qu'il y a eu un ultimatum, elles ont changé parce que cet ultimatum a réussi. Alors on est loin encore d'une solution globale, mais dire que l'ONU ou d'autres ont failli à leur mission, c'est ne voir qu'une partie de la réalité.
R : M. Lamassoure – Les pays d'Europe centrale et orientale ont hérité de l'Histoire un certain nombre de problèmes de voisinage. Certains de ces problèmes sont en voie de traitement ou ont déjà été réglés. Il y a eu un certain nombre d'accords bilatéraux passés entre l'Allemagne et la Pologne, entre l'Allemagne et la République Tchèque, entre la Pologne et la Lituanie, la Hongrie et l'Ukraine, et puis il y a d'autres problèmes qui font difficulté. Ces problèmes peuvent relever de la compétence de plusieurs organisations internationales, vous avez cité l'ONU, il y a également la CSCE, il y a également le Conseil de l'Europe, par exemple, pour les problèmes de minorités, etc. L'idée de la Conférence sur la Stabilité consiste à donner une impulsion politique pour faire en sorte que ces problèmes se traitent rapidement et mieux, de la même manière que dans un domaine complètement différent, pour quelque chose qui était une crise ouverte, la situation au Proche-Orient, il y a eu la Conférence de Madrid, le processus de paix qui a donné une impulsion politique. Cela s'inspire de la même démarche. On donne une impulsion politique en se donnant un calendrier raisonnable, suffisamment de temps pour pouvoir mener à bien des négociations difficiles, mais pas trop de temps non plus de manière à garder l'élan. Donc, l'horizon est en gros d'une année, étant donné que les pays qui sont invités à participer seront ainsi amenés à marquer l'intérêt qu'ils portent à la stabilité de l'Europe. Et si un pays accepte d'y participer, ça n'est pas qu'il reconnaît qu'il a des problèmes, je reviens à la question posée par le journaliste tchèque, c'est un moyen pour lui de reconnaître qu'il se considère comme concerné par la stabilité de l'Europe. Il est prêt pour ce qui le concerne à jouer un rôle. Certains pays ont des problèmes ; ils essaieront à l'occasion de cette Conférence de les régler en liaison avec leurs voisins, au besoin avec une médiation européenne. D'autres pays n'ont pas de problèmes de voisinage mais leur apport, leur présence, leur participation active est importante pour aider les autres avec nous, auprès de nous. Les pays qui souhaitent participer à l'Union européenne ont ainsi une occasion de montrer leur sens des responsabilités et la manière dont ils souhaitent la stabilité du continent européen.
Q. : Est-ce que l'Europe ne pourrait pas en quelque sorte balayer devant sa porte ou bien traiter les problèmes qui la concernent directement concernant la stabilité en Europe et les problèmes des minorités. On pense par exemple aux grands absents de facto, même si je crois que la Turquie aura un strapontin à la Conférence. La Turquie a des problèmes avec un pays membre de la Communauté, qui est la Grèce. On les a écartés ou laissés de côté de cette Conférence. Pourquoi ? Est-ce qu'on ne pouvait pas donner un exemple aux autres pays qui, souvent, voient cette Conférence comme une Conférence donneuse de leçons, vous l'avez rappelé, afin qu'ils prennent d'eux-mêmes des initiatives pour améliorer leurs relations de bon voisinage.
R. : Oh ! Écoutez, loin de nous de donner des leçons à qui que ce soit ! Si certains veulent s'inspirer de ce processus, très bien. Je vous ai dit quel était l'objectif. Il s'agit d'accompagner la marche d'un certain nombre de pays d'Europe centrale et orientale et des trois États baltes vers l'Union européenne. C'est le critère qui nous a guidés pour arrêter la liste des pays principalement concernés. J'ajoute que pour régler un certain nombre d'autres différends, parfois fort anciens, et ouverts, eux, je ne dirais pas latents mais patents, il y a d'autres procédures qui sont engagées. S'agissant des relations entre la Turquie et la Grèce, en particulier à propos de Chypre, il y a une médiation des Nations-unies, il y a même un observateur de l'Union européenne qui a été récemment nommé, M. Abou, qui est un Français, pour suivre l'évolution du dossier et c'est dans ce cadre-là que nous nous situons. Donc, nous avons voulu lancer une initiative, là où rien n'existait encore, pour rapprocher les points de vue et régler ces problèmes de voisinage. Nous n'avons pas voulu interférer avec d'autres processus qui sont en cours depuis longtemps et que nous souhaitons voir progresser et aboutir.
Vous savez cette façon de dire que l'Europe doit balayer devant sa porte, certes, nous le faisons, mais il est quand même un peu légitime que l'Union européenne, à la porte de laquelle frappent un certain nombre de pays, fixe, non pas des conditions, mais exprime des préoccupations. Nous ne sommes pas demandeurs, nous. Ce sont les pays candidats qui sont demandeurs. Il ne faut quand même pas renverser en permanence la charge de la preuve. Alain Lamassoure l'a suffisamment dit au cours de la négociation avec les quatre pays candidats qui vont entrer, si les référendums se passent bien, au 1er janvier 1995. Nous ne sommes pas allés les chercher, c'est eux qui nous disent: « Nous voulons entrer dans l'Union européenne ». Alors, on leur dit : « D'accord. On est tout à fait prêts à vous accueillir parce que vous êtes membres de la famille. Mais voilà ce qu'il faut faire pour entrer. C'est un peu dans cette logique que se situe aussi le Pacte de Stabilité. »
R : M. Lamassoure – Autrement dit, nous sommes prêts à faire entrer de nouveaux membres mais pas de nouvelles sources de conflits. Donc, il faut que chacun mette de l'ordre de son côté avant que nous puissions procéder à cet élargissement. Et il s'agit d'aider à régler des problèmes que nous, nous avons déjà réglés : le problème de la Sarre, de l'Alsace Lorraine ; ce sont des problèmes qui faisaient difficulté majeure entre les pays d'Europe de l'Ouest, que nous avons pu régler et ainsi nous avons pu, à partir de là, signer le Traité de Rome et bâtir la construction européenne.
Q. : M. le Ministre, est-ce que la Conférence va traiter aussi les problèmes qui concernent certains pays de l'Union européenne et de Europe centrale et orientale. Je pense aux problèmes entre l'Italie et la Slovénie. Vous savez mieux que moi que l'Italie s'oppose à des négociations en vue de l'accord d'association avec la Slovénie.
R. : Nous avons adopté une formule très souple et très pragmatique, je vous l'ai dit, qui consiste à constituer des tables régionales. Il y aura une table sur l'Europe centrale, et on voit bien les pays qui participeront, et c'est dans ce cadre-là que seront arrêtés à la fois la procédure, le programme de travail et la liste exacte des pays participants. Donc, ces questions-là ne seront évidemment pas intégralement abordées après-demain et vendredi. Elles seront traitées dans le cadre des tables régionales.
Q. : Si je comprends bien, M. le Ministre, le Pacte de Stabilité veut dire que dans le fond, on estime maintenant que l'Europe est assez mûre pour se préoccuper de sa stabilité, et non plus les États-Unis ?
R. : Les États-Unis sont invités à la table puisqu'ils sont évidemment concernés par la Stabilité en Europe, mais l'idée que l'Union européenne doive prendre en main ses propres problèmes, qu'elle doive définir elle-même ses perspectives d'avenir, ce qu'elle sera, à échéance de la fin de ce siècle, si c'est la question, la réponse est claire, oui. C'est à l'Europe de dire comment elle conçoit son propre élargissement, ce qu'elle est prête à faire vis à vis des pays candidats, parce que c'est évidemment à double sens, pour les accompagner dans leur marche vers l'Union, ce qu'elle souhaiterait qu'ils fassent entre eux pour éviter, comme l'a dit Alain Lamassoure, de transférer à l'intérieur de l'Union, de nouvelles sources de conflit, mais c'est l'Europe qui est évidemment au premier plan. Et c'est la raison pour laquelle, je l'ai dit en commençant, c'est l'une des toutes premières actions communes de la Politique extérieure et de sécurité commune, mais c'est l'Europe qui est évidemment au premier plan, et c'est la raison pour laquelle – je l'ai dit en commençant – c'est l'une des toutes premières actions communes de la Politique extérieure et de sécurité communes, dont je voudrais souligner au passage que c'est un bébé qui a six mois. On porte souvent des jugements définitifs sur elle en disant « ça ne marche pas, etc. ». Le Traité sur l'Union européenne est entré en vigueur le 1er novembre 1993, ça fait donc à peine plus de six mois que ces mécanismes sont en place. Qu'était le Marché commun six mois après l'entrée en vigueur du Traité de Rome ? Pas grand-chose. Donc il faudra du temps et des efforts. Mais je pense que cette conférence y contribuera. Et d'ailleurs le fait qu'elle ait été très rapidement -en quelques mois – endossée, si je puis dire, par l'ensemble des pays de l'Union européenne, qu'elle soit devenue une de nos premières actions communes, que le Conseil européen de Bruxelles l'ait dit très publiquement, et que pendant toute la phase de préparation il y ait eu une très très bonne coopération à Douze, montre que c'est un exercice qui est ressenti comme nécessaire par l'ensemble des pays membres.
Les États-Unis sont invités, comme je vous l'ai dit, à la table pour participer le cas échéant. Dans ces tables bilatérales qui sortiront des tables régionales, nous l'espérons, nous souhaitons qu'il y ait des modérateurs, des pays qui participent, qui puissent s'associer aux projets d'intérêt commun que j'évoquais tout à l'heure. Je vais prendre un seul exemple parce que je l'évoquais récemment en Russie à l'occasion de mon dernier voyage. Il y a des problèmes à l'heure actuelle entre l'Estonie et la Russie pour mettre au point très exactement les modalités de retrait des troupes russes, et surtout le sort qui sera réservé aux retraités militaires. Cela peut nécessiter, de la part de la Communauté européenne, et de la part des États-Unis, qui sont très intéressés par la stabilité dans cette région, des efforts particuliers. Pourquoi, par exemple, ne pas contribuer ensemble au logement de ces retraités militaires? Ça peut être un point d'application très concret, une des mesures d'accompagnement envisagées. Je cite celle- là, on pourrait en citer sans doute beaucoup d'autres.
Q. : M. le Ministre, il y a une question qui pourrait être pratiquement un cas d'école pour la Conférence sur la Stabilité, qui est celui de la Crimée, qui pose à la fois un problème de frontières et de minorités. Or, il semblerait que la question ne sera pas abordée au cours de la conférence. Est-ce que vous estimez que cela ne met pas en cause la stabilité en Europe, ou bien y a-t-il des réticences russes ou ukrainiennes à aborder ce problème ? Et de manière plus générale, je trouve qu'on est frappé quand même par le fait qu'on ne nomme jamais les problèmes. On nous dit toujours « ça va être abordé dans la discrétion par tel ou tel pays autour de tables régionales ou bilatérales… ».
R. : Sur le premier point, j'ai un peu de mal à me faire comprendre, sans doute par défaut de clarté. Cette conférence s'adresse aux pays qui ont vocation à entrer dans l'Union européenne. Cela vous apparaîtra peut-être un petit peu abrupt, mais je le dis comme je le pense, nous l'avons d'ailleurs dit il n'y a pas très longtemps avec Alain Lamassoure, au cours d'une conférence de presse que nous faisions dans cette même salle sur « un an de politique européenne » : Dans notre esprit, l'Ukraine, la Biélorussie, la Russie elle-même, nous ne les voyons pas dans l'Union européenne. Voilà pourquoi l'exercice ne s'applique pas à ces pays. C'est clair. Nous les voyons comme partenaires, et je l'ai dit avec suffisamment de force lors de mon voyage à Moscou, nous ne les voyons pas comme États membres. Voilà la réponse très précise à votre question. J'en profite pour dire au passage que l'une des conditions de la stabilité, au-delà même du cadre de l'exercice de cette conférence, qu'on peut trouver trop ambitieux c'est-à-dire qu'on veut prendre trop de problèmes à la fois, ou pas assez, parce qu'on ne va pas jusqu'à Vladivostok- mais qui, je crois, a trouvé un bon point d'équilibre, l'une des conditions de la stabilité en Europe voulais-je dire, c'est le respect des frontières et de l'unité des nations qui ont accédé à l'indépendance et ce propos s'applique, dans ma bouche, à l'Ukraine.
Deuxième question on ne nomme pas les problèmes. Que diable! Bien sûr qu'on les nomme! Ce sont les problèmes des minorités, les relations de la Hongrie avec la République slovaque, avec la Roumanie et quelques autres, c'est un problème tout à fait concret. Deuxième exemple tout à fait concret: je l'ai déjà évoqué tout à l'heure, le barrage de Gabcikovo, par exemple. Est-ce que nous pouvons contribuer, dans le cadre de la Conférence sur la Stabilité, à régler ce différend entre la Slovaquie et la Hongrie? Troisième exemple : les relations des États baltes avec leurs grands voisins, s'agissant à la fois du statut des minorités russophones et également du problème des retraits des troupes. Voilà des exemples qui prouvent que tout ceci est tout à fait concret et tout à fait précis. Simplement, ce n'est pas à moi aujourd'hui de dresser l'ordre du jour précis des tables régionales et des tables bilatérales. On voit bien ce qu'on a en tête de façon très précise, nous en avons parlé au cours des innombrables séances de préparations tenues par la présidence de l'Union européenne et, il faut bien le dire, très activement par la France dont les diplomates se sont déplacés à Prague, à Varsovie, à Budapest, à Bratislava, à Moscou, dans les États Baltes. Nous avons reçu, vous le savez, le Premier ministre et moi-même, depuis le mois de mai les responsables des trois États Baltes. Donc tout ceci a été très activement préparé, les questions sont identifiées. Maintenant il faut évidemment que le processus se mette en place concrètement.
Q. : (Sur les risques de contagions des crises)
R. : Je ne crois pas du tout que l'effet de contagion jouera dans le sens de la multiplication des difficultés. On dit souvent « la boîte de Pandore, etc. ». Je crois qu'au contraire l'effet d'exemplarité de certains accords on a parlé tout à l'heure des accords entre la Pologne et l'Allemagne, entre la Pologne et l'Ukraine qui seront apportés au pot commun de cette conférence, cet effet peut être très positif. Et on le voit déjà, on voit déjà que les travaux de préparation de la Conférence sur la Stabilité ont incité certains pays à évoluer. Ce n'est sans doute pas le seul facteur, il y a aussi eu des changements de politique intérieure, mais regardez, les relations entre la Slovaquie et la Hongrie se sont beaucoup détendues depuis quelques mois, c'est peut-être lié effectivement au changement de gouvernement, mais nous pensons que l'implication dans la Conférence de Stabilité est également une incitation à aller dans ce sens. Et c'est pour cela que nous fixons un calendrier, parce qu'il ne s'agit pas d'ouvrir un processus de dix ans, il faut qu'il y ait un terme assez précis, de l'ordre d'une année, sans cela on ne s'en sortira pas.
Q. : Le problème entre la Grèce et la Macédoine sera-t-il abordé ?
R. : J'ai déjà répondu non à cette question. La Macédoine ne fait pas partie des pays directement concernés. Il y a là un processus déjà en cours de médiation, à l'initiative d'un médiateur des Nations unies. Vous savez que la France a souhaité très fortement au cours des derniers mois, qu'on se remette sérieusement autour de la table de négociation plutôt que de prendre des mesures unilatérales de rétorsion qui n'arrangent rien et ne font pas progresser la solution du conflit.
Q. : (Sur les aspects militaires)
R. : Non, il s'agit d'accords politiques, il ne s'agit en aucun cas d'accords militaires. Il ne s'agit pas d'interférer avec d'autres processus en cours : le Partenariat pour la Paix, à l'initiative de l'Alliance atlantique, il y a l'association à l'Union de l'Europe occidentale, à l'initiative des Européens. Vous savez, c'est un point je crois qui est passé un petit peu inaperçu, et qui est pourtant très important. Les pays concernés, qui sont là sur la liste que je viens d'évoquer, siègent désormais au Conseil permanent de l'Union de l'Europe occidentale depuis la session ministérielle du 9 mai dernier. Proposition franco-allemande lancée à Varsovie en novembre, qui n'avait pas fait, il faut bien le dire, l'enthousiasme dans les premiers temps, et qui aujourd'hui est concrétisée par un nouvel accord d'association entre ces pays. Donc les aspects de garantie ou les aspects de coopération militaire se passent dans d'autres cadres, il s'agit là d'accords de caractère civil, si je puis dire.
Q. : M. Le Ministre, serez-vous d'accord avec moi pour dire que si les critères appliqués aujourd'hui pour entrer dans l'Union européenne avaient été appliqués lors de l'adhésion de la Grèce, celle-ci n'aurait jamais pu entrer dans la Communauté européenne d'alors, puisqu'elle a de toute évidence encore des problèmes de frontières et de minorités avec la plupart de ses voisins ? N'est-ce pas quand même un peu malheureux que ce soit justement la Grèce qui représente dans cette Conférence sur la Stabilité, cet exemple que veut être l'Union européenne pour le reste des Européens ? Deuxième question: l'avènement de la Slovénie comme dixième pays principalement concerné, qui me semble, si je ne me trompe pas, être relativement récent, est-ce que ça veut dire que la France considère la Slovénie aussi comme ayant vocation aussi à accéder le moment venu à l'Union européenne ?
R. : Sur la deuxième question la réponse est positive. La Slovénie a aujourd'hui trouvé sa stabilité et nous avions depuis longtemps convenu avec nos partenaires allemands qu'elle était concernée par l'exercice. Peut-être n'avait-ce pas été annoncé, mais cela n'est pas une nouveauté par rapport à l'état de nos réflexions depuis plusieurs mois.
Sur le premier point, moi, je ne suis pas historien, je suis ministre des Affaires étrangères, donc je ne vais pas remonter quelques années en arrière. La Grèce assume parfaitement bien la présidence de l'Union européenne, elle a été très active dans la préparation de cette conférence sur la stabilité, donc je n'ai qu'un coup de chapeau à donner à la présidence grecque, y compris d'ailleurs – je l'ai dit en son temps pour l'aide qu'elle nous avait apporté dans la libération de nos onze otages de Première Urgence. Et puis de toute façon, vous savez que les présidences tournent.
Q. : M. le Ministre, à propos des accords existant, par exemple les accords de bon voisinage entre la Pologne et l'Allemagne, est-ce qu'il faut comprendre qu'ils ne vont pas être renégociés ?
R. : Les accords qui sont conclus, qui sont de bons accords, qui sont dans la philosophie de la Conférence – on en a cité quelques-uns – seront par ceux qui le souhaiteront, ils nous ont dit qu'ils étaient prêts à le faire, "apportés dans la corbeille" et constitueront avec les nouveaux accords négociés pendant l'année qui vient, le Pacte de Stabilité. Alors, on peut dire: " mais quelle est la valeur ajoutée par rapport à ces accords déjà signés ? ". C'est la consécration internationale, c'est le fait que la CSCE et l'ensemble des pays qui y participent apporteront leur caution, leur sanction si je puis dire, leur reconnaissance à ces accords bilatéraux, ce qui sera à l'évidence un plus.
Q. : Votre réaction à la déclaration du Yémen du Sud comme État indépendant ?
R. : J'ai eu l'occasion déjà de vous le dire, une de nos règles générales c'est que l'unité des nations est plus un facteur de stabilité que leur scission: Donc nous sommes favorables à ce que l'unité du Yémen soit respectée. Pour le surplus, la Ligue Arabe a engagé vis-à-vis de ce qui se passe au Yémen un processus de médiation, et nous lui faisons confiance pour qu'elle parvienne à une solution dans les délais les plus rapides possibles.