Texte intégral
Monsieur le président,
Messieurs les directeurs,
Il y a presque un an et vous le rappeliez dans votre discours Monsieur le président, votre assemblée générale était pour moi l'occasion d'un tout premier contact avec le secteur de la pêche.
Aujourd'hui, un an après, nous pouvons ensemble mesurer le chemin parcouru mais surtout évaluer celui qui reste à faire.
La pêche traverse une période difficile, sans doute la plus sombre de son histoire depuis 30 ans.
La coopération et le crédit maritime en sont à la fois les observateurs attentifs mais aussi les acteurs engagés capables comme vous l'avez précisé, d'un examen critique.
Cette remise en cause pour difficile qu'elle soit est courageuse.
Elle est indispensable même parce qu'elle conditionne le maintien de cette activité économique qui doit d'une manière impérative s'adapter à un environnement, qui a très profondément et très rapidement évolué au cours des dernières années.
Cette nouvelle donne économique, trop longtemps masquée par la crise de la ressource résulte de la conjonction de plusieurs facteurs que je rappellerai très brièvement puisque vous les avez-vous-même évoqués.
Une diminution de la consommation du poisson. Dans un contexte économique général déprimé, les consommateurs se tournent en effet vers des produits moins chers, et en particulier les viandes blanches.
Le poids croissant de la grande distribution qui pour faire face à ses propres impératifs fait appel massivement à l'importation.
L'internationalisation des échanges en provenance des pays tiers mais également la concurrence accrue de nos principaux partenaires européens favorisés il est vrai par les dévaluations compétitives de leur monnaie.
Dans ce contexte économique nouveau, les inadaptations structurelles de notre filière, fortement atomisée, n'en apparaissent que plus grandes. Au-delà même de ce constat, maintenant globalement admis, nous devons ensemble définir les actions et les restructurations nécessaires.
Avant de vous livrer quelques orientations pour l'avenir de la filière, je voudrais tout d'abord évoquer rapidement la situation du crédit maritime.
Votre institution, partenaire financier privilégié de la pêche et de ses organisations, a subi les conséquences des crises traversées par ce secteur, l'amenant, comme vous l'avez joliment exprimé, à se départir de son rôle de strict banquier pour accompagner les opérateurs dans ces moments difficiles.
Votre banque en subit les contre coups c'est indéniable, et je pense que chacun en est conscient.
Vous devez, je crois, poursuivre l'effort de restructuration amorcé dans votre secteur, à la fois pour améliorer sans relâche la productivité de l'ensemble et pour mieux assurer encore les dispositifs de contrôle internes.
Vous le savez vos tutelles financières y sont attachées ·et c'est dans l'ordre des choses. Pour ma part, je sais le rôle majeur que vous jouez dans la filière et je veillerai, en contrepartie auprès de mes collègues de l'économie et du budget à ce que tout soit mis en œuvre pour vous aider à traverser cette période difficile.
Déjà les mesures de désendettement au profit des armements y contribuent largement.
En prenant en charge l'intégralité de leur financement, l'État a assumé ses responsabilités mais, à l'avenir, il ne saurait poursuivre seul cet effort.
Sur un autre plan, je suis également conscient de la nécessité pour vous, et pour l'ensemble de vos caisses de connaître le montant de l'enveloppe de prêts bonifiés dont elles pourront disposer.
Les circonstances particulières de cette année ont conduit à un certain retard, et je le regrette. Mais aujourd'hui, je peux vous indiquer que ce montant vient d'être fixé à 325 MF., ce qui correspond, je crois, aux besoins que vous aviez définis avec mes services.
Sans revenir sur les détails des dispositifs qui ont été adoptés par le Gouvernement, le contrat de progrès en 1993 et les mesures complémentaires adoptées au mois de février, je voudrais maintenant rappeler les objectifs qui sont les miens en ce qui concerne à la fois la flotte de pêche, et les nécessaires transformations de l'ensemble de la filière.
I. – Concernant la flotte elle-même, les mesures mises en œuvre depuis maintenant 1 an, ont pour objectif le redressement financier des armements, en allégeant leur charges en redressant leur équilibre économique compromis.
L'ensemble des navires, quelle que soit leur catégorie, peuvent – éventuellement d'une manière cumulative – bénéficier de ce dispositif d'une importance sans précédent puisqu'il représente en 1994 plus de 3 fois le budget habituel des pêches.
Un tel dispositif, inédit dans la pêche est certes complexe ce qui a pu générer, en effet, une certaine lenteur dans sa mise en place.
Mais notons que ceci impliquait à la fois, l'adoption de procédures nouvelles, l'intervention de commissions chargées d'examiner individuellement chaque dossier, un partenariat financier entre l'État et les collectivités territoriales.
Cette complexité – peut-être trop grande – explique à mon sens le décalage entre l'annonce des mesures et leur mise en place effective.
Mais c'est parce que je suis conscient de ces difficultés, des conséquences pour les armements et les hommes que j'ai souhaité la mise en place d'une commission de suivi qui est l'occasion mensuelle de faire le point.
Pour ma part, je peux vous assurer que je suis très attentif à la traduction dans les faits des mesures arrêtées par le Gouvernement.
Pour la plupart, celles-ci sont déjà en place et produisent leurs effets. J'en veux pour preuve le déblocage des fonds réservés aux O.P. ou la délégation des enveloppes de fonds propres.
Toutes ces mesures visent à maintenir en flotte des navires performants tout en assurant leur modernisation et un taux de renouvellement raisonnable.
Je veillerai que dans ce cadre l'Europe ne sacrifie pas toute possibilité de renouvellement de la flotte.
Il est en effet indispensable de maintenir une flotte moderne et donc une capacité de capture compatible avec des objectifs européens de gestion de la ressource.
Nous avons fait en ce sens des propositions à Bruxelles. Mais il nous faudra pour tenir compte de l'IFOP modifier la circulaire de 1983. Ce sera l'occasion d'examiner certaines de ses modalités et vous serez associé à ce travail qui vient d'être engagé par mon administration.
S'il importe de maintenir en flotte des navires performants, encore faut-il qu'ils puissent trouver dans le marché les conditions optimales suffisantes assurant leur équilibre d'exploitation, et la rémunération des équipages.
Il convient donc à la fois de réorganiser en profondeur l'ensemble de la filière et d'adapter le cadre communautaire.
Sur le plan national tout d'abord, j'ai confié vous le savez une mission d'évaluation de la filière à l'ingénieur général GUERIN.
Celui-ci a procédé à de nombreuses consultations avant de rendre ses conclusions.
Celles-ci ont été longuement analysées et discutées dans le cadre d'un groupe de travail spécifique qui a dégagé des grandes lignes d'action.
Je me réjouis d'ailleurs qu'elles regroupent très largement votre propre approche. Il convient maintenant de les mettre en œuvre. C'est une tâche longue et difficile puisqu'il s'agit d'une modification fondamentale des conditions de mise en marché qui servie par des outils de commercialisation plus performants doivent être plus transparent.
Quelques idées force doivent guider notre action.
1. Améliorer la prévision des apports en favorisant l'installation à bord des navires de dispositifs permettant l'information des organisations de producteurs et des criées, et pour les opérateurs, la possibilité d'anticiper les évolutions du marché.
Mais tout ceci n'aura de sens que si derrière, la production s'organise pour valoriser ces efforts et les traduire en terme de regroupement de l'offre et de gestion prévisionnelle des marchés.
À ce titre les organisations de producteurs doivent comme vous venez de le dire développer sur une dizaine de produits que je qualifierais, de stratégiques, des actions communes en direction en particulier des G.M.S., qui trouvant une offre dispersée, ont recours à l'importation.
2. Renforcer la première commercialisation. Il convient de développer et de rationaliser la connexion entre criées mais surtout de renforcer la structure financière du mareyage, qui de loin est aujourd'hui le maillon le plus faible de la filière.
À cet égard, il conviendra de créer des fonds de caution interportuaire et d'étudier en liaison avec les collectivités territoriales la création de fonds régionaux destinés à améliorer leur structure en fonds propres.
3. Réformer le FIOM afin d'en faire un véritable office capable de fédérer une profession éclatée et de développer une stratégie de rationalisation des normes de commercialisation et de développement d'une démarche qualité.
L'État bien évidemment accompagnera cette restructuration en profondeur par des moyens budgétaires adaptés, et sollicitera les participations européennes à travers notamment le programme PESCA.
Mais cette action nationale de reconquête du marché doit être complétée par une action communautaire d'ampleur.
J'aurai dans quelques jours l'occasion de présenter à la commission un mémorandum résumant la position française.
Sans pouvoir rentrer dans le détail, mais vous me permettrez d'en réserver la primeur au président de la commission et au commissaire européen, que je vais rencontrer dans les prochains jours, je vous préciserai simplement qu'il me paraît indispensable d'adapter les mécanismes de l'O.C.M. aujourd'hui obsolètes.
Il convient dans ce marché désormais très ouvert à l'importation :
– de renforcer le rôle des organisations de producteurs, et d'assurer une application homogène des mécanismes de régulation existant ;
– de prévoir afin de surmonter les crises conjoncturelles, des mécanismes d'intervention communautaire plus efficaces, et plus rapides ;
– d'obtenir en cas de crises graves des soutiens spécifiques de l'Union européenne au bénéfice des organisations de producteurs qui font l'effort de respecter les prix de retrait.
Enfin, il convient également d'assurer une application uniforme des réglementations douanières, sanitaires et commerciales, qui, nous avons pu le constater ne sont jusqu'à présent que très faiblement suivies.
Je ne voudrais pas terminer mon propos, Monsieur le président sans souligner le travail accompli quotidiennement dans les diverses structures de la coopération et du crédit maritime.
Dans la période très difficile que nous traversons je sais que les professionnels peuvent compter sur la compétence et la disponibilité de l'ensemble des personnels de votre groupe.
Les mutations inéluctables de la pêche, et de son environnement économique et financier impliqueront de la part de tous un nouvel effort.
Je ne doute pas de votre appui dans ces circonstances et je voudrais vous assurer qu'en contrepartie j'appuierai de mon autorité les nécessaires changements qui s'imposent.
Je vous remercie.