Texte intégral
Messieurs les Présidents,
C'est avec un très grand et très réel plaisir que j'ai répondu à votre aimable invitation de participer à votre Assemblée générale.
Il y a à peine plus d'une année la situation du bâtiment était tout particulièrement dramatique avec 1 000 entreprises et 10 000 emplois qui chaque mois disparaissaient.
Je souhaite aujourd'hui, devant vous tous, faire d'abord un bilan d'étape de la situation générale d'un secteur si important pour notre économie avant de m'attacher à analyser la situation particulièrement du Maine et Loire.
I. – Bilan d'étape du BTP et du logement
Quelque 673 milliards de chiffre d'affaires en 1992, 1,5 million d'emplois le secteur du bâtiment et des travaux publics joue un rôle considérable dans l'économie de notre pays. D'autant plus que son activité tire celle des autres secteurs – maîtrise d'œuvre, matériaux, immobilier, gestion de biens et transaction – qui comptent pratiquement autant d'actifs.
À partir de 1992 le secteur de la construction est confronté à une crise sévère, sans précédent depuis la guerre.
Aussi il y a à peine plus d'une année et après plus d'une décennie d'idéologie anti immobilière, le nouveau Gouvernement a réagi dès les premiers jours, dans le cadre d'une nouvelle stratégie économique visant à maîtriser les déficits, à relancer l'économie et à rétablir la confiance.
Cette relance a concerné prioritairement le bâtiment et 4 objectifs ont été retenus.
Les deux premiers – la construction de logements locatifs sociaux et le soutien aux travaux dans l'habitat existant – recherchaient l'effet de levier pour répondre à l'urgence des besoins des français et assurer la sauvegarde des emplois et de vos entreprises.
Les deux autres le retour de l'accession à la propriété et l'encouragement au placement de l'épargne dans la pierre – constituaient les axes du changement de politique.
Ces 4 orientations ont rencontré l'accord de l'ensemble des acteurs de la filière et reçu leur soutien. C'est d'ailleurs, au demeurant normal, puisque jamais depuis 30 ans il n'y avait eu un tel effort de la part de l'État.
Et puis l'intérêt général rejoignait l'intérêt de chacun mais aussi et c'est l'essentiel l'intérêt des familles et celui de vos entreprises et de vos salariés.
Quel bilan pouvons-nous faire au bout de ces 12 mois ? Il me semble que le bilan d'étape est positif.
1. Dans le domaine du logement locatif social, il y avait eu en 1992, 72 000 nouveaux logements, il y a eu en 1993, 85 000 et il y en aura encore plus en 1994. En outre, en 1993, 200 000 logements HLM ont été réhabilités.
2. Dans le domaine de l'accession sociale le progrès est encore plus spectaculaire, + 31 % par rapport à 1992 et nous sommes bien partis pour bousculer en 1994 les prévisions budgétaires de 55 000 PAP.
3. Dans le domaine des travaux sur l'habitat existant, en 1993, 200 000 logements privés ont été améliorés grâce aux primes d'amélioration de l'habitat et aux aides de l'ANAH soit une augmentation de plus de 25 % par rapport à la moyenne des nées 1990 – 1991 et 1992. En 1994 nous avons pu dégager 300 MF de plus pour l'ANAH portant ainsi son budget à 2 600 MF, ce qui avec les 600 MF de crédits destinés à la PAH portent les crédits budgétaires à un niveau jamais atteint de 3 200 MF.
4. Par ailleurs, l'enquête trimestrielle de l'INSEE montre un regain d'optimisme de l'ensemble des promoteurs.
5. Enfin je tiens à citer tout particulièrement l'opération de prêts bonifiés destinés aux collectivités locales réalisée grâce à la profession du bâtiment avec le concours de certains grands établissements financiers.
Après 12 mois, le panorama n'est pas contrasté il est parfaitement convergent et tous les signes marquent une amélioration. La reprise est là, le mouvement est en route comme le confirment d'ailleurs les résultats de la construction de logements et locaux neufs (SICLONE) pour le 1er trimestre 1994.
Ainsi la reprise de la construction de logements neufs s'amplifie avec 81 900 logements mis en chantier, soit l'un des plus hauts niveaux depuis 1989, la progression du rythme des mises en chantier est de 18,7 % par rapport au 1er trimestre de 1993 et de 15,4 % par rapport au trimestre précédent (dernier trimestre de 1993).
La reprise amorcée au 4ème trimestre 1993 se poursuit donc en s'amplifiant et l'extrapolation arithmétique sur l'année 1994 du nombre de logements commencés au 1er trimestre de l'année laisse espérer 300 000 mises en chantier cette année.
De même la dégradation de la situation de l'emploi dans le BTP s'est ralentie à partir du second semestre 1993.
Le rythme annuel de pertes a augmenté régulièrement depuis 1991 jusqu'à atteindre - 5,2 % en juin 1993, correspondant à la disparition de 67 000 salariés entre juin 1992 et juin 1993.
La deuxième moitié de 1993 est marquée par un renversement de tendance, le taux annuel de pertes revenant à - 4,9 % en septembre et à - 4,3% en décembre (même source).
Le taux de croissance annuelle du chômage BTP, après avoir culminé à + 21,4 % en juin (soit + 56 000 demandeurs entre juin 1992 et juin 1993), a nettement décéléré en fin d'année, + 17,4 % en novembre et + 14,1 % en décembre.
En emploi comme en chômage, le retournement de tendance mesuré en 1993 apparaît durable.
Une prolongation de la tendance actuelle (- 5,2 % en juin, - 4,3 % en décembre 1993) permet d'envisager à ce jour une hypothèse de pertes d'emplois salariés BTP de l'ordre de 1 % de l'effectif concerné, soit environ 12 000 salariés en 1994.
Trois disparitions sur quatre devraient concerner le bâtiment, une sur quatre les travaux publics.
L'érosion des effectifs salariés du BTP sera donc quatre fois moindre en 1994 qu'en 1993.
Dès fin avril 1994, le taux de croissance annuelle du chômage BTP devrait à nouveau être inférieur à celui de l'ensemble du chômage pour la première fois depuis août 1991.
L'année 1994 sera donc probablement, du point de vue de l'emploi et du chômage dans le BTP, une année transitoire, avec des pertes réduites de salariés et une stabilisation ou une légère décrue du nombre de demandeurs d'emploi.
II. – analyse de la situation particulière du Maine et Loire
La situation de notre département mérite que nous nous interrogions ensemble quelques instants sur les évolutions que nous pouvons constater.
La construction de logements sur les derniers mois de l'année 1993 et les premiers mois de 1994 confirme l'amorce de reprise constatée dès la fin de l'année dernière.
Pour les logements commencés le premier trimestre 1994 est en progression de 12 % par rapport à la même période de 1993. Cette amélioration est due essentiellement aux mises en chantier de logements collectifs (+ 25 %).
De même lorsqu'on analyse la situation des logements autorisés on constate une progression nette, témoignant d'un climat favorable : + 40 % au 1er trimestre 1994 par rapport au 1er trimestre 1993. En particulier on note que, sur cette même période, l'individuel fait une percée remarquable avec 62 % d'autorisations supplémentaires alors que le collectif se maintient avec 25 % de progression.
Dans le même temps, si l'on s'attache à l'évolution des financements, nous constatons l'effet positif des mesures de relance dans notre département.
Ainsi la consommation des crédits PLA reçus progresse de 12,07 % entre le 1er trimestre 1993 et le 1er trimestre 1994 remplissant efficacement l'objectif de soutien direct au BTP.
La progression de la consommation des PAP est particulièrement significative sur la même période (80 126 455 contre 12 711 449 soit + 530,35 %) et permet le financement de 237 logements contre 42 au 1er trimestre 1993.
LA PAH connaît aussi une augmentation de consommation de 15,37 % (à noter que les crédits sont en augmentation de 265 % par rapport à 93).
L'ANAH enregistre une progression sur le 1er trimestre 1994 de 46 % par rapport au 1er trimestre 1993, avec une dotation reçue augmentée de 22 %.
PAH et ANAH ont permis ainsi l'amélioration de 660 logements au 1er trimestre 1994 contre 471 au cours de la même période de 1993, soit + 40 %.
Par ailleurs les transactions sur les logements se réveillent.
Ainsi pour les logements neufs les stocks ne représentaient plus à la fin de septembre que 9 mois de commercialisation.
Pour les logements anciens la baisse des transactions s'est interrompue à la fin du 3ème trimestre 1993. La baisse des taux d'intérêt, a déclenché le mouvement de reprise ainsi que les mesures de défiscalisation des SICAV qui ont été, selon les professionnels le second élément moteur.
Enfin les indicateurs relatifs aux autres bâtiments sont dans notre département un peu meilleur qu'ailleurs.
Ainsi les constructions commencées sont en progression de 19 % au 1er trimestre 1994 par rapport au 1er trimestre 1993 avec une augmentation de 68% des bâtiments industriels.
Il me semble donc, à l'analyse de ces évolutions que nous pouvons convenir ensemble que la relance est au rendez-vous dans le Maine et Loire, avec des perspectives encourageantes pour l'année 1994 si l'on considère l'accroissement des prêts PAP, la persistance de taux des prêts bancaires particulièrement intéressants et les conséquences de la nouvelle politique fiscale.
III. – Au bout d'une année d'une politique nouvelle mes priorités restent
Continuer à soutenir et à accélérer la reprise.
Établir définitivement la politique nouvelle.
Cette politique vous en connaissez les principaux axes que j'ai déjà eu maintes et maintes fois l'occasion d'exprimer, mais il me semble aussi que c'est en la répétant sans cesse qu'on en convaincra l'ensemble des acteurs.
D'abord, il s'agit de rendre vie à l'accession à la propriété. C'est l'aspiration de beaucoup de familles, et ça n'a pas changé, y compris de familles modestes, voire très modestes, de devenir propriétaire de leur résidence principale en achetant un logement neuf ou un logement ancien.
Cette grande politique, c'est aussi le retour de l'épargne française vers la pierre.
Lorsque l'on examine cette question importante essentielle pour vous, et je dirai essentielle pour une bonne politique du logement, il faut en regarder l'ensemble des éléments. Cette épargne reviendra vers la résidence principale. Nous avons fait, pour l'accession à la propriété des efforts considérables. Je crois en particulier que la baisse des taux d'intérêt, inégalée apporte des conditions désormais favorables pour que l'épargne des accédants puisse revenir vers la pierre.
Mais bien sûr, cela ne suffit pas. Il faut aussi faire revenir l'épargne vers le logement locatif. J'ai déjà eu l'occasion de dire, mais permettez-moi de le dire une nouvelle fois devant vous que nous devons affirmer publiquement avec force l'utilité économique et sociale des propriétaires dans notre pays.
Voilà pourquoi en effet il est indispensable de considérer que l'axe central d'une bonne politique du logement c'est le retour de l'investissement de l'épargne dans la pierre.
Celle-ci reviendra vers la pierre, si nous réussissons à rétablir la rentabilité de cet investissement.
Celle-ci reviendra aussi si nous apportons une réponse à ce que doit être, aujourd'hui, la conception moderne de l'investissement immobilier.
D'un côté il faut aller vers la neutralité fiscale et d'ores et déjà nous avons fait un tiers du chemin. C'est peu peut-être. Je crois que dans la période de crise économique et budgétaire où nous sommes, cet effort est loin d'être négligeable, je crois qu'il est important. Mais surtout je veux vous faire partager ma volonté d'aller au bout du chemin.
D'un autre côté il faut sortir de la conception traditionnelle du patrimoine immobilier reçu en héritage et que l'on gère pour le transmettre à ses enfants.
Il me semble que cette conception est en train de vieillir sous nos yeux. Au passage, la distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire devrait être, me semble-t-il être chassée de nos conceptions et notamment il est important, d'apporter quelques modestes contributions et d'essayer de faire évoluer la conception de la fiscalité française à ce sujet. Si cette distinction entre la résidence principale et la résidence secondaire existe c'est qu'on reste dans une conception traditionnelle de l'investissement immobilier.
Si au contraire on considère l'immobilier comme un bien échangeable, que l'on vend, que l'on achète, dont on jouit le cas échéant, dont on tire un revenu peut-être, la distinction ne me paraît pas justifiée. D'ailleurs, par surcroît, cette conception est fondée sur une certaine idée de la résidence secondaire qui commence à dater singulièrement et qui est certainement la cause du dépérissement d'un très grand nombre de logements situés dans nos campagnes, dans nos villes de provinces parce que la mobilité des hommes a transformé beaucoup de logements en résidences secondaires. En second lieu nous devrons intégrer et malheureusement jusqu'à présent, on ne le fait pas du tout, la mobilité des hommes et des familles. La conception traditionnelle est liée à la stabilité de l'établissement des familles à la fois sur le plan géographique et professionnel. Or il est évident que l'on entre dans un monde où ce ne sera plus comme cela.
Par conséquent, il faut prendre des décisions qui permettent de faciliter l'échange, l'achat et la vente de ce bien au lieu que ce soit un bien qui reste de génération en génération dans le patrimoine d'une famille. Une bonne part de l'investissement immobilier consistera à fabriquer, et à échanger des biens. Il faut que notre organisation juridique et notre conception fiscale ne constituent pas un frein ce qui est le cas, notamment en matière de droits de mutations.
De même, il faut que vous soyez convaincus que j'ai aussi la volonté de m'attaquer à d'autres questions qui mettent en cause le développement du bâtiment et du logement et qui limitent les perspectives de vos entreprises.
Je veux tout d'abord mettre en évidence un aspect essentiel de la politique nouvelle poursuivre avec détermination la politique d'amélioration et d'entretien de l'habitat existant. C'est une nécessité absolue. C'est le fondement même de la politique d'aménagement du territoire.
Je ne veux pas non plus laisser dans l'ombre un instant de plus la priorité que j'ai fixée au logement en milieu rural. Il s'agit en effet d'un élément central dans la recherche d'un nouvel équilibre entre les villes et les campagnes. Il s'agit pour vous tous d'un immense chantier en même temps qu'un immense espoir puisque vous êtes souvent les seuls agents économiques à être présents aujourd'hui partout en France.
Je tiens à évoquer également la question du foncier. Nous y travaillons.
Enfin le Gouvernement, et plus particulièrement votre ministre, est en permanence à l'écoute de vos préoccupations.
Ainsi devant la multiplication des défaillances, j'ai décidé de faire étudier il y a quelques mois un dispositif garantissant le paiement des entreprises.
Une solution proposée à l'époque consistait en une réserve de propriété des ouvrages au profit de l'entreprise tant que celle-ci n'avait pas été payée. Techniquement, cela présentait l'inconvénient de créer un privilège prioritaire sur celui des banquiers et l'on pouvait craindre un arrêt presque total des prêts à la construction. J'étais donc très préoccupé et plutôt réservé sur cette modalité, alors que j'étais pleinement convaincu de l'intérêt de la mesure.
C'est pourquoi en juin 1993, en accord avec mon collègue le Ministre de l'Équipement j'ai constitué un groupe de travail présidé par un éminent professeur de droit, Madame Saint Alary-Houin.
Ce groupe comprenait tous les intervenants de la filière.
Ses conclusions envisagent deux situations :
– s'il y a recours au crédit pour financer des travaux, l'entreprise sera payée directement par la banque,
– s'il n'y a pas de recours au crédit, le maître d'ouvrage devra fournir une caution solidaire ou une garantie équivalente.
L'intégralité de ces conclusions seront donc reprises dans le projet de loi sur la prévention des difficultés des entreprises, actuellement en discussion au Sénat, avec, à ma demande, une disposition visant à prendre en compte la situation des sous-traitants. Ceux-ci auront aussi droit au paiement direct par le banquier dans les mêmes conditions que l'entreprise principale.
Cette solution est bonne pour les entreprises. Elle ne coûte rien lorsque les travaux sont financés par un prêt bancaire, ce qui se produit dans la majorité des cas: donc, pas de charges supplémentaires importantes sur le coût de la construction et sécurité réelle pour vos entreprises.
J'ai aussi noté l'inquiétude causée par les prix des marchés publics. Le Gouvernement, conscient de la difficulté, a dans une circulaire du 20 janvier 1994 demandé aux maîtres d'ouvrage publics de développer l'accès des petites et moyennes entreprises à ces marchés et de privilégier le mieux disant sur le moins disant. Voilà ce qui a été fait. Il faut cependant à chaque occasion rappeler ces principes. C'est ce que personnellement je fais à chacun de mes déplacements et à chaque rencontre avec les Préfets et les DDE.
Vous attendiez également depuis 8 années les décrets d'application de la loi MOP. En quelques mois, nous les avons fait sortir et ces textes permettent désormais aux maîtres d'ouvrage de consulter les entreprises en lots séparés. Il m'appartient donc, à vos côtés, de veiller sur le terrain que cela se passe bien ainsi.
Autre sujet de préoccupation, celui de la diversification de GDF-EDF. Là encore, mon ami Gérard Longuet n'a pas tardé à réagir. Le 3 mars, il prenait la décision d'arrêter cette politique et de revenir au strict respect du monopole. Encore faut-il que tout le monde joue le jeu, j'y veillerai.
D'autre part, certains ont regretté que la loi ne traite pas le problème de la sous-traitance. Sur ce point je serais également très clair. Je ne crois pas que la protection indispensable des sous-traitants passe par le droit pénal comme le précédent Gouvernement l'envisageait. C'est pourquoi le projet de code de bonne conduite qui est actuellement discuté dans le cadre de la Commission Technique de la Sous-Traitance, à l'initiative du Premier ministre, me semble utiliser la bonne méthode. Tous les professionnels y sont associés, c'est normal mais c'est surtout bien car l'important est que vous donniez un contenu concret à ce code avec la définition d'un contrat type de sous-traitance.
Enfin vous avez évoqué, monsieur le Président, l'évasion d'une partie de la collecte du 1 % de nos entreprises hors de notre département. Croyez que j'y suis particulièrement attentif. Il faut que nous en discutions avec les organismes collecteurs et que nous nous fixions comme objectif une amélioration significative de cette situation.
Voilà, je ne veux pas aller au-delà. Je crois que l'année 1993 a été en effet une année très rude. Je veux croire que l'année 1994 sera une année plus douce. Regardons-la avec beaucoup d'espoir pour le bâtiment, parce que je crois en effet qu'il s'agit d'un secteur essentiel dont dépend la prospérité économique de notre pays et le bonheur de chaque français d'être bien logé.