Texte intégral
Mesdames (Madame Bernadette Chirac, Madame Claude Pompidou)
Monsieur le Premier ministre (Raymond Barre)
Mesdames et Messieurs,
À l’instar du vaste chantier du musée du Louvre, jalonné par l’inauguration de la Pyramide, de l’Aile Richelieu, de l’Aile Sackler des antiquités orientales et plus récemment par celle des salles égyptiennes, grecques et romaines et de la Grande Galerie, la rénovation du musée des Beaux-Arts de Lyon a été réalisée en cinq actes dont nous célébrons aujourd’hui le dernier.
Cette comparaison n’est pas forcée : le musée des Beaux-Arts de Lyon, tant par l’ampleur des bâtiments du Palais Saint-Pierre qui l’abritent, que par la richesse exceptionnelle de ses collections, est l’un des tout premiers de notre pays, sans doute même le plus important après le Louvre.
Le bâtiment du musée à lui seul, cet ancien couvent de Bénédictines, méritait d’évidence que l’on s’attache à lui redonner sa beauté et sa lisibilité : ensemble architectural et décoratif de la fin du XVIIe siècle, riche et complexe, il fallait y respecter les apports des siècles successifs en ajoutant, avec prudence et audace à la fois, à travers les espaces muséographiques, la marque de notre temps : problème guère différent, à dire vrai, de celui qui a été affronté et résolu au Louvre.
Mais au-delà du cadre architectural, ce qui justifiait d’abord un projet aussi ambitieux, c’était évidemment l’importance majeure des collections. De l’Égypte antique à la sculpture médiévale, et de la Renaissance italienne à l’impressionnisme et à l’art moderne, ces collections, à l’enrichissement desquelles l’État, depuis près de deux siècles, a toujours significativement contribué, revêtent un caractère encyclopédique sans équivalent dans les musées en région de notre pays.
Il était très légitime que la rénovation du musée des Beaux-Arts de Lyon fût inscrite au programme des Grands Travaux voulus par le président de la République, M. François Mitterrand, sur proposition du ministre de la Culture de l’époque, M. Jack Lang ; en conséquence l’État y apportât un soutien exceptionnel, tant pour le programme architectural et muséographique que pour la restauration des collections.
Débuté en mars 1990, le chantier du musée des Beaux-Arts de Lyon, le plus important jamais entrepris dans un musée de région, est maintenant pratiquement achevé. Il n’est pas inutile, je crois, de souligner que l’enveloppe financière fixée au départ – 310 MF HT subventionnés à 50 % par l’État – a été totalement respectée, et que cette opération a été l’occasion d’une collaboration exemplaire entre la ville de Lyon, la Mission des Grands Travaux, et les services de mon ministère : la Direction des musées de France, la Direction régionale des affaires culturelles, la Réunion des musées nationaux enfin, gestionnaire des librairies du musée et éditeur de ses catalogues.
Je tiens également à rendre hommage, Monsieur le Premier ministre, au choix que la v ille de Lyon a fait de maintenir l’établissement ouvert, dans des conditions parfois difficiles, tout au long des travaux. Comme pour le Louvre, il était inconcevable en effet qu’un tel musée demeurât aussi longtemps fermé. Le public vous a du reste donné raison, puisque, me dit-on, 1 250 000 visiteurs se sont pressés ici durant ces huit années, attirés par la renaissance progressive des collections et par une programmation culturelle – de grandes expositions en particulier –, d’une qualité remarquable.
Je voudrais donc féliciter très vivement les acteurs de cette entreprise exemplaire : tout d’abord le directeur du musée, M. Philippe DUREY, qui avec son équipe a conduit dans tous les domaines, non seulement muséographiques mais aussi culturels, le renouveau de son établissement ; les architectes également qui ont accompli là un travail d’une homogénéité et d’une élégance exceptionnelle : M. Jean-Gabriel MORTAMET pour la partie Monument Historique, MM. Philippe DUBOIS et Jean-Michel WILMOTTE pour les aménagements intérieurs ; les restaurateurs, enfin, grâce auxquels tant les décors du palais Saint-Pierre que les collections du musée, ont peu à peu retrouvé tout leur lustre…
Mais l’achèvement des travaux du musée des Beaux-Arts n’est pas le seul évènement que nous célébrons aujourd’hui. Jean-Jacques Aillagon vient d’évoquer la collaboration fructueuse qui s’est nouée entre le musée d’art moderne et le musée de Lyon pour l’organisation de l’exposition Matisse que nous découvrirons dans quelques instants, exposition inscrite dans la programmation « Hors les murs » engagée par le Centre Pompidou à la faveur de ses propres travaux de rénovation.
Il a également évoqué la politique de dépôts d’œuvres, pour certains considérables, mise en place par le MNAM au profit d’un certain nombre de musées de province, comme le musée d’Art moderne de Strasbourg que nous inaugurerons en octobre prochain, ou encore le musée d’Art moderne et contemporain de Toulouse qui ouvrira en 1999. Les musées de la ville de Lyon, celui dans lequel nous nous trouvons mais aussi le musée d’Art contemporain en seront aussi les bénéficiaires.
Cette politique relève, il est vrai, d’une longue tradition dont le musée de Lyon a tiré dans un passé encore récent certains enrichissements majeurs, qu’il s’agisse d’œuvres du XXe siècle, provenant notamment des dations Picasso, Matisse, Chagall ou Vieira da Silva, ou de dépôts plus ponctuels, comme le plâtre du célèbre Monument aux morts de Bartholomé pour le cimetière du Père-Lachaise, qui grâce au musée d’Orsay a rejoint l’an dernier la collection de sculptures de ce musée présentée dans l’une des salles que nous inaugurons ce matin.
Mais cette politique s’inscrit aussi dans le droit fil des efforts accomplis par l’État pour soutenir le renouveau des musées de territoriaux et, grâce aux apports des FRAM et du Fonds du Patrimoine, l’accroissement de leurs collections : il me paraît donc essentiel qu’elle soit développée, c’est pourquoi j’ai demandé à la Direction des musées de France de travailler à un programme de dépôts d’œuvres tirées des autres grandes collections nationales…
Enfin, une source capitale d’enrichissement des collections publiques que cette inauguration m’offre l’occasion de mettre en valeur est celle que constituent les « libéralités », c’est-à-dire les dons, donations et legs de collectionneurs privés. Depuis bientôt deux siècles, les musées territoriaux comme les musées nationaux leur doivent, vous le savez, une part considérable de leurs collections. Or le musée des Beaux-Arts de Lyon, dont les acquisitions, ces dernières années, ont été quelque peu diminuées pour permettre le financement du chantier de rénovation, vient de bénéficier, grâce au legs prestigieux de Madame Jacqueline Delubac à sa ville natale, d’un enrichissement providentiel : un ensemble d’œuvres, je dirais même de chefs-d’œuvre impressionnistes et modernes qui renforcent et complètent idéalement sa collection. C’est un témoignage de l’engagement des collectionneurs pour l’enrichissement de notre patrimoine national, dont je souhaite favoriser le développement à l’avenir.
Je veux voir aussi dans ce legs digne des plus grands musées parisiens un signe du prestige conquis en huit années par l’établissement que nous livrons aujourd’hui tout entier au public.
Nous signons, également, aujourd’hui Monsieur le Premier ministre, un protocole relatif à la conservation du patrimoine lyonnais pour les cinq ans à venir. Il mérite que nous nous y attardions quelques instants.
La ville de Lyon a développé une politique tout à fait exemplaire de protection et de mise en valeur de son patrimoine urbain ; je pense au plan de sauvegarde du vieux Lyon, un des premiers de France, qui a permis la réhabilitation remarquable d’édifices comme : l’opéra, la chapelle du lycée Ampère et bien sûr le palais Saint-Pierre où nous nous trouvons.
Vous avez souhaité poursuivre et amplifier ce travail commun, mon ministère y a répondu favorablement avec l’aide de la Direction régionale des affaires culturelles dont je tiens à remercier son Directeur M. Abraham Bengio.
Ce nouveau protocole comprend deux volets : la rénovation du musée Gadagne, musée historique de la ville de Lyon et la restauration d’édifices majeurs classés monuments historiques à travers toute la ville : église Saint-Nizier, Saint-Paul, Saint-Bruno, Saint-Just… Maison du Chamarier et fontaine Bartholdi.
L’État accompagnera cet effort que je salue ; il correspond à une demande du public et la prise de conscience actuelle des grandes villes de l’intérêt général de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine architectural et des éléments construits de la mémoire urbaine.
Je me réjouis de signer, Monsieur le Premier ministre, à vos côtés ce protocole exemplaire.