Déclaration de M. Alain Lamassoure, ministre chargé des affaires européennes, lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue danois, M. Niels Helveg Petersen, sur l'intégration des États baltes dans la Communauté européenne et leur association au pacte de stabilité européen, Copenhague le 5 juillet 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ambassadeurs de France et du Danemark dans les pays baltes à Copenhague.

Texte intégral

M. Niels Helveg Petersen : Soyez les bienvenus ! J'ai le plaisir d'accueillir mon collègue français, Alain Lamassoure, ministre des Affaires européennes.

Nous avons eu aujourd'hui à Louisiana, une conférence dite d'Ambassadeurs, avec les ambassadeurs de France et de Danemark dans les pays baltes, l'ambassadeur du Danemark à Paris, l'ambassadeur de France à Copenhague, ainsi que les ambassadeurs danois et français en Russie. Également en compagnie des hauts fonctionnaires des ministères, nous avons discuté ce matin des questions baltes.

Nous avons trouvé qu'il était très utile d'avoir l'occasion d'échanger des vues sur la situation dans la région balte.

Voici quelques précisions à ce sujet :

Nous constatons de considérables progrès dans cette région sur les plans économique et politique. À bien des égards, nous notons un développement positif mais aussi de nombreux problèmes : le problème du retrait des troupes russes, celui des minorités russophones, les lois de citoyenneté qui sont notamment d'actualité en Lettonie et en Estonie. Nous avons discuté de la question de savoir comment intégrer au mieux possible les pays baltes dans les institutions européennes. Nous sommes en train de conclure des accords de libre-échange avec les États baltes et lors de la présidence française de l'Union européenne, nous pourrons signer des accords d'association.

Nous avons également discuté du partenariat pour la paix et du pacte de stabilité, et nous nous sommes mis d'accord sur le véritable besoin d'établir une "Table balte" sous le parapluie du pacte de stabilité.

Dans l'ensemble, on peut dire que nous avons eu une discussion intense et des échanges de vues s'appliquant à tous les aspects importants. La France et le Danemark ont des vues identiques sur le développement dans les États baltes et sur les projets à venir.

Alain Lamassoure : Pour confirmer ce que vous avez dit, M. le Ministre, cette réunion de travail est une première pour nous, consistant à rassembler les diplomates et les ambassadeurs que nous avons dans une partie d'Europe, donc en l'espèce dans les États baltes et en Russie pour faire le point de la situation dans une région donnée.

Le Danemark et la France partagent la même vision des relations actuelles et futures des États baltes avec l'Union européenne et notamment la même volonté d'aider à l'intégration de ces pays dans toutes les institutions européennes.

Ces pays sont déjà membres de la CSCE, deux d'entre eux sont membres du Conseil de l'Europe – la Lettonie le rejoindra, espérons-le, bientôt. Ces pays ont signé le partenariat pour la paix et ces pays, dans le domaine de la sécurité, sont maintenant "associés partenaires" – c'est la formule officielle – de l'Union de l'Europe occidentale et sont désireux de rejoindre l'Union européenne. Une série d'étapes, pour parvenir à ce résultat, a été définie. Nous avons passé un premier accord de commerce avec eux. Nous avons, à l'occasion du Conseil européen de Copenhague, pendant la présidence danoise, fixé l'ambition de passer avec ces pays un véritable contrat d'association à l'Union européenne et nous sommes en train de négocier un accord de libre-échange qui, ensuite, devrait être suivi de véritables accords d'association comparables à ceux qui ont été passés avec les six pays d'Europe centrale et orientale. En effet, un calendrier qui nous permettrait de finaliser, de signer cet accord d'association pendant la période de présidence française de l'Union européenne, c'est-à-dire au premier semestre de 1995, nous paraît un calendrier raisonnable. Comme l'a indiqué M. le ministre, ces pays ont fait de gros progrès en matière de transition politique, de réforme économique ; ils font partie des bons élèves de la classe parmi les pays en transition. En même temps, ils rencontrent des problèmes spécifiques, difficiles. Notamment pour deux d'entre eux, l'Estonie et la Lettonie, problèmes liés à l'existence d'importantes minorités russophones et problèmes hérités du passé avec le grand voisin russe qui ne sont pas encore totalement réglés. Ce que nous souhaitons, parallèlement à la négociation de ces accords avec l'Union Européenne, c'est contribuer à aider les États baltes à régler ces problèmes, en particulier à travers le projet de pacte de stabilité et de conférence de stabilité. Vous savez quel est l'objectif de cette conférence : il est de mettre autour d'une table les pays de l'est du continent, y compris les pays baltes qui ont hérité de l'histoire les problèmes de voisinage avec les États situés autour d'eux, de manière à donner une impulsion politique pour que ces problèmes soient traités et soient résolus, et ensuite de rassembler dans un même document tous les accords bilatéraux et multilatéraux qui auront pu être signés ainsi que sur les droits des minorités, sur les frontières, sur les problèmes économiques d'environnement, de façon que l'ensemble des pays du continent européen entretiennent des relations de bon voisinage les uns avec les autres, dans le cadre d'un grand document qui sera un pacte de stabilité.

Deux groupes de travail régionaux ont été définis, dans le jargon des diplomates on appelle cela des tables de négociation. Il y aura une table de l'Europe centrale et puis il y aura une table balte autour de laquelle participeront les États baltes, les États scandinaves et la Russie. C'est dans les prochaines semaines que devraient être précisés à la fois la liste des participants et des sujets, le calendrier de travail et le lieu de travail de la table balte. Nous avons fait le point de ces problèmes. Nous avons constaté une très grande identité de vues entre nos diplomaties, à la fois à l'échelon de nos capitales et de nos représentants dans les États concernés, et en même temps nous avons constaté qu'il y avait un manque de présence de l'Union européenne dans l'ensemble des dossiers baltes. Individuellement, chacun de nos pays peut faire beaucoup pour ces pays ; le Danemark fait beaucoup, le Danemark a une connaissance particulière de la situation et un programme d'assistance particulièrement généreux. La France a des relations politiques très développées depuis plus d'un an avec ces pays., elle a des relations économiques qui ne sont pas encore au niveau de ce que nous pourrions souhaiter. Mais elle peut naturellement apporter son concours à une action communautaire plus déterminée, plus permanente à l'égard des États baltes. Et donc, nous avons décidé d'entreprendre un certain nombre d'initiatives en commun de manière qu'il y ait une véritable politique de l'Union européenne vis-à-vis des États baltes.

Q. : (Concernant la délimitation unilatérale par la Russie d'une frontière commune avec l'un des États baltes. Concernant les projets de la France, en matière de coopération culturelle.)

R. : Sur la première question, les frontières, par définition, c'est le genre de choses qui ne se décident pas unilatéralement. Une frontière doit être reconnue internationalement et admise par tous les États concernés. Et nous avons constaté qu'après l'explosion des fédérations qu'étaient l'Union soviétique, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, il y a désormais en Europe une demi-douzaine de frontières qui ne sont plus internationalement reconnues comme elles l'étaient dans le passé. Alors on constate que dans beaucoup de cas des négociations ont lieu et se déroulent normalement entre les États concernés qui vont donc trouver d'eux-mêmes une solution sans avoir besoin du concours extérieur. Que dans d'autres cas, tel que celui que vous avez cité, le problème est plus difficile. Et c'est là que l'exercice de la conférence de stabilité peut apporter une contribution en proposant aux pays qui ont un problème de ce genre de se rencontrer dans une table régionale, bilatérale de négociation avec éventuellement, s'ils le souhaitent, une médiation de l'Union européenne, d'un autre pays ou d'une organisation internationale. Et le jour où ils auront trouvé un accord, à ce moment-là la signature de tous les pays membres de la CSCE au bas de cet accord donne une garantie internationale à l'accord qui a été ainsi trouvé. Donc l'exemple que vous citez est un exemple important. Il y en a d'autres en Europe.

En ce qui concerne la politique de coopération culturelle avec les États baltes, bien entendu la France n'a pas la proximité géographique, n'a pas les relations historiques que le Danemark a avec ces pays. Néanmoins, nous avons développé depuis quelques années une politique de coopération active notamment avec la Lituanie, un peu moins avec les deux autres pays. Nos ambassadeurs sont d'ailleurs ici présents et pourront vous donner tous les détails après la réunion si vous le souhaitez. Il y a relativement peu d'étudiants de langue française dans ces trois pays, sauf en Lituanie, mais nous tenons beaucoup à développer notre présence, y compris culturelle, dans cette partie de continent européen.

Q. : (Concernant une initiative concertée à propos du retrait des troupes russes.)

R. : Ce que je voudrais dire, c'est que les Russes se sont engagés à retirer leurs troupes des pays baltes et notamment d'Estonie et de Lettonie pour le 31 août. C'est un engagement bilatéral et que nous considérons comme devant être sans condition. Nous observons que dans la période récente, il y a eu quelques difficultés ; s'il faut faire d'ultimes efforts pour parvenir à un accord, en particulier pour ce qui concerne le problème de l'Estonie, la France et le Danemark sont prêts à apporter leur contribution et à proposer à l'Union européenne d'apporter une forme de contribution.

R. : Niels Helveg Petersen – C'est une position bien établie de la part de l'Union européenne, y compris de la France et du Danemark, que la Russie soit dans l'obligation de retirer ses troupes dans l'ordre et totalement.

Nous continuons d'exercer une pression pour que la Russie s'y tienne.

Je peux ajouter que nous avons examiné, durant notre réunion aujourd'hui, les possibilités d'une coopération franco-danoise au sein de l'Union européenne concernant les États baltes. Nous ne pouvons pas en donner les détails, mais nous allons sûrement étudier les possibilités de faire progresser ensemble nos vues communes.