Déclaration de M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, sur les grands axes de réforme du système scolaire notamment les missions de l'école, la lutte contre l'échec scolaire ou l'inégalité des chances, Paris le 16 juin 1994. (Pour les 155 propositions voir la référence 944105500).

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Circonstance : Présentation définitive des propositions pour le nouveau contrat pour l'école à La Sorbonne à Paris le 16 juin 1994

Texte intégral

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui s'achève un long, patient et, je le crois, fructueux travail. Vous avez voulu ce travail, Monsieur le Premier ministre, pour que soient pris en compte, sans attendre, les problèmes et les attentes de l'éducation nationale, des élèves qu'elle accueille, écoliers, collégiens et lycéens, de leurs familles, de ses personnels et de ses maîtres, sur qui, dans les classes, repose l'essentiel de l'effort, et à qui doit donc revenir l'essentiel du mérite. Vous avez voulu que ce travail puisse exprimer les attentes de la nation à l'égard de l'école qui lui sert de ciment et qui lui sert de creuset.

La consultation, la concertation que vous avez voulue, Monsieur le Premier ministre, elle aura été sans précédent dans notre système éducatif. Tous les acteurs, tous les observateurs de l'école présents dans cette salle, tous le savent. Parents, élèves et en particulier lycéens, enseignants, personnels de l'éducation nationale, qu'ils soient administratifs, ouvriers, techniciens, responsables de la santé scolaire, inspecteurs, cadres de l'administration centrale, des rectorats, des inspections académiques, tous ont pu s'exprimer. Ils l'ont fait d'abondance. Pour certains, parfois, ils n'y ont consenti, dans un premier temps, qu'avec un certain scepticisme. Il est vrai qu'au long du temps l'idée s'était accréditée que toute concertation n'était qu'un vernis, qu'une apparence. On consultait d'abord pour justifier une décision que l'on aurait prise de toutes façons.

Je crois pouvoir dire qu'au long du temps, étape après étape, cette consultation et cette concertation sont apparues à la plupart de ceux qui y participaient comme étant, au minimum, de bonne foi.

Et c'est alors qu'est apparue, et nous en avons été très heureux, chez tous les acteurs et tous les partenaires, ce qui est en réalité leur raison de vivre, leur premier motif d'engagement, la passion de l'école, et si j'osais j'ajouterais la passion française de l'école. Oh, bien entendu, toutes les sociétés ont leur école. Mais chez nous l'école n'a pas seulement une fonction sociale. Elle est au cœur même de la nation et de la République. Et lorsqu'on dit « justice », les Français pensent d'abord « école ». C'est par l'école que la République a pris visage familier. Et la liberté, l'égalité, la fraternité, ne seraient, au fronton de nos monuments, que de belles abstractions si elles ne s'étaient incarnées au fond des cœurs et des consciences républicaines dans le projet d'une école qui fait de chaque enfant et de sa promotion, de son éveil, de son épanouissement, un but en soi. L'école c'est, pour les Français, non seulement la chance de nos enfants, c'est le visage le plus accessible, le plus proche, le plus chaleureux de la République.

C'est cette passion de l'école que nous, qui avons organisé et suivi ce débat, nous avons vu s'exprimer chez tous nos partenaires et chez tous les intervenants. Ce fut le cas, bien entendu, pour la multitude des intervenants de base, dont je veux saluer la présence dans cette salle et la contribution bénévole au débat. Mais c'était une bien belle surprise que de voir le responsable syndical, l'animateur d'une fédération de parents, tel ou tel membre de l'administration, y compris de l'austère, sévère, et nécessaire administration du budget, tel membre de votre cabinet, Monsieur le Premier ministre, oublier un moment qu'il était chargé de mission et porteur d'un mandat et se passionner, au-delà de la raison, pour ou contre l'organisation des études dirigées, la libération du samedi, l'étude précoce des langues vivantes ou la promotion du latin. Nous avons pu dépasser l'écorce, que je crois assez superficielle, des éternels débats idéologiques pour rencontrer la sève vivante, la passion française pour l'école.

Nous en avons notamment eu le témoignage avec les demi-journées banalisées qui, pour la première fois, ont permis de débattre le même projet dans toutes les écoles maternelles et primaires, dans tous les collèges, dans tous les lycées. Beaucoup d'observateurs étaient sceptiques sur leur tenue. En réalité, ce sont des dizaines de milliers de contributions qui ont été rédigées et adressées, analysées, sous le regard et le contrôle de tous et non pas dans le secret des cabinets, synthétisées et prises en compte. Je veux rendre hommage à tous ceux qui ont réalisé ce travail, mes collaborateurs, les directeurs du ministère, les recteurs, les inspecteurs d'académie et les inspecteurs de l'éducation nationale.

J'avais fait 155 propositions. Le nombre, au début, n'a pas manqué de susciter quelque ironie et aussi le parti-pris de ne rien hiérarchiser, de ne rien habiller, de présenter chaque élément indépendamment et sans commentaire. Je veux m'expliquer un instant sur ce point. Ce n'était pas, du moins je l'espère, que nous ne puissions pas, aussi bien que d'autres, présenter un bel habillage. Mais j'avais observé à de nombreuses reprises que dans ces cas-là, c'est toujours de l'habillage que l'on vient à parler, et c'est sur l'habillage que l'on vient à se disputer. C'est dans l'habillage que se réfugient les combats idéologiques. Or, c'est bien de concret que l'école a besoin. C'est sur le concret que veulent être fixés les maîtres et les parents. C'est sur le concret que l'on peut se réconcilier, parce que le concret, c'est souvent le bon sens qui l'inspire. Ainsi chacun pouvait être fixé sur la réalité des changements qu'il aurait à vivre. Alors les beaux esprits ont fait de l'ironie, mais les éducateurs, qu'ils soient parents ou enseignants, se sont retrouvés sur la réalité, et c'est la réalité du progrès qui leur était proposée qu'ils ont jugée.

Aujourd'hui, la mosaïque se reforme et la politique apparaît. Le projet fédérateur de ces mesures, c'est l'école de l'égalité des chances, la meilleure école pour chacun qui doit et peut devenir la meilleure école du monde. Ce projet s'articule en cinq chapitres principaux : clarifier les missions, renforcer l'adhésion ; pour lutter contre l'inégalité, priorité au fondamental ; l'école accueille et promeut la diversité ; une nouvelle politique de gestion : confiance au terrain ; et enfin, pour rassembler les partis-pris les plus novateurs, l'avenir au présent. Mais les propositions faites le 9 mai n'ont pas été dénaturées : j'ai tenu compte scrupuleusement des réactions et des remontées du terrain. Nous avons pu enrichir, préciser, proposer. Jamais l'intention initiale n'a été trahie. La très grande majorité des propositions a pu trouver, dans le nouveau contrat pour l'école, la place qui lui était réservée. Sur 155 mesures, à peu près la moitié a été retenue en l'état parce qu'elle faisait l'objet d'une forte adhésion. Environ 50 ont été amendées dans leur rédaction, pour tenir compte des remarques faites, mais sans jamais trahir leur esprit. Quelques-unes ont été profondément reprises parce que ceux qui auraient à les appliquer ne les comprenaient par ou les refusaient. C'est notamment le cas de la définition des Sections d'éducation spécialisées dont la rédaction initiale avait suscité de la part des enseignants et des parents incompréhension ou inquiétude. Enfin, certaines ont été ajoutées sur la suggestion des uns et des autres, comme la création, proposée par les lycéens, d'un Conseil National de la vie lycéenne.

Ces propositions, qui prennent désormais le statut de décisions ou d'orientations, n'ont pas été dénaturées, mais une concertation générale et de grande qualité a permis de les enrichir, de les polir et de les préciser.

Je l'ai dit : aujourd'hui la mosaïque se reforme. Les décisions s'organisent pour former, à partir du concret, cette politique en cinq grands axes.

Premier axe : définir les missions, renforcer l'adhésion. La clé du succès de l'école, c'est l'adhésion de la nation. Notre intuition était qu'une grande partie du doute sur l'école venait d'une définition insuffisamment perçue des missions de chacun de ses niveaux. Je vais prendre un exemple : l'école primaire d'aujourd'hui est souvent mise en cause parce que ceux qui la jugent oublient qu'on en sort à onze ans, au moment d'entrer en sixième, alors qu'autrefois elle conduisait jusqu'au terme de la solidarité obligatoire. La scolarité obligatoire qui aujourd'hui va jusqu'à seize ans, elle réunit donc l'école et le collège. Bien entendu, des textes successifs ont redéfini ces missions. C'est en particulier le cas de la loi d'orientation de 1989. Mais une chose est de voter des lois, qui dorment dans nos journaux officiels, autre chose est que ces formulations entrent dans la conscience collective. Il s'agit donc de rechercher les définitions les plus simples et les plus précises et de rechercher les moyens de les faire connaître à tous.

C'est pourquoi les objectifs de l'école et du collège seront définis en termes compréhensibles par tous et communiqués aux élèves et aux parents. Il en est de même des programmes. Nous devons nous fixer comme objectif que pour l'école élémentaire et pour le collège, tous les partenaires de l'école soient informés de leur contenu. C'est-à-dire qu'ils soient allégés, concentrés, et qu'ils deviennent lisibles et compréhensibles par tous. Je me suis fixé pour objectif de retrouver le niveau de connaissance des programmes qui était, il y a quelques décennies, celui de tous les Français pour l'école primaire. Ces programmes nouveaux, simplifiés, allégés, moins larges, moins encyclopédiques dans leur ambition, mais plus exigeants, seront communiqués chaque année à tous les élèves, à toutes les familles. J'ai noté, de la part de certains enseignants, l'inquiétude de voir croître le risque d'une interférence des familles dans la pédagogie. Je ne crois pas ce risque très important, pas plus important, en tout cas, qu'il ne l'est aujourd'hui. Je préfère, en tout état de cause, ce risque à celui de l'incompréhension et du désarroi des parents devant le parcours scolaire de leurs enfants.

Ces programmes ne seront plus écrits dans le splendide isolement des commissions de spécialistes. Les enseignants seront directement consultés sur leur rédaction, sur leur faisabilité. Et pour élargir à toute la nation la réflexion sur ce que doit transmettre l'école, ce qui dans le passé nous aurait évité bien des errements, j'ai souhaité que le parlement, comme c'était, m'a-t-on assuré, le cas sous la troisième république puisse être périodiquement, tous les trois ans, par exemple, informé de leur évolution.

Il nous a semblé qu'il convenait, en même temps, pour renforcer et valoriser l'image de l'école, de définir un certain nombre de mission nouvelles et d'instruments nouveaux. C'est ainsi que les instruments d'évaluation seront rendus publics. Dès cette semaine, les éléments de jugement des lycées français, seront à la disposition de tous. À l'instar du Service d'information et de relation publique de l'armée, une mission de promotion de l'image de l'école et de ceux qui la font sera dévolue à un service de l'administration centrale. Enfin, un institut des Hautes-Études de l’Éducation nationale proposera des cycles de formation de très haut niveau à des décideurs et observateurs préoccupés par les problèmes d'éducation. C'est dans le même esprit, mais à l'autre bout du spectre, que nous proposerons des programmes de présentation de l'école en France aux familles non-francophones ou de primo-arrivants, pour que chacun puisse donner son accord à l'entreprise d'intégration que l'école a toujours représentée. Je pense, par exemple, à la description très émouvante des premiers mois en France du professeur Charpak qui a donné un prix Nobel à notre pays.

L'adhésion forte ne se trouvera, enfin, que si les Français s'accordent sur les valeurs que doit transmettre l'école de la République. Un groupe de travail sur la citoyenneté permettra de proposer une définition de ces valeurs communes, d'essence morale et civique, qui sont le socle même de notre communauté nationale.

Deuxième chapitre de ce contrat : pour lutter contre l'inégalité, priorité au fondamental.

Vous me permettrez de ne pas m'étendre longuement sur ce sujet, tant j'ai eu l'occasion d'y insister au cours des semaines passées.

Ma conviction est celle-ci : si nous ne nous attachons pas, avec obstination, à donner à tous les jeunes Français un certain nombre de clés indispensables, aucune des serrures du savoir et de l'éducation ne s'ouvrira devant eux. Une part croissante de l'inégalité scolaire vient de ce que les uns trouvent ce trousseau de clés à la maison, pour ainsi dire dans leur berceau, et les autres non. Il faut répéter avec force, même, et surtout, si la conscience collective est toujours persuadée du contraire : sauf exception, les élèves qui échouent, même ceux qui échouent gravement, ne sont pas moins doués ou moins travailleurs que ceux qui réussissent. Simplement, ils possèdent les bonnes clés : la richesse de la langue, la lecture comme plaisir et non comme exercice subi, la méthode de travail. L'école de l'égalité des chances se doit de proposer ces clés. Elle se doit de rééquilibrer le hasard qui sert les uns et dessert les autres. Nullement en freinant les premiers, pour permettre aux seconds de garder le contact. Mais au contraire en s'obstinant à doter chacun de ces atouts sans lesquels rien n'est possible.

C'est pourquoi la maîtrise de la langue française devient la priorité des priorités de l'école, non seulement par le renforcement de sa place, mais par le souhait qu'elle devienne une part du programme de toutes les disciplines, puisque toutes, d'une manière ou d'une autre, dépendent de la langue et de la lecture. C'est pourquoi aussi va être mis en place cet observatoire national de la lecture qui permettra une approche sereine et objective de cette grande question, pour moi obsédante : pourquoi tant de jeunes ont-ils du mal à lire et à écrire aisément, correctement, précisément ?

C'est pourquoi aussi la méthodologie devra être inscrite dans le programme de chacune des disciplines, des études dirigées mises en place, sur le temps scolaire dans toutes les écoles, et demain, je l'espère, même si c'est moins facile, dans les collèges.

C'est pourquoi enfin, pour répondre à l'absence si lourde de repères dont souffrent les jeunes Français, l'éducation civique, la transmission de repères moraux et de conduite sociale, doit trouver sa place à tous les degrés de l'école. En un monde où la plupart des réseaux communautaires de transmission de l'identité s'effacent ou sont en crise, si nous n'étions pas capables d'assumer et de rendre vivants ce retour ou cette entrée de l'éducation civique, nous avouerions en réalité que nous ne croyons pas à ce que nous formons ensemble, une société, une communauté de civilisation, une nation. Et cela dépasse de très loin la traditionnelle leçon d'institutions dont sont faits nos livres et nos programmes, même si elle est, bien entendu, indispensable à la conscience civique. C'est de la morale de la responsabilité qu'il s'agit, celle qui permet la construction de la personne et qui s'applique à tous les domaines de la relation avec l'autre et avec soi-même.

Il y a enfin d'autres clés, plus subtiles, dont la présence dans le bagage pour la vie, importe aux jeunes et importe à la nation. L'initiation précoces aux langues vivantes dont le principe est décidé par ces mesures va, nous l'espérons, permettre à la France de rompre assez vite avec son traditionnel handicap linguistique. Dès l'école primaire, tous les jeunes élèves recevront une initiation quotidienne à une langue vivante par le truchement de ces moyens audio-visuels auxquels ils sont tellement habitués. Dès leur plus jeune âge aussi, ils recevront une formation à la musique, parce que la familiarité avec la mélodie, est trop difficilement rattrapable pour beaucoup d'entre eux.

Troisième chapitre : l'école accueille et promeut la diversité. Vouloir l'égalité des chances, cela suppose d'abord le respect des différences. Les problèmes des élèves, leurs demandes, leurs rythmes, leurs attentes, leurs besoins, ne sont pas les mêmes. Le moule unique, la pédagogie uniforme, ne sont donc pas la bonne réponse. C'est pourquoi les voies proposées, les réponses pédagogiques, doivent être mieux adaptées et plus respectueuses de cette diversité.

C'est dans ce cadre que se place l'ensemble de notre politique de prévention de la difficulté scolaire qui a l'ambition de conjuguer le repérage le plus précoce possible et le suivi, si nécessaire, tout au long de la scolarité.

La réforme du collège dont les principes ont été presqu'unanimement approuvés repose sur une organisation plus souple, en trois cycles, qui propose, dès la sixième un dispositif de consolidation pour les élèves qui ne maîtrisent pas les compétences requises, et un enrichissement du parcours de formation par des options (langues anciennes, technologie, sciences expérimentales) pour les élèves qui le souhaiteront. Les élèves qui seraient en situation de refus de l'enseignement classique devront se voir proposer des voies de formation originales, destinées à leur rendre le goût de se former, c'est ce que j'appelle le « collège hors les murs », qui n'hésite pas à prendre le détour de la déscolarisation pour réconcilier le jeune et une formation vécue comme trop abstraite et subie.

Au lycée d'enseignement général, dont la réforme décidée en juin dernier arrivera à son terme l'an prochain, et qui pourra proposer partout la gamme d'options la plus large, en s'aidant des techniques multimédia de formation à distance. Les voies scientifiques et humanistes (littéraires ou économique et sociale) sont rééquilibrées en dignité et en débouchés.

La voie technologique est valorisée, d'abord par une définition plus claire de sa spécificité, et par la recherche de parcours cohérents de poursuite d'études.

Le lycée professionnel est un grand enjeu. Il doit être renforcé dans une réussite dont témoignent, par exemple, le développement des Bac pros. Il a la double vocation de préparer à une insertion professionnelle directe ou à des poursuites d'études. Sa capacité d'offrir une expérience de l'entreprise et du métier améliorée. Des parcours cohérents du CAP au diplômes d'ingénieur sont présentés aux élèves. Des passerelles sont ménagées, dans les deux sens, pour que les élèves puissent choisir au mieux leur formation. Une institution nouvelle, le Haut-Comité de la formation professionnelle initiale, permet d'anticiper la définition des formations.

Quatrième chapitre : une nouvelle politique de gestion : confiance au terrain.

Une nouvelle politique de gestion des ressources humaines et du réseau des établissements de l'Éducation nationale est indispensable ; Cette politique est fondée sur la confiance au terrain, à l'expérience, à l'imagination, à la créativité, au sens du service public de ceux qui ont la charge de faire vivre l’Éducation nationale.

Toutes les décisions qui engagent l'avenir de l'Éducation nationale doivent être concertées avec les personnels, et avec les partenaires. C'est ainsi que la mise en place des cycles, depuis longtemps promise sans être réalisée, fait l'objet d'un plan d'achèvement de trois ans. Les collectivités locales sont associées aux mesures de carte scolaire. L'organisation du temps scolaire est décentralisée, la consultation des conseils d'établissements et des conseils d'école devient la règle.

Les parents d'élèves sont mieux intégrés. Une formation est proposée à ceux qui le souhaitent en association avec les fédérations de parents. Un médiateur est nommé dans chaque inspection académique et rectorat.

Les métiers de l'enseignement font l'objet d'une gestion plus humaine et plus moderne. Les enseignants débutants ne pourront plus être nommés sur des postes difficiles. Leur première année fera l'objet d'un accompagnement et de conseils. Une action plus attentive doit permettre d'éviter les situations de détresse et de rupture. La formation initiale fait l'objet d'un cahier des charges présenté aux IUFM. La formation continue est repensée pour mieux répondre aux demandes des enseignants eux-mêmes. Pour atteindre ces buts, une direction des ressources humaines est installée dans les rectorats. Le travail en équipe dans le second degré est favorisé.

L'établissement est la cellule de base de l'efficacité du système éducatif. Son autonomie est favorisée, y compris à titre expérimental. La plus grande souplesse est recherchée, par exemple dans l'attention aux problèmes des élèves, par la gestion directe du fonds social lycéen et du nouveau fonds social collégien. Une instance de médiation souple permet la prévention des difficultés à l'intérieur de l'établissement.

Mais l'établissement sort de son isolement. Dans un même bassin de formation, écoles, collèges, lycées, entrent en réseau, pour préparer de meilleures réponses pédagogiques ou une meilleure gestion matérielle et humaine, par exemple en matière de remplacements.

Cinquième chapitre enfin, que j'ai appelé l'avenir au présent.

Un certain nombre de choix du nouveau contrat pour l'école constituent des novations radicales, soit par l'utilisation de moyens nouveaux, soit par la définition de missions nouvelles, soit par l'accent mis sur des objectifs trop négligés. C'est ainsi que le présent de l'école rejoint notre avenir commun.

Les nouvelles techniques (audiovisuel et multi-canal) trouvent leur place à l'école primaire, au collège et au lycée. Elles sont le moyen d'enseigner plus tôt les langues vivantes ou la musique. Elles aident à l'information sur les métiers et les formations. Elles permettent d'élargir la gamme des options proposées dans tous les lycées. Elles sont le moyen d'enseigner plus tôt les langues vivantes ou la musique. Elles aident à l'information sur les métiers et les formations. Elles permettent d'élargir la gamme des options proposées dans tous les lycées. Elles deviennent aussi objet d'études : c'est ainsi que l'image de ses techniques entrent dans les programmes du collège. Une convention est préparée sur le droit d'usage à l'école de programmes déjà diffusés. La politique de production des programmes se trouve renforcée.

La préparation à l'orientation, l'information sur les métiers et les voies de formation, devient une mission à part entière de l'école. Elle trouve sa place dans les horaires dès la cinquième. Elle permet, au lycée, d'éviter les erreurs d'orientation trop fréquentes à l'université par une information directe et objective sur les débouchés de toutes les voies universitaires.

L'école du soir ouvres ses portes à tous les adultes qui souhaitent une formation, quelle qu'elle soit, en particulier pour leur plaisir ou leur épanouissement. Cette formation est payante, mais bon marché. Elle est proposée à partir de tous les établissements secondaires, permettant ainsi à l'école de retrouver sa vocation d'éducation populaire.

Des adultes, en particulier frappés par le chômage, peuvent se voir proposer des contrats d'association à l'école. La preuve sera ainsi apportée que l'école a grand profit à tirer de l'expérience, de la formation, d'hommes et de femmes que la privation d'emploi ne réduit pas à l'inutilité sociale.

Tel est, Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs, le plan en cinq points qui organise les décisions du « nouveau contrat pour l'école » et leur donne leur cohérence.

Je dois à la vérité de dire que si ces décisions ont été largement approuvées dans leur principe, parfois par la presque unanimité des partenaires consultés, un certain scepticisme s'est manifesté, chez les enseignants comme chez les Français, parents l'élèves ou non, interrogés sur leur réalisation. Ce serait bien, mais cela ne se fera pas, ou se fera peu, pensent nos compatriotes. C'est un grand enjeu d'essayer de leur prouver le contraire. C'est un grand enjeu pour l'école qui a trop souffert que des déclarations de principe mirobolantes ne soient pas suivies d'effet. Et c'est un grand enjeu civique de montrer que la volonté des acteurs, la capacité d'inventer ensemble des solutions nouvelles sont capables à court terme de vaincre l'immobilisme coutumier aux grands ensembles.

Nous avons pris le risque de publier toutes les mesures avec un calendrier précis de réalisation. Dès la publication du nouveau contrat, nous mettrons en place un groupe de suivi, pluraliste, dont la mission sera de vérifier les différentes étapes de préparation et d'organisation. De petits groupes de pilotage, secteur par secteur, auront la charge d'aplanir les obstacles et d'animer les procédures de réalisation. Ils me rendront compte de leur action et pourront être consultés à tout moment par le groupe de suivi. Restent les moyens de ce plan. J'imagine que le premier ministre les évoquera dans son intervention. Mais nous savons, quelle que soit notre responsabilité, les circonstances difficiles que traverse notre pays. L'argent des contribuables qui provient du travail des Français ne doit être dépensé qu'avec égards, particulièrement en temps de crise. C'est pourquoi nous nous sommes fixé une règle : tous les moyens nouveaux devront être concentrés vers les zones de notre pays, les niveaux de notre école, les groupes de jeunes qui en ont le plus grand et le plus urgent besoin.

Permettez-moi quelques mots après avoir décrit ce nouveau contrat pour l'école des choix qu'il suppose pour la société française et de ce que son élaboration m'aura permis d'apprendre.

Vous avez beaucoup écrit, Monsieur le Premier ministre, sur la réforme. Je m'en suis souvent expliqué avec vous : dans le domaine de l'éducation, le mot de « réforme » est piégé. La démarche qu'il définit est pourtant la bonne : au lieu d'un changement brutal, une série d'adaptations conduites dans un climat apaisé. Mais une série d'expériences ont laissé aux acteurs de l'école le souvenir contraire : une construction théorique tombée du ciel, imposée sans être vraiment discutée, et qui après avoir heurté par sa soudaineté ceux qui font vivre l'école au jour le jour, n'entraîne, en réalité, pas de vrai changement pratique. La plupart de ces « réformes » n'ayant d'ailleurs qu'un projet d'organisation administrative et rarement un sujet pédagogique. Or à l'école, c'est d'abord dans la classe et ensuite dans l'établissement, école, collège et lycée que tout se joue. Toute entreprise de changement qui n'embrasse pas la classe et l'établissement est vouée à l'échec, ou plutôt à l'inexistence. C'est pourquoi nous sommes convenus ensemble que pour être réformateurs au meilleur sens su terme il convenait d'adopter une démarche originale que j'appellerai si vous le voulez bien la progression continue. Cette démarche récuse deux attitudes également dangereuses. La première, c'est l'immobilisme, qui avec les meilleures raisons du monde, est persuadé que tout ce qui se fait est bien et que l'on ne peut rien faire pour aller plus loin. La deuxième, c'est la brutalité des grands bouleversements imposés, comme si l'école n'avait pas d'histoire, comme si ses acteurs n'étaient pas riches d'une expérience irremplaçable, comme si l'on pouvait, d'un seul coup d'un seul, remplacer un modèle qui s'est construit et enrichi avec le temps par un autre sorti tout armé d'un esprit fertile.

La méthode de la progression continue, au contraire, respecte l'histoire et respecte les acteurs. Mais elle propose à l'institution et à ceux qui la composent des buts ambitieux et généreux. Elle leur ménage des marges importantes d'initiative et de liberté pour que s'exprime leur créativité. Elle essaie d'identifier précisément chacune des causes de dysfonctionnement, chacun des nœuds où le système se bloque. Elle tente ensuite de trouver une réponse avec les acteurs eux-mêmes, en les écoutant, et en essayant d'emporter leur adhésion. Elle ne décide pas contre eux. Mais elle décide et elle réalise pour que le progrès soit une réalité perceptible pas tous.

Vaclav Havel était il y a un an ou deux en visite à Paris. On l'interrogeait sur l'impatience en politique et sur le souhait si souvent exprimé de changements brutaux. Parlant de cette attitude, commune en politique et ailleurs, il a répondu ceci, qui est très beau : « ils sont, a-t-il dit, comme ces enfants qui, pour faire pousser les arbres plus vite leur tirent sur les branches ».

Nous nous savons que l'école est un arbre, que cela ne sert à rien de lui tirer sur les branches pour qu'il pousse. Au contraire, ses racines vont loin dans la terre du temps, que pour que la sève du changement et de la qualité soit bénéfique, il faut qu'elle se répande jusqu'à la plus lointaine feuille, la plus petite classe de la plus petite école, la classe de banlieue, ou celle du lycée prestigieux. Cela ne se fait pas dans la tempête des changements brutaux, qui rend sourd et empêche d'entendre, pour un moment, la voix des enfants.

L'école doit être un lieu de rencontre. Nous sommes tous différents. Nous avons tous notre idée de l'avenir. Les uns l'imaginent comme le triomphe de la technique, les autres de la barbarie et de l'anonymat, les troisièmes dont je ne suis pas éloigné pensent qu'il sera probablement moins différent du passé qu'on ne l'imagine. Mais tous savent qu'il présentera de rudes exigences et qu'il sera difficile à vivre. Tous savent que la France ne le traversera heureusement qui si les Français savent se rassembler sur l'essentiel. Ce rassemblement, aux yeux de beaucoup d'entre nous, il ne se conjugue pas seulement au futur. Il est des sujets sur lesquels nous pouvons employer le verbe rassembler au présent. Et parmi les sujets, s'il ne devait en être retenu qu'un seul, l'école devrait être celui-là, c'est l'école qu'il nous faudrait choisir. Cela ne se fait pas en niant les différences et ne gommant les débats. Le rassemblement c'est seulement le dépassement des affrontements factices et superficiels et l'accent mis sur les attentes communes et les enjeux essentiels.

Permettez-moi de le dire : je crois que nous avons fait un pas dans cette voie. Il me semble que se dessine, malgré bien des difficultés, le visage d'une école à propos de laquelle des Français se rassemblent, comment s'y rassemblent, comme s'y rassemblent leurs enfants. Je veux dire notre gratitude à tous ceux dont la compétence et la générosité, à force de respect réciproque, ont rendu ce rassemblement possible. Une des mesures qui ont été le plus soutenues par les Français, presqu'à l'unanimité de ceux qui ont été consultés, c'est le retour et la promotion de l'éducation civique : j'ai toujours pensé que l'éducation civique, ce n'était pas seulement dans les livres et dans les mots. C'était d'abord la conduite et les actes des adultes qui, plus éloquents que tous les discours, constituaient pour les enfants et les jeunes le meilleur des messages civiques. Ce nouveau contrat ouvre une page nouvelle de la très longue et très riche histoire de l'école de la République. Tous ceux qui l'on écrit ensemble pourront témoigner, Monsieur le Premier ministre, qu'ils l'ont fait avec le sens civique, le sens du devoir de citoyen, dont ils doivent donner la conscience et l'amour aux plus jeunes des Français. Et pour cette véritable et très belle leçon d'éducation civique, merci à tous.