Texte intégral
Madame le ministre,
Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse d'être aujourd'hui parmi vous pour inaugurer ces premières rencontres internationales des partenaires de l'action humanitaire.
Très heureuse, car cette initiative me parait exemplaire à plus d'un titre.
Tout d'abord parce qu'elle va permettre de faire connaître le formidable vivier d'initiatives, et d'enthousiasme qui existe dans notre pays en faveur de la lutte contre l'exclusion et de l'aide aux plus démunis, qu'ils soient en France ou à l'étranger.
Si le terme humanitaire, autour duquel sont organisés vos débats et qui donne son nom à votre salon, a longtemps été réservé aux organisations non gouvernementales spécialisées dans l'intervention médicale d'urgence à l'étranger, son usage qui s'est beaucoup élargi depuis quelques années. Il sera beaucoup questions ces prochains jours de la lutte contre l'exclusion en France.
Humagora va ensuite être l'occasion pour des associations, des collectivités locales et des entreprises de se rencontrer. Ces rencontres permettront ainsi de sortir du face à face traditionnel entre les associations et les pouvoirs publics.
Ces associations sont nombreuses. Certaines sont connues de tous les Français. Mais les table rondes et les stands d'exposition vont aussi permettre à de très nombreuses petites associations d'exposer leurs projets. J'ai ainsi rencontré, il y a quelques jours, des jeunes au Centre d'Hébergement et de Réadaptation Sociale du Secours Catholique de Paris, qui ont, ils me l'ont dit, un stand dans ce salon. Je trouve cela formidable.
Humagora va enfin permettre de valoriser la très grande diversité des initiatives des entreprises dont certaines sont en train de devenir des partenaires importants de la lutte contre l'exclusion.
En fait, nous vivons une période très intéressante, où chaque jour davantage, beaucoup prennent conscience que la cohésion sociale, c'est l'affaire de tous. La position des différents acteurs, associations, pouvoirs publics et, depuis quelques années entreprises, évolue. Une culture commune, à mi-chemin entre le social et l'économique, est en train de naître.
Du côté des associations, la crise a transformé les besoins à satisfaire. De nouvelles approches de l'insertion se sont développées. L'insertion par l'économique, née dans les années 70, est en train d'atteindre l'âge adulte.
L'équivalent de 30 000 postes à temps plein existe déjà dans ces entreprises exemplaires qui travaillent dans le secteur marchand mais en employant des salariés qui connaissent de très grandes difficultés pour accéder directement à un emploi normal.
Entreprises d'insertion, associations intermédiaires, régies de quartiers, chantier école. Toutes ces formules ont leur intérêt… J'ai pu le constater au cours de mes déplacements à Troyes avant hier, à Roncq dans la banlieue de Lille, ou encore à Garges-lès-Gonesse, où je me suis rendu récemment à la suite des graves incidents qu'a connus cette commune. Ces entreprises d'un nouveau type obtiennent des résultats spectaculaires ; des personnes jusque-là jugées inemployables retrouvent le goût du travail et la joie de vivre.
Plus généralement, les associations prennent conscience de la réalité de la demande à travers la recherche de toutes les niches de marchés qui pourraient permettre de créer des emplois…
Mais, la pression en ce sens vient aussi, je le sais bien, des pouvoirs publics qui sont les financeurs exigeants, mais importants, du monde associatif qui agit pour l'insertion. Les contraintes budgétaires, en une période où il est nécessaire de répondre à de nouveaux problèmes sociaux sans accroître les prélèvements obligatoires, suscite, un peu partout chez les responsables du système, le développement d'une culture plus gestionnaire.
À cela s'ajoute le fait que l'on voit apparaître, ici ou là, des situations de concurrence entre le secteur marchand traditionnel et le secteur associatif, ce qui pose des problèmes nouveaux auxquels nous devons être attentifs.
Les entreprises de leur côté évoluent elles aussi beaucoup.
De très longue date, elles ont participé au financement d'activités sportives ou culturelles. Le financement d'activités associatives par les entreprises n'est donc pas un fait nouveau. Ce qui est nouveau, c'est le type d'actions soutenues et les voies prises pour les soutenir.
Les entreprises ont tendance à consacrer un peu plus d'argent à l'humanitaire et un peu moins à l'action culturelle ou sportive. Cette évolution traduit bien la prise de conscience de leurs responsabilités sociales.
J'ai, chaque semaine, des témoignages de l'engagement des entreprises dans le champ de l'insertion : telle entreprise subventionne un club de jeunes, telle autre propose de créer une entreprise d'insertion par l'économique, une troisième crée une Fondation de lutte contre l'illettrisme, une banque ouvre un fonds solidarité.
Les entreprises sont de plus en plus convaincues qu'elles ne pourront prospérer dans un environnement social qui se désagrège. Elles ont intérêt, elles le savent, à ce que la situation sociale ne soit pas trop dégradée. Elles s'attachent plus généralement à être des entreprises citoyennes.
Un nouveau type de relations s'établit donc entre elles, le monde de l'insertion et les pouvoirs publics.
Les pouvoirs publics ont favorisé la mise en place de fondations et l'essor du mécénat pour les y aider. L'administration doit, désormais aller plus loin, j'en suis consciente, pour s'adapter à ce partenariat, nouveau pour elle.
Le monde de l'insertion a besoin des entreprises. De leur appui financier certes ; mais aussi de leur expérience que ne possèdent ni l'administration ni le monde associatif ; de leur dynamisme, de leur imagination, et de leur capacité à innover.
Il y a des secteurs d'activité qui jouent un rôle déjà très important, et dont les acteurs de la lutte contre l'exclusion attendent encore plus.
Je n'en donnerai qu'un exemple, celui du secteur bancaire.
Sans soutien bancaire, il n'y a pas d'entreprise. Mais il n'y a pas non plus d'entreprise durable d'insertion par l'économique qui puisse se pérenniser. Celles-ci doivent être des entreprises à part entière, conçues avec l'aide de vrais professionnels.
Ce soutien est également nécessaire pour faire aboutir les projets des personnes en grande difficulté qui créent leur propre emploi dans le cadre de programme comme celui initié par l'association Association pour le Droit à l'Initiative Économique (ADIE).
Je vous étonnerai peut-être mais grâce à l'accompagnement dont ces entreprises bénéficient, leur taux de survie au bout de 18 mois est de 70 %. Un taux presque meilleur que pour les créateurs d'entreprise "ordinaires". On ne le sait pas assez. On doit le savoir car la méconnaissance de ce secteur de l'insertion rend certaines institutions trop prudentes dans leurs relations avec lui.
Autre exemple de l'imagination du secteur bancaire au service de la lutte contre l'exclusion : les "placements éthiques" et les "produits partage" qui permettent de collecter des ressources pour des actions en faveur des plus démunis.
Ce que je viens de dire pour la banque, je pourrais le dire pour l'assurance et tout autant pour beaucoup de secteurs des services ou de secteurs industriels. On connaît l'exemple de DARTY, associé à l'entreprise d'insertion ENVIE pour la remise en état d'appareils électroménagers. Je signerai prochainement une charte sur la ville avec le BTP qui associera les entreprises à l'insertion des jeunes des banlieues.
Mon souhait serait que chaque entreprise se sente concernée et se demande ce qu'elle peut faire avec les associations de terrain et les collectivités locales pour l'insertion de ceux de nos concitoyens qui sont en grande difficulté.
La cohésion sociale est un gigantesque défi pour nos pays occidentaux. Les solidarités familiales ou de voisinage, les solidarités locales et bien sûr nationales permettent de rendre la vie un peu moins dure aux faibles. Mais plus les personnes sont dans la difficulté, plus il est nécessaire de les aider individuellement. Plus le nombre d'exclus augmente, plus nous sommes condamnés à trouver de nouvelles solutions.
Il faut que le maximum de personnes ait un emploi de type classique. Pour les autres, en attendant des jours meilleurs que nous espérons proches, il faut au moins qu'ils aient une activité qui leur permette de continuer à avoir un statut dans notre société. Et pour la création d'activités, comme pour la création d'emplois, nous avons besoin des entreprises.
J'attends, vous l'avez compris, une mobilisation de tous pour la lutte contre l'exclusion, pour la cohésion sociale de notre pays.