Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire combien je me réjouis de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui.
D'abord en raison de l'intérêt du thème que vous avez choisi pour cette rencontre, celui du renforcement de la cohésion sociale. J'attache en effet beaucoup d'importance à vos réflexions sur ce sujet et surtout aux propositions qui sortiront de vos débats.
Ensuite j'ai eu la possibilité depuis ma prise de fonctions de rencontrer nombre d'entre vous à des titres divers et j'ai d'ailleurs avec certains des dirigeants des organisations de l'économie sociale des liens biens antérieurs. Mais l'occasion m'est ainsi donnée de m'adresser publiquement et pour la première fois, en tant que ministre responsable de ce secteur, à l'ensemble des familles de l'économie sociale.
Enfin, je suis heureuse de voir votre convention se dérouler au Conseil économique et Social dont les travaux, sous la présidence de Jean Matteoli, contribuent efficacement à la réflexion du gouvernement mais aussi de la société toute entière.
Coopératives, mutuelles et associations se reconnaissent dans des valeurs de solidarité, de démocratie et de primauté accordée au service de l'homme et se rassemblent sous la bannière de l'économie sociale. Elles ont choisi d'affirmer une identité et des racines communes héritées de l'histoire. Elles ont eu en effet la volonté d'œuvrer ensemble pour leur propre développement dans la vision d'une société conciliant davantage les nécessités de l'économie et le respect des personnes.
Au cours des dernières décennies l'économie sociale a su s'organiser dans cette perspective. Elle s'est dotée des structures propres à favoriser sa promotion telles le comité national de liaison des entreprises coopératives, mutualistes et associatives et les groupements régionaux de la coopération, de la mutualité et des associations qui ont pris l'initiative d'organiser cette manifestation à laquelle vous avez bien voulu me convier. Les pouvoirs publics ont compris l'intérêt de votre démarche. Ils ont reconnu la place et le rôle de vos organisations dans l'économie et la société françaises. Ils ont souhaité en conséquence favoriser la promotion et le développement de l'économie sociale dans la cadre d'une démocratie pluraliste.
Ils ont aussi décidé de l'aider à surmonter certains obstacles dans un souci d'équité, basé sur une stricte égalité entre les différentes formes d'entreprendre. Cette reconnaissance des pouvoirs publics s'est concrétisée notamment par la création d'une délégation à l'économie sociale, devenue par la suite délégation générale à l'innovation sociale et à l'économie sociale dont, vous le savez, j'ai obtenu avec l'appui du Premier ministre, le maintien après que son existence ait été ici ou là mise en cause. Je crois à l'utilité de son rôle, qui est notamment de veiller à ce que les attentes et les préoccupations des coopératives, des mutuelles et des associations soient prises en compte lors de l'élaboration des textes législatifs et réglementaires. Je m'attacherais à faire en sorte qu'il en soit bien ainsi.
Il était nécessaire que ces choses soient rappelées, que l'apport de l'économie sociale dans la solution des grands problèmes auxquels notre société, comme celles de la quasi-totalité des pays industrialisés d'ailleurs, est confrontée soit davantage reconnu, que d'une façon plus générale la place qu'occupent coopératives, mutuelles et associations dans notre pays, le sens de leur action et l'intérêt que cette action présente soit mieux mis en évidence.
Aussi l'initiative prise par le comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives et les groupements régionaux de coopération, de la mutualité et des associations me parait-elle tout à fait heureuse.
C'est l'occasion en effet d'illustrer concrètement le sens de votre action, son caractère original, la plus-value qu'elle apporte par rapport à celle de l'ensemble des autres acteurs économiques et sociaux.
Tel est le but que vous êtes assignés en organisant à travers la France une série de manifestations culminant avec cette journée nationale sur le thème général de la contribution de l'économie sociale au développement local et régional et pour le renforcement de la cohésion sociale.
Je disais au début de mon propos le plaisir que j'ai à me trouver ici.
J'ajoute qu'il m'a été d'autant plus facile et agréable de répondre à votre invitation que, en plus des raisons que j'ai déjà indiquées, j'attache la plus haute importance aux valeurs de solidarité et de démocratie auxquelles vous êtes si fortement attachés qui sont le fondement même de votre action et qui dans les difficultés que nous traversons doivent être plus que jamais défendues.
Je le mesure bien évidemment chaque jour dans l'exercice des responsabilités ministérielles qui sont les miennes. C'est en effet la tâche primordiale du Gouvernement et plus largement des pouvoirs publics que d'incarner dans son action la solidarité de tous, seul rempart contre l'exclusion qui menace les plus faibles et les plus démunis.
C'est là un terrain sur lequel l'économie sociale, au travers en particulier des associations et des mutuelles, est très présente. Le rôle souvent irremplaçable qu'elles assurent ne consiste pas simplement à relayer l'action de l'État et des collectivités locales. Elles la complètent fréquemment quand elles ne la précèdent pas, ouvrant des voies nouvelles, apportant des solutions inédites, témoignant ainsi de l'esprit d'innovation dont elles sont riches.
Plus largement, les composantes de l'économie sociale, coopératives, mutuelles, associations ont une aptitude particulière à identifier les besoins sociaux que ni le marché, ni même quelquefois la puissance publique ne peuvent prendre en compte sinon de façon très imparfaite. L'économie sociale a ainsi, tout au long de son histoire expérimenté et développé des pratiques et des instruments à l'origine de certains des grands dispositifs en matière de protection sociale. Je pense notamment au rôle précurseur des mutuelles dans le domaine de la prise en charge des dépenses de santé ou dans celui de la prévoyance. Dans leur action quotidienne, elles s'efforcent aujourd'hui de combiner « l'imagination au quotidien » avec la vision d'une société plus juste et plus solidaire.
Le thème que vous avez choisi, celui de la contribution de l'économie sociale au développement local et régional pour le renforcement de la cohésion sociale me paraît tout à fait pertinent car il exprime une réalité en même temps qu'une ambition dans un domaine où l'économie sociale dispose de solides atouts.
Coopératives, mutuelles, associations sont ancrées d'abord dans un territoire et donc proches des gens qu'elles servent et sont attentives à leurs besoins. Par ailleurs, le modèle d'organisation qu'elles proposent, basé sur la coopération des individus comme des entreprises offre un exemple convaincant de cette solidarité qui sert de fondement à la cohésion sociale.
C'est sans doute dans cette proximité avec les besoins comme avec les aspirations des hommes qu'il faut chercher l'explication de la singulière capacité d'adaptation des entreprises de l'économie sociale aux évolutions de l'environnement. L'effort de modernisation qu'elles ont su accomplir au cours des dernières décennies en témoigne, de même qu'il illustre leur rôle pour atténuer les effets redoutables des dysfonctionnements du marché.
Qu'on songe par exemple au rôle joué par la coopération dans des secteurs tels que l'agriculture ou le commerce indépendant ou la percée des sociétés mutuelles d'assurance dans le domaine de l'assurance automobile.
Des perspectives intéressantes de développement pour l'économie sociale s'ouvrent également ailleurs. C'est ainsi que la coopération apparaît comme une solution particulièrement appropriée pour faire face au défi auquel sont confrontées les petites et moyennes entreprises lorsqu'elles veulent diminuer leurs coûts d'exploitation, améliorer leur compétitivité et renforcer leur position commerciale. Elle leur permet en effet de développer en commun les services nécessaires à l'exercice de leur activité, sur la base d'une solidarité réelle entre les professionnels concernés. L'histoire des premières coopératives nous enseigne combien cette solidarité a permis aux plus faibles et aux plus isolés d'être en position plus équitable pour affronter la concurrence de ceux auxquels leur dimension et leur force apportaient des avantages difficiles à surmonter.
Les circonstances ont changé, mais la nécessité demeure. C'est ce qu'il faut s'efforcer de faire admettre, sans prétendre s'exonérer des règles de la concurrence mais bien au contraire en restant fidèle à son fondement qui doit être rétabli par l'instauration d'un véritable équilibre des chances.
J'ai surtout évoqué jusqu'ici dans mon propos les atouts de l'économie sociale et les attentes qu'elle suscite. Mais je n'ignore pas que vos entreprises sont, comme les autres, confrontées aux difficultés économiques de l'heure.
Directement et totalement engagées sur le marché, elles en subissent les aléas que les particularités liées à leurs statuts aggravent dans bien des cas.
Celles qui sont moins exposées à ces aléas ou ne le sont que partiellement comme les associations ou les mutuelles connaissent également des difficultés qui tiennent à leur mode de financement et aux contraintes que leur insertion de plus en plus marquée dans la sphère économique leur impose.
Les pouvoirs publics ses sont efforcés de porter remède à certaines de ces difficultés dans la mesure surtout où elles plaçaient les entreprises de l'économie sociale du fait de leurs spécificités dans une situation désavantageuse par rapport à leurs homologues du secteur lucratif. Des mesures ont été déjà prises qui ont visé tout à la fois à desserrer les contraintes qui s'exercent sur les entreprises de l'économie sociale et à accroître leurs moyens d'actions : contraintes législatives, réglementaires ou statutaires, faiblesse ou insuffisance des moyens financiers, insuffisance également en matière de gestion ou de formation.
Cette politique a eu pour objet précisément d'aider les organismes de l'économie sociale à surmonter ces handicaps, et de faciliter leur adaptation à un environnement lui-même en rapide mutation.
Ces mesures vous sont suffisamment connues pour que je n'aie pas besoin d'en rappeler les détails. Ce sont surtout les secteurs coopératif et mutualiste qui en ont été les principaux bénéficiaires jusqu'ici. Mais la tâche est loin d'être totalement achevée et il me paraît nécessaire de poursuivre les efforts entrepris pour tenir compte des évolutions intervenues tant au plan français qu'européen dans l'organisation de la protection sociale. De même, le développement de la coopération dans le secteur des petites et moyennes entreprises et dans celui des professions indépendantes peut être utile, comme je le soulignais il y a un instant, pour le maintien et la modernisation donc l'efficacité d'un secteur qui tient une place essentielle dans notre patrimoine socio-économique.
Pour ce qui est des mutuelles, tout au moins de celles sur lesquelles le ministère des affaires sociales exercice sa tutelle et dont vous savez le rôle essentiel qu'elles jouent dans notre système de protection sociale, elles sont confrontées à des problèmes importants. Ils tiennent pour beaucoup aux évolutions qui affectent en France, comme dans la plupart des pays développés, le financement des systèmes de santé et de protection sociale dont le poids sur les budgets des États devient difficilement supportable.
Les mutuelles s'efforcent cependant de concilier rationalité économique et financière avec leurs objectifs sociaux, ce qui ne va sans exiger des adaptations. Je sais les inquiétudes que suscite la perspective d'une transposition des directives en matière d'assurance. C'est une question qui retient particulièrement mon attention.
J'ai très naturellement le souci de préserver la spécificité mutualiste à laquelle nous sommes tous attachés tout en respectant les engagements internationaux de la France. Une mission a été confiée à un membre éminent du conseil d'État, Monsieur BAQUET, président de la section sociale pour expertiser cette question en liaison avec les représentants du monde mutualiste et rapprocher les points de vue.
J'ai mentionné à de nombreuses reprises le rôle irremplaçable des associations dans la lutte contre l'exclusion et celui qu'elles jouent dans la mise en place des politiques publiques dans ce domaine. Je suis le témoin quasi quotidien de leur action sur le terrain, de leur capacité d'initiative, de leur dynamisme.
Leurs concours est plus que jamais indispensable pour assurer l'efficacité de l'action des pouvoirs publics, notamment dans le vaste champ de mes responsabilités ministérielles ; Je mesure en même temps les difficultés parfois considérables auxquelles elles se heurtent en dépit de l'aide que leur apportent les pouvoirs publics. Ce constat n'est pas nouveau.
Pour autant, je suis consciente de l'effort important qui doit être fait pour y porter remède et je m'y emploie avec énergie dans tous les domaines concernés.
Auparavant le conseil économique et social avait dans un avis sur « l'exercice et le développement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901 » émis en février 1993, sur le rapport de Madame Marie-Thérèse Cheroutre, procédé à une analyse extrêmement intéressante du développement de la vie associative et des problèmes qu'il suscite.
Le conseil avait fait un certain nombre de propositions destinés à favoriser l'exercice de l'activité des associations parmi lesquelles notamment : la clarification de leurs relations avec les pouvoir publics, l'amélioration de leur cadre fiscal et de leurs moyens de financement.
Il est dans les intentions du gouvernements de donner une suite aussi concrète que possible à ces propositions qui rejoignent d'ailleurs sur de nombreux points celles faites par le conseil national de la vie associative ou d'autres organismes tels que la FONDA et tout récemment par l'UNIOPSS.
C'est pourquoi, j'ai demandé au délégué général à l'innovation sociale et à l'économie sociale, Monsieur Claude Fonrojet, de procéder à une étude attentive de ces propositions en liaison avec les différents services concernés. Je souhaite qu'elle débouche sur un certain nombre de mesures qui pourraient effectivement être mises en œuvre dans les mois qui viennent, non sans qu'au préalable une large consultation ait été engagée avec le secteur.
Je ne voudrais pas conclure mon intervention sans évoquer l'Europe. Je sais votre attachement à l'idée européenne. Je sais aussi la place que très légitimement vous souhaitez y occuper. Je mesure aussi l'importance et je dirai même la nécessité, si nous voulons que l'Europe soit autre chose et plus qu'un simple espace économique, de l'apport de l'économie sociale. C'est à cette condition qu'elle sera réellement perçue comme l'Europe des citoyens.
J'ai bon espoir que coopératives, mutuelles et associations disposeront en 1995 des instruments juridiques dont elles ont besoin pour opérer sur le grand marché.
Sachez en tout cas que le gouvernement ne ménagera pas son appui dans ce sens.
« Les entreprises de l'économie sociale se veulent, disiez-vous, dans la déclaration publiée lors de votre précédente convention nationale, les instruments du renouveau de la solidarité ». Cette journée en aura fourni la démonstration à travers les initiatives que ces entreprises engagent et les actions qu'elles mènent dans les régions. À travers aussi les propositions qui ont été exposées en conclusion de vos débats. Le gouvernement, soyez en assurés, attache un intérêt essentiel à votre contribution.
Fidèle à sa vocation et à son éthique, l'économie sociale a en effet un rôle éminent à jouer dans le nécessaire renouveau dont ce pays a besoin. Ce renouveau, fondé sur l'esprit de solidarité, nous le construirons ensemble.