Article de M. Bruno Mégret, délégué général du Front national, dans "Identité" de janvier 1994, sur l'émergence du Front national, l'importance de son rôle et son action pour sauvegarder la souveraineté nationale, intitulé "Le seul recours".

Prononcé le 1er janvier 1994

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Média : Identité

Texte intégral

Le seul recours Par Bruno Mégret

Les phénomènes nouveaux sont toujours ignorés ou incompris des observateurs officiels qu'aveugle le conformisme. Ainsi tous ceux, sociologues, politologues, journalistes et politiciens qui ont eu à décrire l'émergence du Front National sur la scène politique se sont-ils toujours employés à en minimiser l'importance et l'originalité, le décrivant comme un mouvement extrémiste, purement négatif, marginal et passager, donc sans avenir. Démarche facile mais dérisoire comme toutes celles qui procèdent d'une analyse superficielle. Porteur de thèmes largement majoritaires dans le peuple, le Front National ne saurait être, pour cette raison, ni extrémiste ni marginal. Expression d'un réel courant d'idées concrétisées par un programme, il ne saurait davantage être assimilé à un simple rassemblement protestataire. Seul mouvement à oser prendre en compte les grands problèmes de l'avenir qui vont en s'aggravant, il est assuré à ce titre de la durée. Face, enfin, à une classe politique usée et déclinante, il est sûr de représenter à terme le seul et unique recours, à l'occasion d'une grande alternance qui verra s'écrouler tout le système sclérosé, décadent et désormais périmé que représente l'établissement.


300 mesures pour la renaissance de la France

Front National

Programme de gouvernement

Nonna Mayer et Henri Rey, dans la Revue politique et parlementaire (mars-avril 1993), relèvent que « les électeurs du Front National apparaissent comme les plus mobilisés, ceux qui ont fait leur choix le plus tôt (71 % disent l'avoir fait « il y a plusieurs mois » contre 60 % dans l'ensemble de l'échantillon), et que le FN est la formation qui a le mieux conservé son électorat des régionales (91 % des électeurs du FN aux régionales qui sont allés voter le 21 mars ont reconduit leur vote, soit le taux de fidélité le plus élevé avant même celui des électeurs communistes : 86 %) ». Cette observation anéantit les espoirs de ceux qui, faisant du choix en faveur du Front National un vote irréfléchi de pur mécontentement, croient encore en la disparition du mouvement national. Elle prouve, au contraire, que ce dernier est assuré de pouvoir compter sur un électorat incompressible parce que fidèle. Elle démontre enfin que le vote en sa faveur résulte bien au contraire d'un acte réfléchi. Ci-contre : le programme du Front National auquel adhère un nombre sans cesse croissant de Français.

Aujourd'hui, le Front National paraît stagner. Il ne progresse, il est vrai, que modérément aux élections, il n'a toujours pas d'élus à l'Assemblée nationale et ne semble plus en mesure de gêner le RPR et l'UDF dans les batailles électorales. Plus grave encore : son programme est pillé et on ne parle plus de lui, ni dans la presse ni à la télévision. Autant de signes qui conduisent certains esprits fragiles ou chagrins à s'interroger : le Front National ne serait-il qu'un feu de paille ? Ou est-il destiné à se stabiliser à 10-15 % des suffrages est à s'instituer en mouvement protestataire de droite pour jouer un rôle comparable à celui du Parti communiste au cours des décennies passées ?

Rien n'est plus faux. Tout d'abord, le Front National n'a-t-il pas déjà à son actif une victoire remarquable, celle d'avoir réussi à exister ? En effet, alors que tout et tous étaient ligués contre lui, qu'il ne disposait d'aucun moyen, il est parvenu à se constituer en un puissant mouvement politique doté d'un réseau de fédérations solidement implantées, d'un état-major efficace et structuré, d'une doctrine et d'un programme. Il est connu et dispose, derrière Jean-Marie Le Pen, d'une base électorale désormais fidèle et d'une génération de cadres et d'élus formés et dévoués.

En réalité, cette apparente stagnation résulte essentiellement de la nouvelle stratégie menée à son encontre par l'établissement, laquelle fait suite à deux autres offensives lancées contre le mouvement frontiste.

Affrontement, diabolisation, asphyxie

Dans un premier temps, le mouvement de Jean-Marie Le Pen a dû faire face à la stratégie de l'affrontement direct, ses adversaires acceptant encore à l'époque de débattre avec ses responsables. Jean-Marie Le Pen était alors opposé aux Jospin et autres Lajoinie et les duels entre cadres du Front National et élus RPR-UDF, PS ou PC se multipliaient sur la Cinq. Prenant le contre-pied de nos idées, ces derniers prônaient la société multiculturelle ou présentaient l'immigration comme une chance pour la France. C'est le temps où Harlem Désir fut promu au rang de héros anti-Le Pen. Cette stratégie devait cependant échouer car le Front National sortait toujours vainqueur de la confrontation. Depuis lors, plus personne ne vante les mérites de l'immigration ou du multiculturalisme et, dans la foulée, SOS-Racisme est passé à la trappe.

S'agissant toujours de l'immigration, les adversaires du Front National se replièrent alors sur une seconde ligne de défense, celle de l'intégration républicaine qui consistait à présenter l'immigration comme une réalité à laquelle on ne pouvait désormais échapper et qu'il convenait donc de gérer au mieux, mais dans le strict respect du droit et de la défense de nos intérêts. Certains allèrent même jusqu'à reprendre une partie des analyses ou des propositions du Front National.

Une seconde stratégie fut ensuite mise en œuvre : celle de la diabolisation. Il s'agissait, en reprenant certains propos ou détails du passé de Jean-Marie Le Pen, de les déformer, de les retourner et de les utiliser contre lui à travers de formidables campagnes politico-médiatiques dont le seul objectif était d'accréditer l'idée que le FN serait le mal absolu puisqu'il incarnerait à la fois le racisme et le nazisme. Cette stratégie, si elle a pu gêner le Front National, ne l'a cependant pas détruit ni même empêché de poursuivre sa progression. Et, aujourd'hui, l'arme de la diabolisation est émoussée puisque tout a déjà été dit : que pourrait-on en effet imaginer de nouveau et de pire contre Le Pen et le FN ?

Cette stratégie a donc à son tour été abandonnée et une troisième méthode a été imaginée : l'asphyxie.

Cette dernière consiste à priver le Front National des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre politiquement. C'est dans cet esprit que toute une série de manipulations électorales ont été tentées pour enlever aux électeurs du mouvement national la possibilité d'avoir les élus auxquels ils auraient légitimement droit. De même, le Front National ne bénéficie pas dans la même proportion que les partis de l'établissement des financements publics alimentés par l'argent des contribuables. Enfin et surtout, cette stratégie s'emploie à occulter médiatiquement le Front National. Ainsi ni Jean-Marie Le Pen ni aucun des cadres du mouvement ne sont plus invités à aucune émission de radio ou de télévision et le FN n'est plus sollicité pour donner sa position à propos d'évènements importants. Tout est fait pour laisser croire que le mouvement national n'existe plus ou, en tout cas, qu'il ne parle plus et n'agit plus.

Voué au succès

Faut-il pour autant en conclure que le Front National aurait atteint son apogée et serait donc condamné à stagner, voire à régresser ?

Certainement pas. Le Front National est au contraire voué au succès, c'est-à-dire à la conquête du pouvoir sur la base de ses convictions propres. Et cela pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, ce n'est pas parce que le Front National n'est plus présent dans les médias qu'il n'existe plus. Il faut se garder de tomber dans l'erreur majeure des tenants de l'établissement qui confondent omniprésence médiatique et réalité concrète.

En effet, l'observation de cette dernière n'est plus ce rassemblement circonstanciel de mécontents qu'il pouvait représenter à ses débuts mais qu'il est solidement implanté sur la scène politique. Il dispose maintenant non seulement d'un appareil de cadres, d'élus et de militants formés, dévoués et convaincus mais aussi d'un électorat fidèle que l'on retrouve élection après élection, quelles que soient les circonstances. Durablement fidélisé, ce « noyau dur » de l'électorat frontiste, qui s'élève sans doute aujourd'hui à environ 10 % du corps électoral, est constitué de Français qui ne votent plus simplement pour exprimer leurs mécontentements à l'égard des partis traditionnels mais adhèrent profondément à la doctrine et au programme du mouvement national. Connaissant et partageant les analyses du Front, ils lui assurent de ce fait un enracinement durable et stable, semblable à celui que les partis de l'établissement ont connu dans le passé. De même que, dans certaines familles, on votait traditionnellement « communiste », « gaulliste » ou « socialiste », on vote aussi désormais et de plus en plus « national ».

Cela explique que, même en période d'asphyxie médiatique, comme c'est le cas actuellement, les sondages électoraux créditent le Front National de 13 % pour d'éventuelles élections législatives. C'est aussi la raison pour laquelle le Front National est le seul mouvement politique à disposer aujourd'hui d'authentiques militants désintéressés, toujours prêts à consacrer bénévolement leur temps et leur énergie à une entreprise politique dont ils n'attendent rien d'autre que le triomphe de leurs idées.

Aussi l'asphyxie médiatique trouve-t-elle là des limites évidentes puisqu'elle ne peut empêcher le Front National de continuer à exister concrètement à travers la fidélité de ses électeurs et l'activité de ses militants. Ces derniers, utilisant les méthodes du « terrain », parviennent en effet à tisser, par une pratique inlassable du traçage, de l'affichage, des réunions, du porte à porte et du bouche à oreille, des réseaux de prosélytisme qui échappent entièrement à l'entreprise d'asphyxie médiatique.

D'autre part, les problèmes qui ont suscité l'émergence du Front National demeurent, aussi peut-on là encore affirmer que ce dernier a son avenir devant lui. De ce point de vue, la politique « fonctionne » comme la mécanique : quelles que soient les opérations d'asphyxie menées contre lui, le Front National, si les difficultés de la France s'aggravent, se développe.

Or la situation malheureusement pour notre pays, ne cesse de se dégrader. La vague d'immigration continue de se déverser sur notre territoire, de plus en plus massive et incontrôlée. En outre, l'installation de ces populations étrangères prend maintenant la dimension d'une colonisation à rebours à travers l'islamisation de notre pays et les revendications de modification de nos lois et de nos coutumes qui en résultent. Le chômage, conséquence de l'étatisme et de l'ouverture inconsidérée de nos frontières, ne cesse d'augmenter, provoquant du même coup une montée de la misère, en particulier parmi les jeunes Français. La délinquance et la criminalité, loin d'être jugulées, continuent de déstructurer notre société. Sans compter que les fléaux sociaux, comme la drogue et le sida vont en se développant et que l'école est en voie de tiers-mondisation. Quant à la perte de nos valeurs et de la morale traditionnelle, elle tend, avec la généralisation de la corruption, à miner notre nation. Tout comme la chute de la natalité devant laquelle nos dirigeants restent impassibles. De surcroît, ce phénomène de déclin se produit dans un monde de plus en plus incertain et de plus en plus agité, alors même que la France organise le démantèlement de son armée.

Or tous ces problèmes, dont la gravité n'échappe pas aux Français, sont justement ceux sur lesquels le Front National a pris position et apporte des solutions radicalement différentes de celles de la classe politique.

Des idées majoritaires

Là réside aussi l'une des raisons supplémentaires des succès à venir du Front National. L'établissement, qu'il soit PS-PC ou RPR-UDF, n'apporte en effet aucune solution de fond à ces graves difficultés. La récente prise de fonction de M. Balladur en donne d'ailleurs aujourd'hui la confirmation puisque, sur tous les grands sujets, le Premier ministre se contente d'adopter la même ligne politique que ses prédécesseurs socialistes. Ainsi, en matière d'immigration, on continue de préconiser l'intégration et non le retour. S'agissant du code de la nationalité, c'est toujours le principe du droit du sol qui a cours. En politique étrangère, on poursuit la mise en œuvre du traité de Maastricht. Dans le domaine économique, les thèses libre-échangistes sont toujours en application. Au plan de la politique familiale, le revenu parental n'a pas vu le jour. Enfin, qu'il s'agisse de la sécurité ou de l'école, la politique antérieure est poursuivie sans aucune modification.

Faut-il s'étonner de cette surprenante continuité qui traduit en réalité la profonde unité qui régit aujourd'hui l'ensemble de la classe politique, voir médiatique, la cohérence sans faille de l'établissement qui s'affirme désormais comme un système profondément décadent, largement tourné vers le passé ?

Tout ce système est en effet directement issu de la guerre. C'est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la plupart des partis actuels ont fondé leur légitimité, les gaullistes et les communistes en particulier, mais aussi beaucoup de journaux, certaines entreprises et les syndicats qui se disent représentatifs. Bref, un grand nombre de ceux qui détiennent aujourd'hui un pouvoir l'ont tiré directement ou indirectement des suites de la dernière guerre. Et si l'on parle de plus en plus de la Seconde Guerre mondiale au fur et à mesure que le temps passe, n'est-ce pas, bien plutôt que le fait du hasard, parce que l'établissement, se sentant de plus en plus discrédité, cherche, comme en une démarche incantatoire, à recréer, du moins par les apparences médiatiques, les conditions qui sont à la source de son pouvoir ?

Le Front National, lui, n'est pas prisonnier du passé. Prônant l'oubli, le pardon et la réconciliation nationale, il s'inscrit dans une logique d'avenir pendant que l'établissement, attaché à une époque désormais révolue, ne peut aborder le XXIème siècle.

Enfin, le Front National dispose d'un atout exceptionnel : ses idées sont celles de la majorité des Français. Le fait est d'ailleurs bien connu et les sondages l'ont montré à de nombreuses reprises. Ainsi, si l'on interroge nos compatriotes sur les principaux points du programme du Front National sans exhiber la moindre étiquette, une majorité d'entre eux se déclarent en accord avec Jean-Marie Le Pen. C'est notamment le cas pour la préférence nationale, la peine de mort ou le revenu parental.

En ce sens, on le voit, la démarche politique du Front National est radicalement différente de celle du Parti communiste, dont la doctrine allait, à bien des égards, contre les aspirations naturelles des hommes, tel le sens de la propriété ou celui de la liberté. Alors que le potentiel de développement du Parti communiste se trouvait pour cette raison idéologiquement limitée, celui du Front National est au contraire considérable. Le mouvement national a vocation à devenir naturellement majoritaire.

C'est encore là une des limites imposées à la stratégie d'asphyxie pratiquée contre Jean-Marie Le Pen. Car les idées du Front National ont fait, malgré tous les écueils, leur chemin dans l'esprit des Français et tous les évènements à venir qui viendront conforter les thèses du mouvement national provoqueront automatiquement un phénomène de ralliement sur le thème : Le Pen avait raison. Et cette évolution se produira même si aucun responsable du mouvement national ne peut venir en faire la démonstration à la télévision. Les idées nationales sont désormais des sortes de missiles en pilotage automatique.

Voilà pourquoi, au-delà des apparences médiatiques, la réalité se révèle éminemment favorable au Front National : il existe sur le terrain ses idées sont celles des Français et la classe politique ne règle pas les problèmes de la France. Ni feu de paille, ni formation marginale, ni rassemblement de mécontents, ni parti communiste de droite, il s'affirme comme un mouvement en devenir. Car l'avenir tient en une formule simple : les problèmes s'aggravent, la classe politique se dégrade, le Front National se développe.

Aussi peut-on dire que le mouvement frontiste s'inscrit clairement dans une perspective historique de relève. Encore faut-il, pour s'en convaincre, comprendre que non seulement le Front National est en mesure d'accéder au pouvoir, mais qu'ayant atteint cet objectif, il est capable également de résoudre les problèmes de la France.

Des atouts majeurs

Le problème majeur qui se pose aujourd'hui à notre pays est celui de l'impuissance du politique.

D'où vient en effet que les Français aient l'impression que rien ne change alors que les gouvernements se succèdent au gré des élections ? Sans doute du fait que nos dirigeants, comme frappés d'impuissance devant les évènements, se contentent d'agir à la marge ou, pire, font semblant d'agir. Bien que le Parlement n'ait jamais voté autant de lois, tout se passe comme si celles-ci n'avaient aucun effet puisque, globalement, tout continue comme avant. Et cela est si vrai que les politiciens, convaincus eux-mêmes, semble-t-il, de leur impuissance, s'en excusent d'avance auprès de leurs électeurs. « Ce sera difficile ». Les contraintes sont considérables ». « On ne pourra agir que progressivement », telles étaient quelques-unes des innombrables mises en garde prodiguées par l'actuelle majorité pendant la campagne des élections législatives de mars 1993. Une façon d'expliquer aux Français que le champ du possible était des plus réduits et que l'on ne pourrait pas infléchir significativement les évolutions néfastes que subit notre pays.

Il s'agit là d'une attitude extrêmement grave. Car le propre du politique est de pouvoir comme M. de La Palice l'aurait découvert lui-même, ceux qui sont au pouvoir doivent pouvoir. Ils doivent pouvoir peser sur les évènements, imposer leur volonté en tant qu'expression de celle du peuple qui les a élus.

Est-il de plus grande faute politique que l'impuissance ? Or, aujourd'hui, en France, il semble qu'on en soit arrivé à une conception quasi virtuelle de la politique. Ainsi le gouvernement est-il jugé en fonction non plus de ses résultats mais de ses intentions. Que M. Pasqua manifeste par quelques propos musclés son intention de s'attaquer au problème de l'immigration, et voilà que cela semble suffire. Les résultats ne suivent pas ? Qu'importe ! Ce n'est pas de sa faute, il a été empêché d'agir, mais l'intention y était.

Cette dégénérescence du politique représente aujourd'hui le drame majeur de notre pays. C'est elle qui est à l'origine du désintérêt des Français à l'égard de la chose publique et c'est elle aussi qui explique la dégradation constante de la situation. Comment en effet l'opinion ne deviendrait-elle pas de plus en plus fataliste au spectacle d'une classe politique de moins en moins déterminée à résoudre les graves difficultés que connaît notre pays et uniquement préoccupée de donner le change auprès du peuple ?

C'est donc dans ce refus de l'établissement d'exercer la puissance politique que se situe la source de la crise du pouvoir qui secoue aujourd'hui notre pays. Or, le Front National détient les deux clefs permettant de sortir de cette impasse.

La première est liée au personnel politique proprement dit. Si la classe politique est impuissante, c'est parce que les hommes qui la composent aujourd'hui sont dépourvus de caractère. Mais quoi de plus naturel : la nouvelle génération n'a eu à surmonter aucune épreuve. Leurs aînés, à l'inverse, issus de la guerre, avaient dû traverser cette terrible période et avaient donc été sélectionnés en conséquence. Les politiques d'aujourd'hui ont été choisis en vertu de leur aptitude à briller dans les médias et à flatter leur chef. M. Dewavrin, qui appartient lui-même au sérail, a remarquablement dénoncé cette tragique indigence de l'actuelle génération qu'il appelle d'ailleurs cruellement la « génération bidon ». Lucide, il écrit : « Nous sommes la génération couilles-molles qui a la naïveté de croire que les murailles de Jéricho tombent à coups de trompettes médiatiques ! ». (1) Or, l'exercice du pouvoir, si l'on veut en user réellement, exige cette grande force de caractère qui fait justement défaut à la classe politique actuelle.

À l'inverse, le Front National est en mesure d'amener au pouvoir une génération de responsables d'une autre trempe. Précisément parce qu'il a connu et continue de connaître les pires difficultés, il sélectionne naturellement, à l'instar de son président, des hommes et des femmes de caractère. Et la sélection est rude car ils sont nombreux à avoir quitté le navire en route sous de multiples prétextes, mais en réalité parce qu'ils ne supportaient pas les formidables pressions qu'il faut sans cesse subir sans qu'aucune satisfaction ne soit venue jusqu'à ce jour les compenser. Cette sélection naturelle, qui résulte mécaniquement des épreuves que traverse le Front National, constituera l'un des atouts les plus précieux de ce dernier lorsqu'il sera parvenu au pouvoir.

Rendre à la France sa souveraineté

Si la classe politique est réduite à l'impuissance, c'est aussi parce qu'elle s'est laissé déposséder des instruments de la souveraineté nationale. Par sa faute, en effet, les décisions qui concernent la France sont de moins en moins prises à Paris par le gouvernement français et de plus en plus souvent à l'étranger dans le cadre d'instances internationales où siègent une majorité de non-Français. À peu près tous les domaines essentiels échappent désormais à notre souveraineté : la politique étrangère se décide au sein de l'ONU à New York, la politique commerciale au Gatt à Genève, la politique agricole à la CEE à Bruxelles, la politique monétaire à Bonn, sans parler des stratégies industrielles qui sont définies à Tokyo ou ailleurs.

De surcroît, avec les accords de Schengen et le traité de Maastricht, la France se trouve dorénavant privée de ses frontières et ne peut donc plus contrôler ce qui entre sur son territoire et ce qui en sort. Comment dès lors s'étonner de l'impuissance des gouvernements, réduits, le plus souvent, à subir des décisions qui ont été prises hors de France dans des instances où ils sont minoritaires et qui concernent un territoire qu'ils ne contrôlent pas véritablement ? Avec la mondialisation à laquelle la France est soumise s'instaure l'impuissance des gouvernements français.

La grande force du Front National est de connaître cette réalité et de vouloir en tirer les nécessaires conséquences. Afin de pouvoir à nouveau résoudre les problèmes des Français, le mouvement national entend rendre à la France tous les attributs de sa souveraineté et redonner à son territoire ses indispensables frontières. C'est à cette seule condition que notre pays pourra surmonter ses difficultés. Et parce qu'il est fondamentalement anti-mondialiste, le Front National est aujourd'hui le seul mouvement capable d'assurer le renouveau national.

Une victoire annoncée

Voilà pourquoi la victoire du Front National paraît inscrite dans les données de la politique française comme elle semble l'être dans les mutations idéologiques et les grandes évolutions internationales.

Le fait que le Front National n'ait progressé que modérément au cours des dernières années ne contredit en rien cette assertion. Ce dernier n'est pas en effet, nous l'avons vu, un mouvement politique comme les autres. N'étant pas engagé dans un jeu d'alternance tel que le pratiquent les partis de l'établissement – PS-PC contre RPR-UDF –, il est en réalité destiné à incarner une grande alternance par rapport au système actuel. Un basculement de cette ampleur ne peut cependant se produire progressivement, de façon linéaire, comme le résultat d'une série ininterrompue de succès toujours plus grands. En outre, le mouvement de Jean-Marie Le Pen se trouve confronté à un système sclérosé, décadent et qui se révèle totalitaire à l'égard de ses adversaires. Ce système, comme celui de l'Union soviétique, ne peut s'affaisser que d'un coup. C'est pourquoi le scénario le plus probable est celui d'un effondrement soudain de la classe politique et d'une arrivée fulgurante du Front National aux responsabilités du pouvoir.

Le mouvement de Jean-Marie Le Pen est dans la situation de celui qui pousse un mur de béton. Apparemment, ses efforts sont vains, le mur n'a fléchi que de quelques millimètres et, pourtant, s'il persévère avec suffisamment de force, c'est d'un coup que le mur s'effondrera.

1. Hugues Dewavrin, Génération bidon, Lattès, 1993.