Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Mes Chers Confrères,
C'est un grand plaisir pour moi d'introduire cette session sur la nutrition et le cancer. En effet, mon intérêt pour le rôle de l'alimentation dans la genèse des maladies chroniques est très personnel et ne date pas d'aujourd'hui.
Avec plus de 140 000 décès chaque année en France, le cancer est la deuxième cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires. Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années, en termes de survie, de guérison ou de qualité de vie des malades, du fait de l'utilisation de protocoles thérapeutiques efficaces et mieux tolérés.
Il semble néanmoins que l'on assiste depuis quelques années à un certain infléchissement et que les gains dans ces domaines soient désormais moins rapides, plus difficile.
Il faut pourtant continuer à progresser et rechercher ailleurs des bénéfices de santé.
Une politique de dépistage précoce alliée à l'emploi concertée des différentes thérapeutiques permet aujourd'hui d'espérer de nouvelles avancées. C'est ainsi que prochainement j'annoncerai la mise en place d'un programme national de dépistage de masse du cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans, 1ère cause de décès par cancer chez les femmes, et tranche d'âge la plus exposée.
Par ailleurs, une politique de prévention peut permettre des gains importants en matière d'espérance de vie et de morbidité du fait de l'adoption d'habitudes de vie saine (alimentation équilibrée, activité physique…) ; je suis donc particulièrement attentif à tout ce qui sera entrepris au vu de la meilleure connaissance des facteurs de risque, facteurs protecteurs pour améliorer nos possibilités et performances en ces matières. Il me semble donc très important que les travaux dont il sera fait état cet après-midi soient diffusés et qu'un prolongement leur soit donné si nécessaire.
Le rôle de la nutrition dans la genèse des cancers comme dans celle des maladies cardio-vasculaires est connu depuis de nombreuses années. Il est généralement admis qu'une alimentation équilibrée incluant une consommation adéquate de fruits et légumes a un effet protecteur important contre certains cancers les plus fréquents et contre le risque d'artériosclérose. L'existence d'une corrélation positive entre un régime riche en fibres alimentaires et une faible incidence des cancers colorectaux a été avancée par certains. Des enquêtes ont insisté sur le rôle protecteur des légumes verts vis-à-vis des cancers digestifs. D'autres ont incriminés des régimes riches en graisses animales et certains sels biliaires. Des études fournissent des renseignements précieux, mais elles sont souvent difficiles à mener et doivent être confirmées.
Leurs résultats sont discordants, l'interrogatoire étant très difficile. De manière générale les enquêtes alimentaires sont d'interprétations délicates, les malades ne se souviennent pas toujours de leurs habitudes 20 ans auparavant, c'est pourquoi ce type de corrélation doit toujours être interprété avec la plus grande prudence. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas développer ce type de recherche. Bien au contraire.
À cet égard, et en tant qu'ancien député européen, je voudrai souligner les efforts faits à l'échelle de l'Europe, en matière d'action coordonnée sur le plan technique et politique et que je continuerai à appuyer au conseil des ministres de la santé. Pour ma part, sur le plan national et international, je souhaite, que dans les années à venir, on aille aussi loin que possible dans la recherche et en particulier épidémiologique.
Le programme communautaire va intensifier la collaboration internationale entre les États membres et les pays tiers pour réaliser des études épidémiologiques et favoriser la diffusion des conclusions notamment dans le domaine des agents cancérigènes (physiques, chimiques et biologiques…), des risques liés à leur exposition, des méthodes de prévention et de l'estimation des taux de survie ainsi que concernant les sources de disparité de ces taux. Les recherches sont indispensables pour préciser la responsabilité éventuelle de nutriments, d'additifs, de contaminants mais aussi étudier le rôle de possibles facteurs protecteurs…
De même, j'ai demandé, toujours au niveau communautaire, que les travaux dans les domaines d'action autres que ceux portant sur la protection de la santé publique, agriculture, recherche, industrie… prennent en compte une meilleure qualité des produits alimentaires en restant vigilant sur les processus de fabrication et en veillant à lutter contre l'introduction de substances cancérigènes dans les produits de consommation. Pour ne citer que certaines actions : la classification des substances et préparations dangereuses en vue d'améliorer l'étiquetage et l'emballage des produits seront poursuivie au niveau communautaire.
Le programme « Europe contre le cancer » dont la poursuite a été votée au conseil des ministres de la santé en décembre dernier, dans le cadre de l'action dans le domaine de la santé publique suite au traité de Maastricht, a particulièrement contribué à diffuser le Code européen, qui informe sur la nécessité de manger des fruits et légumes, de privilégier les fibres et les régimes pauvres en graisses saturées. Chaque année la semaine européenne qui a lieu en octobre contribue à sensibiliser encore mieux le public. C'est ainsi que l'année 1994 mettra l'accent sur la "nutrition et la prévention de l'alcoolisme" : "mieux manger et mieux boire pour mieux vivre". Le Comité Français d'Éducation à la Santé et l'Association Nationale de Prévention de l'Alcoolisme en assurent la coordination.
Dans ce cadre seront recensées les ressources en éducation nutritionnelle en France (outils, actions…) qui fera l'objet d'un document diffusé aux professionnels. Parmi les documents édités avec l'aide de la commission européenne, je signalerai un livret dont la responsabilité a été confiée à M. Elio Riboli et qui fait le point des connaissances sur Alimentation et cancer. Cet après-midi qui préfigure sans doute le contenu de ce document permettra d'actualiser les connaissances et de dégager les éléments essentiels de ce qu'il faudra retenir pour les prochaines années à venir sur alimentation et cancer. Élément capital, car entre l'absence d'information et l'information excessive ou erronée, une juste information est nécessaire.
Les études épidémiologiques contribueront aussi à mieux cerner les facteurs de risque des autres maladies, comme les maladies cardio-vasculaires auxquelles, comme vous le savez, j'attache une importance particulière et qui peuvent en particulier être corrigés par une alimentation saine et équilibrée.
Vous allez sans doute maintenant discuter des aspects protecteurs de l'alimentation vis-à-vis du cancer, mais aussi des autres pathologies chroniques, des hypothèses et des résultats les plus intéressants qui pourraient expliquer la relation entre consommation de produits alimentaires et risque de cancer.
Je continuerai donc à suivre en tant que ministre de la Santé d'abord, ces travaux essentiels pour la bonne santé de la population et vous pouvez compter sur moi pour les appuyer au niveau national et européen et je les suivrai bien sûr comme professeur de santé publique et cardiologue particulièrement intéressé par les effets bénéfiques sur l'individu.
Je vous remercie.
4 mai 1994
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Mes Chers Confrères,
C'est un grand plaisir pour moi que de vous accueillir aujourd'hui au ministère de la Santé. C'est la première fois en effet qu'un partenariat formellement contractualisé s'instaure entre l'État, les conseils généraux et les caisses d'assurance-maladie sur un programme de prévention.
Le cancer du sein est un problème majeur de santé publique. C'est le plus fréquent des cancers de la femme : on estime à 24 000 par an le nombre de nouveaux cas et à plus de 10 000 décès chaque année la mortalité qui en résulte. Comme pour de nombreux autres cancers, le pronostic en est d'autant plus favorable que la maladie est détectée à un stade précoce avant de devenir une affection grave.
Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années en termes de survie, de guérison ou de qualité de vie des malades, du fait de l'utilisation de protocoles thérapeutiques efficaces et mieux tolérés. On assiste néanmoins depuis quelques années à un certain infléchissement : les progrès accomplis sont désormais moins rapides et plus difficiles. Il faut pourtant continuer à progresser et rechercher d'autres voies d'action.
La prévention en est une, et tout particulièrement en ce qui concerne le cancer du sein : le dépistage précoce grâce aux mammographies – qui sont des examens performants – peut constituer une réponse efficace.
Les groupes de femmes régulièrement suivies ont une mortalité par cancer du sein moindre que les groupes équivalents chez qui une telle surveillance n'est pas organisée. Les études étrangères à ce sujet, montrent qu'un dépistage par mammographie permet d'espérer une réduction de 30 % de la mortalité due à cette maladie pour les femmes ainsi suivies entre 50 et 69 ans.
Toutefois, ces expériences montrent également qu'il n'y a de bénéfice à attendre d'un dépistage de masse que si certaines conditions sont réunies :
– un recrutement de l'ordre de 60 % de la population cible,
– des examens de qualité ;
– réalisés par un personnel spécifiquement formé au dépistage ;
– un suivi sans faille des personnes dépistées.
Tout cela nécessite une préparation et une organisation rigoureuse.
Depuis 1989 en France, la caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés, sur la base d'un financement par le fonds national de prévention, et en liaison avec un certain nombre de conseils généraux, a permis l'expérimentation de campagnes de dépistage systématique de ce cancer au niveau départemental.
Cette première expérience était nécessaire. L'évaluation qui a été réalisée en 1993 en a montré tout l'intérêt et m'a conduit, dans un souci de santé publique, à envisager leur extension et la mise en place d'un programme de dépistage systématique du cancer du sein dans un certain nombre de départements susceptibles d'offrir des garanties suffisantes quant à la mobilisation des autorités locales, des professions de santé et de la population féminine concernée.
Je suis heureux que ce problème de santé publique ait pu donner lieu à une telle convergence des préoccupations des volontés d'agir : des conseils généraux auxquels les lois de décentralisation ont donné compétence pour tout ce qui concerne la lutte contre le cancer, des trois principales caisses d'assurance-maladie qui développent des actions de prévention, et de l'État qui est naturellement intéressé à un élément de la politique de santé publique.
Le protocole d'accord tripartite qui va être signé représente un engagement moral de l'ensemble des partenaires sur les objectifs du programme de dépistage systématique du cancer du sein, sur les principes d'organisation de ce programme et sur son financement.
Je souhaite en relever son caractère novateur et ambitieux et féliciter tous les partenaires Monsieur le Président de l'Association des Présidents de Conseils Généraux, Messieurs les Présidents des Caisses d'Assurance-Maladie, de leur engagement de principe en vue d'assurer la pérennité de cette action pour une durée au moins égale à 5 ans.
Bien entendu, ce protocole d'accord devra, pour prendre son plein effet, et j'insiste sur ce point, être suivi de la signature, dans chacun des départements retenus, d'une convention tripartite (Conseil Général, Assurance-Maladie, professionnels de santé), reprenant les principes du protocole et définissant les rôles et obligations de chacun au niveau départemental. J'en profite pour saluer les Présidents des Conseils Généraux des départements retenus et les remercier vivement de leur présence.
C'est ainsi que la première vague du programme comporte les départements suivants : l'Allier, les Alpes-Maritimes, les Ardennes, l'Aveyron, les Bouches-du-Rhône, l'Hérault, l'Ille-et-Vilaine, l'Isère, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, La Marne, la Mayenne, l'Orne, le Puy-de-Dôme, le Bas-Rhin, le Rhône, la Sarthe, la Somme, la Haute-Vienne, l'Essonne et le Val-d'Oise.
D'autres déjà prêts, suivront rapidement.
Pour finir, et avant de signer formellement ce protocole d'accord, je voudrais souligner que l'extension, voire à terme la généralisation du dépistage de masse du cancer du sein constitue une opération ambitieuse représentant une nouvelle étape du développement de la santé publique de notre pays. Il faut apprendre à dépister et à se faire dépister et pour cela, parvenir à vaincre les corporatismes, mais aussi les difficultés sociologiques et psychologiques propres aux actions de ce type. Tout échec serait lourd de conséquences et neutraliserait pour de longues années de nouvelles entreprises dans ce domaine. Il convient donc d'apporter le plus grand soin à parfaire l'organisation mise en place. Je compte sur la collaboration de chacun à cet égard.
Nous avons besoin du concours de tous médecins généralistes, gynécologues, anatomopathologistes, chirurgiens, radiologues surtout (et je remercie le docteur Alain Taieb pour son action si efficace), mais aussi épidémiologistes.
De leur mobilisation dépend le succès de cette opération.
Eux qui sont voués à l'action curative, nous leur demandons de consacrer maintenant une part de leur temps à une action de santé publique, une action de dépistage, une action de prévention de la mort par cancer du sein.
Je ne doute pas de leur adhésion à cette action conjointe de l'État, des caisses et des conseils généraux et de leur soutien efficace, mais aussi pondéré par la prudence qui s'impose.
Qu'il me soit permis de remercier enfin les membres du comité permanent de pilotage présents ici qui ont beaucoup travaillé et qui vont continuer à le faire, et tout particulièrement leur président, le professeur Tubiana, dont l'autorité scientifique est à ce poste indispensable.
Je salue aussi parmi les personnalités présentes le président et le directeur de la Ligue Nationale contre le Cancer, monsieur Gabriel Pallez et madame Claudine Esper, dont le partenariat dans cette action sera comme à l'habitude très précieux.
Tous ensembles nous réussirons.
Mesdames, Messieurs je vous remercie.