Conférence de presse de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale de la recherche et de la technologie, et Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, sur l'aménagement des rythmes scolaires, la réforme des programmes et la lutte contre l'échec scolaire, Paris le 28 août 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Claude Allègre - ministre de l'éducation nationale de la recherche et de la technologie ;
  • Ségolène Royal - ministre déléguée à l'enseignement scolaire

Circonstance : Conférence de presse de M. Claude Allègre pour présenter "La charte pour bâtir l'école du 21ème siècle", à Paris le 28 août 1998

Texte intégral

Claude ALLEGRE
La formule que nous avons expérimentée pour le plan social étudiants, a donné satisfaction à tout le monde, a permis de vous expliquer un peu ce qu'on fait, vous avez pu poser vos questions et puis vous avez vu les partenaires, les acteurs, vous avez pu les entendre et ensuite vous avez pu leur parler. Donc je crois que c'est une bonne formule que de les inviter La charte pour bâtir l'école du 21ème siècle, il faut réfléchir sur le problème de la motivation. Nous nous trouvons aujourd'hui confrontés à des problèmes nouveaux concernant l'école. D'abord, je voudrais dire que l'école n'est pas dans une mauvaise situation. Je pense que l'école française et l'école primaire en particulier est sûrement la partie - avec les maternelles bien sûr - la plus solide de notre système d'enseignement. Et c'est parce qu'elle est la plus solide qu'on peut s'appuyer d'une part sur une réalité, une pratique et une tradition, pour construire quelque chose de plus efficace. Je crois par exemple que pour l'école, entraîner l'ensemble du système éducatif, c'est-à-dire les enseignants, les non-enseignants, les parents d'élèves, dans une rénovation, ne pose pas de problème. A la limite, les ministres pourront être des incitateurs, des chefs d'orchestre, mais ils n'ont pas besoin d'être des entraîneurs parce que je crois qu'il y a une volonté générale. C'est donc quelque chose de très important. En même temps, les temps changent et les nouvelles technologies apparaissent. Quand vous lisez un certain nombre d'articles disant : l'enseignement va changer complètement, il y aura d'autres enseignements, on utilisera les cassettes, on utilisera Internet, etc., c'est vrai, il y a une réalité. Et certains vont même jusqu'à dire que l'enseignement futur va être un grand marché et qu'il faut confier l'enseignement au privé. Alors je dis d'une manière extrêmement claire que ce n'est pas la position du gouvernement. Nous sommes très attachés au service public et très attachés au service public d'enseignement. Que ce soit très clair. Quand je parle d'industrie de l'éducation, je parle d'une industrie comment on parle de l'industrie des livres, mais raison de plus, c'est pas du tout une industrie qui se substitue à l'enseignement. Nous sommes très attachés à ce système. J'insiste parce que j'ai lu dans un journal  - qui d'ailleurs ne traite pas des problèmes d'éducation, où on parlait des questions bruxelloises et d'un certain nombre d'instructions de Sir Leon Britain parlant du problème d'éducation  - que le ministre de l'Education national français était d'accord avec ça. Non. Il est absolument, complètement opposé à ça. Mais parce que je crois profondément au service public, je pense qu'il doit être le meilleur, partout. Et vous savez que c'est la tradition en France. La tradition française par rapport à la tradition anglaise, c'est la primauté du service public d'éducation. En Angleterre, les meilleurs élèves, notamment ceux qui entrent à Oxford et Cambridge, passent par ce qu'on appelle les Public Schools qui sont en fait des écoles privées. Et actuellement, il y a une grande bataille, menée par Tony Blair - et pour ceux qui se font du souci pour savoir si Tony Blair est socialiste, ils n'ont qu'à regarder cette bataille-là - qui consiste à obliger Oxford et Cambridge à admettre la moitié de leurs étudiants venant des écoles anglaises non privées. Donc l'Angleterre a cette tradition de l'excellence vers des écoles privées. La France a la tradition inverse. Les meilleurs élèves sont dans l'école publique, c'est la tradition de l'école française. Et j'ai vraiment l'intention, avec Ségolène, que ce soit comme ça. Donc cela veut dire qu'il faut moderniser notre école, il faut donner à l'école les moyens de se moderniser, mais il faut aussi qu'elle soit modernisée. Or depuis des années nous avons ce problème lancinant des rythmes scolaires journaliers. Il y a une tendance qui se fait jour, de plus en plus de vacances, de moins en moins de jours et finalement un allongement de plus en plus grand du travail journalier des enfants. Et en même temps, il y a un fait incontestable, si l'école ne donne pas aux enfants l'accès aux nouvelles technologies, l'accès à la culture, à la musique, aux arts plastiques, etc., l'accès au sport, eh bien il y a des enfants qui n'auront jamais accès à cela. Et donc il y a une discrimination sociale. Il est important que dans l'organisation du temps il y ait la place dans l'école de tout cela. Et je ne crois pas bon de dire que ce n'est pas le travail de l'école, ou bien qu'il faut libérer les enfants à midi et que l'après-midi ils feront ce qu'ils voudront…

Alors depuis un certain nombre d'années il y a plusieurs expériences. Il y a tellement d'expériences dans ce pays que quand la rentrée se fait on ne sait plus qui rentre, quand et pourquoi. Moi j'étais incapable l'autre jour d'expliquer à un journaliste exactement les raisons pour lesquelles untel rentrait… Alors il l'a écrit, c'était pas faux : le ministre de l'Education nationale lui-même ne sais pas exactement pourquoi, donc d'autres ne doivent pas comprendre. Alors l'expérimentation comme cela dans tous les sens c'est bien, mais il faut à un moment donné essayer de synthétiser tout ça.

Là-dessus nous avons engagé une réflexion. Nous avons dans un premier temps rédigé un texte. Je vous rassure tout de suite, ce ne sont pas mes conseillers qui ont rédigé ce texte, c'est moi qui l'ai rédigé. Par conséquent quand vous essayez de trouver qu'il est mauvais vous pouvez taper sur le pianiste.

Nous avons ensuite discuté avec l'ensemble de nos partenaires du système éducatif - syndicats, parents d'élèves  - de la philosophie de ce texte. Et cette base de discussion était d'autant plus facile qu'on était d'accord sur la philosophie. Cette philosophie c'est trois choses. Premièrement, il n'y a pas à l'intérieur des écoles, d'activités qui ne soient pas éducatives. A l'occasion d'un cours de musique, à l'occasion d'un cours de gymnastique, à l'occasion d'une discussion informelle, on peut faire rentrer un concept important, pas seulement d'éduquer à la citoyenneté, un concept même technique, même de calcul, même de français, l'acte éducatif est permanent. Mais en même temps il est diversifié. Et par conséquent nous considérons, il n'y a pas de matinées avec cartables et d'après-midi sans cartable, il y a une activité éducative. Ça va même plus loin : s'amuser dans notre esprit ce n'est pas forcément ne pas apprendre. Il y a même une activité qui permet d'apprendre en s'amusant, et je dirais même plus, le plaisir d'apprendre est un plaisir qui fait partie du temps libre. L'ensemble de ces activités doit donc être coordonné, organisé, pensé par les enseignants. Et si certains viennent avec une autre formation, viennent de l'extérieur, ils doivent faire partie de l'équipe éducative coordonnée par les enseignants.

Deuxième problème, les élèves doivent être aidés. Avec les organisations diverses et variées du primaire il n'y a pas de problème. J'ai vu, au mois de juin, dans un bulletin corporatif de l'enseignement primaire cette magnifique phrase que j'ai gardé en, que vous n'avez pas reproduite, les uns et les autres, mais qui vous a peut-être échappée, d'un bulletin corporatif disant : le professeur n'est pas là pour aider les élèves. C'est quand même quelque chose d'extraordinaire qui restera à mon avis une phrase historique. Donc je pense que là il n'y a pas de problème, il faut aider les élèves, les élèves qui sont en plus grande difficulté sociale, et par conséquent, l'école doit organiser à l'intérieur de son temps un temps d'aide à l'élève et un temps pour garder les élèves à un moment où les femmes travaillent de plus en plus. Les trajets sont hélas souvent très longs, il ne faut pas que ces élèves soient lâchés à la rue. Par conséquent, il faut que l'école soit capable d'organiser des études. En même temps, ce temps d'étude n'est pas forcément non plus une mauvaise période de la journée pour apprendre. Autrement dit il y a ce problème de l'organisation de la journée, du temps d'étude, et de trouver le temps à ce que l'ensemble des acteurs du système éducatif puissent parler entre eux. Je crois qu'il est important qu'il y ait un travail en équipes, je pense qu'il est très important qu'il y ait un dialogue avec les parents, qui ne soit pas forcément un dialogue personnalisé, il faut qu'il y ait à la fois un dialogue personnalisé sur l'enfant qui intéresse les parents, et puis d'une manière générale, essayer de l'élargir parce que les parents ont eux aussi quelque chose à dire. Et donc on voit bien comment se fait cette évolution.

Enfin le troisième point important, c'est le problème de l'organisation de la journée elle-même. Là-dessus on a dit beaucoup de choses et même si la trame générale reste vraie, les modalités doivent être examinées avec soin. En effet, c'est vrai qu'en général - mais les règles statistiques ne sont jamais valables individuellement - entre 10h et 12h on peut réfléchir, paraît-il, avec plus d'intensité. C'est d'ailleurs pourquoi nous mettons les conférences de presse à cette heure-là ! Mais il est non moins vrai que la mémoire s'exerce avec une plus grande acuité aux environs de 5 ou 6h. Tout le monde le sait, chacun d'entre nous a travaillé à une heure du matin pour apprendre telle et telle chose parce qu'il avait un examen le lendemain. Deuxièmement, dans ce problème de rythme, la notion de discipline difficile ou abstraite et de discipline pas difficile, c'est là aussi, une notion discutable. Est-ce que la musique n'est pas une discipline difficile et abstraite ? Moi je vais vous dire, mon père ayant essayé de me faire jouer du violon, je n'ai jamais considéré que c'était quelque chose de facile. D'ailleurs cela a donné des résultats lamentables. Mais j'ai trouvé que ce n'était pas facile. Alors je me suis reconverti dans le chant. J'ai toujours trouvé que les mathématiques étaient plus faciles que le violon. Donc ce n'est pas aussi simple que ça. Si on veut que le sport rentre dans l'enseignement pleinement, il y a des problèmes pratiques. Les équipements sportifs sont libres à certaines heures et on ne va pas les occuper l'après-midi. Il faut aussi arranger les choses et être un peu moins formel.

Donc voilà la motivation générale. Nous n'avons pas besoin de l'extérieur, nous avons besoin des enseignants. Et c'était ce qu'avait fort bien compris l'un de mes prédécesseurs qui aujourd'hui a pris du galon, lorsqu'il avait engagé cette discussion de formation des professeurs d'écoles. Parce que je crois qu'il avait cette vision que le rôle de l'enseignant allait évoluer, il resterait un enseignant polyvalent mais en même temps dans le futur il resterait un chef d'équipe, un animateur. On aura probablement l'occasion de parler du lycée et du collège, et je crois que là aussi il y a une grande évolution des enseignants qui doit se faire, des méthodes pédagogiques, etc. Donc l'évolution de l'enseignant justifie pleinement le passage de l'ancien statut d'instituteur à professeur d'école, même si personnellement j'ai une grande peine à l'idée que le vocable d'instituteur disparaisse.

L'idée que nous avons lancé dans cette charte est de dire : nous allons travailler ensemble, et nous sommes tombés d'accord, entre nous. Nous ne sommes pas d'accord sur tous les détails, c'est normal, chacun a sa place, mais nous sommes tous d'accord pour avancer et pour adopter la méthode qui est d'essayer de faire un certain nombre d'expérimentations dans lequel nous inclurons les emplois-jeunes, dont j'espère personnellement qu'ils vont être pérennisés, parce qu'ils rendent de grands services. Cet été l'un de vous a publié une interview d'un directeur d'école qui disait : on ne concevrait plus comment on peut s'organiser sans les emplois-jeunes. Les éducateurs viennent des collectivités territoriales et des associations, je pense par exemple à la ville de Paris, ou de Lille ou de Marseille, dans lesquelles il y a des profs de gym et des profs de musique payés par la ville. Ils seront intégrés, ils viendront dans cette coordination générale confiée à l'enseignement. Et puis il y a les études surveillées. Nous allons faire un certain nombre d'expérimentations, vous savez que j'y suis très attaché. Je vais vous donner deux exemples : les emplois-jeunes et les nouvelles technologies. On a dit « on laisse faire le terrain, on va voir, et puis on fera des règlements après ». C'était tellement étrange dans cette maison qu'on ne bombarde pas une demie douzaine de circulaires pour attacher les enfants à leurs chaises et qu'on ne leur dise pas « vous allez jouer à la marelle mais attention il y aura un mouchoir de 50 cm sur 50 cm, si vous sortez vous êtes hors des clous », que tout le monde a dit : qu'est-ce que c'est que ça ? Et bien l'expérience est claire : la plus grande richesse de cette maison ce sont les enseignants. Malheureusement on a énormément de mal à faire remonter les bonnes expériences et à les généraliser. Et là on le voit sur les emplois-jeunes. On va pouvoir enlever ce qui n'est pas bon, et garder le meilleur. C'est la même chose pour les nouvelles technologies. Là aussi on va essayer de faire une expérimentation et il y aura un comité de suivi par académie, il y aura un comité national de suivi de cette expérimentation. Parallèlement à cette action pratique, alors quand est-ce qu'elle va se mettre en place ? Probablement après la Toussaint ou en janvier, dès que nous aurons le temps le temps de nous organiser. Cette opération est menée par la DESCO. Parallèlement à cela, nous avons décidé de rénover la recherche pédagogique. Cette opération est confiée à Philippe Meirieu, et on va lancer un grand programme de recherche sur l'école. Alors je voudrais dire là-dessus, sans être désagréable avec qui que ce soit qu'il ne s'agit pas de philosopher sur le sexe des anges ou de ronéoter à intervalles réguliers les textes de monsieur Piaget ou de monsieur Zazo. On connaît des tas de choses. Il s'agit de faire une recherche appliquée, c'est-à-dire une recherche applicable. Et non pas de développer ce que mon collègue Curien appelle des « rana » : recherche appliquée non applicable. C'est de faire effectivement une expérimentation qui associe l'ensemble du corps enseignant. Parce que finalement, quand on regarde l'action d'un l'instituteur dans sa classe, il a une démarche pas très différente de la démarche du chercheur. Il cherche individuellement à améliorer, etc. Cette expérience, nous voulons la sublimer. Comment ? D'abord en faisant en sorte que tous les ans, au lieu de dire aux enseignants ce qu'ils doivent faire, on va essayer de s'organiser comme on organise la recherche, c'est-à-dire on va organiser tous les ans, dans chaque académie, des réunions, des colloques dans lesquels les enseignants viendront faire les uns et les autres ce qu'ils voudront, un exposé sur ce qu'ils font. Et donc il y aura une grande confrontation et il y aura un colloque annuel l'an prochain de réflexion sur l'école. Alors loin de nous l'idée de ligoter les enseignants. C'est le contraire. Je pense que ce qu'il faut essayer de faire, c'est la diffusion des bonnes idées, c'est la confrontation, c'est en même temps l'expérimentation. L'intranet de l'Education nationale, avec les nouvelles technologies, va permettre aux enseignants de parler à travers la France les uns avec les autres. Cela se fait déjà. Je n'invente rien. Sans qu'on ait besoin du ministère et encore moins du ministre, il y a des enseignants qui se sont fabriqués des réseaux et qui discutent entre eux. On voit avec « la main à la pâte » que cela se diffuse et se développe. Donc là aussi un programme de recherche va se mettre en place. Ségolène vous dira un mot sur le lien entre cela et tout ce qui concerne le périscolaire et les contrats locaux d'éducation. Pour bien formaliser l'intervention des intervenants extérieurs, il faudra mettre cela à l'intérieur des contrats locaux d'éducation pour que cela soit bien précisé avec les collectivités territoriales. Là encore, on expérimentera dans ce domaine. Ce qui va demander un effort particulier pour accélérer la mise en place des nouvelles technologies à l'école pour lesquelles les choses ne sont pas allées tout à fait aussi vite qu'au lycée et au collège. Il va donc falloir qu'on donne un petit coup d'accélérateur cette année. D'ailleurs, je vais rencontrer pour cela, l'association des Maires de France.

Voilà la perspective générale et ce que je voulais vous dire sur cette entreprise qui va concerner, environ deux mille voir quatre mille établissements. Si elle marche bien, nous déciderons ensemble du rythme dans lequel on l'étend, parce que l'égalité républicaine c'est quand même que si c'est une bonne chose tout le monde en bénéficie. Et puis chemin faisant, on essaiera quand même de ramener dans une trame commune les expériences ici ou là pour ne pas affoler tout le monde avec 46 000 cas qu'on ne domine pas bien. Voilà ce que je voulais vous dire sure cette école du 21ème siècle. Je pense que c'est un nouvel esprit qui s'appuie, encore une fois, sur la qualité de l'école actuelle et qui va essayer de la transcender. Chaque enseignement a besoin de méthodes, de réformes qui soient spécifiques, qui correspondent à ses propres réalités.

SÉGOLÈNE ROYAL
Je n'ai rien de particulier à rajouter à ce que vient de dire Claude Allègre sur ce texte en effet très important qu'il a rédigé, cette charte baptisée « Ecole du 21ème siècle », qui est à la fois une cohérence à l'ensemble des actions, qui remet en perspective aussi des efforts importants que le gouvernement a fait, l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, et qui a aussi mobilisé la réflexion de l'ensemble des partenaires. Mais j'insisterai sur trois idées qu'il vient d'évoquer.

D'abord l'idée de faire tout simplement une école plus efficace, c'est-à-dire la lutte contre l'échec scolaire et l'égalité des chances, qui reste la préoccupation fondamentale. La lutte contre l'échec devant l'expression orale, la lecture ou tout ce qui touche à l'illettrisme est une de nos priorités. Et puis je crois qu'il est important de repérer de façon très précoce les difficultés des élèves. Je crois que l'école a relevé le défi et qu'aujourd'hui elle est en mesure, notamment avec l'arrivée de l'ensemble des nouveaux moyens, d'apporter un soutien individualisé aux élèves en difficulté de façon la plus précoce possible, et surtout elle est en mesure aussi d'évaluer les efforts qu'elle fait. C'est une école plus ouverte avec l'articulation du temps scolaire et du temps périscolaire, notamment dans le cadre des contrats locaux d'éducation, l'association des parents d'élèves, l'école ouverte aussi aux nouvelles technologies. Donc je crois qu'on voit toute une série d'actions pour que l'école soit ouverte précisément vers le 21ème siècle, et au bout du compte si l'école est plus efficace et plus ouverte, elle sera plus créative et si l'école réussit à développer en premier lieu la curiosité sur le monde que peut avoir l'enfant, eh bien elle réussira aussi à lui donner envie d'apprendre et de travailler. On revient à des idées toutes simples, des idées de base, mais avec des moyens considérablement accrus pour cet école du 21ème siècle.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci Ségolène. Je vais donner la parole à Bernard Toulemonde qui va mettre les choses en musique.

BERNARD TOULEMONDE
Pas grand chose à ajouter, simplement que je me réjouis à avoir à mettre en oeuvre une réforme qui modernise notre école, étant entendu qu'elle me paraît bien se situer par rapport à ce qui a été fait précédemment et notamment par rapport à la loi d'orientation de 1989 qui avait essayé de répondre à un besoin scolaire, en particulier par la mise en place des cycles. Là nous faisons une nouvelle étape en essayant de répondre à la fois aux besoins scolaires et aux besoins sociaux de l'école, notamment par l'ouverture qu'évoquait madame la Ministre déléguée à l'instant, et toutes les activités que les élèves pourront faire à l'école. On répond aussi à des besoins sociaux dans la mesure où on offre plus qu'autrefois du soutien et de l'aide individualisée aux élèves et donc qu'on essaie de répondre plus efficacement à la scolarité des élèves. Je me réjouis aussi d'avoir à mettre en oeuvre, selon une démarche tout à fait originale, une réforme, de le faire avec Philippe Meirieu et en étroite collaboration entre l'administration, la direction de l'enseignement scolaire et l'INRP, c'est à dire une démarche expérimentale selon un mode assez nouveau dans notre administration.

PHILIPPE MEIRIEU
Personnellement non plus je n'ajouterais pas grand-chose si ce n'est pour dire que comme l'a évoqué monsieur le Ministre, en matière éducative ce n'est sans doute pas d'un déficit d'éducation dont nous souffrons mais d'une insuffisance d'analyse de celle-ci et surtout de capitalisation des acquis et qu'il est important aujourd'hui de capitaliser les acquis de tout ce qui a déjà élaboré et de tout ce qui va être élaboré. L'INRP prendra sa part pleinement dans cette opération, son travail sera peut-être un peu technique d'abord, repérer les différentes modalités dominantes en terme d'organisation du travail scolaire, c'est-à-dire la manière dont collaborent, sous la responsabilité des enseignants, les intervenants extérieurs, les aides éducateurs, repérer comment les différentes tâches scolaires sont prises en charge par les uns et par les autres. Je crois que monsieur le Ministre a insisté, il serait extrêmement néfaste de considérer que l'enseignant fait le cours, l'aide éducateur fait de l'aide individualisée et l'intervenant extérieur des activités récréatives. Les choses sont beaucoup plus importantes et beaucoup plus articulées que cela. Il faudra voir comment, au sein de chaque école, on réussit à mettre en synergie ces trois types de présence éducative au service des apprentissages fondamentaux des élèves. Nous repérerons d'abord donc quelques grands modèles d'organisation scolaire, au sein de ces modèles nous repérerons quelques variables, nous essaierons de mettre en réseau les équipes qui travaillent selon des modèles à peu près identiques pour qu'elles soient capables de mettre en commun leurs acquis. Nous essaierons de les accompagner aussi pour qu'elles puissent évaluer leurs résultats, il n'est pas question de faire intervenir des chercheurs en surplomb qui viendraient dire le bien et le mal dans l'institution scolaire, mais il est question de permettre aux enseignants de terrain et à leurs partenaires de repérer les effets qu'ils produisent, d'analyser ces effets, de repérer éventuellement des effets pervers, etc. Et puis de rédiger éventuellement, de capitaliser des acquis et l'INRP prendra sa place aussi dans une aide à l'écriture, une aide à la communication. Monsieur le ministre a évoqué l'organisation de ces colloques académiques et de ce colloque national. Il nous paraît essentiel que les enseignants non seulement apprennent à communiquer à leurs élèves mais aussi se mettent à communiquer entre eux le plus possible sur leur travail, sur leur métier et sur la manière dont ils innovent pour répondre aux besoins des élèves et plus largement aux besoins sociaux. Voilà comment l'INRP, j'espère, pourra prendre sa place à côté de la direction de l'enseignement scolaire, de l'inspection générale aussi qui aura bien évidemment dans cette opération une place, pourra prendre sa place dans la mise à neuf de cette charte qui préfigure une école du 21ème siècle.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci Philippe Meirieu. Je vais donner la parole aux organisations syndicales et aux parents d'élèves. Monsieur Le Bret.

DANIEL LE BRET
… le point qui nous paraît le plus essentiel par rapport à ce texte et par rapport à cette présentation de la charte. D'abord pour dire que s'agissant de la démarche, une étude des nouveaux programmes, une évolution des rythmes scolaires, un approfondissement des réflexions sur le métier qui intègre le travail d'équipe, qu'on se donne cet objectif et que pour atteindre ces objectifs on engage des recherches sur l'école primaire, qu'il y ait un travail avec l'INRP, qu'il y ait des colloques, que les personnels soient associés à ce travail, nous donnons notre accord à cette démarche générale. Et je voudrais insister sur le débat qui il y a eu avec le ministre et le ministère sur cette question-là. Le ministre dans la charte fixe un ensemble d'objectifs pour l'évolution de l'école, y compris pour l'évolution de la réussite scolaire des élèves. Et c'est sur ce point que nous voulons le plus intervenir. Nous sommes déjà intervenus, et vous avez vu que la charte a déjà été discutée par les partenaires enseignants et syndicats. Et aujourd'hui le débat a porté sur comment on améliore la qualité de ce qu'on apporte aux élèves. Alors évidemment on a une discussion parfois vive, parce qu'à notre avis, on a mis en garde le ministère là-dessus, si la seule réponse apportée pour améliorer la qualité de l'élève, c'est de dégager du temps pour l'enseignant et que pendant ce temps dégagé les enfants sont désormais pris en charge par des aides éducateurs, nous avons dit qu'à notre avis c'était pas une bonne piste, c'était une piste d'une logique de substitution et qu'en particulier dans les zones difficiles les enfants ne pouvait pas, à l'aube du 21ème siècle, alors qu'ils entreront dans la vie active en 2020, se trouver avec moins d'écoles. Donc on a insisté auprès du ministère là-dessus. Et aujourd'hui, j'insiste sur les ambitions que fixe le ministre dans la charte, pour dire qu'il y a eu des évolutions significatives. Or la première c'est celle-ci : l'école doit être son propre recours, en particulier pour les élèves en difficulté. La deuxième c'est que le ministère réfute une hiérarchie entre disciplines. La troisième chose c'est qu'il indique que la nécessaire collaboration entre les enseignants et les aides éducateurs doit respecter le principe de non substitution. Ce sont des objectifs que nous partageons. Et le ministre indique aussi qu'il faut libérer du temps pour les enseignants pour mettre en place des formules d'aide aux enfants en difficulté, il faut aussi que les instituteurs et les professeurs des écoles oeuvrent à ce que les arts, chant, dessin, danse, l'éducation civique et sportive, les langues vivantes, l'usage de toutes les nouvelles technologies, soient enseignés de la manière la plus pertinente possible par l'équipe des enseignants de l'école. Alors le SNU ITP n'a qu'une seule question à poser au ministère, c'est comment peut-on imaginer que l'on réponde à cette ambition fixée avec moins d'enseignants ou avec le même nombre d'enseignants pour le faire. Nous considérons qu'en plus des aides éducateurs, des intervenants extérieurs, pour répondre à cette ambition aujourd'hui, cette élévation de la réussite scolaire de tous les enfants, il faut aussi combiner cette expérimentation avec parfois plus de maîtres que de classes.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci monsieur Le Bret.

LAURENT BRISSET
- Monsieur le Ministre, madame la Ministre, je vous demande d'abord d'excuser l'absence d'Hervé BARO, le secrétaire général du Syndicat des enseignants, retenu aujourd'hui et demain par une université d'été de nos militants. Depuis des années, le syndicat des enseignants étaient demandeur d'un débat sur le métier d'enseignant. Nous avons organisé ces dernières années plusieurs colloques régionaux et nationaux autour du thème : enseignant, un nouveau métier. La charte que vous venez de présenter est pour nous une réponse partielle, à ce qu'était notre attente, puisqu'elle ne concerne que l'école. Cette charte nous semble porteuse pour l'avenir d'importantes évolutions du fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, avec la rupture 1 maître = 1 classe, et également d'importantes évolutions concernant la mutation du métier d'enseignant, mutation dont je veux quand même souligner qu'elle a déjà commencé avec la mise en place de la nouvelle politique à l'école, je fais référence à tout ce qui est projet d'école, sites, évaluation. Le syndicat des enseignants se reconnaît dans les principes et dans les finalités affichés dans la charte. J'en cite quelques-uns : la référence à la laïcité, c'est pour nous décisif ; les objectifs d'égalité des chances, de réussite scolaire pour tous les élèves et de transformation de l'école. Nous sommes aussi d'accord avec l'idée que l'école doit être son propre recours pour les élèves en difficulté et pour tenter de mieux répondre aux besoins sociaux des familles. Nous sommes également tout à fait d'accord pour que ce mouvement de transformation soit conduit, ainsi que c'est souligné à plusieurs reprises dans le document, sous la responsabilité et le contrôle des enseignants et j'ai bien entendu également tout à l'heure, et ce rappel nous agrée, la réaffirmation de la primauté dans notre pays du service public d'éducation. Les lignes de force qui structurent cette charte que vous avez longuement développée, la question de programmes recentrés, la mise en place dans un premier temps à titre expérimental d'une nouvelle configuration de la journée qui intègre la question des pics d'attention et d'une alternance entre les apprentissages fondamentaux et des apprentissages moins intellectuels, la nouvelle conception du métier des des écoles, vers laquelle nous allons, le rôle des aides éducateurs, les intervenants extérieurs, les éducateurs sportifs et culturels et le rapport avec les enseignants, ces lignes de force-là, qui sont dans la charte, sont au coeur des principales réflexions et interrogations des enseignants des écoles. Je veux dire que nous avons apprécié tout à fait positivement le fait que vous ayez introduit, en particulier à notre demande, le rappel du principe de non substitution entre enseignants et aides éducateurs, tout comme nous apprécions aussi le fait que l'enseignant reste la pièce maîtresse, ou pour reprendre vos propos, monsieur le ministre, le chef d'orchestre de tout ce qui est enseignement et activités, et s'agissant des enseignements, qu'il les conduise lui-même directement ou bien qu'ils soient placés sous son contrôle.

En ce qui concerne la méthode et les propositions que vous avez développé et qui font aussi largement appel au volontariat des maîtres et à leur implication, elle est de nature, me semble-t-il, à créer une dynamique de transformation telle que nous la souhaitons et sans doute une dynamique pour laquelle on a rarement d'occasion d'avoir autant d'éléments dans l'histoire de l'école primaire.

Pour ce qui nous concerne et pour conclure, l'existence et la crédibilité de cette charte vont dépendre d'un certain nombre de conditions. Au rang de celles-ci, il y a pour nous d'abord la mise en oeuvre effective de toutes les propositions que vous avez indiquées. Le débat national sur l'école avec préalablement la fourniture des éléments et des outils qui figurent dans le document, le bilan et les analyses de la nouvelle politique à l'école, le bilan des pratiques existantes, le lancement du programme de recherche dans l'école primaire, la tenue des colloques, et puis l'expérimentation sur les deux mille écoles. La deuxième condition, c'est le fait que l'on prenne réellement en compte l'opinion et les suggestions des enseignants de façon à ce que la démarche expérimentale, l'autonomie que vous voulez accroître pour les enseignants et la souplesse que vous avez décrite, souplesse qui se traduira par des ajustements, des inflexions, des recommandations, soit une réalité. La troisième condition à notre avis, c'est que parallèlement, soit très rapidement entreprise une forte évolution la formation initiale et continue des enseignants pour qu'avec le concours de la recherche appliquée on aille vraiment vers l'instauration d'un réel travail d'équipe et de recherche dans les écoles primaires. Enfin, le fait que dans la charte on envisage d'étendre progressivement l'expérimentation concernant les rythmes scolaires, donc pour aller tôt ou tard vers sa généralisation, implique selon nous que l'on intègre deux éléments d'ores et déjà : le fait qu'on n'ira pas vers cette généralisation sans une augmentation du recrutement des aides éducateurs parce qu'il y a quand même beaucoup d'écoles qui aujourd'hui n'ont pas cet apport supplémentaire, et d'autre part, il nous semble que les évolutions que vous envisagez vont amener à redéfinir le service des enseignants des écoles en intégrant les différents aspects : temps d'enseignement, temps de concertation et de coordination, formation continue pour tenir compte des suites du rapport Bloch et à notre avis l'avenir de la charte pour bâtir l'école du 21ème siècle se jouera en grande partie dans la satisfaction ou non de ces conditions et de ces revendications. Je vous remercie.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci. Madame.

RAYMONDE PIECUCH
- Evidemment le SGEN CFDT ne peut que souscrire à une démarche qui vise à définir les évolutions de l'école et du métier d'enseignant sur les intentions, sur les objectifs qui ont été énoncés, qui sont présents dans le début du texte et qui mettent l'accent entre autres sur la nécessaire adaptation de l'école à son époque, mais aussi et c'est ce qui est tout à fait fondamental pour nous, sur la volonté de démocratiser le système éducatif et lutter contre les inégalités. En ce qui concerne les points plus précis annoncés, nous voulons dire notre accord avec là encore les intentions, les objectifs, énoncées concernant les programmes qui concernent la nécessité de penser les programmes de l'école dans la perspective d'une continuité éducative école-collège qui concerne aussi la nécessité de recentrer les programmes sur des objectifs essentiels. A ce propos, je voudrais signaler, le ministre l'a dit, nous ne sommes pas d'accord sur toutes les formulations. La formule utilisée dans le texte, et en particulier dans son point 1, centrée sur le thème : apprendre à parler, lire, écrire, compter, nous pose quelques problèmes. Certes l'intérêt des formules c'est qu'elles sont en général parlantes, elles ont quelquefois aussi le désavantage d'être un peu réductrices et il nous semble justement que par rapport aux objectifs annoncés plus haut dans le texte, et en particulier aux objectifs de socialisation, à l'idée d'un projet d'éducation global et cohérent pour l'enfant, il y a là une formulation qui est sans doute réductrice.

La démarche proposée concernant l'évolution des programmes, et d'une manière plus globale la réflexion sur l'école, à savoir l'appui sur le débat dans les écoles, un programme de recherche impliquant des praticiens, des enseignants du premier et du second degré, des colloques réguliers favorisant l'échange sur les pratiques, constituent pour nous des démarches positives, des avancées, des facteurs de progrès, tant pour l'école que pour l'institution Education nationale elle-même et son fonctionnement. Deux questions sont liées et qui doivent faire l'objet d'une expérience, celle des rythmes de travail et de vie de l'élève pendant la journée, celle aussi de l'évolution du métier d'enseignant des écoles. La démarche d'expérimentation telle qu'elle est envisagée nous va bien, si elle se mène effectivement dans les termes où elle est annoncée. Et nous y voyons en particulier une rupture avec une conception d'une expérimentation telle que nous l'avions connue sous un ministère précédent concernant la rénovation des collèges, où l'expérimentation n'était jamais suivie ni d'évaluation ni d'évolution de la démarche expérimentée. Donc les données qui sont annoncées ici : protocole d'évaluation, panel relativement large, suivi paritaire qui devrait permettre une évaluation dynamique, et je dirais presque avec des évolutions en cours du projet sont pour nous des éléments extrêmement importants. La prise en compte plus importante de la demande sociale, la nécessité pour l'école d'être son propre recours, et donc d'apporter une attention toute particulière, d'assurer une aide personnalisée aux enfants qui connaissent des difficultés de différents ordres, sont positives, de même d'ailleurs que le souci exprimé de rythmes scolaires, ceux de la journée en l'occurrence, mieux adaptés au rythme de l'enfant. Adultes plus nombreux à l'école pour de nouvelles modalités de travail en équipe, pour des pédagogies plus actives et plus différenciées, alternance de plages horaires où l'activité intellectuelle est de nature et d'intensité différentes, nous vont bien, sont des objectifs qui nous conviennent. L'exemple développé quant à l'organisation possible d'une journée scolaire, au-delà du risque que l'exemple soit perçu comme un modèle, non amène néanmoins à soulever un certain nombre de questions, d'interrogations qui sont les nôtres, à évoquer un certain nombre de risques possibles de dérive. Le risque peut-être d'une scolarisation excessive du temps de l'enfant et de ce point de vue nous semble tout à fait essentiel pour les écoles qui s'engageront dans l'expérimentation dans un premier temps, l'existence de contrats éducatifs locaux organisant l'intervention en partenariat sur le temps de l'enfant. L'école ne peut pas avoir à elle seule la charge, la responsabilité de la totalité ou presque du temps de l'enfant. C'est avec les autres partenaires que l'école pourra définir les conditions de vie, respectant les temps de l'enfant, son droit à la réussite scolaire, mais aussi au jeu, au repos, à des activités diverses.

Autre risque que nous voyons poindre, c'est celui de l'alourdissement de la charge du travail scolaire de l'enfant. De ce point de vue l'introduction en toute dernière minute du paragraphe sur le travail à la maison nous inquiète quelque peu, et tout particulièrement la formule limitative : « en aucun cas l'élève au cycle 3 ne pourra, un jour donné, avoir plus d'un exercice à faire et de deux leçons à apprendre ». Il y a là à nos yeux des risques de dérive dont nous souhaitons…

CLAUDE ALLÈGRE
… Il y a des gens qui repassent après moi, c'est pas bien.

RAYMONDE PIECUCH
- « Les élèves qui ne suivent pas l'étude travaillent chez eux. »

CLAUDE ALLÈGRE
Non je ne veux pas de ça.

RAYMONDE PIECUCH
- Eh bien je m'en réjouis.

CLAUDE ALLÈGRE
Je ne sais pas d'où ça sort.

RAYMONDE PIECUCH
- Je disais donc qu'il y avait là des risques dont nous souhaitons que l'expérimentation sache se garder, dans les conditions justement où elle est prévue, de même que l'expérimentation devra aussi permettre de mettre en oeuvre une articulation réelle des différentes interventions qui respectent les objectifs annoncés dans le texte.
Un mot sur l'évolution du métier d'enseignant. Celle qui est envisagée ici suppose plus que jamais que du temps soit prévu pour la concertation…

CLAUDE ALLÈGRE
Vous avez un faux exemplaire !… Non mais attendez, moi je considère que l'exemple parmi d'autres organisation d'une journée, ça ne fait pas partie du texte. C'est quelque chose qui est donné pour fixer les idées, on aurait pu donner une demi-douzaine d'exemples. La charte ça s'arrête page 9.

RAYMONDE PIECUCH
- Je veux bien vous entendre, monsieur le ministre, et je m'en réjouis. Cela étant, il est indiqué dans cette page que la définition du travail à la maison fait aussi l'objet de l'expérimentation. Alors même si ça ne fait pas partie du texte, je tiens à dire tout de suite qu'il y a là un certain nombre de pistes envisagées qui sont de notre point de vue un peu inquiétantes…

CLAUDE ALLÈGRE
Non, non, ou bien il manque une page… Je ne sais pas d'où ça sort… Sabotage ! C'est celui-là qui fait foi !

RAYMONDE PIECUCH
- Je reprends pour insister sur le fait que le travail tel qu'il est conçu nécessite plus que jamais du temps de concertation pour le travail collectif avec les autres enseignants et avec les autres intervenants, qu'ils soient aides éducateurs ou intervenants extérieurs, que par ailleurs la question du temps de service des enseignants nous semble devoir être repensée globalement. L'évolution du métier d'enseignant doit aussi intégrer les données qui ont émergé des démarches précédentes et de ce point de vue nous nous réjouissons qu'ait été intégré au dispositif envisagé un bilan et des analyses des réformes engagées depuis 89, notamment celle concernant les cycles et les projets d'écoles. Les questions qui sont posées concernant l'exercice du métier enseignant sont posées aussi en terme d'intervention quotidienne, de pédagogie différenciée, d'organisation du travail, toutes sortes de questions qui méritent que des réponses soient apportées en terme de formation initiale et continue.

Un mot pour terminer sur les conditions qui nous semblent nécessaires à la mise en oeuvre de toute évolution du système éducatif. La mise en oeuvre réelle d'une réforme, d'une évolution de l'école, suppose d'abord que l'institution ait le souci de l'appropriation par les acteurs du terrain des objectifs du sens de la démarche proposée. Elle suppose aussi qu'on donne à ces acteurs les moyens, en particulier en terme de formation, d'outil, d'accompagnement et de suivi, de répondre à des exigences nouvelles, de faire face aux obstacles, aux difficultés qui se présentent. C'est un souci dont nous souhaitons qu'il soit tout à fait présent à l'occasion de cette démarche concernant l'école du 21ème siècle. C'est une responsabilité forte du ministère que d'avoir cette préoccupation.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci madame et merci pour l'ensemble des organisations syndicales. Ça me donne l'occasion de dire deux choses avant de donner la parole aux parents d'élèves. Quand je vous ai dit que c'était moi qui avait rédigé le texte, j'ai rédigé la première version, j'ai rédigé la dernière version, ça ne veut pas dire que l'ensemble des idées sont de moi, bien évidemment, elles résultent de tas d'apports divers et variés et puis du dialogue que nous avons eu. Mais j'en assume la responsabilité. Et en conséquence de ça, je ne proposerai pas dans l'avenir, comme je l'ai fait avec les étudiants et comme je le fais aujourd'hui, de signer des textes aux organisations syndicales ou aux parents d'élèves à ce sujet. Les ministres ont à assumer leur politique. Chacun a à rester lui-même. Vous l'avez vu, à l'intérieur de ce commentaire, nous avons un projet commun, une volonté commune et chacun reste soi-même. Et in fine les ministres assument leurs responsabilités, le gouvernement assume sa responsabilité. Sa responsabilité c'est de proposer quelque chose. Mais l'Education nationale, comme je l'ai dit, n'est plus cogérée et en conséquence de quoi chacun doit assumer. Tout le monde est libre, dans les nuances, et je crois que cela permet aux uns et aux autres de défendre leur point de vue à telle ou telle occasion. Quant au rôle de l'enseignant, il est évident qu'il faudra le redéfinir, son rôle, la répartition de son temps, l'organisation, etc. Faisons des expériences, voyons comme ça se passe, discutons-en. Mais je voudrais quand même essayer de trouver une image, j'espère que vous n'allez pas la fusiller instantanément. Vous savez qu'il y a de plus en plus des solistes qui sont ici chefs d'orchestre. Et donc il y en a qui séparent leurs deux activités, ils sont chefs d'orchestre et soliste, et il y en a qui mélangent les deux activités, qui font des numéros de soliste dans les orchestres qu'ils dirigent. C'est un peu comme ça que je conçois le rôle de l'instituteur futur. C'est le chef d'orchestre et il est aussi un soliste. Il joue lui-même, c'est lui qui donne l'enseignement de base, il participe à un tas d'enseignements avec l'équipe, mais il est le chef d'orchestre. Et je tiens beaucoup à ça. Je tiens au fait qu'il y ait quelqu'un, parce que je ne crois pas - je suis un grand spécialiste du travail en équipe, professionnellement, j'ai toute ma vie de chercheur travaillé en équipe, mais je crois qu'il doit y avoir quelqu'un qui assure l'homogénéité de pensée à un moment. Et je crois qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui ait une vision, et c'est probablement ce qui manque dans l'enseignement secondaire, quelqu'un qui ait une vision de pensée, ce rôle de professeur principal qu'on met dans les textes mais qui est exercé plus ou moins bien, quelqu'un qui pense la journée, qui pense sa classe, qui sait quelles sont les difficultés, qui peut dégager du temps pour parler avec tel ou tel élève en difficulté et qui peut organiser les choses, voir comment ça se passe. Et donc pour moi, le rôle de l'instituteur du 21ème siècle c'est vraiment un rôle de chef d'orchestre. Alors je ne veux pas lui enlever ses capacités de soliste, si c'est un bon alto, qu'il continue à être un alto, si c'est un bon violoniste, qu'il continue à jouer du violon, mais ce rôle est important. Et donc ça demandera du temps de réflexion, du temps de travail en équipe, du temps de concentration. Mais chaque chose en son temps, nous discuterons de ces affaires le moment venu. J'ajoute que l'organisation dont j'aurais l'occasion de vous parler, déconcentrée des rectorats, va permettre ce dialogue beaucoup plus facilement encore qu'aujourd'hui. Etant entendu que je crois que nous n'aurons pas à réinventer la roue. On a beaucoup d'expériences dans lesquelles beaucoup de choses intéressantes se font. Simplement, il faudra un peu d'arrosage pour que les fleurs poussent un peu plus vite.

Je vais donner la parole aux fédérations de parents d'élèves. Monsieur Dupon-Lahitte vous avez la parole pour la FCPE.

MONSIEUR DUPON-LAHITTE
Je la prends d'ailleurs tout à fait en accord avec les principes que vous avez émis tout à l'heure, c'est-à-dire en toute liberté et dans le respect du fait que c'est au ministère et au ministre de définir les tranchées et partant de là, nous gardons notre totale liberté d'appréciation. Alors ce texte est effectivement pour nous un texte de cadrage important. D'abord parce qu'il contient d'importants principes très positifs : égalité des chances, laïcité, laïcité liée à la notion d'école de la République, une école de la République qui est son propre recours, et des références essentielles à cette notion de laïcité, citoyenneté. Autre élément que nous apprécions, autre principe, le fait que soit posée l'unicité de l'école obligatoire. C'est pour nous un élément important introduit et réaffirmé. De façon générale, sont posés les principes d'une école qui prend en compte les évolutions, qui vit avec son temps. Nous voulons voir dans ce texte de cadrage, l'idée que l'école est à la fois capable de transmettre les valeurs permanentes mais qui prend en même temps en compte les défis du 21ème siècle. Il y a par ailleurs pour nous, une approche globale cohérente. Et de ce point de vue-là, la méthode de travail rencontre tout notre accord. Expérimentation, évaluation scientifique, validation. Nous voulons voir dans cette façon de faire une nouvelle méthode de travail au ministère de l'Education nationale, je ne reviendrai pas sur les allusions au passé où on expérimentait et généralisait l'année suivante. Il y a c'est vrai cohérence du dispositif, dans la mesure où l'on envisage à la fois l'élève qui apprend, ce qu'il doit apprendre en terme de contenu, mais aussi le maître qui conduit les apprentissages. Cela dit, il y a des points qui nous interrogent. Un point que nous aimerions voir clairement précisé est celui de l'autonomie des maîtres. En effet il est mis en avant travail d'équipe, équipe pédagogique. Alors l'autonomie des maîtres, dans quelle limites par rapport à l'équipe ? Pour nous, nous aimerions autonomie de l'équipe dans l'adaptation pédagogiques aux élèves, et non pas autonomie de chaque individu où l'on risque de tomber dans une contradiction fondamentale entre cette autonomie qui permettrait à chacun de faire ce qu'il veut et la volonté de travailler en équipe. Pour ce qui est des programmes, là aussi accord sur les principes, et bien évidemment nous attendons avec intérêt et impatience, la suite et le travail mis en oeuvre. Bien évidemment nous exercerons dans ce domaine toute notre vigilance.

Pour ce qui est des rythmes et de l'organisation du travail à l'école, nous nous félicitons que pour la première fois, on prenne en compte les conclusions des chronobiologistes. Il y a là aussi un élément important. Bien évidemment, et pour ceux qui suivent nos prises de position en matière d'éducation, vous savez tous que la FCPE est très attachée, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, à la prise en compte globale de l'enfant, donc du temps de l'enfant de ses rythmes de vie. Il y a de ce point de vue-là, dans la charte, un point nouveau et intéressant qui est la notion de complémentarité entre rythmes scolaires, notamment avec les contrats éducatifs locaux. Nous pensons qu'il aurait fallu aller plus loin. Nous aurions préféré que ça pose l'idée qu'il doit y avoir synergie entre ces contrats éducatifs locaux et le dispositif de la journée, qu'il y ait un véritable travail global. Par rapport à l'organisation du travail, le travail en équipes, le rejet des après-midi sans cartable, donc une véritable journée complète et aménagée, c'est vrai, sont très positifs. Bien évidemment, il me semble qu'au-delà de la charte, il va falloir aller plus loin par rapport aux rythmes, c'est-à-dire le point de la semaine, et comme il a été fait allusion dans le texte, le problème de l'année et du rythme 7-2, donc là aussi, il faudrait un jour ou l'autre arriver à le mettre en oeuvre.

Enfin, comment une fédération de parents d'élèves ne parlerait-elle pas de la place faite aux parents ? Là aussi, aspect positif, non seulement dans le travail préalable mais dans le texte lui-même, le fait que les fédérations de parents d'élèves soient associées. Positif le fait que le texte pose bien l'importance des fédérations et la place des parents dans l'école. Notamment est clairement exprimé que les parents doivent être préalablement consultés et régulièrement informés. C'est important aussi que cela soit posé par le biais des conseils d'écoles, c'est-à-dire dans le respect des règles démocratiques et institutionnelles, et monsieur le ministre tout à l'heure, rappelait qu'effectivement il y avait le parent par rapport à son enfant et qu'il y avait le parent qui avait des choses à dire par rapport à l'ensemble de l'école et de la vie de son école. En tant que parents, nous sommes soucieux que la gratuité soit totalement respectée dans l'école et les activités qui seront menées. Cela pose comme conclusion bien évidemment, le problème des moyens, et de ce point de vue-là en particulier, nous avons toujours été en accord avec la présence d'intervenants, nous pensons que l'Education nationale doit y regarder de plus près et qu'en terme de moyens se pose la question de l'inégalité des communes et des moyens dont elles disposent. Vous faisiez allusion aux grandes villes qui font, comme Paris ou Marseille, des efforts importants, nous savons bien que toutes les communes de France n'ont pas les moyens d'apporter cette aide. Donc il y a là une réelle question par rapport à ces intervenants. De façon globale, il y a maintenant à véritablement introduire l'idée que l'Education nationale a une obligation de résultat par rapport à chaque jeune une fois qu'elle a posée l'idée qu'elle devait être son propre recours et assurer l'égalité des chances.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci monsieur le président. Je donne la parole à monsieur Christian Janet.

CHRISTIAN JANET
- Je voudrais d'abord, monsieur le ministre, vous remercier. J'ai insisté, lors de mon élection à la présidence de la PEEP, à la fin du mois de mai, sur l'importance fondamentale que j'attachais à l'école primaire depuis longtemps. Moins d'un mois après, vous avez mis en chantier la rédaction d'une charte sur l'école, voilà qui prouve que les fédérations de parents d'élèves sont considérées et écoutées. Plus sérieusement, il nous est difficile de ne pas être d'accord pour l'essentiel sur ce texte qui intègre deux axes fondamentaux pour nous. Le premier, beaucoup d'autres l'ont déjà dit, l'aménagement de la journée, qui est un cheval de bataille historique à notre fédération, les rythmes chronobiologiques, le travail de la femme, l'évolution des contextes familiaux et sociaux, le rejet du modèle allemand, etc. Deuxième axe, l'évolution du métier d'enseignant qui à travers son rôle de coordinateur, avec le concours d'aide éducateur et d'intervenant extérieur pourra introduire des activités dont il n'a pas aujourd'hui la maîtrise et dont on peut penser qu'il n'aura pas encore, malgré l'amélioration de la formation continue initiale la maîtrise avant un certain temps, et qui sont pourtant indispensables au développement harmonieux de tous les enfants, comme c'est le cas pour les activités artistiques, musicales, sportives, etc., ou à leur insertion professionnelle et sociale future. Je pense là aux langues vivantes et aux nouvelles technologies. En outre ce texte prend en compte un certain nombre de points qui ont été rajoutés au cours de l'été, la place des parents et des fédérations de parents dans ce dispositif, le temps de midi dans l'aménagement global de la journée, c'est un point important avec le problème de la restauration scolaire, et tout le temps qui est autour de cette restauration scolaire. La prise en compte du problème spécifique de l'école maternelle et d'autres points qui sont également importants dans ce texte. Entre autre point positif, il s'agit d'un texte de cadrage pour une expérimentation de grande ampleur et nous serons associés en tant que fédération à son évaluation et à son évolution.

Alors quelques interrogations tout de même. D'abord en ce qui concerne les programmes et les objectifs. Le texte indique que les connaissances acquises à l'école primaire seront complétées par celles qui seront acquises ultérieurement au collège. Pour nous cela se fera d'autant mieux - je ne pense pas que c'était exclu de la pensée de monsieur le ministre – que l'école primaire saura se montrer d'une grande exigence quant à la mise en place des méthodes de travail, de structuration des savoirs dès l'école primaire. Ce point avait d'ailleurs été souligné lors du colloque sur les ZEP et nous regrettons que les préconisations faites dans ce sens dans le premier texte du mois de juin aient complètement disparu dans le texte définitif. Deuxième point d'interrogation sur les problèmes de financement. Nous nous interrogeons notamment sur le financement des activités qui ne rentrent pas dans le cadre de la stricte scolarité obligatoire. Ça concerne évidemment les études du soir, les intervenants extérieurs. Alors certes les contrats éducatifs locaux pourront apporter des compléments de financement mais peut-on réellement envisager leur extension et leur généralisation à l'ensemble des communes, que se passera-t-il alors pour les familles en terme de gratuité, voilà toute une série de questions qui restent en suspens.

Pour conclure, je dirais qu'un texte reste un texte tant qu'il n'a pas été mis en musique sur le terrain et la balle est maintenant dans le camp des équipes éducatives. A elles d'utiliser le cadre qui leur est proposé, non pour justifier aux yeux de la population la revalorisation de la fonction d'enseignant des écoles comme cela est écrit dans les deux dernières lignes de cette charte, mais parce que c'est l'intérêt des enfants et qu'elles auront en particulier à coeur, nous le pensons, de réduire considérablement le nombre de ceux qui ont déjà de lourds handicaps en rentrant en sixième et qui de ce fait ont déjà par avance peu de chance de fréquenter un jour le lycée rénové que, monsieur le ministre, vous aspirez à mettre en place. Merci.

CLAUDE ALLÈGRE
Merci messieurs les présidents. Je donne une petite précision sur les programmes. Je ne renie pas une ligne de ce que j'ai écrit dans le cadrage. Il y aura un texte séparé sur les programmes qu'on discutera parce qu'il y a eu un travail qui a été fait assez approfondi avec le comité national des programmes pour une simplification des programmes. Je dois vous dire que mon exploration des livres scolaires m'a affolé complètement. Je le dirai lundi sur le secondaire, c'est proprement dément, j'ai même envie, puisque dans certains livres scolaires du secondaire, on reprend mes propres travaux, en y rajoutant des bêtises, de faire passer des examens aux gens qui ont fait ces bouquins. Mais dans le primaire c'est la même chose. Et là je voudrais vous dire une chose qui est le coeur de la raison pour laquelle j'ai accepté de venir à l'Education nationale. C'est parce que je crois qu'il y a eu une faute historique qui a été faite dans cette maison au cours du temps. Le savoir augmente à une vitesse vertigineuse. Et donc depuis des années on court derrière le savoir, c'est-à-dire au fur et à mesure qu'il y a des nouvelles disciplines, on rajoute des heures et des programmes. Or c'est la démarche exactement inverse. On ne rattrapera jamais l'accroissement du savoir. Ce qu'il faut faire au fur et à mesure que le savoir se développe, il faut au contraire se recentrer sur les savoirs fondamentaux mais les maîtriser totalement. Autrement dit, pour faire un jeu de mots, c'est passer d'une culture extensive à une culture intensive, c'est-à-dire des savoirs plus resserrés mais beaucoup plus exigeants sur le fondamental. Et donc cette question des programmes est pour moi essentielle parce que je crois que c'est à ce niveau, c'est à ce niveau essentiel que ce fait la discrimination sociale. L'enfant qui n'est pas guidé au milieu de cette jungle se perd, et une fois qu'il est perdu on a beaucoup de mal à le faire émerger. Donc nous aurons une discussion sur les programmes, sur les principes généraux que j'ai écrits, que je ne renie pas, mais que nous discuterons avec vous-mêmes, avec les organisations syndicales, pour sortir, un texte de cadrage concernant les programmes. J'ai appris les pratiques - et je ne vais pas les commenter - qui ligotent les enseignants à un point vraiment anormal et il faut donc qu'il y ait une discussion sur ce point. Moi je veux libérer davantage les enseignants, je veux libérer leur initiative, je veux moins de circulaires, je veux moins de contraintes. En même temps, il y a un cadrage pour assurer le service public, il y a un certain nombre de choses communes là-dedans, mais avec plus d'imagination. Finalement les enseignants, en particulier les enseignants du primaire, ont suffisamment le sens du service public et du bon sens pour que leur donner de la liberté dans un cadrage, ne soit pas trop dangereux. J'aurais plus de scrupules dans certains secteurs du supérieur, pour prendre un exemple. Mais là, oui, je vous le dis au débotté, je suis scandalisé par le fait qu'en premier cycle dans le supérieur, dans beaucoup d'endroits, les élèves ont leur première note le 15 février. Comment voulez-vous parler d'orientation, cela veut dire que l'année est perdue. Je peux vous dire que parmi les obligations qu'il y aura dès cette rentrée, les élèves auront à avoir deux contrôles avant le mois de décembre, et notamment un en octobre et un en novembre. C'est une obligation absolue, pour que les élèves puissent voir s'ils suivent ou pas. Quand on compare avec les obligations des enseignants à l'étranger, ce n'est pas normal. Un certain nombre de mes chers collègues ne font pas ça. Donc vous voyez que je ne suis pas corporatiste, en pensant supérieure, je suis professeur de supérieur, etc., comme certains le disent.

Voilà ce que je voulais répondre sur les programmes. Sur le reste, je voudrais vous dire, en tant que scientifique, n'anticipons pas les résultats de notre expérimentation. On fait une expérimentation, on va en tirer ensemble les leçons et puis on va prendre ce qu'il y aura de mieux et on va le généraliser. Mais c'est vrai que se posent des problèmes, des problèmes sur la généralisation des emplois-jeunes, sur les éducateurs musicaux et sportifs pour les communes qui ne sont pas riches, bien sûr qu'il y a un vrai problème par rapport à ça. Mais je voudrais dire, par rapport à l'école, que c'est la base et qu'il n'y a pas trop d'enseignants, il n'y a pas trop d'ATOS, il n'y a pas trop d'aide à l'école. Et si on prend des comparaisons internationales, on s'aperçoit qu'on n'est pas dans l'excès. Mais je voudrais dire à la presse, comme je le dis à un certain nombre d'hommes politiques, qu'il faut faire attention à ce raisonnement nous avons trop de fonctionnaires, etc. Quand vous considérez qu'en Angleterre, une partie importante va dans l'enseignement privé, alors évidemment si vous ne comptez que l'enseignement public, vous avez moins d'enseignants. Si vous additionnez l'ensemble, vous voyez que vous tombez dans les mêmes chiffres. Lorsqu'on fait la comparaison avec les Etats-Unis du nombre de fonctionnaires, alors aux Etats-Unis il y en a qui font des comparaisons naïves. Ils prennent les fonctionnaires fédéraux, alors là c'est pas difficile puisque la plupart des fonctionnaires dépendent des Etats. Mais quand vous faites l'addition, non pas des fonctionnaires mais des fonctions de service public assurées, vous vous apercevez que les différences ne sont pas du tout dans ce sens-là. Si vous tenez compte du fait que les hôpitaux sont privés, que les transports sont privés bien qu'ils assurent une fonction de service public, vous vous rendez compte que le nombre de gens qui assurent ces fonctions, au total, pour le pays, nous ne sommes pas différents. Simplement nous avons décidé en France que la SNCF était nationalisée, que les hôpitaux étaient nationaux, etc. C'est un choix auquel nous sommes attachés. Autrement dit, on ne peut pas mélanger une statistique économique en pensant qu'il n'y a pas de choix de société là-dedans. Alors, qu'il y ait une mauvaise répartition des fonctionnaires, qu'il n'y ait pas assez de fonctionnaires opérationnels par rapport aux fonctionnaires de gestion, c'est possible que dans certains secteurs il y ait trop de fonctionnaires de gestion et pas assez de fonctionnaires opérationnels. Je ne vais pas revenir avec mon leitmotiv au fait que l'Education nationale est trop centralisée. J'insiste bien là-dessus. Il faut que les citoyens français sachent que s'ils veulent une école comme ça, eh bien il faut qu'ils acceptent un certain nombre de décisions. Simplement ce que cette charte, qui est courte - elle est courte parce que étant universitaire et publiant des articles, je sais que pour un article, le nombre de lecteurs est inversement proportionnel à la longueur, par conséquent j'ai cherché à ce qu'elle ne soit pas trop longue pour être lu - est une mise en route, est une perspective, et par conséquent les efforts que nous demandons y compris les efforts financiers, c'est pour vraiment mettre en place une vision nouvelle, pour avoir moins d'exclus, pour avoir une meilleure qualité encore de notre enseignement. Et j'insiste sur le fait que nous pouvons le faire rapidement dans ce domaine parce que nous partons d'une base déjà bonne.

Est-ce que vous avez des questions ?

« LE MONDE DE L'ÉDUCATION »
Vous avez employé l'expression « le maillon le plus solide de notre système d'enseignement ». Le maillon le plus solide, malgré tout le respect qui lui est acquis, malgré la volonté qui l'anime, produit à l'entrée du collège une proportion d'élèves qu'on estime de 10 à 15 % qui ne maîtrisent pas du tout ou pas bien la lecture. Donc je m'étonne que personne n'en ait parlé.

CLAUDE ALLÈGRE
Mais attendez, c'est pas la conférence de rentrée, on vous dira tout à l'heure ce qu'on va faire sur le problème de l'illettrisme, etc. Je pense qu'une faute a été faite dans le passé. La faute a été faite de ne pas mettre l'évaluation rigoureuse avant l'entrée au collège. L'idée d'avoir supprimé totalement une évaluation pour rentrer au collège est un acte qui a été, par rapport à notre enseignement, déstructurant. Comment allons-nous opérer, nous allons le voir, mais en tous les cas nous allons nous en occuper sérieusement. Ceci étant dit, je fais une comparaison avec ce qui se passe ailleurs, et nos performances, même dans ce domaine, qui ne sont pas de 15 mais de 12 %, sont bonnes. Quand on parle d'illettrisme, il faut savoir de quoi on parle. Il faut savoir que si on parle de déchiffrage, de lecture, de compréhension complète du texte, etc., c'est un problème très compliqué. Mais pour vous faire une confidence, ce qui m'inquiète autant que la lecture, je ne dis pas plus, c'est le problème de la maîtrise de l'expression orale. C'est quelque chose d'extrêmement important, c'est la chose la plus importante dans la vie, d'abord, et on n'a peut-être pas assez insisté sur le problème de l'expression orale. Tout à l'heure monsieur le président faisait allusion à la partie pédagogique de mon texte nous avons donc des idées sur ce problème. Il ne reste pas moins que je maintiens, je signe et je persiste, que l'école primaire est la partie la plus solide de notre système d'enseignement. Et quand je la compare, j'ai eu la chance dans ma vie de me promener et d'avoir mes enfants allant dans des écoles étrangères, eh bien je n'ai aucun complexe avec personne, ni en Europe ni dans le monde. Peut-être avec les écoles suédoises que je connais moins bien mais dont on me dit il y a ceci et cela. Ce n'est pas impossible, je ne dis rien sur les Scandinaves. Tout le reste je ne crains personne pour la comparaison. Donc il faut aussi vivre avec son temps. Vous demandez quelle est l'ambition du ministre de l'Education nationale ? Eh bien c'est que notre enseignement soit le meilleur du monde partout. Je n'ai pas d'autre ambition. Si j'étais ministre de l'Education nationale du Zimbabwe, probablement ce serait une ambition difficile, mais je sais que je peux réussir cette ambition, parce que notre système éducatif, malgré ses imperfections, reste en système éducatif performant. Je tiens à dire ce genre de choses. Quand vous interrogez, vous voyez actuellement les entreprises étrangères s'installer en France, vous n'avez qu'à lire les journaux économiques. Première qualité de la France pour laquelle vous vous installez en France ?: parce que le système éducatif est de bonne qualité. Donc il faut à chaque fois relativiser les choses. Ceci ne veut pas dire qu'il est parfait et que nous n'allons pas l'améliorer. Vous avez vu ce que donne ce genre d'attitude d'auto-flagellation. Je vous renvoie avec un grand journal sportif et les opinions qu'il avait sur l'équipe de France de foot.

Bon, merci.