Déclarations de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur les contrats de ville dans le cadre de la lutte contre l'exclusion, la délinquance et le chômage des jeunes dans les quartiers défavorisés, en banlieue nord les 1er avril et 27 mai 1994.

Prononcé le 1er avril 1994

Intervenant(s) : 
  • Simone Veil - Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville

Circonstance : Signature de contrats de ville avec les villes de Gonesse, Garges-les-Gonesse, Goussainville, Sarcelles, Villiers-le-bel, Saint-Denis, Aubervilliers, La Courneuve, les 1er avril et 27 mai 1994.

Texte intégral

Intervention à l'occasion de la réunion avec les élus des cinq communes de Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Goussainville, Sarcelles et Villiers-le-Bel signataires du contrat de ville, le vendredi 1er avril 1994

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les conseillers généraux, Mesdames et Messieurs les maires, Mesdames, Messieurs,

Le 17 février dernier, cinq communes du Secteur Est du Val d'Oise ont décidé de s'engager avec l'État dans une nouvelle étape de la politique de la ville par la signature d'un contrat. Quatorze quartiers, 100 000 habitants sur les 176 000 du secteur vont, de manière prioritaire, bénéficier des actions de cette politique.

Les objectifs qui ont été retenus correspondent aux grandes orientations du Gouvernement rappelées lors des comités interministériels du 29 juillet 1993 et du 22 février 1994 : désenclaver les quartiers, rénover un habitat vétuste, encourager la création d'emplois et conduire des actions de formation professionnelle ; assurer un meilleur accès des habitants aux soins, à l'éducation et aux activités sportives et culturelles. Toutes ces actions visent à éviter que les douloureux évènements que vous avez vécus au mois de mars dernier ne se reproduisent, elles devraient prévenir la délinquance, elles devraient surtout redonner l'espérance d'une société plus solidaire et plus juste à tous ceux qui vivent dans les quartiers de vos communes.

Vous avez souhaité affirmer une dimension intercommunale afin de mieux garantir l'aboutissement certaines actions qui vous concernent tous. Vos cinq villes ont, en effet, plusieurs caractéristiques géographiques, urbaines et sociales communes :

Elles sont situées à proximité immédiate de la zone aéroportuaire de Roissy que le projet de schéma directeur pour la Région Île-de-France a classé en pôle d'intérêt régional. Ce voisinage, source de nuisances pour une partie des territoires des cinq communes, doit être, à l'occasion du contrat de ville, transformé en atout de développement économique et de lutte contre l'exclusion.

L'attraction de Paris reste élevée puisque le tiers des actifs y travaille.

L'urbanisation s'est développée sans appui sur la structure traditionnelle, le village d'origine est devenu coupé de la ville comme à Sarcelles, à Garges ou à Villiers-le-Bel, ou partiellement abandonné comme à Goussainville. Partout on retrouve donc des problèmes de coupure urbaine et d'enclavement des quartiers.

Enfin, vos communes ont des ressources faibles et accueillent une forte proportion de ménages à revenu insuffisant. Le patrimoine immobilier, qui comporte une forte proportion de logements locatifs sociaux, est concentré dans les quartiers construits le plus souvent dans les années 60/70, mais aussi dans des quartiers pavillonnaires ou d'anciens centres de villages dégradés.

Le taux de chômage moyen s'élève à 13 % et un tiers de la population a moins de vingt ans.

L'État a donc souhaité poursuivre son action de développement social et urbain et s'est engagé sur un effort important pendant cinq ans. Je rappellerai que, pendant toute la durée du contrat de ville, plus de 60 millions de francs contractualisés ont été dégagés pour vos cinq communes auxquels il conviendra d'ajouter les financements de droit commun bénéficiant de la politique de la ville et les 39 millions de francs du plan de relance. Ces crédits permettront au comité de pilotage de conduire des actions d'aménagement et d'embellissement dans les quatorze quartiers pour effacer leur image d'exclusion et les remettre au niveau du reste de leur commune. Des projets de désenclavement des habitations sont également retenus pour améliorer les transports en commun, mais aussi le réseau routier primaire. Enfin, vous avez retenu comme thème d'action majeur l'emploi, la formation professionnelle et le développement économique. Je sais que vos cinq communes envisagent de s'associer pour créer un comité de bassin d'emploi, ce qui conforterait leur sentiment d'appartenance au contrat de ville et leur volonté d'agir avec l'État et les acteurs économiques et sociaux pour l'emploi.

Enfin, un réseau d'accueil constitué d'une mission locale intercommunale et de permanence d'accueil, d'information et d'orientation, apporte une aide concrète aux jeunes pour trouver les informations et les services dont ils ont besoin ainsi que le soutien individualisé de leur démarche d'insertion professionnelle.

Je voudrais féliciter monsieur le Préfet du Val d'Oise d'avoir pris la décision de soutenir cet effort par une aide exceptionnelle pour le premier semestre 1994, afin d'atténuer les effets d'une baisse globale des crédits disponibles pour financer le correspondant « formation » pour les jeunes de 16 à 25 ans. Vous savez, en effet, toute l'importance que le gouvernement attache aux actions permettant la mise en activité en particulier des jeunes.

J'aimerais enfin souligner deux nouvelles actions importantes à mes yeux que vous envisagez de mettre en œuvre.

La première concerne la création d'un « point santé » à Garges-lès-Gonesse. Ce lieu de ressources sur la santé globale permettra l'accueil, l'écoute, l'orientation des habitants ainsi que la coordination des diverses structures œuvrant sur la commune. Compte tenu des caractéristiques de la commune, vous avez décidé d'apporter une attention toute particulière aux très jeunes enfants, aux adolescents et aux populations en insertion et je vous en félicite.

La deuxième concerne la création d'un centre d'hébergement sur le Secteur Est par l'association « Du côté des Femmes ». Votre objectif serait de pouvoir accueillir, en appartement, des femmes et leurs enfants contraints de fuir la violence et ce projet me parait particulièrement intéressant.

Le financement de ces actions ainsi que de plusieurs autres projets peut être désormais envisagé grâce aux crédits supplémentaires obtenus lors de la réunion du Comité Interministériel des Villes du 22 février 1994 qui fonctionnement permettent d'affecter une enveloppe de complémentaire de 1 million de francs pour votre contrat de ville.

La politique de la ville n'est pas seulement une affaire de crédits, même si leur mobilisation rapide est essentielle. Je sais que, sur ce point, des simplifications doivent encore être apportées, nous y réfléchissons. C'est d'abord et avant tout une volonté commune de changer les choses et de rétablir une véritable égalité des chances pour les habitants des quartiers.

Je suis heureuse qu'un nombre aussi important d'élus se soit mobilisé pour la réussite de la politique de la ville, vous savez que le gouvernement entend la mener en partenariat étroit avec vous. Je voudrais en particulier remercier le président Lachenaud pour l'engagement important du Conseil général à nos côtés, ainsi que Pierre Lelouche pour les efforts incessants qu'il déploie en faveur des quartiers. Je souhaite recueillir votre avis sur la meilleure manière d'atteindre nos objectifs communs.

Je suis consciente de l'urgence des problèmes que nous avons à résoudre, de la relative faiblesse de nos moyens, mais du formidable capital d'énergie et de solidarité que vous ne cessez de mettre en œuvre pour rétablir le droit, lutter contre l'exclusion et recréer des solidarités.


Allocution prononcée à la préfecture de Bobigny, pour la signature des contrats de ville de : Saint-Denis, Aubervilliers et La Courneuve, le vendredi 27 mai 1994

Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse, de pouvoir assister ce soir à la signature de trois contrats de ville de ce département qui, je l'espère en comptera 18 à la fin du mois de juin.

Comme vous le savez, Saint-Denis, Aubervilliers et La Courneuve bénéficient également, d'un grand projet urbain, c'est-à-dire, d'une concentration exceptionnelle de moyens pour traiter des quartiers qui cumulent les difficultés et dont nous voudrions tous faire des quartiers comme les autres.

Je ne reviendrai pas, sur les moyens financiers exceptionnels que l'État va mobiliser pour la politique de la ville, dans les départements de la Seine-Saint-Denis en général et sur les trois communes qui signent aujourd'hui leur contrat de ville en particulier, car le rappel des enveloppes financières reste souvent trop abstrait.

Je voudrai cependant insister, sur les opérations concrètes, qui marquent sur le terrain la réalité de la politique de la ville à Saint-Denis, à Aubervilliers et à La Courneuve.

À Saint-Denis, le plan de relance permet de rénover le commissariat, d'implanter une bibliothèque et de poursuivre la restructuration du quartier des Francs-Moisins, en démolissant le « bâtiment 3 ». Les espaces extérieurs du quartier Floréal sont en cours de réaménagement et, dans ce même quartier un centre commercial va être reconstruit.

À Aubervilliers, le commissariat sera reconstruit, le chantier est en cours et sera achevé en mai 1995.

Enfin, à La Courneuve, les espaces extérieurs de la cité des 4000 vont être rénovés et la 2e tranche du stade Léo Lagrange sera financée.

J'ai parlé du plan de relance, l'ensemble des financements, accordés à ce titre, représente un montant de 113 millions de Francs. Je dois aussi évoquer bien-sûr, le grand projet urbain.

Le Comité interministériel des Villes du 22 février dernier, a, pour 1994, décidé d'affecter 30 millions de Francs au GPU. Il y a quelques jours une commission interministérielle a approuvé la liste des premières opérations de ce grand projet qui vont démarrer dans les prochaines semaines.

Sans vous infliger une énumération trop longue, je voudrais quand même citer les plus significatives d'entre-elles :

Réaménagement de la poste des Francs-Moisins, création de voiries, implantation d'équipements et de services de proximité à Saint-Denis.

Aménagement urbain autour de l'école maternelle du Landy, implantation d'une bibliothèque et d'un café sans alcool dans ce même quartier à Aubervilliers.

Rénovation et extension de la poste, création d'une bretelle de sortie de l'autoroute A1 vers la cité des 4 000 et aménagement de locaux associatifs pour La Courneuve.

Je n'ai pas parlé du Grand Stade, je sais, monsieur le maire de Saint-Denis, combien ce projet vous tient à cœur, et, la part que vous prenez quotidiennement avec le préfet et la délégation interministérielle à la coupe du monde pour permettre que ce projet entre dans sa phase concrète de réalisation. Je me réjouis, pour ma part, de la dynamique importante engendrée par le stade pour tous les jeunes de Saint-Denis et des communes du département.

En rappelant, ainsi, l'ampleur de l'effort de l'État sur ces sites de la politique de la ville, je ne méconnais pas l'ensemble des difficultés sociales et financières auxquelles les élus sont quotidiennement affrontés dans ce département.

Je connais vos inquiétudes devant l'aggravation du chômage, de la toxicomanie, de la délinquance. Elles sont aussi les miennes. Je sais que tous les élus se sont mobilisés pour prendre des mesures, inventer des solutions, soutenir des initiatives locales et je voudrais les en remercier.

Les trois contrats de ville que nous allons signer tout à l'heure, proposent des actions pour améliorer l'accès aux soins et à la santé, mieux insérer les jeunes dans la vie professionnelle, prévenir la délinquance.

J'ai remarqué, en particulier, les actions proposées dans le contrat de ville d'Aubervilliers pour aider et soigner les toxicomanes ainsi que l'initiative prise pour accueillir les jeunes sortant de prison.

Dans le contrat de ville de la Courneuve, j'ai noté, l'important effort fait en matière de soutien scolaire et les actions destinées à lutter contre le chômage, création d'un pôle emploi et d'un point d'accueil pour les chômeurs.

Enfin, dans le contrat de ville de Saint-Denis, j'ai remarqué, bien-sûr, toutes les actions qui visent à intégrer le grand stade dans la ville, mais aussi la reprise de la réflexion sur tous les problèmes liés à la toxicomanie et en particulier l'évaluation d'un moyen d'échange des seringues.

L'État, pour 1994, consacrera sur vos trois communes près de 6 millions de Francs pour le soutien des associations, les actions de prévention de la délinquance et les opérations été qui en 1993, ont concerné 22 000 jeunes de ce département.

Je sais que certains d'entre vous voudraient que l'on fasse plus encore, et notamment que la politique de la ville compense les pertes de recettes fiscales des communes.

La politique de la ville ne peut régler tous les problèmes de notre société, quelles que soient ses ambitions elle ne fera pas de miracles en matière de chômage.

Mais si j'ai voulu souligner l'engagement de l'État pour ces trois contrats de ville et le grand projet urbain c'est parce que je crois, que la politique de la ville c'est important.

Je crois qu'avec tous les élus, les responsables d'associations, les représentants des services de l'État nous pouvons, par une action quotidienne et tenace recréer des solidarités, réparer des injustices et faire ainsi des quartiers concernés par cette politique des lieux dont les habitants soient fiers.