Texte intégral
Q - Chacun sacrifie en ce moment avec humour aux métaphores du Mondial. A Toulouse, pour intéresser les jeunes RPR, on vous a vu sortir les maillots, les crampons, et vous avez joué avant-centre. Est-ce que cela veut dire que le RPR pourrait reprendre confiance avec Sarkozizou ?
- « En matière footballistique, je n'ai aucune prétention. Ces deux journées d'université d'été des jeunes RPR étaient deux très bonnes journées. Il y a eu beaucoup de monde, beaucoup de jeunes, beaucoup d'enthousiasme. Finalement, les jeunes du mouvement gaulliste ont montré que la défaite avait été digérée, qu'ils étaient prêts à prendre des responsabilités. Avec P. Séguin, nous avons décidé un formidable effort de renouvellement, de rajeunissement pour changer nos cadres, changer nos responsables. »
Q - Vous leur avez déjà dit que les remplaçants étaient sur le banc de touche ?
- « Il faut bien que les remplaçants jouent de temps en temps. Parfois, on a de bonnes surprises avec les remplaçants. »
Q - Comme L. Jospin, vous rêvez apparemment de porter le numéro 10 de Platini et Zidane. J. Chirac s'imagine plutôt en gardien de but. Voyez-vous Chirac-Barthez comme gardien des joueurs, garant des cohabitants sur le terrain ?
- « Je suis assez inquiet pour l'équilibre psychologique de M. Jospin, parce que j'ai écouté son Club de la presse. Finalement, il n'a servi qu'à une seule chose : M. Jospin adore célébrer sa propre gloire. Il n'en finit pas d'aimer être son propre spectateur et son propre laudateur. Finalement, je doute que cet exercice d'autosatisfaction améliore en quoi que ce soit la vie de nos compatriotes. M. Jospin est content ; il a tenu à le faire dire (sic) ; nous, nous devons l'être aussi ! »
Q - Quand M. Jospin dit que cela va mieux, que la France va mieux, qu'il y a une baisse du chômage pour le moment, que les sondages sont bons pour lui, qu'il y a une certaine confiance, un début de reprise de la croissance, non ?
- « D'abord, il faut se réjouir que la situation de notre économie s'améliore. Ce n'est pas une affaire d'opposition ou de majorité ; chacun doit s'en réjouir, parce que finalement, à chaque fois qu'un de nos compatriotes retrouve un emploi, c'est une bonne nouvelle. Mais permettez-moi de dire deux choses : la première, c'est que cette embellie économique ne doit rien à l'action qui a été engagée par L. Jospin depuis un an, mais à la reprise de la croissance internationale... »
Q - Il aurait pu la casser !
- « C'est parfaitement exact... et deuxièmement, au travail d'assainissement extrêmement difficile qu'ont engagé entre les années 93 et 97 les gouvernements d’E. Balladur et d’A. Juppé. Je crois que c'est l'équilibre que de dire cela. Finalement, M. Jospin se serait grandi en le disant et en le reconnaissant. C'est quand même plus facile de succéder à la droite, que quand on succède à la gauche. »
Q - Hier, M. Jospin a reproché à l'opposition de s'opposer, même sur des projets justes, en toutes circonstances. On a l'impression que la droite est plutôt partagée.
- « Je connais l'argument de M. Jospin. Il déteste qu'on s'oppose à lui. D'ailleurs, il ne faut pas en vouloir à M. Jospin : c'est même quelque chose qu'intellectuellement, il ne comprenne pas qu'on ne soit pas d'accord avec lui. Est-ce qu'on s'oppose tout le temps ? Je voudrais rappeler que sur le texte de la Nouvelle-Calédonie, nous l'avons voté. Je l'ai voté. J'ai considéré que ce texte était un bon texte ; d'ailleurs, il tient beaucoup aux efforts que font sur place les Caldoches et les Kanaks. Nous l'avons voté. On ne propose pas ? Ce n'est pas exact. Dans la malheureuse affaire du scrutin européen, le RPR avait proposé un mode de scrutin, le scrutin uninominal, qui rapproche vraiment le député européen des électeurs. La discussion n'a pas pu avoir lieu, puisque L. Jospin a disparu en cours de route. Il a disparu pourquoi ? Parce qu'il s'est aperçu, après avoir lancé son idée, qu'il n'avait pas de majorité pour le soutenir. Mais le devoir de l'opposition, c'est aussi de s'opposer. S'il n'y a pas d'opposition dans une démocratie, expliquez-moi un peu comment le débat politique va pouvoir progresser ! »
Q - Vous vous opposez même quand les projets ont la bénédiction présidentielle ?
- « Cela n'a rien à voir. Desquels parlez-vous ?
Q - Le mode de scrutin régional.
- « Sur le mode de scrutin, la position de J. Chirac était la suivante : il voulait un mode de scrutin qui rapproche le député européen de l'électeur. Est-ce qu'on rapproche le député européen de l'électeur en faisant une région qui va de Dunkerque au Mont-Saint-Michel ? La réponse est non. La proposition du RPR, c'était de faire des circonscriptions européennes. »
Q - Hier, M. Jospin a dévoilé l'esprit du programme Aubry pour la Sécurité sociale ; M. Jospin disait que le plan Juppé était un triple échec ; ce plan, vous l'avez applaudi ; apparemment, pour M. Jospin, ce plan est mort.
- « C'est extraordinaire, là encore ! Un minimum de bonne foi ne messied pas quand on fait de la politique. Le plan Juppé n'avait sûrement pas que des qualités ; il m'était arrivé, d'ailleurs, à l'époque, de faire quelques réserves. Pour autant, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Le déficit de l'assurance-maladie va être le double de ce qui était prévu, parce que M. Aubry a refusé avec une constance, à laquelle je tiens à rendre hommage, à appliquer le plan Juppé. Elle a de surcroît eu un certain nombre de propos irresponsables, refusant les restructurations hospitalières, dénonçant la nécessité absolue de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance-maladie. C'est toujours comme cela avec les socialistes : ils trouvent des comptes équilibrés ou des caisses pleines ; il faut qu'ils dépensent ; au moment où ils ont tout dépensé, ils se disent "Mon Dieu, il y a un problème !“. C’est exactement ce qui se passe avec l'assurance-maladie. Mais vous allez voir que sur le budget, c'est pareil : D. Strauss-Kahn prévoit un budget pour l'année prochaine, où les dépenses publiques augmenteront deux fois plus vite que l'inflation. C'est le contraire de ce qu'il faut faire. Pour l'assurance-maladie, on a le résultat du refus d'agir depuis 13 mois. »
Q - Quand M. Aubry va annoncer qu'elle vise surtout les laboratoires pharmaceutiques, les distributeurs d'antibiotiques, les radiologues et qu'elle cherche à maîtriser les dépenses de santé, est-ce que vous pouvez lui donner tort ?
- « Bien sûr que non, même si je trouve que cela vient trop tard. Je veux simplement préciser que les professionnels libéraux, les médecins, les professions de santé ne doivent pas être désignés comme les premiers responsables du déficit de l'assurance-maladie. »
Q - C'est qui, alors ?
- « C'est assez simple : dans le budget de l'assurance-maladie, 51 % des dépenses relèvent de l'hôpital. La réforme de la carte hospitalière est un sujet que la France va devoir affronter, que cela plaise ou non. »
Q - Donc, vous combattrez tout plan Aubry ?
- « Non, je ne peux pas combattre un plan que je ne connais pas. Ce que je combats pour l'instant, c'est l'inaction de Mme Aubry, qui a conduit à l'explosion des dépenses et des propos qu'elle a tenus qui, me semble-t-il, ont fait que le travail engagé par M. Juppé n'a pas pu porter ses fruits. C'est aussi simple que cela. »
Q - Etes-vous heureux, quand vous entendez qu'il n’y aura pas de surdose fiscale dans le budget 99 ?
- « Je crois que le statu quo fiscal n'est pas la solution. La France est, de tous les pays européens, celui qui a le poids des prélèvements obligatoires le plus élevé. Quand j'entends parler ici ou là de taxe d'habitation indexée sur le revenu, d'entreprises qui seront mises dans l'assiette de l'impôt sur la fortune, je me demande : dans quel pays vit-on ? La seule solution pour la France, c'est de diminué le poids des impôts, des charges et des prélèvements obligatoires. »
Q - Avec P. Séguin, vous diriez qu'avec Jospin au pouvoir, la France perd son temps ? Mais je me demande ce que vous préparez pour l'en empêcher.
- « Nous avons tiré les leçons de ce qui s'était passé il y a un an. Nous avons perdu les élections. Il y avait des raisons à cela. Tout le travail de cette dernière année, cela a justement été de tirer ces leçons. A partir du mois de septembre, nous tiendrons dix conventions décentralisées sur le programme de gouvernement de l'opposition, qui doit être alternatif à la pensée unique socialiste. Voilà le travail qui est le nôtre. »
Q - Dans ces conventions, il y en aura une sur l'Europe, a-t-on entendu hier, avant la ratification du Traité d'Amsterdam, négocié sous le gouvernement Juppé. Vous voterez personnellement oui. Le RPR pourrait-il rejeter le Traité d'Amsterdam ou s'abstenir ?
- « D'abord, dans le RPR présidé par P. Séguin, nous souhaitons qu'il n'y ait pas de délit d'opinion. Chacun a le droit de donner son opinion. Finalement, on ne peut pas se trouver dans cette situation extravagante, que, dans la vie politique, on ne parlerait de rien. Quand on en parle et qu'on n'est pas d'accord, on dit qu'il y a division. Quand on ne parle de rien, on suscite l'ennui. Il y a des débats. La question européenne est un sujet suffisamment complexe pour accepter l'idée de ce débat. Je n'ai fait, en ce qui me concerne, que donner un élément, mais qui me semble être un élément important : le Traité d'Amsterdam ayant été voulu et négocié par J. Chirac, il ne me semblerait pas tout à fait cohérent que nous le rejetions. »
Q - Aux élections européennes, voulez-vous une seule liste pour l'Alliance ?
- « C'est un peu prématuré de le demander, puisque les élections auront lieu dans un an. Ce que je souhaite, c'est surtout un vrai programme européen, de vrais candidats, et une stratégie qui permette de gagner. »
Q - Et une seule tête de liste ?
- « La tête de liste,
il n'en faut qu'une ! »
Q - P. Séguin ?
- « Je trouve que le président de l'Alliance, en tout état de cause, présente bien des qualités pour cela. »
Q - Pour L. Jospin, P. Séguin ne se comprend pas lui-même. Est-il aujourd'hui en meilleure forme pour tenir longtemps à la tête du RPR ?
- « Je souhaite qu'il continue à la tête du RPR. Je dirais à L. Jospin, vraiment qu'en termes d'équilibre, il vaudrait mieux qu'il s'occupe de lui. Ce n'est pas méchant ce que je dis ; c'est simplement un conseil ; on peut être dans l'opposition et faire un conseil amical. »
Q - G. Schröder se disait ici démocrate de gauche ; est-ce que pour vous, L. Jospin est démocrate de gauche, socialiste pragmatique, libéral de gauche ou alors insaisissable ?
- « Chaque fois depuis un an que L. Jospin a eu à prendre une décision, il a choisi de prendre la décision la plus socialiste et la plus idéologique. C'est vrai pour les 35 heures, c'est vrai pour l'augmentation des dépenses publiques. Il est cohérent dans son socialisme. Je vais vous faire une confidence : je ne suis pas socialiste. »
Q - Autre sujet, vous serez au Stade de France pour la demi-finale ?
- « Je crains devoir supprimer quelques rendez-vous pour cela. »
Q - Donc, vous n'excluez pas que la France gagne en finale ?
- « Je n'exclus pas d'y être surtout. »
Q - La victoire ou pas de la France, on sera chauvin ou pas chauvin, mais elle a déjà eu un très bon comportement en arrivant là où elle est.
- « C'est notre forme de préférence nationale. »