Article de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, dans "Le Nouvel Observateur" le 6 août 1998, sur les mesures de maîtrise des dépenses de l'assurance-maladie et la concertation avec les professionnels de santé, après l'annulation par le Conseil d'Etat de deux conventions médicales régissant les relations entre les médecins et la sécurité sociale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réponse à l'article de M. Jacques Julliard intitulé "Sécu : dernier avis", dans "Le Nouvel Observateur" du 9 juillet 1998

Média : Le Nouvel Observateur

Texte intégral

Permettez-moi de réagir à votre chronique du « Nouvel Observateur »  dans lequel vous ironisez sur le calendrier et le contenu du « plan » sur l’assurance maladie que nous avons annoncé avec Bernard Kouchner le 6 juillet.

Je vous sais observateur trop averti de ces questions pour n’avoir retenu de notre communication que quelques mesures et des chiffres, alors que nous avons présenté au contraire les différents volets de notre politique structurelle. […]

Nous n’avons pas habilement choisi la date de ce que vous appelez « le grand tournoi annuel de l’hypocrisie ». Quelques jours auparavant, le Conseil d’État avait annulé les deux conventions régissant les relations entre les médecins et la Sécurité sociale, et L’État se devait donc d’annoncer très vite des dispositions destinées à pallier ce vide conventionnel. La Haute Assemblée, que je sache, ne fixe pas la date de ses séances en fonction du calendrier du Mondial !…

Contrairement à ce que vous laissez entendre, nous n’avons souhaité présenter aux Français un énième plan de mesures d’urgence de redressement des comptes de la Sécurité sociale. Le 6 juillet, nous avons rappelé les grands principes de notre action, fait le bilan des politiques que nous avons mises en œuvre depuis un an, défini les axes prioritaires que nous allons poursuivre, et, en cohérence avec notre politique, annoncé les mesures rendues nécessaires par l’annulation des conventions et le dérapage des dépenses.

Dès notre arrivée, nous nous sommes mis au travail, pensant que la santé des Français valait mieux qu’une simple polémique. Nous n’avons jamais fait du plan Juppé une obsession et nous ne pensions pas que faire table rase du passé eût été très responsable. Comme beaucoup, nous sommes convaincus qu’il faut maîtriser les dépenses si l’on veut préserver notre système de santé. Mais n’en déplaise à ceux qui croient un peu légèrement qu’il suffit d’avoir beaucoup de monde contre soi pour avoir raison, nous n’y parviendrons qu’en menant avec l’ensemble des professionnels de santé une politique de maîtrise qui modifie en profondeur les comportements de chacun. […]

Souvenons-nous de la réforme de l’hôpital de Pierre Bérégovoy, de la réforme de la biologie médicale et des cliniques de Claude Evin, de la maîtrise médicalisée de René Teulade. A l’époque la droite, et Alain Juppé n’était pas le dernier, défilait dans les rues. Il y avait une maîtrise avant le plan Juppé, permettez qu’il y en ait une après. Et que cette maîtrise rompe sur des points essentiels avec les ordonnances.

Tout d’abord, par la priorité accordée au dialogue et à la concertation, par le refus d’une logique de sanction comme fondement de la participation des professionnels à la régulation du système. Ensuite, par le refus du « tout médecin », qui faisait de celui-ci un bouc émissaire tout en refusant aux autres acteurs de la santé une coresponsabilité dans la gestion du système. Enfin, par la volonté de ne pas laisser supporter aux assurés sociaux l’essentiel des dépenses en cas de dérapage alors que les reversements laissaient, pour les prescriptions, 95 % des dépassements à leur charge.

Reste l’inquiétude que vous semblez manifester sur l’ampleur de la thérapeutique retenue pour 1998. Comment parler d’homéopathie pour des mesures qui représentent 3 milliards de francs d’économie sur six mois sans hausse de cotisation ni déremboursement !

L’ambition est au contraire considérable quand on sait que l’objectif des dépenses de soins de ville pour cette année prévoyait leur augmentation à 5,5 milliards de francs. Si je regrette comme vous qu’il n’y ait pas de solution miracle pour garantir l’équilibre de l’assurance maladie, je ne crois pas pour autant que toutes les décisions soient équivalentes.