Déclarations de M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, sur la place de la région Ile de France dans l'aménagement du territoire, le 23 février, le 2 mars et le 30 mars 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Daniel Hoeffel - Ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales

Circonstance : Dîner débat organisé par France Forum Val d'Oise le 23 février-convention de la fédération départementale du CDS le 2 mars 1994-colloque organisé par le Conseil régional d'Ile de France et la vil

Texte intégral

Monsieur le Député Européen,
Madame la Vice-Présidente du Conseil Général du Val d'Oise,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir que je réponds ce soir à votre invitation pour participer au dîner-débat organisé par France-Forum Val d'Oise.

Vous avez retenu pour thème de cette soirée "l'intercommunalité : une impérieuse nécessité en Ile-de-France".

Ce thème me donne l'occasion, au-delà de la question un peu technique, j'en conviens, de la coopération intercommunale, d'examiner avec vous les moyens d'un développement harmonieux des villes.

À cet égard, votre soirée est particulièrement bien venue au lendemain d'un comité interministériel à la ville et alors que les derniers schémas départementaux de la coopération intercommunale me sont parvenus fin janvier.

1. Permettez-moi tout d'abord de vous faire part de quelques réflexions d'ordre général.

J'ai pu constater, en particulier lors du tour de France des régions engagé dans le cadre du grand débat sur l'aménagement du territoire que la solidarité territoriale est une préoccupation forte des élus locaux ; pourtant le "passage à l'acte", la coopération effective entre villes et campagnes, entre l'État et les collectivités territoriales mais aussi et principalement entre communes n'est nulle part facile.

Elle est cependant nécessaire parce que les besoins complexes de nos sociétés ouvertes et modernes appellent l'intervention de niveaux de collectivités différents. La décentralisation a permis de rapprocher efficacement la décision du citoyen, mais la multiplication des centres de pouvoir ainsi créée nécessite aujourd'hui, au risque de graves blocages, une forte coopération.

Cette coopération est en outre rendue indispensable en cette période de contraintes budgétaires qui doit amener l'ensemble des collectivités publiques à veiller à une meilleure sélectivité de leurs projets.

Certes, la coopération ne se décrète pas. Mais, j'ai la conviction que ces contraintes financières peuvent être un facteur décisif de renforcement des coopérations dont notre pays a besoin, s'agissant notamment de la mosaïque de nos 36 700 communes, au regard de la situation des autres pays d'Europe.

De l'expérience de l'intercommunalité que j'ai acquise en Alsace, je voudrais tirer deux enseignements.

Le premier, c'est la nécessaire inscription de cette coopération dans la durée. Elle requiert une entente forte entre ses membres et une prise de conscience, souvent lente, d'intérêts communs.

Le second, c'est l'indispensable mobilisation des milieux socio-professionnels. L'enjeu de la coopération intercommunale est aussi de favoriser les processus de développement économique. Or, la recherche des complémentarités existantes ou potentielles en termes d'activités ne saurait s'envisager sans la participation active des acteurs socio-professionnels.

2. En région Ile-de-France, la coopération intercommunale est-elle une impérieuse nécessité, m'avez-vous demandé ?

On peut en douter compte tenu du très faible nombre de créations de communautés de communes envisagé par les schémas départementaux de la coopération intercommunale de votre région – deux projets à l'Est de votre département.

Certes, le nombre de groupements y est déjà important mais ces structures ont le plus souvent une compétence strictement technique et sont peu intégrées. Il s'agit essentiellement de syndicats intercommunaux qui regroupent parfois un nombre très réduit de communes, deux ou trois.

En outre, ces structures de coopération intercommunale épousent trop rarement les contours d'un bassin de vie, c'est-à-dire d'une agglomération urbaine ou d'un pays rural, ce qui est probablement l'objectif idéal vers lequel nous devons tendre.

J'ai en effet la conviction que la coopération intercommunale est, particulièrement en Ile-de-France, une impérieuse nécessité car il n'est plus possible d'assurer le développement global et équilibré des villes dans le strict cadre communal.

Au plan institutionnel, l'aménagement de l'espace et le développement local ne peuvent désormais se concevoir sans le renforcement des modes de coopération au service de véritables projets communs entre collectivités. La coopération intercommunale ne doit plus simplement permettre une meilleure gestion des équipements et des services publics, mais aller bien au-delà. En Ile-de-France, elle doit favoriser la mise en place de véritables projets urbains.

Aujourd'hui, le paysage intercommunal est foisonnant et sans doute trop complexe : syndicats, districts, communautés urbaines, de communes et de villes, syndicats d'agglomération nouvelle. Dans ce paysage, les communes ont la possibilité de trouver librement la formule la plus adaptée à leurs besoins et à leur volonté réelle de coopération.

Cependant, le Gouvernement est décidé à soutenir une véritable intercommunalité de projet.

Cette volonté s'exprime principalement au plan financier.

À cet égard, le dispositif d'intégration fiscale prévu pour les districts, les communautés urbaines, de communes et de villes, est souvent la réponse la plus adaptée au financement de compétences larges et à la solidarité entre communes.

C'est notamment le cas en matière de développement économique, d'aménagement de l'espace et d'environnement qui nécessitent des engagements forts et durables. Il est donc naturel que ces compétences soient financées par le dispositif commun et global que constitue l'intégration fiscale.

Aussi, nous avons réformé la dotation globale de fonctionnement, principale contribution de l'État aux communes, afin de renforcer la solidarité financière, notamment en faveur des communes à quartiers difficiles et des groupements de coopération intercommunale à fiscalité propre.

C'est ainsi que 28 communes du Val-d'Oise qui connaissent des situations difficiles vont pouvoir bénéficier, dès 1994, de la nouvelle dotation de solidarité urbaine.

La volonté du Gouvernement est donc clairement exprimée.

Enfin, à terme, il nous faudra imaginer un système plus démocratique que les structures de coopération actuelles. Quoi que l'on fasse, l'intercommunalité telle qu'elle existe dans notre pays pèche par manque de légitimité électorale. Ce déficit démocratique rend difficiles les arbitrages avec les communes, particulièrement pour ce qui concerne les projets les plus politiques : urbanisme, habitat, développement économique…

Vous le voyez, tout va de pair : le choix d'une bonne échelle pour gérer les problèmes urbains, la recherche d'un dispositif d'intégration fiscal, le besoin d'une légitimité électorale.

Il est vrai que contrairement à nos voisins, la décentralisation en France n'a pas été précédée par un regroupement communal autoritaire. Mais le souci légitime, et historiquement justifié, de conserver la commune comme base de la démocratie locale ne doit pas nous priver des moyens adaptés au développement harmonieux des villes, et particulièrement en Ile-de-France.

3. Ces préoccupations sont très proches de celles privilégiées par la politique de la ville.

Cette politique sera intégrée aux contrats de plan État-régions qui constituent désormais le cadre de cohérence des politiques prioritaires de l'État et des régions. Mais elle bénéficie de financements spécifiques.

Cette évolution est logique car les villes qui présentent de graves problèmes sont le plus souvent situées dans les régions les plus puissantes.

La liste de 185 sites éligibles a été arrêtée par le Comité Interministériel des Villes du 29 juillet 1993. L'enveloppe globale des crédits prévus par ces contrats sur une période de cinq ans est de 9,5 milliards de francs.

Au 15 février dernier, 20 contrats de ville ont été signés. La date de signature de 30 contrats de ville est d'ores et déjà arrêtée pour les jours à venir. Une cinquantaine d'autres sont en état d'être conclus dans les semaines à venir. Au total, les trois quarts des contrats de ville devraient être finalisés avant trois mois.

Ainsi, parallèlement au contrat de plan État-région d'Ile-de-France, le Val-d'Oise bénéficiera de quatre contrats de ville destinés à apporter des solutions concrètes en matière d'habitat et de cadre de vie, de formation, de désenclavement des quartiers et de prévention de la délinquance ; il s'agit : d'Argenteuil, Bezons, Garges, Sarcelles, Villiers-le-Bel, Goussainville, Gonesse, Persan, Saint-Gratien, Montigny-lès-Cormeilles, Soisy-sous-Montmorency, Deuil-la-Barre. En outre, le Val-d'Argent à Argenteuil fait l'objet d'un grand projet urbain.

Au-delà du plan de relance de la politique de la ville décidé hier lors du Comité Interministériel, cette simple énumération de communes du Val-d'Oise bénéficiaires de contrats suffit à montrer l'inadéquation des structures communales avec nombre de problèmes urbains.

C'est pourquoi l'intercommunalité me paraît être une des réponses qu'il convient de développer avec détermination en Ile-de-France, car la politique de ville appartient d'abord aux collectivités locales.

Faut-il alors en rester au dispositif législatif actuel ?

Je sais que les élus aspirent à une stabilité législative, surtout dans un domaine aussi complexe que celui de la coopération intercommunale qui requiert du temps. Pourtant, je suis convaincu que l'intercommunalité progressera fortement, dans les années à venir, même à partir des textes existants.

Aussi, je fais confiance aux élus pour préparer la région d'Ile-de-France à cette évolution.


2 mars 1994

Monsieur le Président,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir que je réponds ce soir à votre invitation à participer à votre convention départementale sur le thème de l'aménagement du territoire en Ile-de-France.

Je mesure la difficulté de l'exercice, pour l'élu de province que je suis, tant il vrai que depuis le début du grand débat national lancé par le Gouvernement il y a près de six mois, nombreux sont ceux qui se sont ingéniés à opposer Paris et la Province.

L'Ile-de-France est montrée du doigt ; elle est souvent accusée préremptoirement sans avoir été écoutée.

Je comprends donc l'inquiétude qui peut naître de cette situation, et voudrais tout d'abord vous rassurer.

1. Nous sommes persuadés du rôle irremplaçable de la région Ile-de-France dans l'économie nationale, et il n'est pas dans notre intention de priver le pays de cet apport dont il a besoin.

Notre objectif est au contraire de renforcer les atouts de la région capitale.

Paradoxalement, cet objectif n'est pas incompatible avec une maîtrise de la croissance de l'Ile-de-France et le nécessaire effort de rééquilibrage à mener entre les régions françaises.

En effet, l'Ile-de-France n'a plus besoin de croître comme c'est encore le cas de beaucoup d'autres régions qui n'ont pas encore atteint la taille critique pour tenir leur place en Europe.

En revanche, elle doit s'améliorer, c'est-à-dire améliorer les conditions de vie qu'elle offre à ses habitants et à ses entreprises pour accroître son rayonnement européen et international. C'est de cette façon qu'elle continuera à être prospère et à contribuer au développement national.

Mais le Gouvernement est également conscient que la région Ile-de-France n'est pas une région nantie et qu'elle est diverse. Si elle concentre beaucoup de richesses et de potentialités, elle connaît aussi des difficultés.

En particulier, elle est comme les autres confrontée au chômage dont chacun sait la responsabilité qu'il porte dans le problème des banlieues. En outre, et c'est la rançon de son dynamisme en période de croissance, le chômage y a augmenté, dans la période récente, plus vite qu'ailleurs. Elle subit enfin une désindustrialisation préoccupante pour l'avenir.

Dans cette période où l'emploi est la priorité qui domine toutes les autres, nous devons ainsi veiller à favoriser les conditions de la création des emplois dont la population de l'Ile-de-France a besoin, de préférence dans les domaines d'excellence qu'elle s'est choisi. Au-delà, à ne mettre en œuvre les incitations et les contraintes pour orienter l'activité en province que si l'on a la certitude que la richesse et les emplois dont on va contrarier la création en Ile-de-France ne seront pas définitivement perdus pour le pays.

Je sais qu'il existe des adversaires convaincus de ce qui peut apparaître comme un interventionnisme excessif de l'État.

Je crois pouvoir affirmer que la preuve est faite que les seuls mécanismes de marché ne conduisent pas spontanément à un bon aménagement du territoire.

Lorsque la concentration urbaine atteint des niveaux tels qu'elle génère pour la collectivité des coûts sociaux, de logement et de transport notamment, qui dépassent très largement les effets positifs pour l'économie, de taille de marché, d'économie d'échelle et de niveau et proximité de services, l'État a le devoir de jouer son rôle de régulateur.

L'enjeu n'est pas de tout bloquer en Ile-de-France, de faire régresser la région capitale en distribuant à la province ce qui fait sa prospérité. Il est au contraire de lui assurer, à partir de ses atouts, une croissance sélective et maîtrisée, en appui sur le bassin parisien.

Telle est la philosophie de cette politique.

2. Quant à son application, elle repose sur un objectif clair, des engagements à long terme et des moyens renouvelés que le Gouvernement a pour l'essentiel fixés lors du CIAT du 12 juillet 1993 à Mende.

L'objectif est de limiter la croissance de la population de la région Ile-de-France par rapport à ce que laissaient escompter les tendances des décennies passées.

Maintenir cette dernière en dessous de 12 millions d'habitants implique un effort vigoureux que le nouveau schéma directeur prend en compte en réduisant sensiblement les nouvelles zones urbanisables par rapport aux prévisions initiales.

Ce schéma a été transmis le 22 février au Conseil d'État pour avis.

J'observe que les principales modifications apportées au projet initial sont conformes aux avis émis en janvier 1993 par le conseil régional et les huit conseils généraux des départements formant la région Ile-de-France, y compris Paris, dans leur vote de rejet.

L'objectif de maîtrise de la croissance de la population ne prendra cependant tout son sens que dans le cadre d'un développement équilibré de la région Ile-de-France mais aussi de l'ensemble du Bassin Parisien, assuré par des engagements à long terme.

La situation de la région capitale est en effet loin d'être homogène, et dans de nombreux quartiers – près du tiers de ceux recensés en France – l'égalité des chances est loin d'être une réalité. Un effort soutenu de restructuration urbaine interne à ces quartiers doit être conduit, permettant notamment une plus grande ouverture sur l'environnement, comme une diversification de l'habitat ou la création d'activités productives. Parallèlement, la présence des services publics doit permettre de répondre à un besoin souvent insatisfait.

D'ores et déjà, ces préoccupations sont prises en compte par la politique de la ville.

Cette politique sera intégrée aux contrats de plan État-régions qui constituent désormais le cadre de cohérence des politiques prioritaires de l'État et des régions. Mais elle bénéficie de financements spécifiques, non affectés par la modulation des enveloppes de crédit de l'État au titre des contrats de plan.

Cette évolution est logique car les villes qui présentent de graves problèmes sont le plus souvent situées dans les régions les plus puissantes à qui un effort financier a été demandé. C'est tout particulièrement le cas de la région Ile-de-France.

La liste des 38 sites éligibles de votre région a été arrêtée par le Comité Interministériel des Villes du 29 juillet 1993. Huit grands projets urbains s'y ajoutent.

L'enveloppe globale des crédits prévus pour la politique de la ville en Ile-de-France sur une période de cinq ans est de 2,737 milliards de francs, soit plus de 30 % du total des crédits affectés à cette politique.

Cet effort est en outre amplifié par la réforme de la DGF qui porte de 95 à 145 le nombre de communes de l'Ile-de-France bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine.

La volonté de rééquilibrage au sein de la région Ile-de-France est ainsi clairement exprimée.

Par ailleurs, les liens naturels tissés par la proximité géographique, les rapports de plus en plus étroits, économiques et humains, entre l'Ile-de-France et les régions voisines du Bassin Parisien imposent une approche commune de l'aménagement de cet espace.

L'organisation du réseau de transports, la gestion des espaces et des ressources naturelles, une répartition meilleure de l'enseignement supérieur et de la recherche justifient une approche interrégionale.

C'est pourquoi j'ai aujourd'hui la conviction que le développement des villes à une heure de Paris est la réponse la mieux adaptée à la maîtrise de la croissance démographique de l'agglomération parisienne.

Le CIAT de Mende avait à cet effet donné mandat au ministre chargé de l'aménagement du territoire d'élaborer, en concertation avec les régions concernées, une charte d'aménagement du Bassin Parisien.

Cette charte est prête à être signée.

Son objet est de mettre en cohérence les politiques d'aménagement des 8 régions et de constituer un cadre de référence. Elle a permis en outre d'élaborer un contrat de plan interrégional d'un montant total de 1 milliard de francs dont 1/3 est à la charge de l'État, 1/3 à celle de l'Ile-de-France et 1/3 à celle des 7 autres régions.

Ce contrat revêt un caractère exemplaire, la région Ile-de-France consacrant 333 millions de Francs à des opérations toutes situées en dehors de son territoire, et il convient de lui rendre hommage pour cet effort de solidarité.

Enfin, parce que la politique d'aménagement du territoire en Ile-de-France ne peut plus être définie par l'État seul, ce qui constitue une anomalie au regard des lois de décentralisation, elle doit se doter d'instruments renouvelés.

Je rappelle à cet égard, que le Premier ministre a annoncé le 14 février dernier devant le conseil régional d'Ile-de-France que la procédure actuelle d'élaboration du schéma directeur de votre région par l'État avait été utilisée pour la dernière fois. Il convient en effet que, comme les autres régions, et dans le cadre de directives d'aménagement fixées par l'État pour assurer une nécessaire cohérence au plan national, l'Ile-de-France définisse elle-même son avenir.

Ce schéma n'est cependant pas suffisant pour parvenir à la maîtrise souhaitée de la croissance. Il doit être accompagné d'un instrument de régulation. C'est la procédure dite de "l'agrément constructeur" que le CIAT de Mende a décidé de redéfinir.

Des réflexions sont en cours à ce sujet qui visent à décentraliser et à assouplir cette procédure.

Il ne s'agirait plus de doter l'État d'un instrument indifférencié de coercition, mais de mettre en œuvre une démarche concertée avec les communes, ou leurs groupements, pour assurer un meilleur équilibre entre habitat et emploi, en cohérence avec le schéma directeur.

Compte tenu des pertes d'emplois industriels subis par l'Ile-de-France d'une part, et du rôle qu'on souhaite voir jouer à cette région en Europe d'autre part, mon avis est que les implantations d'entreprises internationalement mobiles et les locaux destinés à l'activité industrielle ne devraient pas être soumis à agrément.

Par ailleurs, la redistribution interne des hommes et des activités est indissociable d'une nouvelle structuration des transports parisiens.

Elle seule permet d'espérer qu'un terme sera mis un jour à la course permanente contre la saturation. Elle est également un élément premier d'acceptation par les habitants, comme les entreprises, d'une prise en charge plus forte des coûts de transports rapprochant le régime de l'Ile-de-France de celui des autres régions.

La situation actuelle des transports parisiens, dérogatoire aux principes de la décentralisation, et fortement critiquée par le conseil régional, doit évoluer vers un alignement sur le droit commun, et donc un transfert progressif de l'État vers la région.

Permettez-moi, avant de conclure, de dire un mot, et de rappeler quelques évidences, sur le dispositif le plus médiatique de la politique d'aménagement du territoire, je veux parler des délocalisations.

Tout d'abord, cette politique est presque aussi ancienne que le déséquilibre Paris-Province lui-même.

Sa redécouverte en 1991 et 1992 répondait à une intention louable mais s'est trouvée entachée d'une absence de lignes directrices suscitant incompréhension et hostilité.

Le Gouvernement entend aujourd'hui poursuivre les transferts de services publics, mais en les inscrivant dans une politique globale, cohérente et ambitieuse d'aménagement du territoire.

Ensuite, son objectif est limité puisqu'il s'agit de 30 000 emplois à transférer d'ici à l'an 2000. En outre, ces transferts des administrations et des services publics s'accomplissent dans la perspective d'un double rééquilibrage : interne à l'Ile-de-France d'une part et entre la région capitale et la province d'autre part. Mais dans ce dernier cas, ils s'effectuent bien souvent en faveur d'autres régions du bassin Parisien.

Enfin, cette politique a valeur d'exemple pour les acteurs économiques. L'État ne saurait en effet se limiter à tenir un discours incitatif sans mettre en œuvre, pour lui-même, les mesures qu'il préconise pour les autres.

Ce sont là quelques-unes des décisions que le Gouvernement a prises, et des orientations auxquelles il est attaché et qu'il a la volonté de concrétiser.

Faisant pour l'Ile-de-France le choix :
– d'une croissance démographique maîtrisée ;
– d'un développement équilibré en appui sur les autres régions du bassin Parisien ;
– d'un développement conduit par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Le Gouvernement entend renforcer l'identité de votre région et son rayonnement international.

Car il en est des territoires comme des individus : on est rarement fort tout seul, et ce n'est jamais pour longtemps.

 

Mercredi 30 mars 1994

Monsieur le Maire de Paris,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Ministre d'État,
Mesdames et Messieurs les Élus, Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux de participer ce soir à la conclusion de votre colloque organisé par la ville de Paris et le conseil régional d'Ile-de-France, tout en mesurant la difficulté de ma tâche.

Cette difficulté tient d'abord au fait que pendant cette journée sont intervenus quelques-uns des meilleurs spécialistes français et étrangers de la ville : universitaires, professionnels, hauts fonctionnaires, et, bien entendu, élus.

Je n'aurai donc pas la prétention de faire une synthèse de vos travaux, dont on m'a dit la grande richesse.

Cette difficulté tient ensuite à ma qualité d'élu de province dont le regard sur la région capitale peut ne pas être neutre.

Cette subjectivité potentielle est, il est vrai, atténuée par le fait que la querelle simplificatrice qui oppose Paris et la province est aujourd'hui élargie. Elle oppose certes l'Ile-de-France mais aussi les régions les plus riches, en particulier Rhône-Alpes et l'Alsace, et un certain nombre de grandes villes, à toutes les autres régions.

L'élu alsacien que je suis se trouve donc, d'une certaine façon, dans la même situation que les élus franciliens. C'est le signe tangible d'un premier rééquilibrage.

Mais c'est un fait que depuis le début du grand débat national lancé par le Gouvernement il y a près de six mois, nombreux sont ceux qui se sont ingéniés à opposer Paris et la Province.

L'Ile-de-France est montrée du doigt ; il lui est notamment reproché de concentrer sans partage les pouvoirs politique administratif, économique et culturel, ainsi que la plupart des sièges des grandes entreprises privées et publiques.

Dans le même temps, alors que Paris est depuis plusieurs siècles le centre de gravité du pays, cette perspective se modifie sous les effets conjugués de la décentralisation et de la construction européenne : la capitale cesse d'être le point singulier vers lequel convergent toutes les forces vives du territoire national. L'évolution du Bassin Parisien au cours du XXIème siècle ne dépendra plus exclusivement de facteurs nationaux, mais sera de plus en plus conditionnée par son insertion dans le réseau des "eurométropoles".

La conjugaison de cette défiance des régions, et de la conscience du défi à relever au plan européen, fait naître pour Paris et l'Ile-de-France une inquiétude que je voudrais apaiser.

Le Gouvernement est persuadé du rôle irremplaçable de la région Ile-de-France, et il n'est pas dans son intention de priver le pays de cet apport dont il a besoin.

Son objectif est au contraire de renforcer les atouts de la région capitale.

Paradoxalement, cet objectif n'est pas incompatible avec une maîtrise de la croissance de l'Ile-de-France et le nécessaire effort de rééquilibrage à mener entre les régions françaises.

En effet, l'Ile-de-France n'a pas besoin de croître comme c'est le cas de beaucoup d'autres régions.

En revanche, elle doit s'améliorer, c'est-à-dire améliorer son image, améliorer les conditions de vie qu'elle offre à ses habitants et à ses entreprises pour accroître son rayonnement européen et international. C'est de cette façon qu'elle continuera à être prospère et à contribuer au développement national.

Car, si Paris figure actuellement en bonne place dans le réseau des grandes villes européennes, si Paris est avec Londres la cité qui dispose du plus grand nombre d'atouts, ce constat ne doit pas nous plonger dans un optimisme béat. Notre capitale a des faiblesses, que nous ne devons pas faire semblant d'ignorer et, surtout, cette situation est fragile et sans cesse susceptible d'être remise en cause.

Le Gouvernement est également conscient que l'Ile-de-France n'est pas une région nantie et qu'elle est diverse. Si elle concentre beaucoup de richesses et de potentialités, elle connaît aussi des difficultés.

En particulier, elle est comme les autres confrontée au chômage, dont chacun sait la responsabilité qu'il porte dans les problèmes des banlieues. En outre, et c'est la rançon de son dynamisme en période de croissance, le chômage y a augmenté, dans la période récente, plus vite qu'ailleurs. Elle subit enfin une désindustrialisation préoccupante pour l'avenir.

Dans cette période où l'emploi est la priorité qui domine toutes les autres, nous devons ainsi veiller –à favoriser les conditions de la création des emplois dont la population de l'Ile-de-France a besoin, de préférence dans les domaines d'excellence qu'elle s'est choisis. Au-delà, à ne mettre en œuvre les incitations et les contraintes pour orienter l'activité en province que si l'on a la certitude que la richesse et les emplois dont on va contrarier la création en Ile-de-France ne seront pas perdus pour le pays.

Je sais qu'il existe des adversaires convaincus de ce qui peut apparaître comme un interventionnisme excessif de l'État, mais la preuve est faite que les seuls mécanismes de marché ne conduisent pas spontanément à un bon aménagement du territoire.

Lorsque la concentration urbaine atteint des niveaux tels qu'elle génère pour la collectivité des coûts sociaux, de logement et de transport notamment, qui dépassent très largement ses effets positifs pour l'économie, l'État a le devoir de jouer son rôle de régulateur.

L'enjeu n'est donc pas de bloquer l'Ile-de-France, de faire régresser la région capitale en distribuant à la province ce qui fait sa prospérité. Il est au contraire de créer, à partir de ses atouts, les conditions d'une croissance sélective et maîtrisée, en appui sur le bassin parisien.

Telle est, pour ce qui concerne Paris et l'Ile-de-France, le sens de la politique que le Gouvernement a commencé à mettre en œuvre dès le mois de juillet dernier au travers du CIAT de Mende.

La plus significative des orientations adoptées est celle consistant à limiter la croissance de la population de la région Ile-de-France par rapport à ce que laissaient escompter les tendances des décennies passées.

Maintenir cette dernière en dessous de 12 millions d'habitants implique une volonté forte que le projet de schéma directeur, actuellement examiné par le Conseil d'État, traduit en réduisant sensiblement les nouvelles zones urbanisables par rapport aux prévisions initiales.

L'objectif de maîtrise de la croissance de la population ne prendra cependant tout son sens que dans le cadre d'un développement équilibré de la région Ile-de-France elle-même, mais aussi de l'ensemble du Bassin Parisien.

La situation de la région capitale est en effet loin d'être homogène, et dans de nombreux quartiers l'égalité des chances n'est pas assurée. Un effort soutenu de restructuration urbaine de ces quartiers doit être conduit, permettant notamment une plus grande ouverture sur l'environnement, comme une diversification de l'habitat ou la création d'activités productives. Parallèlement, la présence des services publics doit répondre à des besoins souvent insatisfaits.

D'ores et déjà, ces préoccupations sont prises en compte par la politique de la ville qui bénéficie de financements spécifiques non affectés par la modulation des enveloppes de crédit de l'État au titre des contrats de plan.

Par ailleurs, les liens naturels tissés par la proximité géographique, les rapports de plus en plus étroits, économiques et humains, entre l'Ile-de-France et les régions voisines du Bassin Parisien imposent une approche commune de l'aménagement de cet espace.

Le CIAT de Mende avait à cet effet prévu l'élaboration, en concertation avec les régions concernées, d'une charte d'aménagement du Bassin Parisien.

Cette charte est prête à être signée.

Elle revêt un caractère exemplaire, la région Ile-de-France, à laquelle il doit être rendu hommage pour cet effort de solidarité, acceptant de financer des opérations toutes situées en dehors de son territoire.

Enfin, parce que la politique d'aménagement du territoire en Ile-de-France ne peut plus être définie par l'État seul, le Premier ministre a annoncé le 14 février dernier devant le conseil régional d'Ile-de-France que la procédure actuelle d'élaboration du schéma directeur avait été utilisée pour la dernière fois. Il convient en effet que, comme les autres régions, et dans le cadre de directives d'aménagement fixées par l'État pour assurer une nécessaire cohérence au plan national, l'Ile-de-France définisse elle- même son avenir.

Ce sont là quelques-unes des orientations que le Gouvernement a la volonté de concrétiser.

Faisant pour l'Ile-de-France le choix :
– d'une croissance démographique maîtrisée ;
– d'un développement équilibré en appui sur les autres régions du bassin Parisien ;
– d'un développement conduit par les collectivités territoriales elles- mêmes,

le Gouvernement entend renforcer l'identité et le rayonnement international de Paris et de sa région au bénéfice du pays tout entier.

Car il en est des territoires comme des individus : on est rarement fort tout seul, et ce n'est jamais pour longtemps.