Interviews de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, dans "Le Monde" du 30 juillet 1998 et "Les Echos" du 31 juillet, sur l'accord entre le patronat de la métallurgie (UIMM) et les syndicats minoritaires de la branche (FO, CFE-CGC, CFTC) sur la réduction du temps de travail et sur sa position sur les 35 heures.

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Circonstance : Accord entre le patronat de la métallurgie (UIMM) et les syndicats minoritaires de la branche (FO, CFE-CGC, CFTC), sur la réduction du temps de travail à 35 heures le 28 juillet 1998

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Energies News - Les Echos - Le Monde - Les Echos

Texte intégral

Le Monde : 30 juillet 1998

1 En tant que secrétaire général de FO, êtes-vous satisfait par l'accord conclu dans la métallurgie ?

Je suis satisfait que la question de la réduction de la durée du travail ne soit pas uniquement renvoyée au niveau des entreprises, ce qui accroîtrait la fragmentation des salariés, et que les interlocuteurs sociaux se saisissent eux-mêmes du dossier. La branche est un niveau essentiel de négociation et j'espère que d'autres négociations auront lieu à ce niveau tenant des spécifiés d'activité.

2 N'avez-vous pas l'impression que cet accord torpille l'esprit de la loi Aubry sur les 35 heures ?

Cet accord n'est en rien contraire à la loi. Je rappelle que la réduction de la durée du travail est une revendication avant d'être une disposition politique puis légale. Début 1995, nous avions sollicité le patronat pour négocier ; c'est après que le dossier est entré dans la campagne législative, plaçant ensuite les interlocuteurs sociaux en situation de subsidiarité. FO a toujours plaidé pour une réduction de la durée de travail qui ne s'inscrive pas dans le partage du travail et des revenus, démarche malthusienne qui a toujours accompagné des politiques économique particulièrement inégalitaires. Dans le cas présent, les salaires sont maintenus, ils sont mêmes améliorés, puisque nous avons maintenu un engagement à rediscuter des grilles avec 1 % d'augmentation à valoir. L'accord inscrit par ailleurs la durée hebdomadaire à 35 heures, les heures supplémentaires n'étant qu'une possibilité offerte et le contingent de 180 heures étant inférieur aux 188 heures qui correspondent à une réduction de 4 heures sur 47 semaines. Sur la question de l'emploi, FO a toujours expliqué qu'il ne fallait pas se faire d'illusions. C'est effectivement, avec les salaires, deux points de controverser avec la CFDT. Ceux qui entendent solliciter l'aide de l'Etat pourront toujours le faire dans les négociations d'entreprise si l'accord est étendu. Enfin, nous avons obtenu l'engagement patronal pour que les salariés ayant commencé à travailler dès quatorze ou quinze ans puissent cesser leur activité.

3 Le contenu de l'accord ne va-t-il pas créer des remous à FO ?

Je ne le crois pas, dans la mesure où les fédérations sont maîtres de leurs négociations et que sur toute une série de questions-clés, cet accord est conforme à la position adoptée en juin par le comité confédéral national de FO.


Les Echos : 31 juillet 1998

Q - L'accord que vous avez signé dans la métallurgie a suscité beaucoup de critiques. Que sont vos arguments pour le défendre ?

Cet accord revêt un caractère à la fois défense et offensif. Défensif pour éviter certaines (…) dans des entreprises où la flexibilité existe déjà, et offensif pour garantir le pouvoir d'achat et amorcer sérieusement l'extension de l'Arpe aux salariés ayant commencé à travailler dès quatorze-quinze ans. Entre ceux qui font des 35 heures un dossier essentiellement électoral et politique, ceux qui ne veulent pas gêner le gouvernement, ceux qui depuis toujours prônent le partage du travail et des revenus, Force ouvrière a, elle, choisi en toute indépendance de défendre concrètement les intérêts des salariés.

Q - Vous n'avez jamais été un chaud partisan des 35 heures.

Nous ne sommes jamais fait d'illusion sur l'effet mécanique sur l'emploi des 35 heures, convaincus que la lutte contre le chômage passe d'abord par une relance de l'activité et de la consommation, donc des salaires, retraites, pensions, allocations et minima sociaux. Mais les 35 heures sont une avancés sociale importante si les salaires sont maintenus. Alors que certains rêvaient des 35 heures payées 39, FO le fait.

Q - Certains vous accusent d'avoir « détourné » la loi Aubry.

C'est le contraire. L'accord dans la métallurgie renvoie enfin une bonne image de la loi dite loi Aubry qui, jusqu'ici, était face à un miroir déformant. Elle était surtout caractérisée par ses imprécisions et son flou artistique, résultat des concessions et débats parlementaires. Où sont dans la loi les 35 heures payées 39, au moins pour le SMIC qui est de la responsabilité gouvernementale ? Nulle part, puisque la philosophie de la loi est d'éluder le problème du maintien des salaires. De ce point de vue, l'accord de branche dans la métallurgie prévoit non seulement les 35 heures payées 39, mais conduit à des augmentations de salaire. L'UIMM s'est en effet engagée à revaloriser les minima. De même, la loi ne dit rien des nouveaux embauchés à 35 heures du temps partiel, des heures supplémentaires. Le gouvernement a voulu attendre les négociation pour préciser fin 99 ce qu'il adviendra de ces points essentiels. Cela signifie qu'après avoir fait de la réduction de la durée du travail un engagement électoral puis une loi où le non-dit est important, les interlocuteurs sociaux sont non seulement placés en situation de subsidiaire mais appelés à négocier sans filet, tout en devant conclure des accord respectant le non-dit en matière de flexibilité et de compensation salariale ! Indubitablement ce dossier repose alors le problème des rapports entre le législatif et le contractuel. Rappelons par ailleurs que, dès le début 95, nous avons sollicité le CNPF pour obtenir une négociation interprofessionnelle sur la réduction de la durée du travail.

Q - Ne vous êtes-vous pas servi de cet accord pour marquer des points contre la CFDT, fervente partisane, elle, de la réduction du temps de travail ?

Pour les adeptes quasi inconditionnels de la loi, qui considèrent que la politique économique n'est guère amendable, il faut chercher à créer des emplois par la réduction de la durée du travail dans la logique de partage du travail et des revenus. Dans ces conditions, il faut envisager non seulement plus de flexibilité mais aussi ce qu'on appelle pudiquement la modération salariale. Telle est la position de la CFDT. D'ailleurs, les 80 accords d'entreprise conclues depuis un mois et valorisés par le ministère du Travail montrent que la flexibilité, le gel des salaires, la chute aggravée du pouvoir d'achat par le recul des heures supplémentaires sont fréquents, ce qui, en ces temps de modestie des salaires, n'arrange rien.