Déclaration de M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, sur le rôle des collectivités locales dans la lutte contre le chômage, à Saintes le 27 mai 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Daniel Hoeffel - Ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales

Circonstance : Congrès de l'association départementale des maires de Charente-maritime à Saintes le 27 mai 1994

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d'être avec vous ce matin à l'occasion du congrès de l'Association départementale des maires de la Charente-Maritime.

Le thème retenu par votre assemblée, relatif à l'emploi et aux collectivités locales, est bien venu au moment où, répondant à l'appel du Premier ministre lors de son 76e congrès national, l'Association des Maires de France lance une grande enquête sur ce sujet auprès de l'ensemble des maires qui fera l'objet d'un livre blanc.

En outre, le grand débat sur l'aménagement du territoire dans les régions a confirmé que l'emploi figurait au premier rang des préoccupations des français. Les questions posées par nos concitoyens sont simples : Comment seront formés nos enfants ? Quel travail pourront-ils avoir ? Mais aussi, quelle garantie pour nous d'avoir un emploi et de le garder ?

C'est sur ce terrain concret que le Gouvernement est attendu.

Mais ma fonction de ministre ne me fait pas oublier celle d'élu local et notamment de maire d'une commune rurale. Je sais d'expérience que c'est vers le maire que ses concitoyens se tournent dès qu'une entreprise de la commune connaît des difficultés. C'est encore lui que l'on s’adresse lorsqu'un parent ou un proche est dépourvu de travail.

Or, en matière d'emploi, le maire est très largement dépourvu de compétence. Doit-il en avoir ? Sous quelle forme ? C'est l'objet même de votre réflexion.

Aussi, je souhaiterais, avant de débattre ensemble, vous faire part de quelques réflexions sur la politique de l'emploi que mène aujourd'hui le Gouvernement et sur le rôle de l'État et des collectivités dans ce domaine.

1° Le Gouvernement a entrepris depuis plus d'un an une politique de redressement qui commence à porter ses fruits.

Des mesures importantes de soutien à l'activité économique ont été prises :

  • crédits aux bâtiments et aux travaux publics ;
  • mesures en faveur de la consommation telles que l'incitation à l'achat d'automobiles neuves, dont tout le monde reconnaît maintenant l'impact sur l'activité ;
  • suppression du décalage d'un mois en matière de TVA qui a permis de défendre la situation de trésorerie des entreprises, et particulièrement des petites et des moyennes.

Le ressort de cette politique est de restaurer la confiance, de faire en sorte que les entreprises réinvestissent et que les Français consomment davantage.

Aujourd'hui, des signes encourageants et concordants de reprise sont là.

Selon l'INSEE, après trois ans de forte baisse de l'investissement industriel, les chefs d'entreprises interrogés prévoient une augmentation de près de 2 % en volume pour l'année 1994. Ce redressement de l'investissement devrait s'accélérer en 1995.

Par ailleurs, pour la première fois, depuis 1990, la France a créé plus d'emplois qu'elle n'en a perdus : + 0,1 % au 1er trimestre 1994.

La production industrielle, enfin poursuit son redressement. Dans le bâtiment et les travaux publics, l'amélioration des perspectives d'activité apparaît très clairement, tandis que dans la construction automobile, l'éclaircie se confirme.

Après une forte récession, la croissance pourrait approcher les 2 % cette année.

Mais nous le savons bien, le redressement de l'économie et le retour à la croissance sont insuffisants s'ils n'ont pas d'effets sur l'emploi.

La lutte contre le chômage doit mettre en œuvre des dispositions autre qu'économiques. C'est l'objet des multiples mesures prévues par la loi quinquennale sur l'emploi, notamment la réduction des charges sociales sur les bas salaires, le développement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Vous connaissez les difficultés rencontrées par ce texte qui a pour objectif d'assouplir les réglementations et les mécanismes existants tout en préservant les droits essentiels des salariés. Ces difficultés ne doivent pas pour autant aboutir à un blocage durable dans notre pays de toute tentative de réforme des relations du travail, alors que des changements sont nécessaires.

En outre, le chômage des jeunes reste très préoccupant, parce qu'il est plus élevé chez nous que chez nos voisins, même s'il a très largement une cause démographique : la forte proposition de jeunes dans notre population au regard notamment de la situation allemande.

D'ores et déjà, mon collègue Michel Giraud réfléchit à un dispositif dit de « première marche » destiné aux 200 000 jeunes de moins de 25 ans fragilisés par leur absence complète de formation.

Plus généralement, cette politique de redressement économique et de lutte contre le chômage doit s'accompagner de réformes structurelles. Ces réformes supposent un certain courage politique compte tenu des échéances électorales et du fait que notre société est plus souvent guettée par la tentation de l'immobilisme plutôt que par la préparation de l'avenir.

Après les réformes de la fiscalité, de l'assurance vieillesse, le redressement des finances publiques et de notre endettement, la nouvelle politique d'aménagement du territoire et l'une des réformes qui sont autant de réponses aux différents blocages que connaît la France.

Le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire et le schéma national ont été présentés par le Premier ministre le 11 mai dernier.

Permettez-moi de rappeler deux objectifs de cette politique qui me paraissent établir un lien fort entre cette préoccupation de l'emploi et l'aménagement du territoire.

Premier objectif : insérer toutes les régions, avec leurs métropoles, leurs réseaux des villes et leurs pays ruraux, dans l'espace européen. Cela suppose que toutes les voies de communication, routières ferroviaires et fluviales contribuent à la structuration du territoire, et vous connaissez l'importance de ces aménagements sur l'emploi.

Aussi, il est proposé de créer un fonds d'investissement dans le domaine des transports qui permettra d'amplifier l'effort d'investissement, d'accélérer la réalisation des infrastructures indispensables au développement du territoire tout en assurant une véritable péréquation à l'intérieur de chaque mode de transport.

La création de ce fonds permettra de mettre la France au niveau de ses voisins en matière de grandes liaisons.

Deuxième objectif : réduire les disparités en permettant à chaque territoire de valoriser ses atouts.

À cet égard, la réforme de la taxe professionnelle est un des moyens de valoriser ses atouts.

Sous sa forme actuelle, la taxe professionnelle a, entre autres défauts, celui de pénaliser à la fois les industries de main d'œuvre et les communes les plus pauvres, en dissuadant les entreprises de s'y installer, parce qu'elles y trouveront souvent les taux les plus élevées.

Aussi, le projet de loi d'orientation prévoit de faire reposer son assiette, en tout ou en partie, sur la valeur ajoutée. En outre, s'agissant de son taux, plusieurs options sont retenues par le projet qui feront l'objet d'études complémentaires et de simulations, après le vote du Parlement.

S'agissant d'une réforme complexe, il faut que les simulations soient parfaites. L'expérience du remplacement de la patente par la taxe professionnelle en 1975 est encore dans toutes les mémoires.

2° La politique de l'emploi étant une compétence de l'État, il est permis de s'interroger sur la place des collectivités locales dans cette lutte contre le chômage.

Les collectivités locales n'en sont pas moins au premier rang de la lutte pour l'emploi non seulement parce qu'elles sont, après l'État, le deuxième employeur du pays avec plus de 1 350 000 fonctionnaires territoriaux, mais aussi parce qu'elles multiplient les initiatives en faveur de la réinsertion professionnelle en agissant de manière directe ou indirecte sur l'offre d'emploi.

Permettez-moi d'insister un instant sur ce sujet trop souvent négligé et à tort, de la fonction publique territoriale qui fait aujourd'hui l'objet d'un projet de loi.

En effet, je suis persuadé que depuis 1984, date de création du statut de la fonction publique territoriale, on n'a pas suffisamment pris en compte la diversité des 50 000 employeurs locaux, en tendant à leur appliquer un système centralisé trop directement inspiré de l'État, employeur unique.

Notre objectif n'est bien évidemment pas de remettre en cause les principes statutaires retenus depuis 1984 et 1987, mais très concrètement de prendre en compte des dysfonctionnements persistants qui ont un coût en termes d'emplois.

Je ne citerai qu'un seul exemple : il n'est pas normal qu'après dix ans de construction statutaire, la place des contractuels sont toujours aussi importante, voire croissante, alors que dans le même temps, le nombre de "reçus-collés" aux concours reste excessif.

Cela témoigne de ce qu'un certain nombre de mécanismes ne permettent pas suffisamment de répondre aux besoins exprimés par les employeurs locaux.

Aussi, le projet de loi qui a recueilli l'avis favorable du Conseil Supérieur de la Fonction Publique territoriale le 13 avril dernier, et qui sera déposé dans les prochains jours au Parlement a pour objet :

  • de clarifier les procédures de recrutement et de formation initiale ;
  • d'améliorer l'organisation du déroulement des carrières.

Par ailleurs, les collectivités locales ont une action directe sur l'offrir d'emplois par le biais principalement des contrats emplois-solidarité.

La mise en place de ces contrats devant permettre de contribuer au développement d'activités répondant à des besoins collectifs non satisfaits, les collectivités locales constituent logiquement les principaux employeurs des CES avec les associations : 25 % des personnes en CES travaillent dans les collectivités locales dont 40 % dans des communes.

Pour autant, le voudrais prévenir des possibles dérives dans l'utilisation de ces contrats par les communes sous la pression bien explicable de la montée du chômage.

En effet, à l'exception des contrats consolidés, ces contrats ont un caractère temporaire, ce qui n'en fait certainement pas une alternative aux emplois de la fonction publique.

En outre, en recrutant des agents au-delà de ce qui est nécessaire, les collectivités locales peuvent mettre en difficulté leurs finances.

Mais dans tous les cas, les collectivités locales n'ont pas à combler les carences des entreprises en matière d'emploi. Elles n'en ont d'ailleurs pas les moyens.

En revanche, c'est au niveau local qu'on peut organiser efficacement l'appui aux initiatives économiques et à la réinsertion professionnelle.

En cette matière, les dispositifs sont nombreux, sans toujours reposer sur une loi ou un décret : permanence d'accueil, d'orientation et d'information (PAIO), mission locale pour l'emploi et l'insertion des jeunes, plan local d'insertion économique (PLIE), "régie" de quartier, forums pour l'emploi.

Cette diversité est une bonne chose. Elle résulte d'une analyse locale de l'offre et de la demande d'emplois, de besoins spécifiques, de l'existence ou non d'un réseau associatif, etc. Elle est le résultat d'une volonté locale que l'État doit accompagner pour la rendre plus efficace.

C'est ainsi, en multipliant les initiatives en direction des entreprises et des demandeurs d'emplois, que les communes trouveront toute leur place dans la lutte contre le chômage.