Déclaration de M. Édouard Balladur, Premier ministre, sur le programme autoroutier du gouvernement et la réforme des sociétés d'autoroutes, le 19 décembre 1994.

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Circonstance : Signature d'un contrat de plan entre l'Etat et une société d'autoroute la SAPRR (Société des autoroutes Paris Rhin Rhône)-inauguration du dernier tronçon de l'autoroute A5 le 19 décembre 1994

Texte intégral

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs,

Nous signons aujourd’hui le premier contrat de plan entre l’État et une société autoroutière. Cette signature marque l’aboutissement d’une démarche commune d’aménagement du territoire et de développement économique, qui est celle du programme autoroutier du gouvernement.

J’avais annoncé cette réforme de grande ampleur dans le discours que j’avais prononcé à Metz, en novembre 1993 : elle se met en place aujourd’hui pour la SAPRR, et ce sera chose faite pour les autres sociétés d’économie mixte autoroutières dans les prochaines semaines.

C’est d’abord une démarche d’aménagement du territoire qui nous réunit. Ce dernier tronçon de l’autoroute A5 qui est inauguré aujourd’hui achève la liaison Paris-Dijon. Un itinéraire alternatif à l’autoroute A6, dont chacun connaît la saturation, est ainsi offert aux utilisateurs.

L’amélioration des conditions de circulation qui en résultera profitera à l’ensemble des régions traversées. Je m’en réjouis car le développement équilibré et l’aménagement du territoire ne constituent pas seulement un objectif politique, qui répond en définitive à l’exigence d’une égalité des chances entre les Français, mais aussi une action concrète à conduire pour satisfaire des besoins bien réels.

Cette démarche d’aménagement du territoire est également celle d’un aménagement durable, respectueux de l’environnement et de la vie. Le gouvernement veille à ce que l’implantation des autoroutes respecte les paysages et perturbe le moins possible les conditions naturelles. Des progrès considérables ont été accomplis dans ce domaine, en particulier par votre société : qu’il s’agisse des écoulements hydrauliques, des plantations ou des passages laissés aux animaux sauvages. Je voudrais saluer ces efforts et vous dire la volonté du gouvernement de les accroître encore pour rechercher une insertion toujours meilleure des infrastructures dans l’environnement.

Respectueuse de la vie, l’autoroute doit l’être de surcroît par la protection qu’elle offre aux voyageurs. Il se produit quatre fois moins d’accidents mortels par kilomètre parcouru sur autoroute que sur route. Ainsi, le programme autoroutier du gouvernement contribuera-t-il à sauver de nombreuses vies humaines. C’est un résultat dont je me félicite tout particulièrement et qui nous encourage à persévérer.

C’est enfin une démarche de développement économique qui guide le programme autoroutier du gouvernement. La réalisation de grandes infrastructures d’intérêt général constitue un moyen efficace de soutenir durablement la croissance économique.

Le gouvernement a beaucoup agi dans ce sens, notamment en débloquant les projets du TGV Est, du TGV Méditerranée et du canal Rhin-Rhône, qui étaient entravés pour certains depuis plusieurs années. Pourtant, le programme autoroutier que j’ai annoncé en novembre 1993 représente davantage encore : par le maillage de l’ensemble des régions françaises, par l’ampleur des investissements, par la réforme des structures du secteur autoroutier dans le sens d’une plus grande efficacité.

Toutes les régions françaises bénéficient du programme autoroutier. Le schéma directeur des autoroutes sera intégralement lancé en dix ans au lieu de quinze. 2 600 kilomètres seront ainsi construits sur l’ensemble du territoire national.

En ce qui concerne la SAPRR, toutes les liaisons déjà engagées seront achevées au cours des 5 ans de votre contrat de plan. Trois liaisons nouvelles pourront être engagées : le contournement Sud de Mâcon, le contournement Est de l’aéroport de Satolas et l’autoroute A 48 Ambérieu-Bourgoin, à laquelle la SAPRR se portera candidate. Le contrat de plan de la SAPRR prévoit pour cela un montant de 14 milliards de Francs de crédits de paiement et de 2,4 milliards de Francs de lancements de programmes pour les années 1995-1996.

Il s’agit, en effet, d’investissements d’une ampleur considérable. En dix ans, 140 milliards de francs de travaux seront lancés sur l’ensemble du réseau concédé français et 72 milliards de francs pour les années 1995 à 1999, c’est-à-dire pour les premiers contrats de plan des sociétés autoroutières. Ce programme contribue très largement au maintien et au développement de l’emploi dans le secteur des travaux publics. Il constitue ainsi l’un des éléments de la politique de lutte contre le chômage que mène le gouvernement depuis avril 1993. Cette politique commence aujourd’hui de produire ses effets. Elle demeure, plus que jamais, une priorité qui s’impose au gouvernement comme à la société française.

Enfin, le gouvernement a mis en œuvre une réforme profonde du secteur autoroutier pour lui permettre de financer ce programme de travaux dans des conditions économiques saines.

Les contrats de plan donneront aux sociétés concessionnaires une visibilité sur 5 ans, en matière notamment d’investissements et de péages, indispensable pour une activité de long terme. Une plus grande liberté de gestion ouvrira la voie à davantage d’innovation, par exemple, pour moduler les péages selon les itinéraires ou les périodes ou pour accroître la qualité du service rendu. La contrepartie de cette liberté se trouvera dans l’engagement des sociétés à respecter des objectifs, qu’elles auront définis contractuellement avec les pouvoirs publics, en particulier celui de maintenir l’évolution des péages à un niveau comparable à l’inflation.

Autre changement de taille : la constitution de trois grands groupes de sociétés d’économie mixte autoroutières, par le rapprochement de la SANEF avec la SAPN, des Autoroutes du Sud de la France avec ESCOTA et de votre société avec la société AREA. À l’intérieur de ces trois groupes s’opèrera la péréquation nécessaire entre les liaisons déjà économiquement mûres et financièrement excédentaires et les nouveaux axes construits dans l’intérêt de l’aménagement du territoire, mais qui ne seront pas immédiatement rentables.

Aux côtés de la société privée Cofiroute, ces trois groupes auront la taille nécessaire et les moyens suffisants pour entreprendre l’achèvement, en 10 ans, de lancement du programme autoroutier.

Cette réforme de grande envergure est maintenant acquise, au terme d’un travail patient d’une année. Elle a bénéficié d’une concertation étroite avec les élus départementaux et régionaux, qui jouent un rôle essentiel dans le système autoroutier, qu’il importe de maintenir et de développer. Elle a été mise en place sans heurts, en prenant la peine de convaincre chacun que ses préoccupations propres, loin d’être menacées par le changement, trouveraient au contraire leur plein épanouissement dans une modernisation bien conçue.

Monsieur le président, Mesdames, Messieurs,

Le succès de la réforme du système autoroutier, que consacre la signature de ce premier contrat de plan, témoigne de notre volonté d’avancer en faisant appel au sens des responsabilités de chacun.

Aux dirigeants du pays, il appartient de faire preuve d’exigence et de montrer le chemin des changements nécessaires, avec une ambition et une vision qui se projettent loin dans l’avenir.

Mais la réforme ne se décrète pas, la réforme ne s’improvise pas, la réforme ne se brutalise pas. Écouter les personnes intéressées, prendre en considération la diversité des points de vue, particulièrement le point de vue des Français les plus vulnérables devant les évolutions de l’économie, autorise, le moment venu, une décision plus juste que, sans doute, chacun n’accepte pas mais que chacun peut comprendre. Telle est la méthode du gouvernement ; elle a permis le succès qui nous réunit aujourd’hui. Elle constitue, j’en suis convaincu, la meilleure manière de faire retrouver à notre pays la voie du progrès, parce qu’elle se fonde sur la maturité de nos concitoyens. Je vous remercie d’en avoir témoigné.