Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les difficultés du secteur de l'élevage, notamment la crise de la viande porcine, la mise en place d'un mécanisme d'aide aux éleveurs (Stabiporc), la loi d'orientation agricole et la réforme de la PAC, Rennes le 16 septembre 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Carrefour européen SPACE à Rennes le 16 septembre 1998

Texte intégral

Le SPACE est devenu en quelques années une manifestation incontournable pour les acteurs du monde de l’élevage, tant sur le plan qu’international. Il est aussi incontournable pour le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, et c’est pour moi un très grand plaisir que de venir inaugurer la 12ème édition du Salon de la Production Animale – Carrefour Européen bien connu sous le nom du SPACE.

Je me réjouis de participer pour la seconde année consécutive à ce qui est devenu un des grands rendez-vous nationaux et internationaux de l’élevage, le SPACE de Rennes.
Je salue les délégations.

Cette grande manifestation de l’élevage se déroule au cœur d’une des grandes régions de production animale de notre pays. Elle témoigne de la vitalité de ce secteur, de son dynamisme, de son savoir-faire, disons-le de sa foi dans l’avenir et les capacités de développement de nos filières animales.

En effet, je n’ai pas l’intention de passer sous silence les difficultés auxquelles nos éleveurs sont confrontés, et j’y reviendrai longuement dans un instant.

Mais tous les secteurs ne sont pas dans la même situation, fort heureusement. Nos éleveurs de bovins bénéficient par exemple d’une conjoncture très favorable, après de difficiles années.

Alors bien sûr, je me dois d’évoquer tous les aspects en me rendant sur une exploitation de jeunes éleveurs, aujourd’hui même avant de vous rejoindre.

La crise du Porc.

Le prix du porc est passé la semaine dernière en dessous de la barre symbolique de six francs, au marché au cadran du Plérin. C’est une nouvelle étape dans une crise de surproduction européenne et mondiale qui sera longue et sévère.

Le niveau de prix auquel nous sommes parvenus est sans précédent. Il place un certain nombre de producteurs dans des situations très difficiles qui justifient l’intervention des pouvoirs publics.

Cette crise requiert une action vigoureuse, au plan national pour venir en aide aux éleveurs en difficulté, et au plan communautaire pour mettre en œuvre les mesures qui permettront d’assainir la situation d’un marché qui est européen et mondial.


1 – J’ai annoncé, vendredi dernier, les premières mesures nationales que je prenais pour venir en aide aux éleveurs de porcs français.

Elles sont inspirées par un souci de transparence et d’équité. C’est pourquoi ces mesures seront plafonnées et ciblées sur les éleveurs qui en ont le plus besoin.

Car même si les années 1996 et 1997 ont été favorables, les producteurs qui viennent de s’installer ou ceux qui ont récemment investi doivent être aidés si l’on veut éviter la fermeture de ces élevages ou leur reprise par des élevages de plus grande taille.

Car si rien n’est fait, cette crise amènera comme les précédentes son lot d’agrandissement des exploitations mais aussi de concentration de la production.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que depuis 1990, la production porcine française a progressé de près de 20%, les installations sont 2 fois moins nombreuses et il en est de même pour les élevages de moins de 500 porcs.

a) J’ai donc décidé de déclencher STABIPORC.

Ce mécanisme permet aux électeurs de bénéficier d’avances de trésorerie.

L’enveloppe totale de prêts ouverte à ce titre est de 420 MF. 348 MF seront apportées par un pool de banques et UNIGRAINS, l’OFIVAL apportant pour sa part 72 MF.

Les prêts seront versés aux producteurs aux taux les plus favorables.

J’ai souhaité apporter plusieurs modifications majeures au fonctionnement de ce dispositif, sur lesquelles j’ai obtenu l’engagement des cosignataires de STABIPORC :
- Le montant du prêt accordé à hauteur de 60 000 F est plafonné, ce qui correspond à une limite de 1 500 porcs par an.

Afin de valoriser les élevages les plus modestes qui sont aussi, souvent, les plus vulnérables, le montant de l’avance sera dégressif. Il sera de 50 F pour les 750 premiers porcs livrés puis de 30 F au-delà, dans la limite de 1 500 porcs commercialisés, ce qui correspond à un élevage d’environ 80 truies.

Il faut éviter que les élevages produisant plus de 1 500 porcs par an ne consomment trop vite l’enveloppe de prêts, c’est pourquoi les versements seront étalés sur 6 à 7 périodes. Cela permettra d’éviter une confiscation de l’enveloppe par les plus gros producteurs.

Une autre modification importante vise à assurer la transparence dans l’attribution des avances tant en ce qui concerne les bénéficiaires que les modalités de versement de l’avance.

b) Deuxième mesure, le dispositif permettant le report des charges sociales sera mis en œuvre.
c) Troisième mesure, je mets en œuvre un dispositif spécifique pour les éleveurs en difficultés, qui viendra renforcer les mesures traditionnelles. Une enveloppe de 70 MF permettra de prendre en charge une partie des annuités bancaires.
d) Quatrièmement, des mesures qui bénéficieront particulièrement aux jeunes agriculteurs et aux élevages familiaux ayant récemment investi et qui se trouvent en difficulté sont aussi mis en œuvre. Une enveloppe de 30 MF permettra de les aider. Une attention particulière sera portée aux naisseurs.
e) En outre, j’ai constitué une « cellule de crise » associant l’ensemble des professionnels du secteur et les responsables de mon administration afin de suivre l’application de ces premières mesures. Elle se réunira pour la première fois le 24 septembre.
f) Enfin, la relance de la consommation intérieure est une priorité. C’est pourquoi, l’OFIVAL réunissait hier la distribution afin que soit répercutées auprès du consommateur les baisses de prix observées à la consommation. Vous le savez, cette réunion a été fructueuse puisque les opérations de promotion sur les viandes fraîches commencées au mois d’août se poursuivront jusqu’à la fin de l’année et seront étendues aux produits transformés à base de porc au bénéfice de tous.

Afin de soutenir cet effort de solidarité de la filière, j’ai d’ailleurs souhaité accélérer la diffusion des résultats des enquêtes réalisées par l’Observatoire des coûts et des prix : ils feront ainsi l’objet d’une première communication et donc d’un débat entre les acteurs des secteurs (producteurs, transformateurs, abatteurs, distributeurs…) demain lors du Conseil spécialisé Porcin à l’OFIVAL. Il faut assurer une meilleure transparence sur la formation de prix au détail pour la viande fraîche et les produits transformés. Ce point est essentiel et je veux d’ailleurs encourager les professionnels à poursuivre le dialogue avec la distribution dans ce sens. La qualité du dialogue engagé hier avec la grande distribution sur ce sujet est encourageante.

g) Bien sûr, il faudra faire évoluer l’OCM pour éviter la répétition de ces crises, mais les producteurs doivent aussi prendre leur sort en main pour préparer dès aujourd’hui les instruments qui leur permettront de ne pas se trouver aussi démunis à l’avenir. J’ai obtenu l’accord des professionnels sur le principe de la constitution d’une « caisse de solidarité » qui sera alimentée par les acteurs de la filière et permettra de surmonter les périodes difficiles. Cet outil permettra de responsabiliser l’ensemble des professionnels du secteur. Car je le redis, on ne peut pas chanter les mérites du marché et du libéralisme quand le cadran va bien et clouer au pilori l’État quand le cadran chute. Le travail a déjà commencé sur ce sujet ainsi que les modifications à apporter à l’OCM puisqu’un premier groupe de travail animé par mes services et associant l’ensemble des professionnels de la filière s’est réuni hier.

Mais faut-il le souligner, je n’ai pas attendu l’ouverture du SPACE pour parler maîtrise de la production porcine. Dès juillet 1997, conscient de ce qui allait se passer, j’avais demandé à mon cabinet de travail avec les professionnels sur ce sujet, mais aussi sur le « caisse de solidarité ». Et si certains journaux avaient été attentifs, il aurait noté que j’avais longuement évoqué cette question lors de l’Assemblée Générale de la FNP en juin dernier.

Et l’on progresse vite puisque la réunion d’hier a arrêté un calendrier de travail qui permettra de me présenter des propositions tant sur la maîtrise sur la production que sur la caisse de solidarité dès la mi-novembre.

h) Par-delà cet ensemble de mesures d’urgence, la question qui nous est posée n’est pas de savoir si la filière porcine se sortira de cette crise, comme on me le demandait hier, car elle s’en sortira. Reste à savoir comment ?

Aurons-nous après cette crise des élevages encore plus grands, plus intégrés, ou bien réussirons-nous à maintenir un tissu d’élevages de taille raisonnable.

2 - Ces mesures soutiendront nos éleveurs dans cette période difficile, mais elles seraient d’un faible secours si des mesures communautaires n’étaient pas prises tant il est vrai que nous sommes en présence d’une crise qui est européenne.

C’est pourquoi j’ai demandé au Commissaire FISCHLER la mise en œuvre des mesures suivantes :
a) L’ouverture du stockage privé qui permettra de soulager immédiatement le marché et donnera aux opérateurs le temps de chercher de nouveau débouchés hors de l’union européenne, pour dégager les excédents communautaires.

Le comité de gestion réuni hier a décidé d’ouvrir le stockage privé pour un volume de 70 000 tonnes.

b) Une augmentation importante des restitutions sur certaines destinations qui permettra d’exploiter pleinement les possibilités de marchés commerciaux existant, et de compenser la fermeture, je l’espère provisoire, du marché russe.

Les décisions de la Commission.

Au terme de la journée d’hier, force était de constater que je n’y trouvais pas mon compte. J’avais pourtant insisté sur la nécessité de l’augmentation des restitutions. Mais, j’ai cru comprendre de ma conversation avec M. FISCHLER que cette question reviendrait au prochain Comité de gestion. En attendant, la Commission a accepté de prolonger la durée de validité des certificats d’exportations détenus par nos opérateurs et encore utilisés.

c) L’organisation d’une opération d’aide alimentaire en faveur de la population russe.
d) La mise en œuvre dans toute l’union européenne de mesures de maîtrise de la production, afin de réduire l’offre européenne dans les 6 mois à venir. Les instruments permettant de réduire la production existent, il s’agit de la réduction du poids des carcasses et de la réduction du cheptel destiné à l’engraissement. Ils doivent être mis en œuvre sans attendre dans toute l’Europe pour sortir de la crise. Je continuerai à agir dans ce sens dans les semaines qui viennent.

Mais au-delà, Monsieur Le Métayer a raison de le souligner, la crise que nous traversons doit conduire à une remise en cause de l’organisation commune du marché du porc telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Cette OCM d’inspiration libérale conduit à la répétition de crises à chaque fois plus violentes et plus destructrices, à une concentration et une intégration croissante de la production, au détriment des intérêts des éleveurs de porcs et de l’ensemble des citoyens. Cette OCM doit donc être réformée. J’ai demandé la réunion d’un groupe de travail avec les professionnels pour réfléchir aux propositions qui seront faites à Bruxelles dans ce domaine.

La gravité de la situation nécessite que chacun se mobilise, les pouvoirs publics bien sûr mais aussi les professionnels tant au niveau national que communautaire. Pour ce qui me concerne, le calendrier des jours qui viennent est clair et il témoigne de ma détermination. Il faut tout à la fois travailler à convaincre la Commission et nos partenaires de l’Union Européenne et poursuive avec les professionnels.

L’application de la circulaire « Voynet-Le Pensec ».

Il me faut répondre à une autre question, souvent posée au cours des derniers jours. Elle concerne le lien que certains voudraient faire entre la crise actuelle du marché du porc et la mise en œuvre de la circulaire relative aux zones d’excédents structurels.

Tout au long des discussions qui ont eu lieu sur le PMPOA et les programmes de résorption, depuis 1993, les professionnels ont insisté pour que soient bien distingués ce qui relève de l’organisation de la production et du marché du porc, d’un côté, et ce qui relève de la lutte contre la pollution de l’eau, de l’autre. Ils se sont opposés à ce que les mesures nécessaires au respect de la directive « nitrates » ne soient pas utilisées comme un outil de régulation de la production.

Je pense comme eux qu’il s’agit de deux sujets différents. La lutte pour la reconquête de la qualité de l’eau nécessite des efforts continus, quelle que soit la situation de marché, et la mise en œuvre de mesures adaptées au but poursuivi, celui de faire baisser le taux de nitrate dans l’eau. La mise en marche nécessite des mesures économiques, conjoncturelles et structurelles permettant d’ajuster l’offre à la demande. Le mélange des deux sujets mélange des deux sujets n’est pas plus justifié aujourd’hui.

Au-delà des sujets d’actualité, je souhaite aussi évoquer avec vous les 2 grands chantiers qui vont nous occuper dans les semaines qui viennent, je veux parler de la loi d’orientation agricole et la réforme de la politique agricole commune.

Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce projet d’orientation agricole. Il est désormais bien connu.

L’ambition de ce texte est de permettre l’existence et l’avenir d’exploitations nombreuses dirigées par des agriculteurs responsables porteurs de leur propre projet et indépendants.

Notre ambition est aussi de faire que l’agriculture soit prise en compte dans toute sa dimension, qu’elle ne soit pas réduite à la seule activité de production de matière première. Bref, vous le savez, ce dont il s’agit c’est de faire reconnaître par la politique agricole la multi fonctionnalité de l’agriculture. C’est-à-dire le fait que l’agriculture joue un rôle non seulement économique mais aussi un rôle environnemental.

L’ambition de ce projet de loi d’orientation agricole, c’est aussi de permettre à l’agriculture de continuer à jouer le rôle essentiel qui est le sien dans l’occupation équilibrée de notre territoire. Dans ce domaine aussi j’en suis convaincu le « laisser faire » ne peut aboutir qu’à des évolutions extrêmement négatives, concentration excessive d’un côté, abandon de territoires de l’autre.

C’est aussi se préoccuper des conséquences de la politique agricole sur l’emploi. J’ai déjà eu l’occasion de le dire et de le répéter : il ne me paraît pas normal que la politique publique contribue à la disparition d’exploitations et à la disparition d’emplois. Elle ne peut être justifiée dans la situation que nous connaissons que par la contribution qu’elle apporte au maintien et à la création d’emploi dans notre pays.

Voilà rapidement rappelés les grandes orientations que j’entends mettre en œuvre par cette loi d’orientation.

Celle-ci a été examinée par la Commission de la Production et des Échanges de l’Assemblée Nationale au début de l’été.

L’Assemblée Nationale examinera en première lecture le projet de loi d’orientation agricole su 5 au 12 octobre prochain.

Il viendra ensuite en débat devant le Sénat dans le courant du mois de janvier.

Le Gouvernement a demandé l’urgence pour ce projet de loi. Ceci devrait permettre si tout se passe bien, de terminer les travaux parlementaires avant la fin du premier trimestre de l’année 1999.

Dans le même temps le travail de préparation des décrets d’application de cette loi est déjà engagé. C’est en effet ce qu’ont souhaité les parlementaires comme les organisations professionnelles.

Je voudrais à ce propos faire une mention particulière du travail de préfiguration des contrats territoriaux d’exploitation par les avis et les propositions de l’ensemble des partis intéressées à la mise en œuvre de cette loi.

J’avais souhaité que ce travail soit engagé dans une dizaine de départements. Le succès est allé bien, au-delà de ce que j’envisageais, puisqu’au moment où je m’apprêtais à arrêter la liste des dix départements retenus, plus de cinquante d’entre eux avaient fait acte de candidature. Il m’a semblé préférable dans ces conditions de laisser le champ de la réflexion aussi largement ouvert que possible.

Le travail est maintenant engagé. Je souhaite vraiment qu’il s’agisse d’un travail de réflexion libre et approfondi afin que nous réussissions à faire des contrats territoriaux d’exploitation les outils d’une nouvelle politique agricole.

Ce travail sera extrêmement utile au moment où s’engage la réforme de la Politique Agricole Commune.

Il y a en effet dans mon esprit un lien étroit entre les débats nationaux que nous avons autour de la L.O.A. et la réforme de la P.A.C. Aussi je tiens à vous rassurer j’ai cette préoccupation moi aussi à l’esprit, et c’est précisément parce que je veux pouvoir peser dans les débats à Bruxelles dans le sens que nous souhaitons en France qu’il était nécessaire et urgent d’avancer dans le travail d’élaboration de notre Loi d’Orientation Agricole en France.

La politique agricole doit permettre d’atteindre plusieurs objectifs :
1) Préserver le revenu des agriculteurs ;
2) Contribuer par une intervention publique efficace à l’équilibre des marchés agricoles qui sont par nature spéculatifs ; la crise porcine que j’évoquais tout à l’heure en est me semble-t-il une excellente illustration ;
3) Assurer la sécurité alimentaire de l’Europe ;
4) Permettre une valorisation équilibrée de l’ensemble des territoires.

Je ne pense pas qu’il soit possible de faire autrement et de faire reposer toute la politique agricole sur les seules aides directes au revenu des agriculteurs comme le propose la Commission.

Par ailleurs, il apparaît que l’intérêt général essentiel de ce projet de réforme ne tient pas à sa capacité à instaurer durablement l’équilibre des marchés agricoles. Son intérêt serait plutôt de dégager des marges de manœuvre à la Commission dans le cadre des prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce. En baissant les prix garantis, elle pourrait demain, plus facilement, accepter une nouvelle réduction de la préférence communautaire, une diminution supplémentaire du budget accordé aux restitutions à l’exportation, etc…

Les épisodes récents, en particulier celui de la négociation d’un accord de libre-échange avec le MERCOSUR, montrent qu’il n’est pas possible de donner de chèques en blanc à la Commission dans ce domaine. Il faut au contraire limiter autant que possible la marge de négociation dont elle peut bénéficier dans ces prochaines négociations de l’organisation mondiale du commerce.

C’est pourquoi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je défendrai une position consistant à demander à mes collègues européens de mettre en œuvre les ajustements strictement nécessaires à l’équilibre des marchés agricoles. Quels sont-ils pour les productions animales ?

Constatons les grandes lacunes du projet de réforme de la Commission.

En quoi permettra-t-il d’assurer l’avenir des productions porcines et avicoles ? En rien. Le prix des céréales est aujourd’hui très bas, ce qui n’empêche pas nos éleveurs d’affronter la crise que j’ai longuement évoquée tout à l’heure.

Tout le travail reste à faire. C’est ce à quoi j’ai invité mes partenaires en France et en Europe.

Les autres productions animales sont-elles mieux traitées ? Je ne le crois pas.

S’agissant de la viande bovine, je n’insisterai jamais assez sur le fait qu’à mes yeux la baisse des prix garantis ne constitue pas la solution au problème que cette production devra affronter à l’avenir. L’adaptation de l’organisation commune du marché de la viande bovine doit reposer sur deux piliers : adaptation des prix à l’évolution des prix de la viande rouges à moyen terme. Cela dépendra donc du niveau retenu au bout du compte pour le prix des céréales.

La baisse du prix d’intervention doit être intégralement compensée pour tous les types de production, qu’il s’agisse des vaches allaitantes ou des bovins mâles.

Et puis surtout ne l’oublions pas, les outils de maîtrise de la production doivent être renforcés :
    Les génisses doivent être éligibles à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ;
    L’ajustement des quotas nationaux de prime à la vache allaitante proposé par la Commission me paraît nécessaire ;
    L’augmentation progressive de la prime à l’extensification et le durcissement des critères d’éligibilité me paraît être aussi une voie que l’on ne peut pas refuser. Il faut sans doute par contre définir les conditions dans lesquelles nous nous y engageons ;
    La prime à la transformation des jeunes veaux doit être maintenue ;
    Les moyens permettant de favoriser une réduction progressive du poids des carcasses des animaux abattus doivent également être étudiés.

C’est en jouant sur l’ensemble de ces instruments que l’on pourra assurer durablement l’équilibre du marché de la viande bovine.

S’agissant de la production laitière je l’ai dit et je le répète, l’abandon des quotas laitiers serait une erreur, et je m’y oppose. C’est pourquoi je refuse purement et simplement la position de la Commission en ce domaine.

Mais il faut dans le même temps, à l’occasion de cette négociation, commencer à réorienter la politique agricole commune. Les aides doivent être en partie distribuées de façon différente de la situation que nous connaissons aujourd’hui. Il faut passer d’une logique de filière à une logique plus horizontale permettant un développement équilibré des exploitations sur le territoire.

C’est pourquoi j’ai soutenu les idées de modulation des aides, bien sûr il ne s’agit pas d’inventer des solutions qui ne toucheraient que la France. Il ne s’agit pas non plus d’inventer des solutions qui auraient pour seul objectif de contribuer au financement du contrat territorial d’exploitation.

C’est la politique européenne qui doit être infléchie, il faut donc un cadre communautaire à cette modulation des aides qui devrait toucher l’ensemble des États membres. Deux idées sont avancées par la Commission pour le moment : l’idée d’un plafonnement dans certaines conditions. Je ne récuse pas l’idée de plafonnement, ce que je refuse dans la proposition de la Commission c’est le fait que les économies ainsi réalisées au lieu de revenir aux États membres et aux agriculteurs des États membres seraient une simple source d’économie pour le budget communautaire. Dans ces conditions elle ne le paraît pas acceptable.

Il me semble que nous pouvons utilement travailler à préciser ce règlement communautaire pour que les critères de prélèvement et de distribution de ces crédits soient conformes aux intérêts de notre agriculture, et aux orientations dont j’ai parlé tout à l’heure à propos de la loi d’orientation agricole.

Voilà quelles sont les orientations que je défendrai dans le débat communautaire sur la réforme de la politique agricole commune.

Vous le voyez, les mois qui viennent seront déterminants. Il faudra donc qu’ensemble nous dialoguions et nous nous mobilisions au service des intérêts de nos agriculteurs et de l’agriculture de notre pays.