Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué à la santé, sur les grands enjeux de santé publique (éducation pour la santé, prévention, dépistage notamment du cancer du sein, réorganisation des établissements de soins notamment en périnatalité, formation des professionnels de la santé), Tarbes le 7 octobre 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journées Pyrénéennes de gynécologie à Tarbes le 7 octobre 1994

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Chers confrères et chers amis,

Les journées de gynécologie sont exemplaires à plus d'un titre.

C'est pourquoi, je suis tout particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui, et pour deux raisons au moins.

D'abord, parce que ces journées se déroulent à Tarbes, dans le département des Hautes-Pyrénées.

Rien, à priori, ne disposait cette ville à devenir un haut lieu de la médecine, ni les premières journées gynécologiques à devenir un rendez-vous annuel toujours plus riche, toujours plus large et toujours plus prisé.

Tout cela a été possible grâce à la perspicacité des organisateurs que je veux ici saluer et remercier tous à travers nos amis, Michel Dagues-Bie et Pierre Couderc.

Je crois bien que c'est la première fois que le ministère de la Santé ainsi que le ministère de l'Éducation nationale participent financièrement à l'organisation de ce colloque. C'est dire qu'il est reconnu.

Réunir une cinquantaine de conférenciers de haut niveau et plus de 400 participants, voilà la démonstration de la vitalité des journées pyrénéennes de gynécologie.

Avec un soutien toujours plus actif de la part des collectivités locales, je ne doute pas que ce rendez-vous des-professions médicales sera, demain, plus rayonnant et plus attractif encore.

Je veux dire pourquoi, et ce sera mon deuxième motif de satisfaction.

Les journées pyrénéennes répondent à une attente et à un besoin.

Elles répondent à une attente car elles sont bien articulées autour d'un thème, plus large que leur intitulé, qui concerne la santé de la femme.

Elles répondent également à un besoin, que l'on pourrait cerner à travers le nécessaire renforcement des actions de santé publique, et vous comprendrez aisément que le ministre en exercice ne saurait y être insensible, bien au contraire.

Je voudrais à présent évoquer devant vous quatre sujets qui me tiennent particulièrement à cœur et qui sont aussi les termes de votre congrès.

Je commencerai par l'éducation pour la santé.

Un récent sondage Ipsos sur la femme et sa santé, dont vous avez certainement pris connaissance avec grand intérêt, montre que 90 % des femmes souhaitent, dès l'école primaire, une large information sur la santé.

C'est un fait nouveau, puisqu'il y a dix ans la tendance était inverse et l'on craignait que le fait de parler à l'école de la drogue, du tabac ou de l'alcool joue un rôle incitatif.

L'hygiène et la santé peuvent et doivent faire pleinement partie de l'éducation des jeunes dès leur entrée dans l'univers scolaire et être, comme la lecture et l'écriture, une base de leur future condition d'hommes et de femmes libres et responsables.

C'est un enjeu majeur, c'est un enjeu de société, un droit pour les enfants et un devoir pour les pouvoirs publics, pour les familles et pour les professions de santé.

Nous avons beaucoup travaillé avec François Bayrou sur ce sujet, et le contrat pour l'école prévoit la présence d'une infirmière dans chaque établissement scolaire de plus de 500 élèves.

Nous demanderons également aux étudiants en médecine de se former à l'éducation pour la santé, de façon à venir renforcer les médecins scolaires, dont le nombre est aujourd'hui notoirement insuffisant.

Après l'éducation pour la santé, il est naturel d'évoquer ce qui sera mon deuxième sujet : la prévention.

La prévention et l'éducation pour la santé sont les deux faces d'une même médaille.

L'une comme l'autre participe à la transformation même de l'idée de médecine qui, du stade curatif et individuel, doit évoluer vers une forme préventive et collective.

L'une des difficultés, le sondage que j'évoquais tout à l'heure l'a bien mis en évidence, réside dans le fait que la prévention concerne d'abord des personnes bien informées et en bonne santé.

Les chiffres relatifs au dépistage du cancer du sein que madame Veil et moi-même avons étendu avec l'aide de plusieurs conseils généraux, le démontrent également : c'est l'âge et le milieu socio-économique qui déterminent la fréquence du dépistage.

Plus on est jeune et plus on est informé et mieux on se soumet aux mammographies de dépistage, alors que la fréquence du cancer augmente avec l'âge.

Il faut donc développer des actions de prévention ciblées, en rapport avec des études épidémiologiques bien précises, pour mieux toucher les populations à risque.

C'est, là aussi, un enjeu de société, qui doit mobiliser certes l'État, mais aussi les collectivités locales et les professions de santé.

À ce sujet, je voudrais, d'une part, lancer un nouvel appel au conseil général des Hautes-Pyrénées et à tous les autres pour rejoindre la trentaine de départements déjà engagés, avec les CPAM et la MSA, dans les actions de dépistage du cancer du sein.

Et, d'autre part, redire combien les médecins généralistes seront le maillon essentiel de toutes les actions de prévention.

C'est le médecin généraliste qui est au contact des malades, au sein des familles, dans un environnement bien circonscris et pour des échantillons de population bien délimités.

Le médecin généraliste est donc le premier acteur de la santé publique, on ne le dira jamais assez.

Si l'éducation et la prévention sont les deux piliers de la politique de santé publique que je m'efforce de mettre en œuvre, je ne saurais négliger la nécessaire réorganisation et adaptation des établissements de soins, et c'est le troisième point dont je voulais vous faire part.

Il s'agit, je le répète, de mettre en place un véritable réseau d'établissement de soins, gradué et coordonné, sans oublier que le premier élément de ce réseau n'est pas à proprement parler un établissement puisqu'il s'agit des médecins généralistes.

C'est notamment dans ce contexte que s'inscrit le plan de périnatalité que madame Veil et moi-même avons rendu public en avril dernier.

Il fallait, en effet, après le plan gouvernemental sur la périnatalité des années 70, redonner à notre pays la qualité et la sécurité des actes sanitaires liés à l'accouchement que l'absence de suivi dans les années 80 avait contribué à dégrader.

Il n'est pas admissible que la France occupe le 13ème rang des pays de l'OCDE pour les indicateurs concernés et, aujourd'hui encore, 6 % des femmes n'ont jamais consulté l'équipe de maternité avant l'accouchement.

Ainsi, la mortalité périnatale était, en 1990, de 8,3 pour mille en France, et seulement de 6 pour mille en Allemagne et de 6,7 pour mille en Espagne.

Un nouveau plan pour la périnatalité s'imposait donc et quatre objectifs ont été fixés pour les cinq ans à venir.

Je vous les rappelle :

– diminuer la mortalité maternelle de 30 % ;
– renforcer la surveillance des femmes enceintes pour réduire de moitié les pathologies des nouveau-nées ;
– abaisser la mortalité périnatale d'au moins 20 % ;
– enfin, réduire de 25 % le nombre de nouveau-nées hypotrophiques.

L'amélioration de la surveillance de la grossesse doit rester au cœur de nos préoccupations.

C'est pourquoi un certain nombre de mesures nouvelles seront prises et je vous en citerai quelques-unes.

L'agence nationale pour l'évaluation médicale a été chargée d'élaborer un guide des bonnes pratiques cliniques durant la grossesse avec le concours de professionnels et ce guide sera largement diffusé auprès des médecins généralistes, des gynécologues obstétriciens, des gynécologues médicaux, des sages-femmes.

Chaque femme enceinte doit recevoir un carnet de santé qui est un élément important du suivi de la grossesse tant sur le plan de l'éducation de la santé que pour permettre à chaque intervenant médecin ou sagefemme de disposer de l'information dont il a besoin.

Enfin, le renforcement de la sécurité dans les maternités s'effectuera selon trois axes prioritaires :

– présence accrue des personnels médicaux, y compris les pédiatres ;
– formation, notamment des sages-femmes, du fait de leur présence permanente en salle de naissance, à la réanimation du nouveau-né ;
– Réseau de soins gradués en fonction de l'organisation des maternités.

Toutes ces mesures sont réalisables et j'ai d'ailleurs souhaité que soit réalisée d'ici trois ans une évaluation des premiers progrès réalisés.

Je voudrais également vous faire part de notre politique de dépistage des cancers gynécologiques et je vois que vous avez dans vos journées de formation la pratique du frottis.

Il me parait important de mettre vos connaissances et vos énergies en commun pour améliorer la qualité du dépistage du col utérin très lié à la qualité du prélèvement effectué et de sa lecture et à informer les femmes de la nécessité d'un dépistage régulier.

Enfin, alors même que 1994 est l'année internationale de la famille je vous invite à une réflexion éthique sur les problèmes qui se posent dans votre pratique quotidienne.

Les mesures que j'ai présentées jeudi dernier pour lutter contre la mort subite du nourrisson s'inscrivent dans cette même logique de santé publique.

Cette cause de décès représente le quart de la mortalité infantile, soit un taux de 1,93 pour mille naissances vivant en 1991.

L'objectif de ces nouvelles mesures gouvernementales est donc de réduire d'au moins 30 %, d'ici un an, la mortalité par MSN.

Ces mesures sont au nombre de trois et je crois utile de les rappeler :

1. Information des parents, en leur permettant de disposer des recommandations susceptibles de réduire les risques de MSN. 

2. Information et formation des professionnels de santé, notamment en liaison avec l'assemblée des présidents de conseils généraux dans le cadre de la PMI.

3. Amélioration de la prise en charge de la MSN, afin de renforcer les études épidémiologiques, les actions de formation et de recherche et le suivi psychologique des familles, par le biais des centres pédiatriques de référence dont le rôle sera précisé par voie de circulaire.

Enfin, le quatrième et dernier sujet dont je souhaiterais vous entretenir concerne l'enseignement post-universitaire des médecins et d'une manière générale, la formation des professionnels de la santé.

Je ne saurais l'oublier ici : c'est le groupe d'enseignement post-universitaire des médecins des Hautes-Pyrénées qui organise les journées pyrénéennes de gynécologie et de médecine générale.

Je souhaite que les enseignements post-universitaires et la formation continue des professions paramédicales soient renforcés.

Pour cela, je crois utile de faciliter la déconcentration de certains enseignements ou parties d'enseignement universitaires.

Pourquoi n'utiliserait-on pas mieux les compétences de tel ou tel praticien dans un hôpital général ?

L'excellence n'est pas exclusivement dans les CHU.

Je sais que, notamment, l'hôpital de Tarbes envisage, en liaison avec le CHU de Toulouse, de mettre sur pied une telle formation.

Je crois aussi que le développement des nouvelles technologies de l'information et les télécommunications faciliteront la décentralisation des enseignements et des formations.

Aussi, je suis heureux de vous annoncer que je proposerai au gouvernement, dans le cadre du lancement des autoroutes de l'information, de retenir une expérimentation santé en vraie grandeur dans l'ensemble de la région Midi-Pyrénées.

Cette expérimentation santé comprendra plusieurs volets dont la télémédecine et la formation.

De plus, les nouvelles techniques de l'information et les outils multimédias permettront de mieux préparer le réseau de soins gradués et coordonnés que j'évoquais tout à l'heure.

Pour terminer, j'ai déjà été bien long, je voudrais vous redire combien je crois que seule la maîtrise médicalisée des dépenses de santé permettra de sauvegarder notre système de protection sociale.

Les français apprécient leurs médecins et sont très attachés à la sécurité sociale.

Pour garantir un droit à la santé pour tous, et en particulier pour les plus démunis, les professionnels de la santé sauront, j'en suis convaincu, accompagner et prendre en charge les objectifs que j'ai exposés tout au long de mon allocution.

C'est ma fierté de médecin de pouvoir partager cette conviction avec vous.

Je vous remercie de votre attention.