Déclaration de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, sur la politique d'éducation artistique et sur la mission éducative des institutions culturelles, Paris le 28 juin 1994.

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Circonstance : Présentation des premiers sites retenus en application du protocole interministériel sur l'éducation artistique à Paris le 28 juin 1994

Texte intégral

Monsieur le ministre de l'Éducation nationale
Monsieur le représentant du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Monsieur le représentant du ministre de la Jeunesse et des Sports
Monsieur le Chancelier de l'Institut. Président du Haut Comité des enseignements artistiques
Madame le Recteur
Mesdames et Messieurs les élus

1. La politique d'éducation artistique

Vous savez que j'ai retenu l'Éducation artistique comme une de mes priorités, dès mon arrivée rue de Valois.

Cela s'est concrétisé dans les faits, puisque le 17 novembre 1993, un protocole d'accord relatif au développement de l'éducation artistique était signé entre nos quatre ministères : Éducation nationale, Culture, Jeunesse et Sports, enseignement supérieur et recherche, élargissant le caractère interministériel de cette vaste ambition.

Le protocole rappelait notamment que les enseignements et les pratiques artistiques, à l'échelle d'un territoire, ne reposent pas seulement sur les structures d'enseignement, générales ou spécialisées, mais sur les structures culturelles, et les équipements socio-éducatifs, ainsi que sur les collectivités locales, dont l'implication est croissante dans ce domaine.

Pour nous, il ne peut y avoir de véritable éducation artistique :

– sans une approche pratique des disciplines artistiques, 
– sans une fréquentation régulière des lieux patrimoniaux ou des lieux de diffusion des œuvres, 
– sans contact des enseignants et des élèves avec les équipes de création, les artistes, les responsables culturels.

Aussi, la contribution essentielle du ministère de la Culture, dans la dynamique de partenariat que nous voulons créer, consiste à mobiliser les professionnels de la culture pour des interventions de qualité en direction du milieu scolaire, mais aussi, et j'y reviendrai, à l'égard du milieu socio-éducatif.

Nous avons délibérément choisi, pour donner un nouveau souffle à l'Éducation artistique, une politique de « Sites », lieux d'expérimentation et d'illustration, qui concentrent, sur un territoire donné, les ressources des quatre ministères. Dans le droit fil de la déconcentration, elle donne une part déterminante à l'initiative des services territoriaux de l'État, (des directions régionales des affaires culturelles, pour ce qui concerne mon département ministériel).

Cela suppose un renforcement de la coordination de leurs actions en amont. Cette politique est donc une harmonisation des dispositifs existants elle ne vient pas se surajouter à ce qui existe déjà, mais elle a pour objet :

– de mettre en cohérence les programmes d'action des différents ministères concernés ;
– de coordonner la diversité des actions menées par les collectivités locales dans ce domaine.

C'est une politique qui se propose de donner un sens à l'action de toutes les volontés qui s'expriment sur le terrain – mais qui ne veut pas obliger qui que ce soit.

Dans cet esprit, si telle collectivité veut intervenir davantage dans un domaine culturel particulier, qu'il s'agisse de prolonger l'effort sur la musique, le théâtre ou le patrimoine par exemple, c'est le jeu légitime de la décentralisation qui s'applique.

En revanche, il est du devoir de l'État de garantir, par son action et son soutien financier, le minimum indispensable à chaque enfant, où qu'il se trouve. Il convient donc d'affecter prioritairement les crédits d'État consacrés aux actions communes avec les collectivités locales, à cette grande œuvre dont nous prenons aujourd'hui l'initiative.

2. Les sites retenus

La mission pour le développement de l'éducation artistique, dont la création avait été annoncée en novembre dernier, a donc été créée ; elle est composée, de 5 personnes qui se consacrent à temps plein à ce grand projet depuis le début de cette année ; ils sont bien entendu présents cet après-midi, et pourront répondre à toutes vos questions.

Les membres de cette mission se sont rendus personnellement dans chacun des 13 sites retenus, et ont permis de faire aboutir ces premiers dossiers.

Je tiens à les remercier très vivement de l'ardeur dont ils ont fait preuve dans cette première partie de leur mission.

Les treize sites retenus sont des départements, à l'exception de la Région Franche Comté, qui a été choisie en tant que territoire régional, regroupant quatre départements, à la demande du préfet de région ; tout cela est détaillé dans le dossier de presse.

Pour ces premières expérimentations sur le terrain, nous avons souhaité la plus grande diversité possible. C'est ainsi qu'à côté de départements à forte dominante rurale, comme la Lozère et l'Aveyron, on trouve des banlieues difficiles, en Seine-et-Marne, où à Lyon, dans le Rhône. Et nous n'avons pas oublié les départements frontaliers ou maritimes, ni ceux possédant une solide tradition en matière de langue régionale : le Breton dans les côtes d'Armor, ou le Béarnais et le Basque dans les Pyrénées-Atlantiques.

Dans les treize sites retenus, l'objectif est clair : il s'agit d'offrir à un nombre d'enfants de plus en plus grand, des parcours d'initiation artistiques et culturels, intégrés au cadre scolaire, encadré par les enseignants, eux-mêmes sensibilisés aux richesses de leur environnement culturel de proximité.

3. La mission éducative des institutions culturelles

La politique du développement des sites, pour le ministère de la Culture et de la Francophonie, cela veut dire réaffirmer la mission éducative des institutions culturelles.

Pour y parvenir, je rappelle les trois objectifs que je me suis donné :

1. Mobiliser les professionnels de la culture. Je souhaite, pour ma part, que les missions des institutions culturelles et artistiques comportent cette dimension d'éducation. Et pour être concret, je pense qu'il faut structurer, au sein de ces institutions, de véritables services d'action éducative, susceptibles d'offrir en direction du monde scolaire et socio-éducatif des collaborations de grande qualité.

Le ministère de la culture favorise déjà les jumelages avec les établissements d'enseignement. Les jumelages devront s'intégrer, aux plans de Site, dans les départements concernés ; un cahier des charges conçu en commun devra préciser le contenu précis des parcours proposés aux élèves.

2. Le second objectif est que nous ne pouvons plus ignorer le secteur socio-éducatif et les structures qui le composent. Les maisons de quartier, les maisons des jeunes, les foyers ruraux (pour ne citer qu'eux) doivent âtre de nouveaux lieux de médiation artistique et culturelle. Nous devons donc travailler au rapprochement du secteur culturel et du secteur socio-éducatif.

3. Enfin, il ne peut y avoir de développement de l'éducation artistique sans que celle-ci ne soit prise en compte dans la politique d'aménagement culturel du territoire. Car, si les enseignements obligatoires à l'école peuvent assurer le principe d'égalité pour tous les enfants, la proximité d'équipes et de lieux artistiques est la condition d'une véritable éducation artistique de qualité.

Avant de passer la parole à monsieur le ministre de l'Éducation nationale, – sans l'aide duquel rien ne peut se faire dans ce domaine – puisque l'éducation artistique commence d'abord à l'école. Je voudrais rappeler quelle est l'ampleur du problème auquel nos quatre ministères se sont attelés, ensemble :  11 millions (onze millions) d'enfants à l'école primaire et au collège reçoivent 2 heures d'enseignement artistique obligatoire par semaine, assurées par les instituteurs et les professeurs de l'Éducation nationale.

Simultanément, une éducation artistique que l'on pourrait appeler « d'excellence », est offerte dans les écoles, les collèges et les lycées, au titre des enseignements optionnels, et des activités complémentaires, en partenariat avec le ministère de la culture ; le ministère de la Jeunesse et des Sports y contribue également.

Vous trouverez le détail de ces chiffres dans le dossier qui vous a été remis.

L'ensemble de ces enseignements que je qualifie d'excellence, enseignement de spécialités, classes culturelles, ateliers, opération « collège au cinéma », ainsi que les projets d'écoles et d'établissements représentent environ 500 000 élèves, 500 000 par rapport aux 11 millions d'écoliers et de collégiens.

Cela revient à dire que moins de 1 % de l'ensemble des enfants scolarisés, reçoivent une éducation artistique complète, en relation avec les artistes, les œuvres, et les professionnels de la culture.

C'est là le défi qu'il nous faut relever : augmenter sans cesse le nombre des enfants qui reçoivent une éducation artistique d'excellence, afin de pouvoir offrir – un jour – le même niveau de qualité et d'ouverture à l'art et à la culture, aux millions d'enfants qui ne bénéficient aujourd'hui que des 2 heures obligatoires par semaine.

La politique des sites, que nous lançons aujourd'hui, devrait y contribuer.