Texte intégral
Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'administration,
Nous avons tous le sentiment de vivre aujourd'hui une évolution décisive dans l'histoire des greffes en France. Cette évolution, je l'ai voulue comme l'accomplissement d'une logique inéluctable.
Elle a été accueillie très favorablement, je crois, par des acteurs de la transplantation et par les associations de patients ; et au-delà par l'ensemble de l'opinion.
Elle a été entérinée par le Parlement, dans le vote de la loi du 18 janvier 1994 ; il a souhaité indiquer dans la loi les missions qui vous étaient confiées.
Mais, plus encore, la création de l'Établissement Français des Greffes, est l'expression concrète des grands principes garantis par la loi de juillet 1994 relative à l'éthique biomédicale. Ces lois consacrent le primat du respect de chaque individu, le respect de son consentement au don, l'égalité de tous devant les soins les plus coûteux, la solidarité qui s'exerce entre tous les Français. Elle affirme ainsi les grands principes sur lesquels reposent les dons : le consentement, l'anonymat et la gratuité.
Bien sûr, Mesdames et Messieurs, je sais à quel point le corps soignant dans son entier est attaché à leur respect dans la pratique quotidienne de la transplantation. Je sais à quel point les médecins de toute spécialités, les chirurgiens, les infirmières, se sont consacrés et continuent de le faire, jours et nuits, à la pratique des greffes avec dévouement, avec désintérêt, avec abnégation.
C'est sur eux que repose le succès des greffes et sur l'élan de générosité des Français.
La création de l'Établissement Français des Greffes n'avait certainement pas pour objectif d'instituer, comme je l'ai moi-même exprimé au Conseil d'Administration de l'Association France Transplant en septembre 1993, lorsque j'annonçais ma décision, la mainmise d'une administration jalouse et tatillonne sur la pratique des greffes.
Elle a pour objectif d'aider les transplanteurs en leur apportant la garantie de l'État dans les difficultés de leurs tâches quotidiennes.
C'est ainsi que tous l'avaient compris. L'élaboration du décret constitutif de l'Établissement Français des Greffes a été le fruit d'une très large concertation de mon administration, et je souhaite féliciter et remercier ici la mission conduite par M. Dutreil, membre de l'IGAS, assisté de Monsieur La Vigne, la nomination du président du Conseil d'Administration en la personne de Madame Nicole Le Douarin, professeur au Collège de France, dont les travaux considérables sur les phénomènes de différenciation et de développement lui valent une notoriété scientifique éminente.
Conformément au calendrier annoncé, le texte a été soumis au Conseil d'État en juin 1994. Le décret a pu être publié le 11 octobre.
La nomination du Directeur d'établissement, en la personne de Monsieur Didier Houssin, chirurgien et biologiste de renom, la composition même de ce Conseil d'Administration que vous formez, démontre plus encore – s'il en était besoin –, la vocation médicale et scientifique de l'Établissement désormais placé sous votre responsabilité.
J'y ajouterai, bien sûr, les modalités de constitution du Conseil médical et scientifique – qui font appel à une très large consultation des associations de médecins – et les modalités de fonctionnement qui lui confèrent un très haut degré de responsabilité.
Les missions qui vous sont confiées sont très importantes : je pense par exemple, à l'organisation des dons et greffes de tissus ; et vous devrez les accomplir dans une conjoncture qui – je le sais – est difficile. Elles prévoient notamment la promotion du don à l'heure où le manque d'organes et de certains tissus comme la cornée se fait cruellement sentir. Les causes de cette baisse sont complexes et multiples. Mais, en rappelant à nos concitoyens cette forme, la plus émouvante de solidarité, vous leur apporterez, par la qualité de l'organisation de votre Établissement, toutes les raisons d'avoir confiance et d'être généreux ; Permettez-moi de rappeler ici les grandes étapes des progrès de la transplantation :
– au début de ce siècle, réalisation des premières greffes expérimentales, par l'École Lyonnaise ;
– au début de la décennie 1950, les premières greffes de rein chez l'homme ;
– dans les années 1960, l'apport des groupes tissulaires au succès des greffes par Jean Dausset, qui obtint le Prix Nobel pour leur découverte ;
– l'intérêt des immunosuppresseurs dans la tolérance induite à la greffe ;
– et depuis, le rôle de premier plan joué par les équipes françaises dans la transplantation de foie, de pancréas, de poumon et de cœur.
Devant ce succès remporté par les équipes médicales françaises, la nécessité d'une organisation centralisée s'est faite jour.
Ce fut la création, le 23 septembre 1969, de l'Association France-Transplant, par le Professeur Jean Dausset. Je voudrais souligner ici que la création de l'Établissement Français des Greffes est un hommage rendu à France-Transplant, pour son action et son succès. France-Transplant a permis le succès et l'essor systématique des greffes. Elle fut un modèle d'organisation pour de nombreux pays y compris les Etats-Unis.
Depuis 1989, le Professeur Cabrol ayant succédé à Jean Dausset à la présidence, a su la faire évoluer dans son rôle et dans son organisation pour l'adapter aux besoins croissants et aux nouvelles exigences.
France Transplant a ainsi rempli les missions essentielles au succès des greffes en gérant la liste des receveurs, en définissant les règles d'attribution des greffons et en conduisant de nombreuses réflexions scientifiques sur tous les aspects de la greffe.
La mise en place des coordonnateurs régionaux a été un élément fort du succès de cette politique ; je tiens à le souligner.
D'autres associations, sont venues progressivement ajouter leurs pierres à l'édifice. Je ne citerai que France Greffe de Moelle, avec la création et la gestion du fichier des donneurs volontaires de moelle non apparentés ; ou encore France Cryo, France Tissus, ou la Banque Française des Yeux. Toutes ont œuvré, avec l'aide aussi des sociétés savantes, pour que les greffes se développent dans notre pays et atteignent un niveau maximal de qualité et de sécurité.
Mais le statut associatif de France-Transplant et des autres associations ne pouvait leur conférer toutes les attributions et toutes les prérogatives qui sont celles de la puissance publique.
Vous êtes donc, avec ces nouvelles attributions et ces nouvelles prérogatives, les continuateurs de l'œuvre exceptionnelle engagée il y a trente ans.
Et vous devez tourner vos regards vers l'avenir car nous connaissons les limites des thérapeutiques substitutives et nous pressentons déjà les voies du futur qu'il vous faut préparer pour les meilleurs soins de nos patients.
Vous aurez à explorer les possibilités ouvertes par les xénogreffes, les cultures organotypiques, les dispositifs artificiels de remplacement. C'est le chantier immense des thérapeutiques biologiques de l'avenir où convergeront les méthodes substitutives, les modificateurs biologiques, l'utilisation thérapeutique des cellules et la thérapie génique auxquelles vous participerez au premier chef.
Mesdames et Messieurs, l'Établissement Français des Greffes mis en place les dernières années du XXème siècle, sera bien, j'en ai la conviction, l'un des outils les plus performants de la médecine du XXIème siècle.
Il me reste à vous remercier pour votre implication très exigeante et à vous souhaiter la plus grande réussite pour nos malades.