Article de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "Français d'abord" de la 2ème quinzaine de septembre 1998, sur la pensée unique, la société du spectacle, la diabolisation du Front national et sa propre condamnation pour violences pendant la campagne des législatives de 1997 par le Tribunal de Versailles.

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Média : Français d'abord

Texte intégral

La rentrée se fait sur l'air guilleret de « Tout va très bien Madame la Marquise ». Les sondages donnent le ton, les chroniqueurs donnent le rythme. Passez muscade ! On est prié d'y croire ! Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! La crise asiatique ? Elle est loin. La crise russe ? L'euro nous protégera. La crise boursière ? Elle ne concerne que les marchés d'Outre-Atlantique. Bref, la France nage dans le bonheur. Du moins les princes qui nous gouvernent s'évertuent-ils à nous le faire croire, en s'efforçant de nous faire prendre les vessies pour des lanternes, et les ballons de football pour des mappemondes.

La réalité est tout autre. Cet optimisme de commande qui louvoie entre niaiserie et infantilisme ne pourra résister longtemps aux faits. Et comme le disait Lénine, ceux-ci sont têtus. Quand l'échec du gouvernement Jospin sera patent, quand l'ultralibéralisme et l'européisme de Maastricht auront montré leur vrai visage, cruel et destructeur, ce n'est pas la droite en lambeaux qui sera susceptible de faire pièce et de redresser le pays. Quand sonnera l'heure de la grande alternative nationale, nous devrons être prêts à assumer les responsabilités du pouvoir. Or, c'est dès maintenant que nous devons nous y préparer, en restant fidèles à notre ligne politique. Et c'est en pensant à vous, qui êtes venus à notre grande fête des BBR, ou qui vous y êtes associés par l'esprit, que j'ai écrit cet éditorial de « Français d'abord ».

Une des caractéristiques essentielles du monde moderne réside sans doute dans l'omnipotence qu'en toutes choses, il accorde au paraître. Les faiseurs d'opinion ne s'y sont pas trompés : ils manipulent les sondages comme ils trafiquent les images, espérant ainsi que l'attention de nos concitoyens sera distraite de la dure réalité. Incapables d'agir sur les causes de notre décadence, ils ont choisi de faire rêver, et se sont eux-mêmes pris au piège.

Face à l'univers virtuel des gouvernants, notre perception de la réalité.

Les gouvernants ne gouvernent plus, ils vivent dans le cyberespace, ils évoluent dans le virtuel, ils se lancent à corps perdu comme des guignols dans la société du spectacle, Les hommes politiques se décrédibilisent chaque jour davantage en acceptant de jouer les Monsieur Loyal sur les plateaux de télévision, au point que les caricatures, pourtant grotesques des « Guignols de l'info », sont plus sympathiques au public que leurs modèles, On ne cherche plus à exposer un discours cohérent. On se contente des formules toutes faites d'une langue de bois conforme à la pensée unique : non à l'exclusion ! Non à la haine ! Non au racisme ! Les anathèmes tiennent lieu de programme, l'idéologie des droits de l'homme de catéchisme. Ce n'est plus la vie parlementaire, mais la Commedia dell'arte.

Si aujourd'hui, un sportif, un acteur, un plumitif, sont davantage écoutés que les élus, c'est parce que ces derniers n'ont pas su faire respecter la prééminence du politique. Gouverner, c'est prévoir, Or, ils n'ont rien prévu. Ils ne font que gérer benoîtement, voire cyniquement, la décadence, et surtout préserver leurs prébendes, leurs intérêts, leurs privilèges. Notre pays n'est plus dirigé. Il est digéré au jour le jour. Nul grand dessein, nul grand projet n'est proposé à la jeunesse. Au contraire, on l'abrutit en ne lui offrant que des rave parties, des love parades, des défilés technos, La réalité sociale se trouve volontairement occultée par des fêtes et des jeux, des rencontres sportives, des lotos et des roues de la fortune. L'espace d'un été, le foot est même devenu l'opium du peuple. Mais il arrive toujours un moment où les paradis artificiels s'estompent, et où ressurgit la force du réel.

Or, à rebours des modes, c'est parce que nous pensons que l'homme politique a la lourde charge de s'occuper des destinées de la nation, que nous tenons la politique en haute estime, Le Front national est un rassemblement d'hommes et de femmes de valeur. Ils ne s'engagent pas sous sa bannière dans un souci de promotion sociale ou de réussite personnelle. A cet égard, nos adversaires, en nous calomniant, en nous persécutant, en nous diabolisant, nous ont bien involontairement rendu grand service, car ils nous ont mûri, ils nous ont soudé, ils nous ont fait prendre conscience de notre spécificité de patriotes dans un monde sans âme, sans foi et sans repères, aux ordres de Big Brother, Or, l'Homme est avant tout un donneur de sens, c'est là sa noblesse, c'est là notre fierté.

C'est cet esprit rebelle, cet esprit d'hommes libres, que j'entends conserver et faire perdurer dans nos rangs. N'en déplaise à M. d'Ormesson, nous ne cherchons pas à séduire Saint-Germain-des-Prés, nous ne voulons pas être convenables aux yeux des voyous de la vie politique, nous ne craignons pas de paraître infréquentables pour les escrocs du Crédit Lyonnais, les assassins du sang contaminé, les faux-facturiers de toutes les officines. Nos condamnations pour délit d'opinion devant les tribunaux valent mieux que bien des décorations. Notre mise au ban de l'univers médiatico-affairiste est la preuve de notre pureté et de notre détermination.

Nous avons pour nous notre conscience de patriotes, et comme nos ancêtres les Gaulois, nous moquant comme d'une guigne des procès en sorcellerie, nous ne craignons qu'une chose, c'est que le ciel ne nous tombe sur la tête. Pour le reste, on verra... L'esprit qui anime notre Mouvement fait sa force. Nous devons conserver notre cohésion, notre amitié, notre solidarité. Comme partout, il est normal que des débats aient lieu, que des avis s'échangent, qu'un dialogue s'instaure. Mais lorsqu'une décision est prise, il faut que chacun s'y conforme. Tout le monde sait, et surtout nous qui sommes des soldats politiques, que, selon la formule consacrée, la discipline fait la force des armées. La base doit faire connaître son avis, son sentiment, ses souhaits et ses espoirs à ses chefs, mais ceux-ci ont la lourde tâche de devoir choisir. La politique est faite de choix, de décisions. On peut en discuter le bien-fondé, avant. Mais, lorsque vient le moment de l'action, alors, c'est d'union et de discipline qu'un mouvement a besoin, comme il aura besoin de toutes les bonnes volontés, de tous les cadres, de toutes les qualités. Et ce moment est déjà peut-être plus proche qu'on ne le croit...