Interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, à l'AFP le 22 octobre 1998, sur quelques idées pour donner une nouvelle impulsion aux politiques de l'emploi et relancer le dialogue social en Europe.

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Média : Agence de presse

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Q - Dix huit millions de chômeurs dans l'Union européenne. L'Europe de la monnaie unique et du grand marché ne peut-elle rien faire contre le chômage ?

R - Le chômage de masse est le défi principal auquel sont confrontées les sociétés européennes. La première réponse de l'Europe à ce défi c'est l'euro.

C'est parce que nous avons la stabilité monétaire, une monnaie puissante, que l'Europe peut envisager d'être dans les années qui viennent une zone de croissance forte et de stabilité. Il est vraisemblable que l'Europe sera en 1999 la zone de croissance la plus forte dans le monde.

Mais l'euro ne suffit pas. Il faut lier la question économique et la question sociale. C'est en liant ces deux éléments, une construction économique et monétaire forte, qui pourrait passer par un grand emprunt européen, et une démarche audacieuse sur le plan social qu'on peut avancer sur le terrain de l'emploi et faire reculer le chômage, ce qui a d'ailleurs commencé.

Q - Des objectifs quantifiés de lutte contre le chômage et des plans nationaux pour l'emploi seront discutés en décembre lors du Sommet européen de Vienne. Envisage-t-on d'aller plus loin et peut-on vraiment être ambitieux à quinze Etats membres ?

R - Je souhaite personnellement qu'on aille plus loin dans les objectifs quantifiés de lutte contre le chômage. La logique de Vienne, ce n'est pas l'uniformité européenne. C'est la convergence. Si les objectifs sont communs à tous, les moyens demeurent des moyens nationaux.

Il ne s'agit pas de contraindre. Il s'agit d'inciter chacun à converger avec ses propres outils – nous croyons à la réduction du temps de travail, d'autres ne le croient pas –, puis de les confronter chaque année afin de voir si cette politique doit être affinée, revue.

A Vienne, il faut attendre une nouvelle impulsion à cette politique pour l'emploi, mais dans la continuité, en renforçant les objectifs quantifiés.

Q - On a le sentiment que ces politiques se font sans concertation avec les principaux intéressés, les partenaires sociaux ?

R - C'est vrai qu'il y a un double déficit de dialogue social sur les questions européennes en France et de débat social en Europe.

Je pense à plusieurs idées : renforcer les moyens dont dispose le ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour catalyser la concertation sociale, créer des réseaux de mobilisation et de partenariat entre acteurs sociaux et institutions publiques autour et au sein de lieux mixtes comme le Conseil économique et social, créer une structure très légère chargée d'interconnecter ces réseaux de mobilisation et de dégager une réflexion sur les questions européennes.

Tout cela pourrait déboucher sur une conférence sociale européenne à l'initiative du gouvernement et à des débats au Parlement.