Texte intégral
Madame la Présidente du comité d'organisation du congrès,
Monsieur le Président de l'association internationale des jeunes avocats,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir mais aussi un grand honneur pour le ministre de la justice de présider la cérémonie d'ouverture de votre 32e congrès.
Le prestige qui s'attache à votre profession, la dimension internationale de votre association, la qualité des personnalités ici rassemblées, tout concourt à faire de cette cérémonie un moment particulièrement solennel.
J'ai donc pleinement conscience, en prononçant cette allocution devant les représentants des barreaux venus des cinq continents, de sacrifier à un usage hautement symbolique.
Aussi est-ce d'abord au nom du gouvernement que je veux vous souhaiter la bienvenue.
Après l'Inde, l'Espagne, l'Angleterre, les Pays Bas, le Brésil… vous avez en effet choisi de tenir votre congrès en France et il m'est particulièrement agréable d'y accueillir les représentants d'une profession dont la fonction la plus éminente est consacrée à la défense des droits de l'homme.
Mais c'est également comme ministre de la Justice, en charge notamment des questions intéressant les professions juridiques, que je veux vous dire le plaisir et l‘intérêt que j'éprouve à rencontrer les avocats représentant plus de soixante nations.
Cet intérêt est d'autant plus vif que je m'adresse aux jeunes avocats : cette jeunesse, inscrite dans vos statuts, vous confère en effet le privilège, mais aussi la responsabilité, de concevoir, d'inspirer, de modeler l'avocat du siècle à venir.
Les relations étroites et confiantes que j'entretiens avec les jeunes avocats français, au travers de leur fédération nationale, ont déjà été pour moi l'occasion de mesurer l'ambition légitime qui les anime pour leur profession.
J'imagine dès lors quelle volonté et quel idéal président aux réunions annuelles de ceux qui se sont fixé pour mission de concevoir cet avenir dans sa dimension internationale.
Vous vous attachez à promouvoir les valeurs communes qui font de l'avocat, où qu'il se trouve, le conseil libre et indépendant sans lequel l'égalité devant la loi est un vain mot et la justice une parodie.
Votre action est d'autant plus nécessaire que l'aspiration des peuples au développement économique, se double d'une aspiration sans cesse croissante à la reconnaissance des droits fondamentaux dont l'avocat est, avec le juge, l'ultime garant.
Comment, dans ces conditions, les avocats pourraient-ils demeurer isolés dans le cadre étroit de leurs statuts et de leurs particularismes nationaux alors que la demande à laquelle ils doivent faire face s'exprime dans un contexte et dans des termes qui transcendent les frontières.
Qu'il s'agisse d'accompagner les entreprises dans leur stratégie de développement ou d'assurer la défense des individus devant les juridictions répressives, aucune des fonctions de l'avocat ne peut plus aujourd'hui se concevoir dans le cadre d'une économie ou d'un droit réduits à leur dimension strictement nationale.
« Prendre une part active au développement de la profession d'avocat et à l'harmonisation de ses règles professionnelles » tel est donc l'un des buts que vous vous êtes fixés au terme de vos statuts.
Pour y parvenir vous ne négligez aucun des aspects de l'activité professionnelle de l'avocat ni aucun de ses domaines naturels d'intervention.
Il suffit pour s'en convaincre d'examiner la liste des thèmes qui seront abordés au cours des travaux de ce 32e congrès.
La palette est riche et singulièrement variée puisqu'elle va, entre autres sujets, de l'accord de libre-échange nord-américain aux récents développements des sûretés, en passant par le marketing du cabinet d'avocat, le harcèlement sexuel, la force majeure dans les contrats internationaux, ou encore les droits de l'homme dans la vie quotidienne de l'avocat.
Cet inventaire démontre s'il en était besoin à quel point le droit envahit nos sociétés et accompagne quasi mécaniquement toutes les évolutions économiques et sociales que permettent les progrès techniques et le développement des échanges.
Une question un peu brutale vient alors naturellement à l'esprit :
Y aura-t-il encore demain un avocat ?
La même profession pourra-t-elle appréhender tous ces domaines, assumer toutes ces fonctions ?
Les mêmes règles d'organisation et d'exercice pourront-elles régir des activités aussi variées ?
En un mot, l'unité de votre profession n'est-elle pas menacée par son propre développement ?
En affirmant dans la déclaration d'Athènes, qui concluait votre 4e congrès, que « les jeunes avocats entendent défendre les principes qui leur sont communs et qu'ils tiennent pour indissociables de la notion même de justice et de droit », vous refusez clairement cette perspective.
Et comme vous, je crois à la nécessité impérieuse de préserver les principes fondamentaux qui constituent en quelque sorte le « dénominateur commun » de tous avocats.
Car, qu'est-ce qu'une profession sinon un ensemble d‘individus qui, pour remplir les missions qui leur sont imparties, se dotent avant toute autre chose d'une même déontologie ?
Il est donc indispensable qu'au-delà des multiples facettes de leurs activités professionnelles les avocats préservent et renforcent les liens qui les unissent au tour des exigences d'indépendance et d'éthique.
Pour cette raison essentielle les avocats français et avec eux le ministre de la justice plaident sans relâche, dans le cadre des négociations communautaires et internationales, pour une conception unitaire de l'exercice professionnel.
La nécessité d'assurer la libre circulation des prestataires de services juridiques a en effet mis en évidence deux approches assez différentes des conditions d'accueil des avocats étrangers.
Pour certains de nos partenaires la solution pratique consiste à créer une sorte de statut autonome de « consultant en droit étranger » dont les bénéficiaires, avocats dans leur pays d'origine, verraient limiter leurs activités dans le pays d'accueil à la fourniture de conseils juridiques dans leur législation nationale.
Je crois très sincèrement qu'un tel démembrement du statut et de la fonction de l'avocat n'est pas souhaitable.
Certes il présente l'avantage, à court terme, d'apporter une réponse apparemment satisfaisante à la question de la formation et des compétences dans le droit du pays d'accueil : en interdisant à l'avocat étranger de pratiquer ce droit et d'intervenir devant les tribunaux on élude commodément le problème.
Mais ce faisant on prend le risque considérable de rompre l'unité de la profession.
Dès lors qu'à côté de l'avocat coexiste une autre catégorie de professionnels spécialisés on accentue l'opposition entre l'activité juridique d'une part et l'activité judiciaire d'autre part, entre le conseil et la défense, entre le droit international des affaires et le droit interne des gens…
Ne vaut-il pas mieux se montrer plus exigeant quant aux conditions de qualification professionnelle qui conditionneront l'accès au marché national mais assurer, une fois ces conditions remplies, une parfaite égalité de traitement à tous les avocats, sans distinction d'origine.
C'est pourquoi, en plein accord avec les barreaux, le gouvernement soutient très clairement toutes les conceptions et initiatives qui tendent à assurer l'application du principe du traitement national et à promouvoir le statut de l'avocat de plein exercice.
Une seule et même grande profession d'avocat, dont l'exercice ne dépend – mais c'est déjà beaucoup – que d‘une qualification professionnelle sérieuse et de l'adhésion a une déontologie commune : tel est l'objectif, schématiquement présenté, que nous devons, me semble-t-il, poursuivre tant dans le cadre des discussions communautaires relatives au droit d'établissement des avocats que dans le cadre de l'accord général sur le commerce des services, le « GATS »
Je tenais à vous livrer ces quelques réflexions qui me paraissent aller dans le sens des buts que votre association s'est assignée.
Mais vous aurez à examiner également nombre d'autres questions tout aussi passionnantes.
Soyez assurés que je serai très attentif aux résultats de vos travaux dont je ne doute pas qu'ils constitueront une contribution essentielle au développement de votre profession.