Texte intégral
Q. : Si je vous traite de centriste, êtes-vous vexé ?
Dominique Baudis : Non, parce que c'est une famille politique à laquelle j'appartiens depuis 30 ans, donc, quand vous dîtes cela, vous m'identifiez, donc ce n'est pas vexant d'être identifié. Au contraire !
Q. : Bernard Bosson disait lui, dimanche que le mot centriste était insultant…
Dominique Baudis : Non, pas du tout ! Enfin pas à mes yeux. C'est une conviction politique, ce sont des convictions et ce sont des convictions qui seront au centre du débat présidentiel, en particulier s'agissant de l'Europe.
Q. : Quelles conséquences aura, selon vous, pour les Français le débat qui s'est engagé sur le financement des partis ?
Dominique Baudis : Je pense tout d'abord que les hommes politiques doivent être traités comme n'importe quels citoyens. Ils ne sont pas au-dessus ni à côté des lois. Le problème est le suivant : est-ce que les difficultés actuelles viennent du fait que les lois n'ont pas été respectées par certains ou est-ce que c'est la législation qui est insuffisante et qui nécessite d'être renforcée ? D'une part, c'est vrai, les lois n'ont sans doute pas été respectées par tous et il faut sans doute que la justice fasse son travail. Il faut également, probablement, renforcer le dispositif sur certains points. C'est-à-dire un meilleur contrôle du patrimoine des élus, un meilleur contrôle des marchés publics, une limitation des dépenses liées à l'activité politique. Dans les années 70 puis dans les années 80, il y a eu trop d'argent dépensé pour la politique.
Et puis probablement la fin du financement par les entreprises, encore que ça posera un problème.
Q. : Vous semblez regretter qu'on supprime cette possibilité de financement par les entreprises…
Dominique Baudis : Oui et je vais vous dire pourquoi : je pense que ce n'est plus possible et je pense que cela posera d'autres problèmes. Je pense que ce n'est plus possible parce que maintenant toute entreprises qui accordera, attribuera une somme d'argent dans une élection, ce sera immédiatement une démarche suspecte : on n'admettra pas un instant que l'entreprise fait cette démarche parce qu'elle a envie d'aider ce candidat, donc je pense qu'il faut en finir avec le financement par les entreprises.
Mais cela posera d'autres problèmes parce que cela va complètement figer la vie politique de notre pays : s'il n'y a plus de financement par les entreprises, il n'y aura que du financement public et puis les cotisations des adhérents – mais cela ne va pas très loin. Et ce financement public, il aura ses limites : quand il y aura une difficulté financière, on dira : et bien, après tout, on dira qu'il n'y a qu'à prendre un peu dedans pour donner à la Sécurité sociale et tout le monde dira : très bien ! Et puis, deuxième chose, on va figer le paysage politique. Parce que le financement public va se faire sur la base de la force respective des différents mouvements politiques. C'est probablement l'impossibilité pour une force politique nouvelle d'émerger parce que dans la mesure où elle n'est pas dans le système, elle ne recevra rien et elle n'aura donc pas la possibilité de se faire connaître et de communiquer.
Q. : Vous jugez irréaliste l'interdiction du financement des partis par les entreprises ?
Dominique Baudis : C'est irréaliste, mais on est arrivé à une situation telle qu'il me paraît difficile de faire autrement. Dans cette affaire, je pense qu'il ne faut pas légiférer dans la précipitation. D'abord, on ne fait jamais de bonnes lois dans la précipitation et depuis trois semaines, un mois, on voit se concurrencer des initiatives, des textes, des propositions. Chacun veut donner le sentiment qu'il lave plus blanc, un peu de surenchère. Et tout ceci se télescope avec le calendrier de la session parlementaire, puisque le parlement arrête ses travaux à la fin de l'année. Si c'était comme au parlement européen où on travaille douze mois sur douze, on pourrait discuter tout cela en janvier. Donc il y a une espèce d'emballement, de précipitation qui provoque tous les cafouillages auxquels on assiste actuellement.
Q. : Est-ce que la solution ne pourrait pas venir d'une session extraordinaire convoquée par le président de la République pour le mois de janvier ?
Dominique Baudis : Peut-être, mais, effectivement, il faut l'accord du président de la République, à la fois sur le principe de la session et sur l'ordre du jour de la session.
Q. : Préféreriez-vous que le débat soit renvoyé après l'élection présidentielle ?
Dominique Baudis : Non, il faut avoir ce débat, il faut l'avoir rapidement, mais, encore une fois, il faut se garder de commettre des erreurs dans la précipitation. Alors, quand on dit meilleur contrôle des marchés publics, pas de problème ; quand on dit déclaration et contrôle du patrimoine des élus, pas de problème ; quand on dit inéligibilité de ceux qui ont commis des fautes, il ne doit pas y avoir de problème. Donc il y a une série de sujets sur lesquels il doit être possible de s'entendre rapidement.
Q. : Et quand on dit limitation du cumul des mandats ?
Dominique Baudis : Je trouve vraiment inacceptable, insultant que l'on traite le problème du cumul des mandats, le fait de pouvoir être député et maire, ce qui est mon cas, qu'on traite le problème du cumul des mandats dans un débat sur la corruption. Ça n'a rien à voir ! Qu'on traite du problème du cumul des mandats, et on peut en parler, dans un débat sur la modernisation de la vie publique, la modernisation de nos institutions, très bien ! J'ai des idées et des propositions à faire sur ce sujet. Mais traiter cette question-là dans le cadre d'un débat sur la corruption. Je trouve cela scandaleux.
Je ne vois pas pourquoi le fait, je prends mon cas personnel, je suis maire de Toulouse et député européen ; je ne vois pas pourquoi le fait d'être maire de Toulouse et député européen m'exposerait davantage à la tentation ou à la corruption ! Ce n'est pas sérieux et par ailleurs c'est insultant, parce qu'on a l'air de pointer du doigt certains élus en disant : voilà ceux qui fautent ! Alors, je trouve cela inacceptable !
Q. : Mais pourquoi cette question est-elle venue dans le débat ?
Dominique Baudis : Elle est venue dans le débat, parce que Monsieur Séguin poursuit certains phantasmes depuis longtemps et il a profité de cette discussion pour introduire une disposition, pour régler des comptes, pour régler des problèmes qui n'avaient rien à voir.
Q. : Est-ce que vous ne pensez pas quand même que la suppression des cumuls pourrait permettre de voir venir de nouveaux visages politiques ?
Dominique Baudis : Vous pouvez tout-à-fait dire cela, mais vous ne pouvez pas dire que le fait de cumuler une fonction de président de conseil général et de député soit source de corruption. Vous pouvez dire qu'il faut moderniser la vie publique, pas plus de deux fonctions, mais pas dans le cadre d'un débat entre la politique et l'argent, certainement pas !
Q. : Êtes-vous favorable au renforcement du secret de l'instruction ?
Dominique Baudis : En principe, il y a secret de l'instruction, le problème, c'est qu'il n'est pas respecté. Se donner les moyens de le faire respecter, au fond, le seul moyen, c'est de sanctionner le dernier maillon de la chaîne de la violation du secret de l'instruction, et ce dernier maillon sont les médias. Et certains rétorquent à cela : si les médias ne peuvent plus faire état d'affaires, elles seront étouffées, car elles ne sont traitées que dans la mesure où elles sont mises sur la place publique, pour qu'il y ait une pression de l'opinion pour qu'elles soient traitées jusqu'au bout. Je suis tout de même un peu perplexe devant la façon dont certaines affaires sont traitées sur la place publique. Je ne crois pas qu'on puisse rendre une bonne justice sur la place publique. On livre des noms en pâture et quand quelqu'un est cité, on en parle énormément et puis quand trois mois, six mois, un an après, il y a un non-lieu, on s'aperçoit que cette personne avait été impliquée à tort, on fait un entrefilet pour le dire. La justice rendue sur la place publique et dans un climat de lynchage, c'est quelque chose qui me met mal à l'aise. Je disais tout à l'heure que les hommes publics doivent être traités exactement comme les autres citoyens et je dirai avec les mêmes obligations et les mêmes droits, c'est à dire notamment ce que l'on appelle la présomption d'innocence.
Q. : Si vous aviez été parlementaire national, auriez-vous voté l'amendement Marsaud ?
Dominique Baudis : Je vous répondrai parce que je vous ai dit à propos du texte sur la politique et l'argent, c'est qu'on ne peut pas légiférer dans la précipitation : cet amendement est arrivé en séance de nuit, il y avait dix députés qui étaient là, comme une espèce de coup de Jarnac. On ne peut pas faire du bon travail dans ces conditions-là, sur des sujets qui exigent un peu de réflexion, de distance, de recul et que des opérations à la va-vite, à la sauvette, sont des opérations qui tournent court et qui font du mal à la vie publique, parce qu'elles ternissent l'image de la vie publique. Et c'est ce qui se passe depuis deux jours au parlement, avec ces textes sur l'argent et la politique, qu'on présente, qu'on retire… Vous savez, il ne faut pas être hypocrite, tout ceci est quand même très lié à la préparation de l'élection présidentielle où un certain nombre de personnes veulent adopter des postures avantageuses…
Q. : Votre sentiment, c'est qu'il y a une espèce de course à l'échalote pour celui qui aura les habits du chevalier blanc ?
Dominique Baudis : Disons qu'un certain nombre de personnes essayent d'adopter des postures avantageuses et que ça tourne mal, ça tourne à la confusion générale et ça ne fait du bien à personne. Ça ne fait du bien à personne, pas simplement du côté de la majorité mais ça ne fait pas de bien à la République et à la citoyenneté que de donner un tel spectacle.
Q. : Transmis à Philippe Séguin dont vous dénonciez les phantasmes.
Dominique Baudis : Oui, introduire dans des textes sur la lutte contre la collusion entre la politique et l'argent des dispositions sur le fait qu'un homme public puisse exercer deux mandats, je trouve que c'est intellectuellement très malhonnête ! Je trouve que la démarche qui consiste à confondre ces deux problèmes est une démarche qui se caractérise par de la malhonnêteté intellectuelle. C'est clair !
Q. : Est-ce qu'on peut sortir de cette situation délétère sans une loi d'amnistie ?
Dominique Baudis : Ça me parait difficile de recommencer avec une loi d'amnistie ! Il faut probablement renforcer le dispositif sur un certain nombre de points que j'ai évoqués tout à l'heure et peut-être interdiction du financement de la vie publique par les entreprises : et puis il faut aussi respecter les lois qui existent, parce que si chacun avait respecté les lois telles qu'elles sont, il n'y aurait pas les problèmes qu'on connaît aujourd'hui. Il ne faut pas à partir de ces problèmes procéder par amalgame et généralisation et dire que l'ensemble de ceux qui exercent des responsabilités politiques dans notre pays sont corrompus et malhonnêtes. Ce n'est pas vrai et le dire et le laisser croire, c'est très dangereux pour la démocratie.
Q. : Ne faudrait-il pas aussi revoir la notion juridique d'abus de bien social ?
Dominique Baudis : Il y a un point sur lequel on n'est pas assez attentif, c'est que la quasi-totalité des affaires qui sont en cours actuellement, ce ne sont pas ces affaires liées à ce que l'on appelle la corruption. On parle parfois du mot de corruption, mais vous vous apercevrez que dans la plupart des cas, il ne s'agit pas de corruption. Il s'agit d'abus de biens sociaux ou de recel. Le mot est terrible : abus de biens sociaux. Une entreprise qui fabrique un produit ou rend un service n'a pas le droit d'utiliser un centime de l'entreprise pour autre chose que cette fabrication ou ce service. Et si elle utilise une somme pour aider le fonctionnement d'un parti, c'est de l'abus de biens sociaux et celui qui a reçu la somme est receleur de cet abus. La corruption n'est citée que dans une affaire et elle n'est pas établie encore. Donc, quand il n'y a ni corruption ni enrichissement personnel, il s'agissait du financement des partis par les entreprises : est-ce qu'un citoyen, ou en tout cas un journaliste, imaginait un instant que les partis politiques vivaient sans le concours des entreprises ? On le savait, on l'écrivait, cela paraissait aller de soi. Et je trouve qu'il y a quelque chose qui est quand même un petit peu bizarre, dans la façon dont les choses se passent : ça se savait, ce n'était pas légal, tout le monde le savait, les magistrats le savaient, les partis le savaient, il n'y avait qu'à lire les journaux, on n'engageait pas de poursuites et tout à coup, il y a une espèce de déferlement. Et je crois qu'il y aurait une espèce de pédagogie à faire pour expliquer la différence entre la corruption et l'abus de bien social. Il faut bien faire la part des choses tout de même.
Q. : Les centristes vont être courtisés pendant la campagne présidentielle, que pensez-vous des débats actuels sur leur fidélité à la majorité ?
Dominique Baudis : Vous savez, l'élection présidentielle au suffrage universel a changé une chose très très importante dans la vie politique de notre pays : sous la troisième république et sous la quatrième république, c'étaient les parlementaires, donc les partis politiques, qui élisaient le président. Maintenant ce sont les citoyens, ce sont les électeurs, et donc quand je vois dans les colonnes des journaux, quand j'entends à la radio « alors que vont faire les centristes », la vraie question c'est « que vont faire les électeurs du centre ». Les électeurs du centre, ce n'est pas une marée d'électeurs, mais enfin ça représente disons à peu près en gros 10 %.
Q. : Et un certain nombre d'entre eux s'apprêtent à voter Delors, avez-vous dit…
Dominique Baudis : C'est Bernard Stasi qui l'autre jour a dit, et je partage complètement son point de vue « si Jacques Delors apparaît comme le seul candidat favorable à l'Europe, alors effectivement il y a des électeurs, quoiqu'on puisse leur dire, qui iront voter pour lui ». Donc notre rôle, et notre rôle dans l'intérêt de la majorité, c'est de veiller à ce que le candidat que nous soutiendrons ait, à propos de l'Europe, des positions claires, termes, nous sommes un parti politique qui a au cœur de son patrimoine politique et de son idéal l'Europe. Et nous sommes le seul dans la majorité, parce que vous savez bien qu'au RPR il y a des clivages sur cette question, au PR il y a des clivages. Le CDS est un parti qui est unanimement engagé dans le combat européen, et donc notre rôle c'est de faire en sorte que le candidat de la majorité, celui que nous soutiendrons, soit fermement engagé sur des options européennes.
Q. : Balladur, qui a fait une profession de foi européenne mitigée pourrait-il être ce candidat européen ?
Dominique Baudis : Il pourrait l'être, mais il faut effectivement, je crois, plus d'audace et plus de volonté.
Q. : C'est dit sans grand enthousiasme…
Dominique Baudis : Plus d'audace et plus de volonté dans la démarche et c'est notre rôle. Vous comprenez, à l'intérieur de la majorité, vous avez des gens qui sont anti-européens, ils sont nationalistes, ils tirent de toutes leurs forces, c'est normal, c'est leur droit, c'est légitime de leur part, ils tirent de toutes leurs forces pour que les candidats viennent sur leurs positions. À nous de tirer de toutes nos forces pour que le candidat que nous soutiendrons prenne en compte des options européennes très volontaires et très ambitieuses. C'est notre mission, et le meilleur service que nous puissions rendre à la majorité, c'est de nous montrer extrêmement exigeants dans ce domaine.
Q. : Si Delors développe des thèses européennes en phase avec les vôtres, pourriez-vous le soutenir ?
Dominique Baudis : Non, mais il peut y avoir deux candidats européens, vous pouvez avoir un candidat européen socialiste, Jacques Delors, et un candidat pro-européen qui n'est pas socialiste.
Q. : S'il n'y a pas de candidat européen à droite…
Dominique Baudis : Mais il faudra qu'il y ait un candidat européen à droite.
Q. : Mais dans l'hypothèse ou… ?
Dominique Baudis : Mais pourquoi voulez-vous qu'on retienne la pire des hypothèses ? Alors si on envisageait cette hypothèse, et effectivement si tous les candidats de la majorité, si toutes les voix qui s'expriment dans la majorité, si celui ou ceux qui se présenteront ont vis à vis de l'Europe une attitude restrictive, frileuse, développent un discours nationaliste et anti-européen, à ce moment-là, comme le disait Bernard Stasi, les électeurs du centre, indépendamment de ce que pourront dire ou ne pas dire les dirigeants, les électeurs du centre iront effectivement vers le seul candidat européen qui se présentera à leurs suffrages. Ce n'est pas un problème d'étiquette (politique, NDLR), la question est de savoir ce que le ou les candidats vont nous dire. Et moi ce que je souhaite, c'est qu'il y ait dans la majorité un candidat qui ait un discours européen clair et ferme et volontaire.
Q. : Après-demain se tient le congrès du CDS, et à cette occasion vous souhaitez que le CDS puisse adopter un texte pour fixer votre ligne européenne ; compareriez-vous ce texte avec ce qu'a produit la CDU allemande à la faveur des élections législatives ?
Dominique Baudis : Oui, c'est exactement la même démarche. La CDU a produit au mois de septembre un document qui est un document intéressant, que la CDU a produit d'ailleurs parce que c'était l'approche des élections en Allemagne, et c'est vrai que souvent, à l'approche des élections, c'est le moment où on clarifie, où on met les choses à plat, et puis on prend position sur un certain i nombre de sujets. Et c'est d'autant plus nécessaire en ce moment qu'il va se produire deux choses en Europe : d'une part l'élargissement, vous savez que l'année prochaine on est quinze, et qu'on sera vingt et plus de vingt passé le cap de l'an 2000. Et par ailleurs au même moment, il faut réviser le traité d'union européenne, d'abord parce que le calendrier prévoit qu'on les révise en 96, et parce que l'élargissement de l'Europe oblige à une révision des mécanismes. Il est évident que l'Europe a quinze à partir du premier janvier, et a plus de vingt dans quelques années, elle ne va pas fonctionner avec les mêmes règles que lorsque nous étions 6 ou 9 ou 10 ou 12. Donc il faut réviser les mécanismes de fonctionnement de l'Europe. Donc ce sont vraiment des questions que j'évoque comme étant tout à fait essentielles, non pas parce que pour moi l'Europe est une conviction importante, mais parce que de toute façon on a ça devant le nez, c'est devant nous, et même les gens qui ne sont pas très sensibles aux questions européennes comme Philippe Séguin, a publié hier dans le Figaro un article sur ce sujet. (…)
Q. : Allez-vous proposer vous-même un texte au congrès ?
Dominique Baudis : Oui, dimanche. Ce n'est pas moi personnellement à titre personnel, il y a un texte qui sera adopté par le congrès du CDS, sur lequel on travaille depuis déjà trois semaines ou un mois.
Q. : Par rapport à la position de la CDU d'un noyau dur à deux vitesses, quelle est votre position ?
Dominique Baudis : La même position, parce que à partir du moment où on est 15, 20 ou 22, on ne peut pas avancer du même pas, c'est évident. Parce que si on décidait d'avancer du même pas, on avancerait du pas le plus lent, c'est à dire qu'on n'avancerait plus du tout. Donc il faut réserver la possibilité, pour un petit groupe de pays qui en ont à la fois la volonté et la capacité, d'aller plus vite, et d'ouvrir la voie, en quelque sorte le rôle d'une avant-garde qui va, vers la monnaie unique, vers la politique étrangère et de sécurité communes, aller plus vite que les autres, et puis les autres pourront nous rejoindre ensuite progressivement. Mais à partir du moment où on élargit, on est obligé de faire ça, sinon c'est l'immobilisme de l'Europe.
Q. : Au congrès du CDS, deux prétendants à la succession de Pierre Méhaignerie vont s'affronter ; pourquoi n'y êtes-vous pas allé vous-même ?
Dominique Baudis : Je vous réponds : parce que deux candidats ça suffit, c'est bien d'avoir deux candidats, parce qu'on a une vraie élection. Sinon on aurait dit « c'est une désignation », il y a deux candidats, c'est très bien. Moi j'ai beaucoup d'amitié et de sympathie pour les deux…
Q. : Vous en pincez pour qui ?
Dominique Baudis : Je voterai, mais je voterai au scrutin secret, je ne veux pas influencer à l'intérieur du CDS des amis qui, les uns votent pour l'un, les autres votent pour l'autre, chacun le fait en conscience. S'il y avait deux lignes politiques différentes, je vous dirais « je choisis celle-là ».
Q. : C'est uniquement une querelle d'hommes ?
Dominique Baudis : Non, ce n'est pas une querelle d'hommes, pourquoi appeler ça une querelle d'hommes ? C'est une compétition entre deux hommes qui ont envie de diriger la famille politique à laquelle ils appartiennent depuis longtemps, je les connais l'un et l'autre depuis 30 ans, ils ont tous les deux beaucoup de qualités et beaucoup de mérite, ils sont tous les deux capables de remplir la fonction, ils ont très envie de la faire. Pourquoi est-ce que je ne suis pas candidat ? Parce que je crois qu'on ne peut faire quelque chose de bien que quand on a très envie de la faire. Je n'ai pas très envie de diriger un parti politique. J'ai envie de travailler avec celui qui le dirigera, d'être à ses côtés, de pouvoir l'aider, lui donner un coup de main, je n'ai pas très envie d'être président d'un parti politique. Ils en ont très envie l'un et l'autre, c'est bien qu'il y ait deux candidats, c'est bien qu'il y ait une compétition qui s'est déroulée, vous en conviendrez, de façon parfaitement loyale et correcte, et je dis que c'est assez exemplaire, parce que si tous les partis politiques fonctionnaient de cette manière-là, de façon démocratique, avec des hommes qui se respectent, qui peuvent se concurrencer mais dans une relation parfaitement loyale, la vie politique française gagnerait en dignité.