Interview de M. Michel Crépeau, président du groupe parlementaire RCV à l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 5 septembre 1998, sur les relations au sein de la gauche plurielle, la réforme du mode d'élection des sénateurs, le PACS et la préparation des élections européennnes de 1999.

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Circonstance : Université d'été du PRG à Ramatuelle les 4 et 5 septembre 1998

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Le Figaro. – Que pensez-vous de la méthode de gouvernement Jospin exposée, il y a quelques jours, dans votre ville de La Rochelle par le Premier ministre ?

Michel Crépeau. – Moi qui suis un vieux mendésiste, je reconnais à Lionel Jospin une vertu assez rare en politique, la fidélité à ses idées et à ses amis. Globalement, le Gouvernement fait du bon travail et je continuerais donc à le soutenir. Sur mes désaccords, je citerai, essentiellement, le projet du Gouvernement instaurant l'indépendance des magistrats et surtout celle du procureur : je ne votais pas un texte où le procureur de la République requiert l'application de la loi en son nom et non plus au nom de la République !

Le Figaro. – Qu'attendez-vous de la session parlementaire ?

– La réforme du mode d'élection des sénateurs qui a été reportée ne doit pas être oubliée après les sénatoriales de septembre. Outre l'évolution de ce scrutin, nous sommes tout à fait d'accord sur la nécessité d'interdire les cumuls excessifs d'autrefois mais nous entendons maintenir le principe d'un ancrage local pour éviter une dérive technocratique de la politique.
 
Le principe du PACS qui traduit socialement un acte de solidarité ne me choque pas du tout. Il peut être une solution pour ceux qui vivent seuls, pour des personnes âgées qui ne seraient pas ainsi à la charge de la société. Mais je voterai ce texte à deux conditions : que le maire ne célèbre pas le PACS et qu'il ne soit pas un ersatz de mariage tendant à ridiculiser votre disloquer la famille à l'heure où elle est éclatée et a besoin d'être confortée.

Le Figaro. – Quelle est la réforme qui vous tient le plus à coeur ?

– Celle du Conseil constitutionnel. Actuellement juge de l'élection, il devrait être aussi le seul juge de l'inéligibilité. Pour cela, il convient de changer le mode de désignation de ses membres qui pourraient être élus à la proportionnelle par chacune des assemblées du Parlement. Cette élection au second degré serait plus saine, plus objective et plus équilibrée que la procédure actuelle de nomination des présidents d'Assemblée.

Le Figaro. – Y a-t-il encore une place pour le bonheur en politique ?

– C'est le but essentiel de la politique qu'Aristote définissait comme « l'art de gouverner pour le bonheur ». Nous devons réapprendre les valeurs humanistes à tous ces technocrates qui ne pensent qu'au CAC 40, nouer un dialogue amical et sympathique pour reconnaître et accepter la différence de l'autre.

Le Figaro. – Vous n'allez donc pas parler des candidatures aux européennes ?

– Nous serions des poètes si nous ne le faisions pas ! D'autant que les quatorze députés entrés au Parlement européen avec Tapie craignent tous de rester au tapis…