Texte intégral
C'est un très grand plaisir d'être ici, au coeur du Massif central, pour inaugurer cette septième édition du Sommet de l'élevage. Je me réjouis de participer pour la seconde année consécutive à votre manifestation qui est devenue en quelques années le principal rendez vous européen des professionnels de l'élevage allaitant. Européen, votre sommet l'est par la fréquentation toujours plus nombreuse de visiteurs des pays de l'UE. Mais il l'est tout particulièrement cette année avec la venue des délégations professionnelles qui composent le COPA et qui sont venues débattre de la réforme de l'OCM viande bovine.
Le sommet de l'élevage s'est aussi enrichi au fil des ans reflétant la richesse de l'élevage de la région qui vous accueille. L'élevage laitier a désormais acquis une place à part entière, ce qui est bien normal lorsqu'on sait que le Massif central est la première région française de production des fromages d'appellation d'origine. L'élevage ovin, caprin et de chevaux de trait y occupent aussi une place de choix. Enfin, les produits fermiers et les produits issus de l'agriculture biologique sont aussi à l'honneur cette année.
Au cours de la visite que je viens d'effectuer, j'ai été conforté dans l'idée que je me faisais des succès de la génétique animale française. Cela était important au moment ou Messieurs DEMANGE et BONNEMAIRE me remettaient le rapport de la mission que je leur ai confiée sur l'évaluation et les perspectives de la génétique animale. J'ai fait miennes leurs conclusions et je tiens à souligner devant vous l'importance que j'attache à la préservation et au respect de la loi sur l'élevage de 1966. Je souhaite aussi que soit confortée la contribution financière de l'Etat dans le domaine du progrès génétique. Mais il faut préparer l'avenir, car la génétique animale est confrontée au développement accéléré de nouvelles technologies, à l'internationalisation de l'économie ainsi qu'aux évolutions de la politique agricole. J'ai donc demandé que le rapport soit diffusé très rapidement aux organisations professionnelles qui seront invitées à se réunir pour mettre en oeuvre ces recommandations notamment en ce qui concerne le fonctionnement des commissions nationales d'amélioration génétique, le soutien à l'innovation technique, la formation et le renouvellement des compétences et la réflexion prospective sur la génétique animale du 21e siècle.
Votre sommet est donc un rendez vous très attendu, incontournable devrais-je dire, pour le Ministre tant l'actualité est riche dans le domaine de l'élevage, qu'il s'agisse de l'actualité communautaire avec les négociations relatives à la réforme de la PAC ou nationale avec les débats relatifs à la loi d'orientation agricole dont vous savez qu'elles débuteront lundi prochain à l'Assemblée Nationale.
Je reviendrai dans un instant sur ces deux sujets qui nous tiennent à coeur. Mais je souhaite auparavant répondre à vos préoccupations en matière d'aides à l'élevage de montagne.
La politique de la montagne : les ICHN et les aides aux bâtiments d'élevage.
L'équilibre du territoire, le soutien aux régions les plus difficiles doit rester une de nos préoccupations majeures et j'attache donc une grande importance au maintien d'une politique forte et cohérente en faveur de l'agriculture de montagne. En annonçant en avril dernier la revalorisation des ICHN pour les bovins allaitants et les ovins, j'ai souhaité marqué l'attachement que je porte au maintien d'outils spécifiques au profit des agriculteurs de montagne.
Je ne reviendrai pas sur les conditions très difficiles dans lesquelles nous avons dû négocier cette revalorisation avec la Commission Européenne. Accusée d'avoir utilisé les ICHN à des fins conjoncturelles en 1996, la France avait dû accepter le compromis que vous connaissez et qui conduisait à cibler la revalorisation sur certaines catégories d'animaux.
Mais je l'ai dit et répété alors, il ne s'agissait que d'une première étape et je m'engageais à parvenir à une solution plus satisfaisante pour les éleveurs laitiers ultérieurement.
Je constate que les conditions sont maintenant réunies pour que nous engagions les discussions avec la Commission Européenne sur ce sujet. Les ICHN pour les bovins laitiers devront être revalorisées dès la campagne 1999. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé en étroite collaboration avec le ministère du Budget de se rapprocher de la Commission Européenne afin qu'elle puisse agréer le dispositif que nous lui proposerons.
Vous pouvez être assuré de ma détermination à faire aboutir ce dossier, permettant ainsi une remise à niveau des ICHN pour les éleveurs laitiers dès la campagne 1999.
Vous m'avez aussi fait part, Monsieur le Président, de vos inquiétudes concernant l'aide aux bâtiments d'élevage. Cette aide, j'en ai la conviction, joue un rôle essentiel en montagne, tant il est vrai que les surcoûts liés à la construction des bâtiments peuvent constituer un frein à l'installation dans ces zones. Dans certains départements, l'insuffisance des crédits engagés par l'Etat et les collectivités locales a entraîné la création de « files d'attente ».
Ces files d'attente doivent être totalement résorbées au cours de l'année 1999. C'est pourquoi j'ai décidé de déléguer dès le premier trimestre de l'année 1999 les crédits nécessaires afin que soient traités les dossiers en attente de financement ainsi bien évidemment que les dossiers qui seront nouvellement déposés dans le courant de l'année 1999.
J'ai donné toutes les instructions pour l'avenir, vous avez souhaité que l'on puisse faire évoluer ce dispositif en transformant la subvention en un prêt bonifié. J'y suis pour ma part favorable mais vous le savez une telle évolution ne recueille pas l'unanimité au sein des organisations professionnelles. Elle nécessite en outre un travail préparatoire avec le ministère de l'économie et des finances. J'ai donc arrêté le principe d'une réunion avec les organisations professionnelles afin que nous puissions saisir ensuite les autres départements ministériels concernés. J'espère ainsi que nous pourrons progresser rapidement sur ce sujet qui vous tient à coeur, Monsieur le Président.
LOA et réforme de la PAC
Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce projet de loi d'orientation agricole. Il est désormais bien connu.
L'ambition de ce texte est de permettre l'existence et l'avenir d'exploitations nombreuses dirigées par des agriculteurs responsables porteurs de leur propre projet et indépendants.
Notre ambition est aussi de faire que l'agriculture soit prise en compte dans toute sa dimension, qu'elle ne soit pas réduite à la seule activité de production de matière première. Bref, vous le savez, ce dont il s'agit c'est de faire reconnaître par la politique agricole la multi-fonctionnalité de l'agriculture. C'est-à-dire le fait que l'agriculture joue un rôle non seulement économique mais aussi un rôle social et un rôle environnemental. Je souhaite vous rassurer, Monsieur le Président, il ne s'agit pas de faire prévaloir la fonction environnementale sur la fonction économique, car je suis comme vous convaincu que c'est au travers de l'acte de production, au travers de son projet économique que l'agriculteur remplit les fonctions environnementales et sociales.
L'ambition de ce projet de loi d'orientation agricole, c'est aussi de permettre à l'agriculture de continuer à jouer le rôle essentiel qui est le sien dans l'occupation équilibrée de notre territoire. Dans ce domaine aussi j'en suis convaincu le « laisser-faire » ne peut aboutir qu'à des évolutions extrêmement négatives, concentration excessive d'un côté, abandon de territoires de l'autre.
C'est aussi se préoccuper des conséquences de la politique agricole sur l'emploi. J'ai déjà eu l'occasion de le dire et de le répéter : il ne me paraît pas normal que la politique publique contribue à la disparition d'exploitations et à la disparition d'emplois. Elle ne peut être justifiée dans la situation que nous connaissons que par la contribution qu'elle apporte au maintien et à la création d'emplois dans notre pays.
Voilà rapidement rappelées les grandes orientations que j'entends mettre en oeuvre par cette loi d'orientation.
Celle-ci a été examinée par la Commission de la Production et des Echanges de l'Assemblée Nationale au début de l'été.
L'Assemblée Nationale examinera en première lecture le projet de loi d'orientation agricole du 5 au 12 octobre prochain.
Il viendra ensuite en débat devant le Sénat dans le courant du mois de janvier.
Le Gouvernement a demandé l'urgence pour ce projet de loi. Ceci devrait permettre si tout se passe bien, de terminer les travaux parlementaires avant la fin du premier trimestre de l'année 1999.
Dans le même temps le travail de préparation des décrets d'application de cette loi est déjà engagé. C'est en effet ce qu'ont souhaité les parlementaires comme les organisations professionnelles.
J'ai souhaité depuis le début de la préparation de ce texte, que le Gouvernement soit éclairé en permanence par les avis et les propositions de l'ensemble des parties intéressées à la mise en oeuvre de cette loi.
J'avais souhaité que ce travail soit engagé dans une dizaine de départements. Plus de cinquante départements ont fait acte de candidature. Il m'a semblé préférable dans ces conditions de laisser le champ de la réflexion aussi largement ouvert que possible. Toute l'Auvergne a vu sa candidature retenue et je m'en réjouis car la diversité des productions de votre région, les succès que vous rencontrez en dépit de conditions naturelles difficiles, la recherche d'une meilleure valorisation de vos productions seront précieux.
Ce travail sera extrêmement utile au moment où s'engage la réforme de la Politique Agricole Commune.
Il y a en effet dans mon esprit un lien étroit entre
les débats nationaux que nous avons autour de la L.O.A. et la réforme de la P.A.C. Aussi je tiens à vous rassurer : j'ai moi aussi cette préoccupation à l'esprit, et c'est précisément parce que je veux pouvoir peser dans les débats à Bruxelles dans le sens que nous souhaitons en France qu'il était nécessaire et urgent d'avancer dans le travail d'élaboration de notre Loi d'Orientation Agricole en France.
La politique agricole communautaire doit selon moi permettre d'atteindre plusieurs objectifs :
1. Préserver le revenu des agriculteurs ;
2. Contribuer par une intervention publique efficace à l'équilibre des marchés agricoles qui sont par nature spéculatifs ; la crise porcine que j'évoquais tout à l'heure en est me semble-t-il une illustration frappante ;
3. Assurer la sécurité alimentaire de l'Europe ;
4. Permettre une valorisation équilibrée de l'ensemble des territoires.
Je ne pense pas qu'il soit possible de faire reposer toute la politique agricole sur les seules aides directes au revenu des agriculteurs comme le propose la Commission.
Par ailleurs, l'intérêt essentiel pour la commission de ce projet de réforme ne tient pas à sa capacité à instaurer durablement l'équilibre des marchés agricoles. Son intérêt serait plutôt de dégager des marges de manoeuvre à la Commission dans le cadre des prochaines négociations de l'organisation mondiale du commerce. En baissant les prix garantis, elle pourrait demain, plus facilement, accepter une nouvelle réduction de la préférence communautaire, une diminution supplémentaire du budget accordé aux restitutions à l'exportation, etc.
Les épisodes récents, en particulier celui de la négociation d'un accord de libre échange avec le MERCOSUR, montrent qu'il n'est pas possible de donner de chèques en blanc à la Commission dans ce domaine. Il faut au contraire limiter autant que possible la marge de manoeuvre dont elle peut bénéficier dans ces prochaines négociations de l'organisation mondiale du commerce.
C'est pourquoi, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je défendrai une position consistant à demander à mes collègues européens de mettre en oeuvre les ajustements strictement nécessaires à l'équilibre des marchés agricoles. Quels sont ils pour les productions animales ?
S'agissant de la viande bovine, je n'insisterai jamais assez sur le fait qu'à mes yeux la baisse des prix garantie ne constitue pas la solution au problème que cette production devra affronter à l'avenir. L'adaptation de l'organisation commune du marché de la viande bovine doit reposer sur deux jambes: adaptation des prix à l'évolution des prix de la viande blanche, cela est sans doute indispensable, mais aussi maîtrise de la production car sans maîtrise de la production il n'y aura pas de solution au problème d'équilibre de ce marché.
Alors la baisse du prix d'intervention de la viande bovine doit être limitée à ce qui est nécessaire au maintien de l'équilibre entre les viandes blanches et les viandes rouges à moyen terme. Cela dépendra donc du niveau retenu au bout du compte pour le prix des céréales.
La baisse du prix d'intervention doit être intégralement compensée pour tous les types de production, qu'il s'agisse des vaches allaitantes ou des bovins mâles.
Et puis surtout ne l'oublions pas les outils de maîtrise de la production doivent être renforcés :
- Les génisses doivent être éligibles à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ;
- L'ajustement des quotas nationaux de prime à la vache allaitante proposé par la Commission me paraît nécessaire ;
- L'augmentation progressive de la prime à l'extensification et le durcissement des critères d’éligibilité me paraît être aussi une voie que l'on ne peut pas refuser. Il faut sans doute par contre définir les conditions dans lesquelles nous nous y engageons ;
- La prime à la transformation des jeunes veaux doit être maintenue ;
- Les moyens permettant de favoriser une réduction progressive du poids des carcasses des animaux abattus doivent également être étudiés.
C'est en jouant sur l'ensemble de ces instruments que l'on pourra assurer durablement l'équilibre du marché de la viande bovine. Et je me réjouis de constater que la position qui a été adoptée hier par le COPA, sous l'impulsion du Président DAUL, reconnaît comme moi la nécessité de « combiner de manière appropriée les mesures de soutien des prix et les mesures de gestion de l'offre ».
S'agissant de la production laitière je l'ai dit et je le répète, l'abandon des quotas laitiers serait une erreur, et je m'y oppose. C'est pourquoi je refuse purement et simplement la position de la Commission en ce domaine.
Mais il faut dans le même temps, à l'occasion de cette négociation, commencer à réorienter la politique agricole commune. Les aides doivent être en partie distribuées de façon différente de la situation que nous connaissons aujourd'hui. Il faut passer d'une logique de filière à une logique plus horizontale permettant un développement équilibré des exploitations sur le territoire.
C'est pourquoi j'ai soutenu les idées de modulation des aides, mais bien sûr il ne s'agit certainement pas d'inventer des solutions qui ne toucheraient que la France. Il ne s'agit pas non plus d'inventer des solutions qui auraient pour seul objectif de contribuer au financement du contrat territorial d'exploitation. C'est la politique européenne qui doit être infléchie, il faut donc un cadre communautaire à cette modulation des aides qui devrait toucher l'ensemble des Etats membres. Deux idées sont avancées par la Commission pour le moment : l'idée d'un plafonnement dans certaines conditions. Je ne récuse pas l'idée de plafonnement, ce que je refuse dans la proposition de la Commission c'est le fait que les économies ainsi réalisées au lieu de revenir aux Etats membres et aux agriculteurs des Etats membres seraient une simple source d'économie pour le budget communautaire. Dans ces conditions elle ne me paraît pas acceptable.
Il me semble que nous pouvons utilement travailler à préciser ce règlement communautaire pour que les critères de prélèvement et de distribution de ces crédits soient conformes aux intérêts de notre agriculture, et aux orientations dont j'ai parlé tout à l'heure à propos de la loi d'orientation agricole.
Voilà quelles sont les orientations que je défendrai dans le débat communautaire sur la réforme de la politique agricole commune.