Texte intégral
Béatitude, Éminence,
Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Votre Béatitude est le bienvenu en ce Palais des affaires étrangères, et je tiens à lui dire combien nous sommes heureux de le recevoir officiellement pour la seconde fois en huit ans en France. J'ai gardé pour ma part un souvenir très ému, c'est le mot qui convient, de l'accueil que vous m'aviez réservé à Bkerke lors de ma visite officielle au Liban, il y a pratiquement un an, jour pour jour, c'était au début de novembre 1993. La sagesse de votre pensée m'avait profondément impressionné et j'aimais la retrouver tout à l'heure, avec votre franchise bien connue, dans les entretiens que nous venons d'avoir.
Permettez-moi de souhaiter également la bienvenue aux hautes personnalités qui vous accompagnent et aux personnalités françaises qui ont bien voulu répondre à mon invitation.
Depuis des années, le Liban, et notamment sa communauté chrétienne, ont traversé des moments sombres. Vous avez su, par votre clairvoyance, par votre esprit d'ouverture, faire œuvre de rassemblement autour de votre personne, effacer les blessures, panser autant que faire se peut les plaies. Vous avez su regrouper autour de vous des Chrétiens souvent déchirés par des luttes fratricides et des combats suicidaires.
Allant plus loin, votre Béatitude a su s'attirer le respect de l'ensemble des communautés du Liban et œuvrer après les heures tragiques que votre pays a connues, en faveur de son unité, comme en témoigne la présence à vos côtés des plus hautes autorités spirituelles du Liban, lors des affrontements armés qui ont de nouveau hélas ! meurtri le Sud de votre pays il y a quinze mois.
Nous sommes heureux, je le répète, de recevoir à Paris, en visite officielle, le Patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient et, désormais, le prélat que Sa Sainteté Jean-Paul II vient de nommer Cardinal. Nous nous en réjouissons et nous nous en félicitons de tout cœur. Cela me réjouit tout particulièrement en ce moment, où la paix, semble-t-il, va de l'avant dans votre région. Nous l'avons appelée de tous nos vœux, nous la souhaitons globale, totale, durable. Elle devra, en toute hypothèse, permettre au Liban, nous le voulons, vous le savez, ardemment, de retrouver son intégrité territoriale dans le cadre de ses frontières internationalement reconnues et dans le respect de sa pleine et entière souveraineté, conformément à la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Et ce langage que je tiens ici en votre présence, Béatitude, vous savez que je le tiens partout, chaque fois qu'au nom de la France, je peux l'exprimer dans les enceintes internationales.
Ce moment, c'est aussi celui où, après tant d'années de guerre, votre pays se relève peu à peu de ses ruines, amorce avec courage et détermination sa reconstruction et reprend progressivement sa place unique au Proche-Orient. La France ne peut que souhaiter voir l'ensemble des communautés du Liban et notamment la communauté maronite dont vous êtes le chef spirituel participer pleinement à cette œuvre majeure.
Elle ne pourra le faire que dans un climat de liberté, de défense des Droits de l'Homme, de respect du prochain, qui doivent rester la marque de votre pays. La commune volonté des Libanais, de tous les Libanais, de vivre ensemble dans l'affirmation de leur identité nationale a une signification et une portée qui dépassent de loin les seules frontières du Liban et qui doit servir d'exemple à d'autres, à d'autres régions, pourquoi pas à l'Europe où l'on voit resurgir des affrontements religieux et ethniques d'un autre âge.
Je ne doute pas que, quelles que soient vos légitimes craintes, et vous me les avez dites tout à l'heure, je les ai écoutées avec le respect et la considération qu'elles méritent, le Liban saura surmonter les difficultés qui restent sur son chemin pour sortir plus fort, plus uni, dans le Proche-Orient de demain, pacifique et mobilisé pour le développement et la prospérité. La France qui éprouve foi et espérance en l'avenir du Liban s'y emploie, vous le savez, sans relâche. Et c'est dans cet esprit, dans cette perspective, mesurant à la fois la gravité de la situation présente mais aussi inspiré par une grande espérance, que je voudrais maintenant lever mon verre en l'honneur de Sa Béatitude, le Cardinal Nasrallah Pierre Sfeir, patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, en l'honneur de la communauté maronite et de toutes les communautés du Liban, en l'honneur du Liban tout entier, si cher au cœur de la France, du Liban de demain, dans son unité reconquise, dans son intégrité territoriale recouvrée et dans sa souveraineté affirmée.
Q. : Quelles ont été les grandes lignes de vos entretiens ?
R. : J'ai écouté avec beaucoup d'attention Mgr Sfeir, qui m'a fait part de ses préoccupations sur la situation au Liban, sur l'état de droit, sur les Droits de l'Homme, également sur l'application des Accords de Taëf. On connaît les positions de Sa Béatitude, qui méritent considération. Je lui ai redit de mon côté combien la France était déterminée à tout faire pour que la paix ne se fasse pas, au Proche-Orient, au détriment du Liban. Il est vrai que, parfois, on peut se poser la question. Nous avons beaucoup de mal, nous Français, à faire passer l'idée que dans le cadre de ce processus, le Liban doit retrouver sa pleine souveraineté, son intégrité territoriale, doit redevenir ce qu'il a été, c'est-à-dire un modèle de convivialité entre communautés chrétiennes et musulmanes. C'est très important, c'est important pour le Liban, bien entendu, c'est important pour toute la stabilité et pour tout l'équilibre de la région. La France ne se découragera pas, même si elle n'est pas toujours entendue, et elle continuera à faire passer le message. Il faut que nous en convainquions nos partenaires européens, qui peuvent avoir là un poids plus lourd que le nôtre seul.
Q. : Est-ce que vous avez parlé d'une réconciliation chrétienne ?
R. : C'est ce que je souhaite, parce que l'expérience prouve, je le disais dans mon toast tout à l'heure, que les combats fratricides entre chrétiens ont été suicidaires. Ce n'est pas à moi à me substituer aux responsables de la communauté, mais il est évident que plus les chrétiens seront réconciliés, plus ils seront forts. Je crois que le moment est venu pour eux de s'impliquer dans ce qui se passe, de participer à la reconstruction du Liban, de participer également à la vie politique.
Q. : Monsieur le ministre, il y avait tous les opposants chrétiens ici, il n'y avait pas le général Aoun. Pourquoi ?
R. : La politique de la France est tout à fait claire, c'est celle que je viens d'exprimer, c'est celle qu'a arrêtée le Premier ministre, c'est celle à laquelle nous contribuons tous. Le général Aoun est en France, il est notre hôte, cela lui impose un certain nombre de devoirs de réserve. Voilà ce qui explique la situation.