Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux que l'occasion me soit donnée, en m'exprimant dans le cadre de vos XIe Assises nationales, de témoigner tout l'intérêt que je porte à votre profession et à son instance représentative. J'entends ainsi marquer que le commissariat aux comptes remplit, plus que jamais, une fonction éminente dans la vie des affaires : en exerçant les missions que la loi vous confie, votre profession contribue à la sécurité et à la transparence nécessaires aux relations économiques.
Vous avez choisi, monsieur le Président, de consacrer cette année vos Assises à un thème dont l'importance n'est pas à démontrer. Le rapport du commissaire aux comptes, objet de vos travaux, est au cœur même de sa mission.
C'est par ce rapport qu'il explicite son appréciation sur les comptes et qu'en conséquence il en certifie la régularité, ou, le cas échéant refuse cette certification.
Vous avez souligné à juste titre le caractère indispensable de votre intervention, voulue par la loi, qui consiste avant tout à donner aux tiers l'appréciation d'un professionnel indépendant extérieur à l'entreprise sur la sincérité et la régularité des comptes sociaux. C'est l'essence même du « contrôle légal » des comptes.
Je sais que vous vous efforcez, en élaborant vos normes professionnelles d'assurer leur cohérence avec celles qui sont définies par des organismes internationaux. Une telle réflexion, largement engagée au cours de ces assises, me paraît de nature à répondre aux attentes des destinataires de vos rapports, alors que l'environnement économique, financier et boursier des entreprises s'inscrit de plus en plus dans un cadre européen et même mondial.
C'est dans ce contexte que le rapport du commissaire aux comptes est une source d'information primordiale pour les actionnaires de la société, ses salariés et ses créanciers.
Aussi avez-vous tenu à associer leurs représentants à vos travaux : ce souci d'ouverture et de dialogue prouve à mes yeux la pertinence de vos débats.
En certifiant que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société, vous répondez à l'exigence de l'article 228 de la loi du 24 juillet 1966. Vous mettez aussi les tiers, partenaires de la société, en mesure d'utiliser ces comptes dans des conditions de sécurité conformes aux exigences de saines relations économiques.
Vous le savez, beaucoup de pays nous envient cette transparence, et je souhaite que l'ouverture internationale de votre profession lui donne l'occasion d'en faire apprécier ailleurs tout l'intérêt : la Chancellerie vous apportera en ce domaine tout l'appui nécessaire.
Les commissaires aux comptes mettent au service de ces missions leur indiscutable compétence, et je salue, à ce titre, les efforts constants que votre Compagnie déploie au service d'une amélioration permanente de la formation, de la sélection rigoureuse de ses membres et du contrôle de la qualité des travaux effectués par leurs soins.
Mais tout autant que cette compétence, l'indépendance est la condition nécessaire à l'exécution de la mission d'intérêt général qui est la vôtre.
Voulue par la loi, cette indépendance est essentielle à la mission même du commissaire aux comptes : celui-ci ne saurait valablement certifier la régularité et la sincérité des comptes d'une entreprise que s'il est placé dans une situation de rigoureuse indépendance vis-à-vis de celle-ci. Aussi la loi du 24 juillet 1966 érige-t-elle cette indépendance en un principe général, et organise-t-elle de strictes incompatibilités.
Les années récentes, cependant, ont vu se constituer et se développer des réseaux, de dimension nationale et internationale, unissant des activités de nature différente dont chacune est tournée vers l'entreprise, alors qu'elles s'exercent au sein de sociétés juridiquement indépendantes, mais liées par une communauté d'intérêt significative et durable.
Pour licite et souhaitable qu'il soit, ce phénomène ne va pas sans poser en des termes nouveaux la question de l'indépendance du commissaire aux comptes. C'est ainsi que l'appartenance de celui-ci à un tel réseau pourra le conduire à exercer sa mission auprès de sociétés recevant par ailleurs des services de conseil ou d'assistance de la part d'autres professionnels membres de ce même réseau. Cette affiliation commune ne peut manquer de soulever de légitimes interrogations.
Il en va de même lorsque le double commissariat prévu par la loi est assuré par des commissaires relevant, personnellement ou par l'intermédiaire d'une société, du même réseau.
À ces difficultés, le groupe de travail commun à votre Compagnie et à la Commission des opérations de bourse sur la déontologie des réseaux a naguère entendu porter remède. Il n'a pas souhaité, cependant, s'engager dans la voie d'une réforme des règles et procédures légales applicables aux incompatibilités. Le rapport issu des travaux de ce groupe a proposé, en revanche, que soient édictées des normes professionnelles d'ordre déontologique, et que soient institués entre la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et la Commission des opérations de bourse des organes et des mécanismes de contrôle.
Cette méthode, qui a été retenue, a eu le mérite de laisser les autorités concernées agir avec souplesse et pragmatisme, et a cet égard j'observe avec satisfaction que les normes professionnelles désormais en vigueur sont applicables à l'ensemble des sociétés, cotées ou non.
L'avenir dira si cette voie a été celle de la sagesse : pour sa part la Chancellerie demeurera attentive, en liaison avec vos instances nationales, à l'évolution de ce phénomène.
Il est clair, toutefois, que si ces règles professionnelles s'avéraient insuffisantes ou inadaptées, des voix ne manqueraient pas, ici ou là, de s'élever pour inviter les pouvoirs publics à intervenir dans des conditions propres à mieux garantir le principe d'indépendance qui est au cœur de l'exercice de votre profession. La Chancellerie a d'ailleurs été saisie d'une proposition en ce sens, qui a été transmise à votre compagnie, rien ne pouvant se faire sans une concertation approfondie avec les professions concernées.
Il est tout aussi clair que le rôle éminent de votre profession dans le concert économique doit conduire chacun de ses membres à une adhésion pleine et entière aux règles qui la fondent et l'encadrent : j'attends, à cet égard, de votre Compagnie nationale qu'elle continue, si nécessaire, à en assurer le respect avec toute la vigilance et, quand il le faut, la rigueur nécessaire.
J'ai parlé du rôle éminent qui est le vôtre et en veux pour preuve son extension récente, voulue par le législateur et traduite dans les nouvelles dispositions touchant à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises.
La loi du 10 juin 1994 vous donne, en effet, une mission nouvelle : informer, à l'issue de la procédure d'alerte, le président du tribunal si vous constatez que les décisions prises par l'assemblée générale ne permettent pas d'assurer la continuité de l'exploitation. Cette obligation nouvelle devrait inciter fortement les dirigeants d'entreprise à tenir compte de vos recommandations.
En outre, vous serez conduit à communiquer au président du tribunal, à sa demande, les renseignements susceptibles de lui donner une exacte information sur la situation économique et financière d'une entreprise, lorsqu'il aura décidé d'entreprendre les investigations préalables au règlement amiable.
Chargée de nouvelles responsabilités, investie de la confiance du législateur, votre profession saura, j'en suis convaincu, concourir davantage au diagnostic et à la prévention des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises.
Permettez-moi, avant de laisser place aux ateliers qui vont animer les travaux de cette matinée, d'évoquer l'une des plus fortes exigences actuelles de nos concitoyens : l'aspiration à plus de transparence dans la vie publique.
Vous concourez déjà à cette transparence en certifiant les comptes des partis politiques et de ceux des campagnes électorales.
Un débat va s'ouvrir demain devant le Parlement.
Il permettra à la représentation nationale d'examiner les moyens de nature à satisfaire cette exigence de transparence, tant en ce qui concerne la vie publique que la vie de nos entreprises, et à prévenir toutes les dérives. La Chancellerie, pour ce qui la concerne, est prête à envisager les mesures susceptibles de parvenir à la réalisation de ces objectifs ; elle ne manquera pas d'examiner avec grand intérêt les propositions que votre profession pourrait être amenée à présenter.
Vos assises, je le constate, sont placées sous le signe de l'ouverture : j'y perçois la jeunesse d'une profession qui entend se préparer aux enjeux de demain, sans rien abandonner des principes rigoureux qui la fondent et ont assuré sa prospérité.
Je vous remercie.