Texte intégral
Une fois de plus, le Mouvement européenne donne l'exemple. En prenant l'initiative d'un premier grand débat public sur les enjeux de la réforme des institutions européennes. Et en se plaçant dans la perspective franco-allemande qui, une fois de plus, sera déterminante.
Je suis d'autant plus heureux de participer à ce débat que c'est pour moi la première, mais aussi la dernière occasion, de m'exprimer librement sur ce grand sujet : dans dix jour commence la Présidence française qui m'obligera à tourner quinze fois ma langue avant de proférer un son.
Sur la relation franco-allemande :
L'état des relations franco-allemandes depuis 1951 ressemble à l'état des mœurs : à entendre les esprits chagrins, elles ne cessent de se dégrader. Ce n'est pas du tout mon impression. Les relations entre la France et l'Allemagne gardent leur caractère permanent.
S'il y a un élément nouveau, c'est que, des deux côtés du Rhin, la génération d'après-guerre, qui arrive aux affaires, celle des Schauble, des Shcarping, des Kinkel, et chez nous, celle des Juppé, des Bayrou et des quadras du PS partage la conviction de ses aînés sur l'importance primordiale de la relation franco-allemande.
Comment le définir ?
Par la nécessité historique : si deux autres pays de la CEE sont en désaccord, cela peut retarder la politique européenne, mais il n'y a qu'une Europe. Si par malheur la France et l'Allemagne étaient en désaccord sur un sujet important, alors, il y aurait non plus une mais deux Europe.
Et c'est pourquoi, à l'été 1993, pendant la tempête monétaire, c'est-à-dire l'une de ces grandes crises où se font des grands choix, j'ai plaidé, contre l'avis des plus hautes autorités financières, contre l'avis des plus hautes autorités de ma propre famille politique et même contre l'avis du Président de la Commission, pour que le franc et le mark restent dans la même bande de fluctuation – quitte à élargir la marge. Si le mark avait flotté seul, ou le franc seul, les intérêts économiques de nos deux pays auraient été découplés. A Paris, les sirènes de l'autre politique se seraient faites plus pressantes. Il y aurait eu deux Europe monétaires qui, peu à peu, auraient divergé et non plus convergé, sur la monnaie, sur la politique économique et bientôt sur tout le reste.
Par sa finalité européenne : cette relation privilégiée franco-allemande ne nous donne aucun droit vis-à-vis de nos autres partenaires, mais des devoirs. Elle n'est pas exclusive. Elle n'est pas secrète.
Par ses divergences fréquentes mais toujours surmontées. Les différences de notre histoire, de nos structures économiques, de nos institutions politiques nous conduisent souvent à avoir des avis différents, voire très opposés, sur des sujets variés. Mais nous avons la ferme volonté politique d'arriver à un compromis et depuis plus de quarante ans nous y sommes toujours arrivés.
À la lecture du document de la CDU, je constate qu'une fois encore la France et l'Allemagne partagent la même approche sur les points fondamentaux :
1. L'élargissement : l'Union européenne doit être capable d'accueillir les pays d'Europe centrale et orientale qui souhaitent la rejoindre ; contrairement à ce qui est parfois dit, il n'y a pas de divergence franco-allemande sur ce point. Et c'est le Premier ministre français et le Chancelier allemand qui, ensemble, ont proposé d'inviter désormais une fois par an les dirigeants des PECO aux Conseils européens.
2. L'approfondissement : en même temps, l'Union a besoin de progrès internes, particulièrement en matière de politique étrangère et de sécurité, tout en s'allégeant de tâches superflues, conformément au principe de subsidiarité.
3. La nécessité d'adapter les institutions européennes à ce double mouvement d'élargissement et d'approfondissement. Les institutions européennes doivent être plus simples, plus efficaces et plus démocratiques.
4. Les cercles de solidarité : nous rejetons l'Europe à la carte, qui serait le contraire de la solidarité européenne. Nous pouvons accepter que certains pays aient besoin de plus de temps que d'autres pour parvenir à l'objectif commun. À condition que les retardataires n'empêchent pas l'avant-garde de montrer la voie. Une avant-garde que les Français espèrent pouvoir être plus nombreuse, plus variée et géographiquement plus équilibrée, que l'élite restreinte envisagée dans le document de M. Lamers.
5. Le socle franco-allemand. Comme toujours depuis 1851, l'Allemagne et la France doivent faire partie de cette avant-garde.
C'est à partir de ces cinq piliers fondamentaux, sur lesquels un très large consensus existe dans nos deux pays – et chez la plupart de nos partenaires –, que nous pouvons imaginer la future maison européenne.
Les sujets de débat
Nous sommes un pays de modes. L'analyse à la mode aujourd'hui en France consiste à dire que l'Allemagne a des idées précises sur l'avenir de l'Europe, et qu'elle attend des réponses de la France.
J'observe pour ma part, une réalité différente. Les partis politiques allemands se sont exprimés pendant la campagne électorale. Mais dans son discours d'investiture devant le Bundestag le Chancelier, tout en confirmant son magnifique engagement européen, ne s'est exprimé qu'en termes généraux et prudents sur les réformes nécessaires. Pour ce qui concerne la France, nous savons bien que c'est le prochain Président de la République qui définira la position de notre pays en 1996. En attendant, l'actuel gouvernement a déjà lancé le débat, à travers notamment les interventions et les articles du Premier ministre, d'Alain Juppé et de moi-même.
En fait à chaque étape de la construction européenne nous avons des questions de confiance à poser à nos partenaires.
En 1991, la question de confiance a porté essentiellement sur la monnaie. En simplifiant à l'excès, je dirai que les uns acceptaient la monnaie forte pourvu qu'elle soit unique, et les autres se ralliaient à la monnaie unique pourvu qu'elle fût forte. De ce compromis est né le Traité de Maastricht, avec ses institutions nouvelles, ses critères, son calendrier.
Entre nos deux pays, comme avec douze autres de nos quinze partenaires, ce débat-là est tranché. Bien entendu, il y aura toujours des voix, ici et là, pour émettre des doutes ou des regrets. Mais les dirigeants politiques se font pleinement confiance. C'est, en principe, le Bundestag élu en octobre, dont tous les grands partis ont accepté l'UEM, qui aura à se prononcer sur le passage à l'union monétaire.
1993-1994 aura vu la question de confiance sur la politique commerciale.
En avril 93, nous sommes arrivés aux affaires au moment d'une crise de confiance entre la France et l'Allemagne à propos de la négociation du GATT. Nous avons surmonté cette crise, pour le plus grand bien de l'Europe. D'un côté, nos partenaires nous soupçonnaient de rêver à un néo-protectionniste. De l'autre, nous nous inquiétions des plaidoyers en faveur de la zone de libre-échange qui auraient fait disparaître la préférence communautaire.
Le résultat concret de notre accord est impressionnant. Pour la première fois depuis le traité de Rome, l'Europe a agi sur la scène internationale comme une vraie puissance commerciale. Non plus seulement comme un géant statistique, mais comme un acteur politique majeur. Parlant d'égal à égal avec les USA dans des affrontements directs avec eux. L'Europe a ainsi obtenu :
– La remise en cause du pré-accord agricole de Blair House ;
– sur les produits industriels, une réduction tarifaire de moitié de la part des USA, là ou elle-même n'a réduit que d'un tiers sa propre protection ;
– le maintien de l'exception culturelle, malgré les pressions personnelles du Président Clinton ;
– la transformation du GATT en OMC, ce à quoi les USA s'étaient constamment opposés de 1947 jusqu'au 14 décembre 1993.
En 1996, la question de confiance entre Européens portera sur la politique étrangère et la défense. Nous avons transformé le Marché commun ne puissance commerciale. Nous avons un calendrier pour en faire une puissance monétaire.
Sommes-nous d'accord aujourd'hui pour en faire une puissance diplomatique, donc militaire et, finalement, politique ?
Force est de reconnaître que le Traité de Maastricht n'a pas permis d'aller beaucoup plus loin, en matière de PESC, que ce qu'était, depuis vingt ans, la « coopération politique ».
En posant le principe d'une PESC, il a eu un mérite, méconnu, mais réel : désormais, le Conseil des ministres européen se sent « en charge » des grandes crises internationales, à commencer par la Bosnie. Cet avantage a son revers : désormais l'opinion publique tient l'Europe responsable des crises internationales, à commencer par la Bosnie. Or le Traité actuel pose un principe mais ne donne pas les moyens de conduire une politique étrangère commune.
Il y manque :
Un système de décision.
Un organe commun qui joue, pour la PESC, le rôle que remplit la Commission pour les politiques communautaires internes : qui évalue l'intérêt commun, propose une décision, coordonne son application, et représente l'Union pour les réunions internationales qui ne sont pas du niveau du Conseil. J'ai été le premier à proposer la création, par le Conseil, d'un Secrétariat général de la PESC. Je me réjouis de voir l'idée reprise tant à Bonne qu'à Rome.
Enfin un instrument militaire. En Bosnie, c'est l'Europe qui a été capable de concevoir le plan de paix aujourd'hui sur la table. Mais, faute d'outil militaire commun, elle n'a pu imposer ce plan sur le terrain.
Pour la France, pour l'actuel gouvernement sûrement, mais aussi, sans doute, pour tous les partis de gouvernement français, le traité de 1996 doit faire, pour la politique étrangère et la défense, ce que celui de 1992 a fait pour la monnaie.
Comme pour la politique commerciale, cela exigera que nous dissipions d'éventuels malentendus ou procès d'intentions entre nous, entre les Quinze, et peut-être entre la France et l'Allemagne.
La France devra démontrer qu'elle fait confiance à une Alliance atlantique rénovée, devenue euro-atlantique, et qu'elle entend y prendre ses responsabilités.
Mon sentiment personnel est que la France devra aussi accepter de s'interroger car c'est un débat que nous devons avoir ici, entre nous, sur le rôle de sa force nucléaire de dissuasion pour la défense de l'Europe. Nos amis britanniques n'échapperont pas non plus à ce débat, et il n'y a que des avantages à ce que, le moment venu, nous en parlions ensemble.
De leur côté, nos partenaires devront montrer qu'au-delà des communiqués sur l'identité européenne de défense, ils acceptent le principe d'une vraie politique étrangère commune et ses compétences pratiques en matière de défense. Pour nous, le « premier cercle » ou le « noyau dur » impliquent la participation à une politique étrangère et de défense commune.
Cela suppose que les Européens soient capables, politiquement et militairement, d'agir sans les États-Unis dans des domaines importants pour les intérêts européens mais secondaire pour nos partenaires américains. C'est ce que j'appellerai le problème du « premier coup de fil ». Nous avons tous des « lignes rouges » de communication privilégiées : en cas de crise internationale, qui appelons-nous d'abord ?
La conjoncture est plus favorable qu'en 1991 à un progrès déterminant en la matière. En particulier, le dernier Sommet de l'OTAN a montré que les États-Unis acceptaient désormais le principe d'un partage des tâches entre Américains et Européens, ou entre Alliance atlantique et UEO. À nous de le traduire dans les faits.
Sur les institutions
Nous avons besoin d'un système de décision qui soient à la fois efficace et démocratique.
La première réforme nécessaire doit porter sur le Conseil des ministres.
Curieusement, nous souhaitons tous que le Conseil soit la clef de voûte des institutions européennes, mais, jusqu'à présent, la réflexion réformatrice a peu porté sur cette institution fondamentale. Comme si le problème se résumait à la rotation des présidences et au calcul des majorités.
La vérité est que, si nous souhaitons que le Conseil assure véritablement le pilotage, c'est-à-dire la direction politique de l'Union, il faut adapter ses structures, ses méthodes et même sa composition.
Le Conseil des ministres européen remplis une double fonction, qui tient à l'originalité de la Communauté.
Une fonction exécutive : organe de coordination des exécutifs nationaux et de contrôle de l'exécutif communautaire qu'est la Commission.
Mais aussi une fonction législative : puisqu'il vote les lois européennes, en coopération avec le Parlement de Strasbourg.
Or, ces deux fonctions n'ont ni la même portée, ni les mêmes exigences. S'il peut paraître souhaitable de les voir exercées par un même organe, pour ne pas alourdir encore une architecture institutionnelle complexe, à tout le moins faudrait-il distinguer les procédures, voir les personnes, selon la fonction exercée.
Ainsi, lorsqu'il siège en formation législative, le Conseil devrait, comme une Chambre haute, accepter l'entière publicité des débats et des votes, et rendre son ordre du jour contraignant.
En outre, chaque État membre devrait être autorisé à s'y faire représenter, non plus par un ministre, mais par un parlementaire national ou, dans les États fédéraux, par un élu régional.
En revanche, en formation exécutive le Conseil doit garder sa composition ministérielle et certaines et ses méthodes de travail actuelles : réunions préparatoires de fonctionnaires, secret des délibérations.
Mais, là aussi, deux problèmes doivent être posés.
Celui de la permanence : au mieux, les ministres se réunissent deux fois par mois. Comment peut-on espérer que le chef d'orchestre conduise la musique s'il s'absente entre deux portées ? Il faut que les représentants permanents à Bruxelles soient des ministres et non plus des ambassadeurs.
Celui de la cohérence. Il n'y a aujourd'hui pas moins d'une vingtaine de formations différentes du Conseil des ministres. Le Conseil Affaires générales a perdu sa capacité à faire la synthèse et à rendre les arbitrages nécessaires. Le travail des Conseils spécialisés devrait être supervisé par trois ou quatre grands Conseils de synthèse : marché intérieur, économie et monnaie, PESC, affaires intérieures et justice.
Le Parlement européen devra aussi s'adapter à l'élargissement de l'Union.
D'abord, par le plafonnement du nombre de ses membres : en pratique, le nombre de 650 semble un maximum pour un travail utile (567 aujourd'hui).
D'autre part, si une relative égalité entre les États membres, quelle que soit leur taille, doit rester de règle au Conseil – qui constitue la Chambre des États –, les peuples européens doivent être représentés au Parlement proportionnellement à leur importance démographique. En outre, dans chaque pays, le régime électoral de désignation des membres du Parlement européen doit être pleinement démocratique : cela exige, par exemple, que la France renonce à son système actuel, qui conduit les électeurs à se prononcer sur des listes bloquées de 87 noms !
Si ces conditions sont réunies, rien ne devrait s'opposer à ce que le Parlement de Strasbourg puisse bénéficier de l'extension de son pouvoir actuel de codécision à l'ensemble de la législation communautaire interne. En revanche, pour toutes les relations extérieures, il est légitime que le Conseil, représentant les gouvernements, ait la prééminence.
Venons-en enfin à l'exécutif de l'Union européenne.
La « révolution du nombre » apportera ici trois changements majeurs. Tout d'abord, pour des raisons d'efficacité mais aussi de contrôle démocratique, la communauté aura besoin d'un organe exécutif unique et clairement identifié. Deuxièmement, porté à une trentaine de membres, le Conseil tendra à devenir un conseil de surveillance de l'exécutif plus qu'un organe de gestion directe. Enfin, la composition – 1 ou 2 commissaires par État – et le statut de la Commission ne seront plus adaptés à la nouvelle donne.
Deux modèles sont alors possibles :
Le modèle du directoire, non pas au sens du Thermidor, mais à l'image des grandes entreprises – fonctionnant par délégation du Conseil des ministres et sous sa surveillance. Le directoire suppose un petit nombre de membres, les États les plus peuplés – y compris, éventuellement, la Pologne – ayant alors un membre permanent et les autres se succédant par rotation géographique (1 pour le Benelux, un pour les pays scandinaves, 1 pour l'Europe centrale 1 pour les « petits » pays du Sud etc.)
Le modèle plus personnalisé du Secrétaire général (comme à l'ONU ou à l'OTAN). Celui-ci étant choisi pour ses qualités propres, et non pour son pays d'origine. On relèvera d'ailleurs qu'actuellement les Secrétaires généraux de l'OTAN et de l'UEO, qui comme le futur Président de la Commission, viennent de « petits » pays (respectivement la Belgique, le Portugal et le Luxembourg).
Quelle que soit la variante choisie, l'organe exécutif doit être responsable à la fois devant le Parlement européen – comme aujourd'hui – devant le Conseil européen : c'est une condition sine qua non pour que les gouvernements et les opinions publiques admettent qu'une telle autorité puisse parler en leur nom.
L'architecture ainsi décrite répond aux exigences d'un système que nous ne voulons ni fédéral, ni confédéral mais communautaire :
Le Conseil est la clef de voûte : organe législatif lieu de coordination des gouvernements et contrôle de l'exécutif communautaire. Sa composition est ses méthodes de travail sont modifiées pour tenir compte de ces divers rôles.
La Communauté dispose d'un véritable exécutif identifié et responsable devant les gouvernements, comme devant le Parlement européen.
Les lois européennes sont votées par des élus, européens mais aussi nationaux. Les Parlements nationaux sont pleinement introduits dans l'action européenne par le contrôle à priori du gouvernement : national (en France, à travers la consultation de l'article 88 §4), par leurs délégués au Conseil en formation législative, et par la transposition des lois européennes en lois internes (dispositif déjà existant), sans que leur intervention ralentisse la prise de décision communautaire. Et les États membres qui ont une structure fédérale, (comme l'Allemagne ou la Belgique), peuvent aussi associer leurs collectivités de base.
Sur la réforme des institutions européennes, quelques différences s'expriment actuellement des deux côtés du Rhin. Je suis convaincu qu'il s'agit, en grande partie, d'une querelle de mots. Notre histoire et nos traditions juridiques différentes l'expliquent largement.
Ainsi de la souveraineté. Le jugement exprimé par M. Lamers selon lequel la souveraineté de l'État-nation « ne constitue plus depuis longtemps qu'une enveloppe vide » heurte profondément en France. En effet, la souveraineté est ici un concept multiséculaire, qui ne traduit pas seulement le pouvoir concret, mais aussi le « pouvoir de distribuer le pouvoir ». Lorsqu'en 1972 les Français ont déposé leur roi, ils n'ont pas supprimé le souverain, ils ont remplacé le monarque par le peuple lui-même. Aujourd'hui encore, notre Constitution rappelle : « la souveraineté nationale appartient au peuple français ». C'est pourquoi, lorsqu'on évoque un transfert de souveraineté, au tréfonds de la conscience collective française s'éveille la crainte de voir perdre un droit fondamental conquis par le peuple au moment de la révolution. En revanche, les Français peuvent accepter des transferts de compétence, à partir du moment où ils en décident souverainement, notamment par référendum, et où ils gardent le droit, comme leurs partenaires, de modifier ultérieurement leur propre décision.
Il en va de même du mot « fédéralisme ». C'est à travers le fédéralisme que l'Allemagne a trouvé un régime démocratique, stable, moderne qui, de plus, a joué un rôle déterminant dans la réussite de la réunification. On comprend que ce mot évoque, à l'est du Rhin, le contraire d'un système centralisateur. La France, elle, n'a pas l'expérience historique du fédéralisme. Chez beaucoup de Français, « l'Europe fédérale » évoque un ensemble politique où l'identité nationale ne pèserait pas plus que celle du Massachussetts ou de la Louisiane aux États-Unis. En revanche, le bon sens populaire est le même des deux côtés du Rhin pour considérer que, si l'on décide de traiter ensemble certains sujets à travers l'Union européenne, il faut que le système de décision européen soit aussi efficace et aussi démocratique qu'au niveau national. Et qu'il associe la représentation des citoyens, comme celle des États.
La conclusion que j'en tire est que, pour peu que nous renoncions à nous battre sur des mots qui n'ont pas le même sens dans nos deux pays, nous devrions d'ici 1996 trouver un accord sur la liste des politiques communes, comme sur la manière de les conduire. La rédaction d'un nouveau « traité de l'Elysée » permettra de donner à la relation franco-allemande la nouvelle impulsion dont l'Europe a besoin.