Texte intégral
Inscrit dans un projet de loi des finances pour 1999, le nouveau statut de bailleur privé conventionné entrera prochainement en vigueur. Ce dispositif, destiné à encourager la mise en location des logements neufs et anciens, se substituera à l’amortissement Périssol, qui concernait, sans contrepartie sociale, la seule construction neuve. L’Etat disposant dans la période actuelle de ressources limitées, la création de ce nouveau statut apparaît comme une mesure de bon sens et, dans son principe, équilibrée : face aux problèmes actuels – au moins 200 000 personnes dans notre pays ne disposeraient pas d’un toit –, on ne peut raisonnablement consentir d’aides nouvelles sans considérer l’accélération nécessaire à mettre en œuvre pour rendre effectif le droit au logement. Ce dispositif devrait donc, tout en constituant une réelle mesure de soutien au secteur locatif, contribuer à renforcer l’offre de logements à loyers maîtrisés (avec, par exemple, des plafonds mensuels dans l’ancien de 65 francs/m2 à Paris et de 35 francs/m2 dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Mais il doit, pour être pleinement satisfaisant, tenir compte des réalités du marché immobilier et avoir une réelle utilité sociale.
Effort inégal.
Nombreux sont les propriétaires qui hésitent à louer et maintiennent leurs logements inoccupés pendant plusieurs mois, craignant les impayés de loyers. Une mesure forte s’imposant, j’avais proposé lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, la création d’un fonds d’aide et de garantie pour les bailleurs privés. Reposant sur des avantages fiscaux, le nouveau dispositif est également intéressant et montre que le gouvernement a compris le problème, puisqu’il s’accompagne d’un régime d’amortissement fiscal accéléré par les travaux d’amélioration et d’un système de de sécurisation des bailleurs, ce qui est essentiel. Mais la situation, tant pour le propriétaire que pour le locataire, n’est pas le même partout. Avec un prix moyen de location mensuel de près de 80 francs/m2 à Paris et de 40 à 45 francs/m2 en province dans le secteur libre, l’effort demandé au propriétaire, en contrepartie d’avantages fiscaux uniformes pour l’ensemble du territoire, est inégal. Les bailleurs évalueront en effet ce que la mise en location de leur bien à loyer minoré leur rapportera, pendant six ou neuf ans, par rapport à une location non conventionnée, pouvant certes être soumise à des aléas, mais aussi plus rentable.
Si l’on considère un logement conventionné de 60 m2 de type intermédiaire (au loyer mensuel, hors charges, de 65 francs/m2), son rendement locatif brute annuel peut être estimé à Paris à près de 5 %, contre 6 % au moins dans le secteur libre, et à moins de 3 % si le loyer correspond à celui d’un logement social (de type PLA à 35 francs/m2 par mois). Ces écarts de rendement laissent à penser que le nouveau statut, tel qu’il se dessine pour l’instant avec des avantages fiscaux relativement modestes, contribuera à accroître principalement l’offre de logements intermédiaires, à des niveaux de loyers proches des plafond retenues. Est-ce bien nécessaire lorsqu’on sait par exemple que le nombre de logements intermédiaires (PLI) vacants à Paris est estimé à plus d’un millier, du fait notamment des niveaux élevés des loyers (environ 70 francs/m2 par mois charges comprises) ? Il faut donc craindre que le nouveau dispositif soit trop peu attractif dans les secteurs où les loyers sont élevés et les besoins en logements souvent importants. Les incitations prévues ne tenant pas suffisamment compte de ces différences de situation, l’efficacité du nouveau statut de bailleur risque d’être moins là où il devrait s’avérer utile.
Le succès politique de cette mesure reposera en effet d’abord sur son utilité sociale. Soutenir l’offre de logements à loyers maîtrisés doit permettre de répondre à des besoins identifiés, l’offre de logements sociaux (de type PLA et PLA très sociaux) ne permettant pas de satisfaire la demande dans certains secteurs. Les personnes disposant de revenus modestes sont nombreuses à rencontrer d’importances difficultés pour accéder à un logement adapté à leurs besoins et présentant un loyer accessible. C’est le cas à Paris, où plus de 50 000 demandeurs sont dans l’attente d’un logement social, alors que l’on en réalise moins de 2 500 par an. Si l’instauration, par la loi relative à la lutte contre les exclusions, d’un enregistrement départemental centralisé des demandes de logements sociaux devrait permettre d’apprécier avec précision les besoins, il n’en restera pas moins nécessaire d’adapter le nouveau statut de bailleur pour pallier les carences, ce qui paraît préférable au recours de la réquisition. Le nouveau dispositif devrait donc tenir compte des besoins recensés en logements sociaux et du parc de logements intermédiaires disponibles.
Modulation des mesures.
Il est certes trop tôt pour juger de l’efficacité de cette mesure nouvelle, qui devra faire l’objet d’une évaluation ultérieure. Mais une meilleure prise en compte de la pluralité des marchés immobiliers devrait d’ores et déjà donner lieu à une modulation des mesures incitatives prévues pour que le nouveau statut de bailleur favorise la mise en location de logements conventionnés répondant aux besoins différents selon les secteurs, par exemple, au niveau des départements. Le succès et l’utilité de ce nouveau dispositif dépendront très largement des modalités d’application qui seront retenues et de leur effet en faveur du secteur locatif et du logement social : les intérêts des bailleurs et celui de la population doivent être rendus convergents, ce qui ne semble pas encore suffisamment réalisé.