Texte intégral
Le gaspillage des ressources naturelles et des sites a parfois été trop souvent le prix à payer au progrès et à notre développement économique. Les écologistes ont joué un rôle particulièrement utile en rendant l'opinion consciente que l'économisme ne pouvait tout justifier, et que l'exploitation de nos ressources, chez nous, mais aussi à l'échelle de la planète, trouve ses limites nécessaires dans le souci de préserver les intérêts des générations à venir.
Une dimension internationale
J'attache une très grande importance à ce que la France, qui a reçu en héritage en patrimoine exceptionnel, se dote d'une politique ambitieuse en matière d'environnement.
Elle contribue à l'amélioration de la qualité et du cadre de vie des Françaises et des Français. Mais elle doit avoir aussi une dimension internationale. Car on ne protégera pas la France sans protéger la planète. L'environnement doit dès lors être au coeur de notre politique de coopération, tant avec les pays du Sud, afin de leur éviter nos erreurs, qu'avec les pays de l'Est, pour les aider à corriger les leurs. L'accord signé avec l'Ukraine voici quelques jours, et qui amènera la fermeture définitive du site nucléaire de Tchernobyl, constitue un bon exemple de l'action que nous devons mener.
Sur notre sol, une politique ambitieuse de l'environnement est une des conditions de la justice sociale. Parce que les moins favorisés habitent souvent des logements bruyants dans des quartiers où l'environnement urbain est maltraité, l'État doit empêcher que se développe cet autre facteur d'exclusion que serait un environnement à deux vitesses. Il lui appartient de protéger ces biens rares et communs à tous que sont l'eau, l'air, les sols et les paysages, pour que tous puissent en profiter également.
Une politique ambitieuse de l'environnement, c'est, enfin, renforcer la solidarité et le civisme. Même s'il est indispensable de mettre en oeuvre les moyens de la puissance publique pour protéger nos ressources naturelles, la défense de notre environnement ne saurait reposer uniquement sur la contrainte et la réglementation. Elle résulte aussi du comportement de chacun : une politique ambitieuse de l'environnement est aussi affaire de volonté commune. Nous devons ainsi acquérir et dispenser – d'abord à l'école – une culture et une morale de l'environnement.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que soit inscrit dans notre Constitution le droit des citoyens à un environnement sain. Nous compléterons ainsi, à la lumière des évolutions récentes de nos sociétés, l'oeuvre des auteurs de la Déclaration de 1789 et ceux du Préambule de la Constitution.
Si la protection de l'environnement doit être désormais une mission prioritaire de l'État, je refuse à la fois l'écologie doctrinaire, qui n'est qu'une version camouflée du gauchisme, et l'écologie spectacle, qui se contente de l'alibi du discours. Je crois à une écologie concrète et concertée. Défendre le patrimoine naturel ne se décrète pas d'en haut, mais sur le terrain, en associant étroitement tous les gens concernés aux décisions.
C'est le sens de la politique que j'ai menée depuis deux ans avec Michel Barnier. Elle nous a permis de débloquer et de résoudre des dossiers aussi symboliques et importants que l'aménagement du cours de la Loire et de l'étang de Berre et le sauvetage du Mont-Saint-Michel.
Je propose que nous allions plus loin grâce à la création d'un grand ministère de l'environnement aux moyens renforcés. D'ici à l'an 2000, j'ai fixé 20 objectifs quantifiés et réalistes. Ils concernent tous les grands sujets de l'environnement : les déchets, l'eau, les transports, le bruit, l'énergie et la prévention des risques naturels.
Un double défi
Améliorer la qualité de l'eau de nos rivières et celle de nos plages, permettre à tous de recevoir une eau potable de qualité, développer la collecte sélective des déchets sur tout le territoire, résorber les sols pollués et supprimer les décharges sauvages, voilà pour les années à venir autant d'actions qui requièrent des efforts considérables de la part de l'État comme des collectivités locales et des industries.
Développer les transports propres est un enjeu majeur pour réduire la pollution atmosphérique et le bruit dans nos villes. Nous avons la maîtrise des technologies et les entreprises capables de développer à la fois les véhicules électriques et le transport combiné des marchandises. Mon gouvernement accorde désormais une prime de 5 000 F à tout acheteur d'une voiture électrique. Cette mesure inspirée de la prime automobile, dont chacun a pu constater le succès, facilitera le véritable démarrage de ce mode de transport d'avenir. Je demanderai par ailleurs au Parlement de débattre d'une loi sur la qualité de l'air, qui intégrera à notre législation ces nouvelles préoccupations.
Mon gouvernement a organisé un débat national sur l'énergie et l'environnement. IL importera de relancer la réflexion sur la politique de maîtrise de l'énergie en développant prioritairement les énergies renouvelables. Le Parlement sera saisi d'un texte clarifiant les procédures dans le domaine nucléaire et les nouvelles orientations de notre politique énergétique.
Une politique ambitieuse de l'environnement, c'est aussi une action en faveur de la protection et de la mise en valeur de nos paysages. Je propose de créer de nouveaux parcs naturels nationaux et régionaux, de développer la protection du littoral, et de mettre en valeur nos sites naturels exceptionnels, comme je viens de le décider pour le Mont-Saint-Michel.
Consulter systématiquement les populations
La France est confrontée à un double défi : rendre nos villes durablement habitables et nos campagnes durablement habitées. Le vaste débat sur l'aménagement du territoire a montré ma volonté en ce domaine. La création d'un fonds de gestion de l'espace rural illustre la solidarité concrète que je veux instaurer entre les citadins et les habitants de nos campagnes, qui doivent être aussi les gardiens du paysage français.
La protection de l'environnement constitue une aspiration nouvelle de nos concitoyens. L'équipement du pays, sans lequel notre positon dans la compétition européenne et internationale serait durablement affaiblie, demeure une priorité. Mais notre politique de développement de nos infrastructures devra davantage intégrer les préoccupations écologiques, et la France demandera en la matière une harmonisation de la réglementation européenne.
Pour la première fois, un gouvernement a intégré la préoccupation de l'environnement à l'ensemble des grandes politiques nationales : relance de l'économie (10 % de crédits supplémentaires), politique de la ville (10 % des crédits), emploi (1 000 emplois « verts » créés au cours des douze derniers mois). Nous avons fait la preuve que l'environnement constitue un facteur supplémentaire de croissance et favorise l'amélioration de la situation de l'emploi.
Une politique ambitieuse de l'environnement suppose l'adhésion de tous les acteurs de notre société.
C'est le sens des initiatives prises par mon gouvernement dans le domaine de l'éducation. L'opération « 1 000 défis pour ma planète » a mobilisé en 1994 plus de 120 000 jeunes de 8 à 21 ans sur des projets concrets de protection de l'environnement. Je propose que la question de l'écologie soit systématiquement traitée dans nos écoles, grâce à une grande opération annuelle sur l'environnement. Je propose également, conformément aux aspirations traduites par le questionnaire adressé aux jeunes en 1994, de multiplier par 10 en 5 ans le nombre d'appelés consacrant leur service national à l'environnement.
La consultation des populations devra être mieux organisée, afin que les projets soient mieux expliqués et que toutes les personnes concernées soient entendues. Nous avons ainsi rénové la réglementation en matière d'enquête publique, créé une commission nationale du débat public chargée de consulter les populations avant le lancement de chaque projet d'intérêt national.
Cette volonté de consulter systématiquement les populations suppose qu'il y ait des associations nombreuses, vivantes, qualifiées, compétentes, et assez puissantes pour faire entendre leur point de vue. Il conviendra à l'avenir de prendre des mesures pour faciliter leur création et leurs conditions de travail, pour équilibrer le pouvoir des administrations et des entreprises.
Une nouvelle culture de l'environnement
Il s'agit d'instaurer une nouvelle culture de l'environnement : aménager la France sans l'abîmer, c'est possible et c'est nécessaire. C'est en favorisant le dialogue que nous parviendrons à construire cette société différente que les Français appellent de leurs voeux. Plus nous respecterons l'environnement, plus notre vie sociale aura de sens et de valeur pour tous. Il s'agit en vérité d'instaurer une « morale de l'environnement » qui fondera la démocratie nouvelle que nous devons bâtir ensemble.
(Les intertitres sont de la rédaction.)