Texte intégral
Monsieur le vice-président du Conseil d'État,
Monsieur le préfet,
Messieurs les présidents,
Monsieur le sénateur-maire,
Mesdames,
Messieurs,
L'inauguration d'un tribunal n'est jamais un événement banal. La considération que les citoyens accordent à l'autorité judiciaire dépend en effet pour une part importante des moyens que la puissance publique veut bien lui consacrer.
C'est pourquoi je suis particulièrement heureux de saluer aujourd'hui l'installation du tribunal administratif de Caen dans de nouveaux et superbes locaux. Parfaitement intégré dans le paysage urbain, le tribunal administratif de Caen sera, du fait de sa situation en centre ville, l'expression architecturale de ce principe de notre démocratie qui veut que la justice, au sens le plus élevé du terme, soit au cœur du gouvernement de la cité.
Mais l'inauguration de ce nouveau tribunal administratif n'est pas seulement pour moi l'occasion de rappeler toute la considération dont doit bénéficier la justice. L'opération, dont nous saluons aujourd'hui l'achèvement, est aussi à mes yeux un exemple d'équilibre et de bonne administration :
- un exemple d'équilibre des coûts, intelligemment répartis entre le Conseil d'État et le ministère de l'Intérieur, avec le concours de la région et des départements du Calvados, de la Manche et de l'Orne ;
- un exemple de bonne administration, car la taille et la disposition interne des nouveaux locaux permettent d'envisager l'avenir, c'est-à-dire la réponse de la justice à l'accroissement prévisible du contentieux, avec sérénité.
Cette opération s'inscrit dans un mouvement général d'adaptation et de modernisation des bâtiments de la justice administrative : je pense, entre autres exemples, au relogement de la cour administrative d'appel de Nancy ou encore aux travaux de modernisation des sections fiscales du tribunal administratif de Paris.
Il s'agit de rendre la justice administrative plus rapide, plus efficace, mais aussi plus accueillante au quotidien, plus proche du justiciable.
Faire en sorte que l'institution judiciaire dans son ensemble soit plus proche des citoyens est du reste une des priorités qui ont orienté mon action depuis bientôt deux ans, je suis donc très heureux de voir dans ce nouveau tribunal administratif une traduction exemplaire de cette volonté dans les faits.
Monsieur le vice-président du Conseil d'État, j'ai été très sensible à votre évocation des progrès de la justice administrative.
Car la justice administrative, comme l'ensemble de l'institution judiciaire, progresse.
Elle progresse tout d'abord en termes de moyens et de crédits. Et comment ne pas rappeler, après vous, les apports de la loi de programme quinquennale sur la justice ?
En matière de création d'emplois, cette loi constitue en effet un très net progrès par rapport aux périodes antérieures.
En 1994, seuls 12 emplois avaient été créés. La loi de programme prévoit la mise en place de 180 emplois de magistrats dans les cinq ans à venir, dont quinze auront pour mission de résorber les stocks et de réduire les délais de jugement. La loi de finances pour 1995 autorise d'ores et déjà l'arrivée de 37 magistrats.
Parallèlement, 200 emplois d'agents de greffe seront créés, soit 40 emplois par an en moyenne dans l'ensemble des juridictions administratives alors qu'en 1994 seuls 17 emplois avaient été créés.
La même évolution positive caractérise le domaine immobilier puisque la loi de programme alloue des crédits d'investissements pour un montant de 200 millions de francs sur cinq ans à la juridiction administrative, alors qu'entre 1990 et 1994 ce sont seulement 70 millions de francs qui avaient été obtenus. Cette amélioration considérable était indispensable à la poursuite de la politique de relogement et de modernisation.
Ces crédits doivent aussi permettre de mener à bien la création de quatre nouvelles juridictions :
- deux tribunaux administratifs en région parisienne, afin d'alléger la tâche des tribunaux administratifs de Paris et de Versailles ;
- deux cours administratives d'appel, afin de mieux équilibrer la charge des cours et de rapprocher les requérants de leurs juges.
Le premier tribunal est prévu en Seine-et-Marne pour l'automne de 1996 ; la première cour sera celle du Sud-Est à Marseille en 1997 ; le second tribunal, celui du Nord, nord-ouest parisien, devrait voir le jour en 1988 ; enfin, la seconde cour devrait être implantée dans le département du Nord en 1999.
Ces améliorations se sont elles aussi déjà traduites dans la loi de finances pour 1995 :
- 22 emplois de magistrats ont été créés, dont 1 à Caen ;
- 40 emplois d'agents de greffe ont été mis en place ;
- 40 millions de francs d'investissements ont été alloués.
La justice administrative progresse également dans son activité.
Après avoir augmenté de 10 % en moyenne chaque année depuis 1990, le nombre des affaires jugées par les tribunaux administratifs, en données nettes, a encore crû de 5,9 % cette année. La progression du stock net a ainsi été ramenée à 3,3 % ; le délai moyen de jugement a diminué d'un mois. En 1994, les tribunaux administratifs ont jugé en moyenne en 22 mois, les cours administratives d'appel en 20 mois et le Conseil d'État en 18 mois.
Ces résultats encourageants sont dus aux efforts et au sens de la responsabilité de tous les acteurs de la justice administrative. Je tiens ici à leur faire part de mes plus vifs encouragements ; je me réjouis de les voir démentir chaque jour un peu plus le préjugé, formulé il y a bien longtemps par La Bruyère, qui veut que si « le devoir des juges est de rendre la justice, leur métier est de la différer. »
La justice administrative fait aussi de considérables efforts pour s'adapter à l'augmentation continue du contentieux en général (1,2 % en 1994, mais 6 à 8 % en moyenne chaque année depuis 1990) et en particulier à l'augmentation du contentieux de l'urgence. Ce dernier connaît en effet un développement rapide qui pose à l'institution judiciaire le problème des délais.
Or la maîtrise des délais suppose la réforme des textes en vigueur.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à ce qu'un volet administratif soit ajouté au projet de loi simple qui est devenu la loi du 8 février 1995.
Ce dispositif vise à rationaliser la procédure devant le juge administratif. Il s'agit d'améliorer l'exécution des décisions du juge administratif par un dispositif novateur d'injonction et d'astreinte.
En outre, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel connaissent désormais du contentieux de l'inexécution de leurs décisions.
Par ailleurs, un certain nombre de catégories de litiges viennent compléter la liste de ceux qui relèvent du juge unique. Dans le même ordre d'idées, les présidents de juridiction se voient reconnaître la faculté de statuer seuls, par exemple sur les dépens, sur les requêtes portant sur des séries de cas déjà jugés ou sur celles qui ne relèvent manifestement pas de la compétence des juridictions administratives.
Je suis convaincu que la diligence de la justice est une condition essentielle de sa crédibilité et de son efficacité. Et même s'il faut se garder de sacrifier la qualité des décisions au volume des dossiers, la rationalisation des procédures concourt à l'amélioration du service public de la justice.
Cette double exigence de qualité et de rapidité implique donc que les réformes portant sur la procédure soient scrupuleusement étudiées à la lumière des grands principes qui, tels les droits de la défense, le principe du contradictoire, ou la publicité des débats, demeurent les clés de voûte de notre justice.
Une justice en mouvement, une justice de qualité qui consacre le succès de la réforme de 1987 mettant en place les cours administratives d'appel : le processus de transfert du contentieux de l'appel vers les cours s'achèvera cette année le 1er octobre 1995.