Texte intégral
Chers amis,
Cette première rencontre de la nouvelle UDF est un signe : nous voilà désormais en ordre de marche.
Nous sommes dans la dernière ligne droite de notre réorganisation. Elle sera, je l'espère, lisible lors de notre prochain conseil national, à la fin du mois de novembre, répondant à une volonté, celle de construire un véritable parti politique, unifié, sur l'espace de la droite modérée et du centre.
En même temps, nous avons choisi de faire de la démocratie interne la règle première de notre vie en commun. Et de le faire non pas seulement sur les questions de désignation des personnes, des investitures, des élections. Mais de permettre à cette démocratie interne refondée de se saisir enfin des débats de fond.
Nos militants en font une exigence impatiente. Nous nous en faisons donc un devoir et un atout. C'est parce que nous aurons enraciné le débat et les choix fondamentaux dans notre vie militante, que ce que nous dirons sera entendu sans que nous ayons besoin de forcer la voix.
Le débat que nous lançons aujourd'hui est donc exemplaire de ce que sera la nouvelle UDF unifiée que nous construisons ensemble.
Et il est significatif que ce premier débat soit celui de l'Europe. L'actualité le commande, bien sûr. Les échéances électorales sont là, au mois de juin. Et déjà le microcosme s'agite autour des listes, une ou plusieurs, des têtes de listes, des avantages que les uns ou les autres pourraient y trouver.
Nous sommes le parti des Européens
Mais pour nous le débat européen, ce n'est pas une affaire de politique intérieure, ni de rapports de forces entre la majorité et l'opposition, les partis de la majorité, les différentes oppositions.
Pour nous, l'Europe, c'est notre première raison d'engagement dans la vie politique nationale. C'est la part la plus vivante, la plus indiscutée, la plus indiscutable de ce que notre grande famille politique a apporté ces cinquante dernières années à l'histoire de la France. A chaque pas de l'Europe, nous reconnaissons les visages et l'action des nôtres, Robert Schuman, Pierre Pflimlin, Valéry Giscard d'Estaing à un si haut point, Raymond Barre. Bien sûr, ils n'étaient pas seuls. D'autres grands visages, d'autres familles politiques peuvent aussi réclamer leur part de l'héritage européen. Mais, parmi les grandes familles politiques françaises, aucune ne peut se prévaloir d'avoir comme nous été européenne unanimement et sans interruption.
Et aucune ne peut, comme nous, affirmer avoir vu ainsi la réalité et l'histoire reconnaître, vérifier et consacrer ses institutions. Que l'on songe à ce que fut l'homérique débat sur Maastricht, le nombre et le poids de ceux qui doutaient, s'inquiétaient et combattaient le traité alors que nous le soutenions unanimement. Et que serait aujourd'hui la réalité de la France et de l'Europe si le " non " l'avait emporté ?
La conviction que l'Europe est l'avenir de notre patrie française, c'est notre héritage et c'est notre raison d'être. Nous sommes le parti des Européens. Et c'est parce que nous sommes le parti des Européens que nous n'avons pas l'intention de regarder ces élections européennes sous le seul angle d'un enjeu partisan, sous le seul aspect d'un enjeu de politique intérieure.
Nous sommes le parti des Européens de la vie politique française. Nous militons pour que la France choisisse son destin européen. Et c'est comme militants d'une France architecte et constructeur de l'Europe que nous préparerons les élections européennes.
Et c'est ainsi que nous avons préparé le débat qui précédera nos choix.
Permettez-moi d'en décrire devant vous les principales étapes :
- Chacun de nos élus et chacun de nos militants va recevoir à partir d'aujourd'hui le dossier que vous avez entre les mains. Ce dossier comporte une vingtaine de contributions préparées par ceux qui au Parlement Européen, au gouvernement, à l'Assemblée nationale ou au Sénat se sont investis dans les sujets européens. Vous me permettrez de les remercier tous, ceux qui ont participé à la préparation du dossier, et de demander à Philippe Douste-Blazy, président de notre groupe à l'Assemblée nationale, Jean Arthuis et Guy Cabanel, présidents de nos groupes au Sénat de transmettre ces remerciements à tous les parlementaires qui, d'une manière ou d'une autre, ont travaillé sur ces sujets autour d'eux.
Un véritable travail de démocratie interne
- Ces contributions sont conçues pour être soumises au débat. En particulier, le texte initial écrit par Hervé de Charette qui a été adopté ce matin par notre bureau politique. Ce n'est pas un texte d'arrivée, c'est un texte pour faire réfléchir et susciter le débat. Hervé de Charette a, exprès, recherché les arêtes vives, plutôt que les arrondis. Il formule des convictions qui sont les siennes, par exemple sur l'élargissement, et qui peuvent se voir contredites ou discutées dans le débat. Des questions sont posées sur les institutions, sur les instances fédérales ou fédératives de l'Europe qui verront s'exprimer des convictions différentes ou contradictoires. C'est ce que nous cherchons : l'engagement plutôt que la tiédeur !
- Chacune de ces contributions est suivie d'un questionnaire synthétique pour que les principaux choix soient présents à l'esprit de tous ceux qui participeront à cet exercice de démocratie.
- Dans le courant du mois de novembre, chacune de nos fédérations départementales organisera son propre débat autour d'une équipe d'orateurs nationaux, sur les sujets de son choix.
- Le 29 novembre, lors du premier conseil national de la nouvelle UDF à Lille, nous aurons un rapport d'étape qui tentera une première synthèse ou en tout cas un compte rendu des convictions qui se seront exprimées.
- Dans le courant du mois de décembre, le débat s'élargira aux contributions, individuelles ou de groupe, aux prises de positions, aussi bien des militants que des fédérations, par internet aussi bien que par courrier.
- Enfin, au mois de janvier, une convention sur l'Europe essaiera de formuler nos conclusions et ces conclusions seront soumises à l'approbation de l'ensemble de nos fédérations et de nos militants. Ainsi les choix de fond et les choix de stratégie, une liste de l'Alliance ou une liste de l'UDF, le programme européen de cette liste, nos conditions et nos préférences, tout cela sera le fruit d'un véritable travail de démocratie interne où nos militants, de l'élu national, au plus jeune adhérent, seront identiquement acteurs et non pas spectateurs de décisions prises ailleurs.
C'est notre choix. On nous dira qu'il est malcommode et imprudent de parier ainsi sur l'intelligence et l'engagement de la " base ". Je ne le crois pas. L'Europe, pour nous, pour " la nouvelle UDF, ce n'est pas affaire " d'élites " et d'experts : c'est l'affaire du peuple, une affaire de concitoyens engagés. C'est de leur vie qu'il s'agit. Il est normal qu'ils s'expriment sur ce sujet comme ils ne se sont jamais exprimés. Et à leurs côtés, parmi eux, les responsables prendront leurs responsabilités. Ils se prononceront et ils devront être solidaires et cela aussi est un changement de style !
Et notre premier impératif, ce sera la clarté. Car le sujet européen a changé de statut. Ce n'est plus un sujet qui fâche, c'est un sujet qui brouille les esprits. On serait bien en peine de dire où sont aujourd'hui les repères sur l'avenir européen, tant on essaie de faire dire tout à tout le monde, avec les mêmes mots.
Notre premier impératif : clarifier le débat
Notre mission, notre vocation est d'essayer de mettre de la clarté dans ce débat, parce que nous sommes responsables d'une part de l'héritage européen, et parce que dans notre vision de l'avenir, l'organisation de l'Europe comme puissance mondiale, protectrice des identités nationales et régionales, avocat et protecteur de nos économies et de notre système social, joue un rôle majeur.
C'est dire que pour nous, l'Europe n'est pas achevée avec la création de sa monnaie. La monnaie était une condition de la puissance, elle n'en est pas l'achèvement. C'est l'Europe politique, et son équilibre à construire, l'Europe puissante et décentralisée, l'Europe lisible pour les citoyens qui sont notre objectif. L'Europe qui ne se contente pas d'être un cadre pour la rivalité des nations, mais qui porte un projet partagé, dont nous affirmons la nature : un projet de civilisation.
Oui à la souveraineté européenne
Je voudrais commencer avec ces mots : nous sommes favorables à la construction et à l'exercice de la souveraineté européenne. Pourquoi ? Parce que, comme, on l'a vu en matière de monnaie, il y a des souverainetés qui ne pourront se voir exercer que par la communauté des Etats européens, si elle existe, et qui, autrement, disparaîtront, n'étant plus accessibles à la singularité d'une nation moyenne.
Nous en avons eu la plus claire des illustrations ce week-end. Tout ce qui va dans le sens de la paix au Proche-Orient sert notre idée de la réconciliation et de l'avenir de cette région du monde. Mais pour nous, Européens, quel constat ! C'est sur le sol américain, à l'invitation et sous l'influence du président des États-Unis, sans représentation aucune, sans présence même modeste de quelque diplomate européen que ce soit, que se sont négociés les accords de Wye Plantation. Nous, les Européens, absents ! Néant ! Rangés au placard de l'histoire. Ou plus exactement - ou pire - réduits à la condition qu'on veut bien nous laisser dans cette histoire nous sommes ceux à qui l'on reconnaît le droit de payer ! Et M. Arafat nous fait l'amitié de dire trois fois merci : merci aux États-Unis pour commander, pour influencer, pour marquer l'avenir ; merci à l'Europe pour payer.
Alors nos compatriotes se disent, en leur for intérieur : c'est normal, c'est le Proche-Orient. Notre étoile y a pâli depuis si longtemps qu'il est acquis que c'est la puissance américaine qui y exerce désormais l'influence dominante. On peut le regretter, se disent-ils, mais c'est ainsi, c'est la diplomatie des zones.
Mais le Kosovo !
Pour construire cette puissance, pour prononcer les choix qui s'imposent, pour contrarier le laisser-faire, en vérité, c'est de clarté que nous manquons le plus.
Et c'est cette clarté que la Nouvelle UDF veut porter dans le débat européen.
Car le lieu naturel de ce débat est dans les grands partis politiques qui préparent l'opinion et l'entraînent vers les grands choix. Car il s'agit d'un grand choix. Et ce n'est pas un choix qui est tranché. Les visages de l'Europe du XXIe siècle peuvent se révéler fort différents selon que nous la laisserons aller sur sa pente, ou, au contraire, que nous saurons animer la volonté politique que notre société porte en elle et qu'elle n'a pas su, ou pas pu, exprimer.
L 'Europe monétaire et économique ne peut pas être sa propre fin
L'Europe est face à ses rendez-vous. Patiemment, depuis des décennies, s'est imposée aux militants de l'Europe l'idée que l'Europe de l'économie, du grand marché, de la monnaie unique, était, chronologiquement et politiquement la première à construire. Mais nous portons en nous cette certitude : l'Europe monétaire et économique ne peut pas être sa propre fin ! Une monnaie, c'est bien, pour la croissance et pour le commerce, pour les échanges de biens et de services et pour le dynamisme d'une concurrence qui éveille la créativité d'un peuples et oblige à cette créativité. Mais si l'Europe se bornait au marché et à la monnaie, elle aurait dévié cruellement de sa route, elle serait sortie du sillon de ceux qui l'ont voulue comme un modèle de société. Et l'Europe du libre-échange, ce n'est pas un modèle de société, ce ne sont pas les valeurs morales ou sociales de l'Europe qui portent un message humaniste pour le monde.
L'Europe comme nous la voulons, elle ne se contente pas de faciliter et d'organiser la concurrence : elle est capable de former, d'exprimer et de défendre une volonté commune. Un projet de société, un modèle politique ; elle est capable d'agir sur la scène du monde ; elle se donne les moyens d'une véritable efficacité économique ; elle organise une authentique démocratie décentralisée, qui ne se substitue pas à la démocratie nationale mais la complète et l'équilibre ; elle forge les instruments de sa puissance, de son indépendance, de la paix civile et de son rayonnement international.
Cinq années, cinq défis
Les cinq années qui viennent seront déterminantes pour l'avenir du continent. Cinq années, cinq défis que je voudrais énoncer :
- Le premier défi est celui de la démocratie. Démocratie, cela pose à la fois la question de la prise de décisions, de la capacité de l'Europe à décider et de la part prise par le peuple des citoyens européens à cette décision. L'Europe dans ses frontières de l'avenir sera-t-elle en mesure de trancher pour agir ? Et les citoyens européens auront-ils leur place dans ces choix ? Nous défendons l'idée simple que la démocratie commence lorsque le citoyen peut répondre à ces trois questions : " qui décide, quels sont les pouvoirs de celui qui décide, comment puis-je remplacer celui qui décide s'il ne me convient pas ? " Et c'est pour cela que nous avons soutenu depuis des années l'idée qu'il fallait écrire une Constitution pour l'Europe. Je me réjouis que cette idée soit aujourd'hui soutenue au-delà de nos rangs. Elle est pour nous une exigence fondamentale.
- Le deuxième défi est celui de la prospérité et de l'emploi. Pour nous - et il m'étonnerait fort que le débat change cette position- le pacte européen pour l'emploi repose sur trois piliers
- une croissance solide sur plusieurs années. La croissance n'est pas l'objet d'un décret. Mais une coordination des politiques économiques et une politique monétaire tournée vers la croissance peuvent efficacement la servir
- une baisse concertée des charges sociales, en particulier sur les bas salaires à l'échelle de toute l'Europe et singulièrement en France et en Allemagne. Ce n'est donc pas la dépense publique qu'il faut réhabiliter, mais la maîtrise des dépenses pour retrouver des marges de manoeuvre dans la lutte contre le chômage
- un effort concerté de réduction de tous les obstacles à l'investissement et à la création d'emplois.
- Le troisième défi est celui de la sécurité. Pourrons-nous trouver le mécanisme et l'instrument d'une politique étrangère et de défense commune qui fasse de l'Europe un acteur sur la scène du monde et d'abord sur son propre continent ? La réflexion sur la sécurité quotidienne dans nos sociétés est du même ordre. Il y a des politiques de prévention et de répression qui ne se conçoivent que de près. Mais il en est d'autres, comme la lutte contre les mafias, les réseaux mondiaux du banditisme qui exigent une véritable action fédérale. La sécurité est une condition de la puissance, et un des buts de cette puissance.
- Le quatrième défi, c'est le respect des identités et de la démocratie décentralisée. Notre combat, c'est aussi bien la puissance européenne que le respect des identités culturelles et de la démocratie nationale. La nation est le cadre naturel de la démocratie. La République, avec en particulier le choix de la laïcité, c'est notre choix français. La construction européenne doit intégrer cette subsidiarité, comme elle doit intégrer le respect des langues et des cultures des nations et des peuples, des nations et des régions qui la composent. Or le rouleau compresseur est une tentation de tout pouvoir. Il nous faut inventer l'Europe-puissance qui, acceptant les contre-pouvoirs et les règles de subsidiarité, contrôle et maîtrise sa propre puissance.
- Le dernier défi, celui qui résume et englobe tous les autres, c'est celui du projet de civilisation. Il n'y a qu'une justification au projet européen : c'est la nécessité de défendre et de promouvoir la civilisation de l'humanisme. C'est sur notre sol, à partir de la diversité de nos racines, grecques, romaines, juives, chrétiennes, de Rome et de Constantinople, d'Orient et d'Occident, à partir des Lumières, que s'est construite une vision de l'homme et de la société qui ne ressemble à aucune autre. Cette idée de l'homme rejette un certain matérialisme autant qu'un certain individualisme égoïste. C'est l'Europe qui sait dire, en même temps, que si la réalité du monde est celle de la concurrence et de la domination, l'essentiel de la nature humaine est spirituelle, personnaliste, communautaire et solidaire. Et le statut de la personne humaine, de l'enfant au vieillard, l'aspiration à la coopération internationale et au développement des peuples abandonnés du sud, tout cela relève de la même idée. L'Europe ne se bâtit pas seulement pour elle-même. Son message est universel.
Voilà dans quel esprit nous abordons ce débat européen. Pour nous, tout est lié : l'inspiration est liée à l'application, le projet est lié à la liste, les idées sont liées aux femmes et aux hommes qui la défendront. Nous avons la charge de représenter, dans la préparation de cette élection, le projet et la conviction des Européens de coeur. Les jeunes d'ailleurs ne s'y trompent pas : ils vivent l'Europe et ils espèrent en elle, comme en la dernière aventure humaine de ce siècle. A nous d'être à la hauteur de cette espérance.
Je vous remercie.