Interview de Michel Péricard, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 7 juillet 1995, sur le calendrier de travail du Parlement et sur les relations entre le gouvernement et la majorité.

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Média : Le Figaro

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Le président du groupe RPR de l'Assemblée reconnaît que les députés gaullistes sont "impatients d'agir", et il ajoute qu'il "n'y a pas d'états d'âme sur le programme du gouvernement.

Michel Péricard, député maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), récemment élu président du groupe RPR de l'Assemblée nationale, s'exprime pour la première fois dans nos colonnes. Il reconnaît que les députés sont "impatients" et il souhaite que la session budgétaire d'automne "marque la véritable volonté de réforme du gouvernement".

Le Figaro : Pourquoi le climat est-il si morose au sein du groupe RPR ? Le collectif budgétaire, entre autres projets, ne suscite guère l'enthousiasme…

Michel Péricard : Les députés sont impatients. Et comment ne pas l'être ? L'élection de Jacques Chirac a suscité de nombreuses espérances et l'attente leur paraît longue, comme à tous les Français. Les députés sont aussi un peu inquiets. L'inquiétude, ce n'est pas de l'agressivité. Ils veulent que le gouvernement réussisse.

En ce qui concerne le collectif budgétaire, deux voix se sont élevées au sein de la commission des finances : le rapporteur général, Philippe Auberger, est dans son rôle en émettant quelques critiques sur les textes financiers. Quant à Jean-Pierre Delalande, il n'est pas partisan de la politique du franc fort, et il s'est un peu énervé. Mais il est vrai qu'il y a un débat sur le franc fort au sein du groupe RPR.

Le Figaro : Vous êtes en quelque sorte le "patron" d'une entreprise de 258 députés. N'est-ce pas bien lourd à gérer ?

Michel Péricard : Nombreux sont les nouveaux députés jeunes et d'une grande ardeur. Ils veulent travailler. Nos débats internes sont plus compliqués, en raison de notre nombre, mais aussi plus variés. Nous avons, par exemple, créé un groupe de travail sur l'emploi qui connaît un vrai succès. Les débats y sont concrets. Alain Juppé viendra tous les mardis devant le groupe RPR, sauf impossibilité majeure. Je lui ai proposé de répondre, pendant un quart d'heure, à toutes les questions que se posent les élus.

Le Figaro : Le nouveau pouvoir ne découvre-t-il pas à son tour que la marge de manœuvre dont il dispose est bien faible ?

Michel Péricard : Le collectif est en quelque sorte un texte de rattrapage. Le véritable projet qui marquera la nouvelle politique gouvernementale, c'est la loi de finances pour 1996. Nous attendons de la prochaine discussion budgétaire qu'elle marque la volonté de réforme du gouvernement. Mais il est vrai que nous sommes dans un pays enlisé par les blocages, que toute réforme coûte de l'argent au départ. Il est donc plus économique de ne rien faire.

Le Figaro : La réforme constitutionnelle vous paraît-elle opportune en plein été ? N'est-elle pas aux antipodes des préoccupations des Français ?

Michel Péricard : La réforme du champ d'application du référendum est urgente, parce que si nous ne la faisons pas maintenant, elle ne se fera jamais. Les Français se rendront compte un jour que le référendum a été très utile pour entendre leur avis sur plusieurs grandes réformes. Je pense notamment à l'éducation.

Quant à la session parlementaire unique de neuf mois, nous y sommes tous favorables. Le gouvernement sera davantage contrôlé. Cela lui permettra de mieux travailler, j'en suis convaincu.

Le Figaro : Les députés RPR ne vont-ils pas, inévitablement, au nom de la solidarité gouvernementale, perdre une bonne part de leur liberté de ton et d'action ?

Michel Péricard : Les députés sont soumis une contradiction difficile à assumer : ou bien ils doivent se taire, parce que le chef de l'État est issu du RPR, et on les traite de "godillots" ; ou bien ils s'expriment, et on en déduit aussitôt que le groupe RPR est au bord de la révolte. Cela fait vingt ans que j'entends cela ! Nous sommes profondément unis sur l'essentiel, et il y a des sujets sur lesquels nous exprimons des différences. Je trouve cela très sain.

Quand, par exemple, nous disons au gouvernement que la date du 10 août n'est pas bien choisie pour augmenter la TVA, ce n'est pas une attaque ou une remise en cause de sa politique. Nous ne faisons qu'appeler son attention sur une décision contestée. Sur le programme du gouvernement, en revanche, je ne pense pas qu'il y ait d'états d'âme. Nous le verrons dans les faits, car un parlementaire doit être jugé sur ses votes.

Le Figaro : Quel type de partenariat allez-vous avoir avec le groupe UDF ?

Michel Péricard : Nous avons besoin les uns des autres. Car aucun député ne sera réélu avec les seules voix de sa formation politique d'origine. Tous auront besoin de l'union des partis de la majorité. J'ajoute que les nombreux députés élus de justesse en 1993 ont plus de chance de se faire réélire si le gouvernement réussit et, par conséquent, si nous soutenons le gouvernement sans faille.

Le Figaro : Que pensez-vous des attaques personnelles dont fait l'objet Alain Juppé ?

Michel Péricard : Je trouve que le Premier ministre se défend bien, je ne suis pas choqué par le fait que la Ville de Paris dispose d'appartements pour un certain nombre de personnalités. Mais on n'a peut-être pas été assez clair sur les conditions d'attribution des logements et sur les loyers. Il ne suffit pas de dire qu'il y a des explications, il faut les donner. Et puis on entretient une confusion entre les HLM, qui sont un domaine sensible, et le parc immobilier privé de la capitale.

Le Figaro : Comment analysez-vous la poussée régulière du Front national ?

Michel Péricard : Certains disent que le FN est diabolisé ; moi, je le trouve banalisé, ce qui est sans doute plus préoccupant. J'ai toujours été hostile à cette idée ridicule du boycott des villes dirigées par un maire FN. Mais il faut se demander de quoi se nourrit le Front national, ne plus s'occuper du parti, mais de ce dont il fait sa pâture, des problèmes que vivent les Français.

J'ai proposé mardi au Premier ministre, qui est d'accord, de créer une commission d'enquête sur les conditions d'attribution des certificats d'hébergement et sur les faux rapprochements familiaux. Car c'est un vrai problème. En tant que maire, je constate que nous sommet un peu les complices des immigrés clandestins. La réglementation actuelle est telle, en effet, que les maires sont dans l'incapacité de refuser un certificat d'hébergement, même quand ils savent parfaitement qu'il y a des combines. Il faut mettre fin à ces pratiques.