Texte intégral
Je vais donc vous dire quelques mots de la manière dont nous avons conclu cette très longue série d'entretiens et de travail avec les ministres des Affaires étrangères des Quinze, tout en vous priant d'excuser Hervé de Charrette, qui était indisposé depuis hier passagèrement et qui m'a demandé de le remplacer pour cette réunion. L'objet principal de cette réunion était, avant le sommet de Cannes, d'avancer encore dans la discussion pour la recherche d'un accord sur l'avancement du 8e FED ; c'était l'objet principal et quasiment unique de notre ordre du jour.
Je n'ai pas à vous apprendre de quel niveau nous partions, à quel point les choses étaient et restent d'ailleurs difficiles, difficiles parce que les écarts étaient importants entre les offres et les nécessités d'un côté, et aussi parce que la présidence française fait de cette question du 8e FED une question majeure pour le sommet de Cannes. L'objectif qui était le mien durant cette réunion était donc de rapprocher les points de vues et de faciliter le travail des chefs d'États et de gouvernement la semaine prochaine en essayant de visualiser un accord et un tableau qui soit un peu une synthèse des difficultés et des plafonds des demandes de chacun des États.
Je vais donc vous dire un mot de notre réunion.
Je vais tout d'abord vous rappeler comment se déroulera la réunion du Conseil européen, qu'elle consistera dans au moins deux séances plénières des chefs d'États et de gouvernements, lundi après-midi et mardi matin, sans parler des discussions qui auront lieu à l'occasion des déjeuners et des dîners. Naturellement, il y aura, au tout début de ce Conseil européen, une rencontre avec le Président du Parlement européen, il y aura également mardi en début d'après-midi, une réunion de travail avec les Chefs d'États ou de gouvernements des PECO, des États Baltes, de Chypre et de Malte. Il n'est pas exclu, si l'actualité l'exige, si les Chefs d'États en ressentent le besoin, qu'il y ait une troisième séance plénière dans l'après-midi de mardi. La conférence de presse, j'aurai l'occasion de vous en reparler sur place, aura lieu donc en fin d'après-midi, mardi.
S'agissant de l'objet principal de notre réunion, j'ai, dans le propos liminaire que j'ai tenu au nom de la Présidence, rappelé l'importance de cette aide aux pays ACP qui nous sont pour beaucoup d'entre eux très proches par l'Histoire et par la géographie. J'ai appelé le souhait de la présidence française que l'Union européenne reste crédible dans sa politique d'aide au développement. J'ai dit à plusieurs reprises que rester crédible, c'était pour le moins, pour ce 8e FED, faire à Quinze ce que nous avions fait à Douze, pendant le 7e FED.
Compte tenu de l'éloignement des positions, j'ai ensuite proposé à mes collègues de procéder suivant la technique du confessionnal et donc nous avons consacré près de quatre heures à ces discussions individualisées pour tenter de rapprocher les points de vues. Je vous rappelle que l'objectif de la Présidence était de maintenir à Quinze l'aide consentie par les Douze aux ACP, en tenant compte d'ailleurs d'un taux d'actualisation de 21,5 %. J'ai donc présenté au terme de cette longue séance de réunions bilatérales un tableau et un compromis aboutissant à un chiffre global de 13,307 milliards d'Écus pour la période 1996 à l'an 2000. Ce chiffre est atteint, selon la proposition de la Présidence, qui est toujours une proposition, en additionnant les contributions directes des États et un certain nombre de ressources disponibles non affectables ou non utilisées dans les 5e, 6e et 7e FED précédents. J'ajoute qu'à ce chiffre de 13,307 milliards d'Écus, il faudrait ajouter les prêts sur ressources propres de la BEI ; le vice-président de la BEI qui était ici a confirmé que la BEI pourrait consacrer, dans le cadre de cet accord global, s'il était confirmé à Cannes, un montant de 1,683 milliards d'Écus an prêts ; au total, en additionnant les contributions directes, les ressources disponibles et ces prêts, on arriverait donc à un total de 15 milliards d'aide ou de prêts pour les ACP.
Voilà ce qui a été proposé ; j'ai demandé que l'on réalise un tour de table supplémentaire pour savoir ce que les uns et les autres pensaient de cette proposition ; j'ai enregistré, mais je n'en ai pas été surpris, un certain nombre de réserves ou de désaccords. Il me semble que si l'on ne parle que du 8e FED., et mon souhait a été que nous parlions effectivement que du 8e FED, nous ne sommes vraiment pas très loin d'un accord sur la base de la proposition de la Présidence française aujourd'hui. J'ai demandé à chacun de mes collègues, après que nous ayons fait un nouveau tour de table et que j'ai enregistré un certain nombre de réserves – d'ailleurs certaines d'entre elles sont légitimes puisque je propose des chiffres quelquefois supérieurs à ceux qui étaient contenus dans les mandats des ministres ; certains d'entre eux ont souhaité pouvoir se retourner vers leur Parlement ou vers leur gouvernement pour obtenir un accord sur la proposition de la Présidence. J'ai simplement demandé, au terme de cette longue réunion à mes collègues de bien vouloir repartir avec ce papier, tenter de convaincre leur gouvernement ou leur parlement quand il le faut, de telle sorte que les Chefs d'État et de gouvernement puissent trouver le moyen de confirmer, quitte à ajuster tel ou tel chiffre, confirmer le financement du 8e FED sur la base principale de la proposition que j'aie faite au nom de la Présidence aujourd'hui.
Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus ce soir, quitte à vous décevoir. Il me semble néanmoins que nous avons sensiblement progressé. Les écarts étaient considérables il y a encore quelques jours, ils ne le sont plus vraiment aujourd'hui. En tout cas, le dernier tour de table montre bien que les réserves qui ont été remises, pour beaucoup, sont des réserves de forme, sont relativement faciles à lever si chacun fait un effort de volonté pour atteindre un objectif qui est politiquement nécessaire pour l'Europe : celui de rester crédible dans l'aide qu'elle apporte aux pays ACP, aux pays en développement. L'un des ministres que j'ai entendu dans ces réunions bilatérales a évoqué l'idée de fond en disant que nous parlions un peu de pays les plus déshérités du monde. Voilà pourquoi j'ai déployé beaucoup d'efforts, beaucoup d'énergie et une grande part d'enthousiasme pour tenter de faire comprendre que les Chefs d'États et de gouvernement ne pourraient probablement pas aller très au-delà et sur un chemin très différent de celui qui est contenu dans le papier de la présidence. Je comprends très bien, compte tenu du chemin qui a été parcouru ou qui reste encore à parcourir, que les différents gouvernements aient besoin de quelques jours de plus pour convenir qu'il s'agit là d'un bon compromis.
Le prochain rendez-vous pour les ministres des Affaires étrangères est fixé à lundi soir à Cannes.
Q. : M. Santer nous a dit qu'il y aurait peut-être accord avant Cannes : vous venez d'indiquer que la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères serait lundi soir. À quel moment cela pourrait se passer ? Est-ce à dire que les Chefs d'États et de gouvernements n'en traiteront pas durant la journée de lundi : comment voyez-vous la suite des événements ?
R. : Rien ne nous interdit de poursuivre un certain nombre de discussions bilatérales d'ici lundi, et sur la base du papier qui est sur la table, qui je le pense reste un compromis acceptable, pour l'ensemble de délégations, nous allons poursuivre nos discussions, vous vous en doutez bien, il est possible que les réserves de tel ou tel pays soit levées d'ici Cannes, d'ici la réunion des ministres des Affaires étrangères, ce qui serait souhaitable, j'y tiens beaucoup. D'ailleurs nous faisons beaucoup d'efforts dans ce sens. Le moment ultime avant que les Chefs d'États eux-mêmes ne s'en saisissent, ce sera la réunion des ministres lundi soir.
Q. : Pourriez-vous nous dire quelles sont les réserves qui vous semble les plus difficiles à lever ? Pourriez-vous nous donner les détails par pays de votre dernière proposition ?
R. : Je ne peux pas vous donner des détails par pays, dans la mesure où ce détail-là et les chiffres en question n'ont pas fait l'objet d'accord formel de chacun des États membres.
Q. : Quels sont les pays qui ont des réserves ?
R. : Je vais vous dire les choses clairement sans citer de pays. Certains pays ont émis une réserve sur le montant parce qu'ils n'étaient pas autorisés à aller au-delà d'un certain chiffre ; ils ont des discussions avec leur parlement ou avec leur gouvernement, il y avait naturellement des chiffres ou des plafonds qui étaient liés au pourcentage de l'aide au développement du PNB, certains dépassaient. Beaucoup ont fait des efforts, des pays font de très gros efforts, y compris par rapport au 7e FED ; certaines délégations ont voulu également lier ce problème du 8e FED à un règlement de certaines difficultés sur les autres formes d'aides dites de relations extérieures avec les PECO et la Méditerranée ; voilà, je crois avoir fait le tour des principales difficultés.
Q. : Partagez-vous le même optimisme sur un règlement du problème d'Europol à Cannes ?
R. : Le même optimisme oui. Je n'ai pas dit d'ailleurs que nous en avions parlé, mais il en a été question dans un autre Conseil.
Q. : Quelle est la situation du 8e FED ce matin ?
R. : Le 8e FED est une des politiques les plus traditionnelles, les plus importants de l'Union européenne. C'est le moyen pour nous de promouvoir, d'aider les pays les plus déshérités du monde et de faire acte de solidarité, comme c'est d'ailleurs la responsabilité, l'honneur de l'Union européenne. Voilà pourquoi la Présidence française, en particulier le Président Jacques Chirac, tient autant à ce que l'on aboutisse à un niveau de financement pour ce 8e FED qui soit digne, qui soit crédible et qu'on fasse à Quinze au moins ce que l'on avait fait à Douze à l'occasion de l'enveloppe précédente du 7e FED. Cette enveloppe que nous jugeons comme nécessaire est d'environ 13 milliards 300 millions d'Écus, auxquels il faut d'ailleurs ajouter les prêts de la BEI, donc une quinzaine de milliards d'Écus entre les aides directes et les prêts. Nous sommes partis de très très loin. Les positions entre les États membres étaient très très éloignées : il me semble qu'aujourd'hui nous avons vraiment progressé, nous ne sommes pas encore parvenus, entre les ministres des Affaires étrangères, donc le projet de compromis de la Présidence française est à cette hauteur-là, car c'est vraiment un souci qu'a le Président de la République française, que nous avons, nous ne sommes pas les seuls au sein des Quinze. Il reste maintenant à confirmer cet accord. Chacun des ministres est reparti avec cette proposition pour tenter de convaincre son gouvernement.
Q. : Quelle est la nature des obstacles qui subsistent ce matin ?
R. : Il reste des obstacles principalement liés au montant que la Présidence a demandé à tel ou tel pays ; les aides auxquelles tel ou tel États veulent parvenir sont liées à un pourcentage de son PNB, de son budget. Il y a des clefs un peu compliquées, disons très clairement qu'il s'agit pour plusieurs États de faire un effort supplémentaire. Moi j'ai plaidé cette idée que cela valait le coup, que c'était vraiment, et la force et l'âme de l'Europe qui était en cause dans sa capacité de maintenir une aide crédible et importante à l'égard des pays en développement qui en ont le plus besoin.
Q. : On a présenté la problématique du 8e FED comme étant une espèce d'opposition entre l'aide directe des États membres, l'aide bilatérale, et l'aide communautaire en tant que telle. Est-ce une opposition tactique ou plus philosophique ?
R. : Au moment où je vous parle après avoir passé de longues heures avec les autres ministres des Affaires étrangères, je n'ai pas senti cette opposition aujourd'hui. Nous sommes plutôt sur une discussion liée au montant de l'aide multilatérale, de l'aide communautaire. Il n'y a pas eu aujourd'hui de discussion sur l'efficacité réciproque de l'aide bilatérale ou de l'aide multilatérale. Voilà pourquoi j'ai confiance dans le fait que l'on aboutisse à un accord sur le 8e FED au plus tard à Cannes, au niveau des Chefs d'États et de gouvernements.