Texte intégral
mardi 3 novembre 1998
RMC
P. Lapousterle
Dans le numéro un de la revue du Front national, qui s'appelle Marseille Liberté, vous signez l'éditorial qui est en première page et vous écrivez : « j'ai décidé de m'investir pleinement dans la bataille pour la renaissance de Marseille. » Je vais vous poser une question simple : est-ce que c'est votre candidature à la mairie de Marseille que vous avez écrit par cette phrase ?
B. Mégret
- « Oui, vous avez bien lu, c'est, en effet, une candidature à la mairie de Marseille. Marseille est dans une situation tout à fait paradoxale car c'est une ville magnifique - c'est la deuxième ville de France - c'est une ville qui a d'innombrables atouts - une des plus anciennes métropoles de l'Occident -, et dans le même temps, une ville qui est sur le déclin, frappée beaucoup plus que le reste de notre pays par les maux qui taraudent la France : que ce soit l'insécurité, l'immigration, le fiscalisme et la perte de substances économiques, au point que la ville se vide. On est passé d'un million d'habitants moins de 800 000 en 20 ans. »
P. Lapousterle
Quel est le sens que vous donnez à cette candidature - c'est la première fois que vous l'annoncez - parce qu'il y a eu des candidats Front national par le passé ? Pourquoi vous ?
B. Mégret
- « C'est de gagner, c'est de rompre enfin avec cette logique du déclin engendrée par M. Defferre, par M. Vigouroux et par M. Gaudin qui est dans la ligne de ses prédécesseurs, qui d'ailleurs a toujours collaboré avec la gauche comme on l'a vu au Conseil régional. C'est de rompre avec cette logique, et d'engager un vrai renouveau. Et je dis que cette candidature peut déboucher sur une victoire : cette fois le Front national se mobilise pour gagner. Je rappelle que la liste que je conduisais a fait plus de 27 %, près de 28 % sur la ville de Marseille pendant que la gauche plurielle faisait 29 % et que la liste représentant M. Gaudin, qui était conduite par M. Mattei, RPR-UDF, a fait 24 %. Nous sommes donc partis pour préparer aux Marseillais enfin une autre voie, qui serait, j'en suis convaincu, celle de la renaissance de Marseille. »
P. Lapousterle
M. Muselier - qui était notre invité, hier -, disait méchamment : « M Mégret n'a jamais gagné d'élection. »
B. Mégret
- « Ah oui ! S'il pense cela, je crois qu'il peut continuer à dormir sur ses illusions. Ce n'est pas l'opinion des Français, et ce n'est pas, non plus, l'opinion des Vitrollais. Et ce que nous avons réussi à Vitrolles, en Provence, je dis que nous allons le réussir, ici, à Marseille. »
P. Lapousterle
Vous n'avez pas peur que les habitants de Vitrolles vous en veuillent de quitter Vitrolles pour Marseille ?
B. Mégret
- « Ce n'est pas les habitants de Vitrolles qui peuvent m'en vouloir puisque si je ne n'ai pas été élu maire de Marseille - euh de Vitrolles ! Lapsus révélateur, excusez-moi - c'est parce que j'ai été victime d'une machination politico-judiciaire qui - vous connaissez les développements - m'a empêché de l'être. Donc moi, je m'incline. Le sort a décidé d'un autre maire pour cette ville. Et moi, je m’investis sur Marseille, car je pense que Marseille mérite beaucoup mieux que M. Gaudin. »
P. Lapousterle
Est-ce que vous avez l'autorisation de M Le Pen pour vous présenter à Marseille ?
B. Mégret
- « Écoutez, tout cela se fait en parfaite harmonie avec la direction de notre mouvement, avec J.-M. Le Pen. Il n'y a aucun problème. »
P. Lapousterle
Parce qu’il y a des problèmes ailleurs ?
B. Mégret
- « Il n'y a pas de problèmes. »
P. Lapousterle
A Toulon, le Front national est donc en place, en position. On n'a pas l'impression qu'à Toulon, après une gestion du Front national pendant deux ans, la ville soit gérée de manière si différente, je dirais, que les villes dirigées par d'autres coalitions. Les divisions de votre majorité sont connues, importantes : vous avez un adjoint qui est en ce moment inculpé, vous avez des responsables qui ont eu quelques petits problèmes. Est-ce que le résultat de Toulon n’est pas un problème pour les futures listes du Front national ?
B. Mégret
- « Là vous évoquez des problèmes qui sont des problèmes de fonctionnement interne de la municipalité. Je vais en dire un mot. Mais ce qui compte pour les habitants, ce ne sont pas ces problèmes-là. Ce qui compte ce sont les résultats qui les concernent... »
P. Lapousterle
Tout compte pour les habitants !
B. Mégret
- « Oui, mais ce qui compte d'abord c'est de savoir si, oui ou non, les impôts ont baissé - ils ont baissé - ; c'est de savoir si oui ou non la sécurité s'améliore - des efforts considérables ont été faits dans ce sens - ; c'est de savoir si, oui ou non, les problèmes concrets qui se posent à eux sont réglés - oui, il y a une attention aux problèmes de proximité tout à fait considérable, plus un certain nombre de réalisations qui sont en cours. De ce point de vue-là la municipalité de Toulon, comme celle des autres villes, fonctionne au service des habitants. Alors qu'il y ait des problèmes ensuite, ici ou là ! Le Front national est une organisation humaine, et lorsqu'il y a, parmi nous, une brebis galeuse, la grande différence entre le Front national et l’establishment c'est que nous l'écartons immédiatement, nous l'excluons immédiatement, lorsque ceux de l'establishment les protègent, et ce faisant se rendent complices de ces brebis galeuses. »
P. Lapousterle
Le Front national ne peut avoir la majorité absolue à une élection aussi importante que la mairie de Marseille : donc il faudra des alliés. Est-ce que vous comptez avoir des alliés pour une éventuelle accession à la magistrature de Marseille ?
B. Mégret
- « Nous sommes bien sur tout à fait ouverts à un large rassemblement de ceux qui voudraient un tel renouveau. Ceci étant, il n'est pas absolument indispensable d'en venir là puisque, comme vous le savez, on peut se retrouver en situation de triangulaire ; et il suffit, à ce moment-là, d'arriver en tête. J'en reviens à Toulon : M. Le Chevallier comme son épouse ont réalisé près de 41 % au premier tour alors qu'aux élections municipales pourtant victorieuses il n'avait obtenu qu'à peine plus de 30 %. C'est dire que, là aussi, nous sommes en progression. Et 41 % dans une triangulaire c'est plus qu'il n'en faut pour conserver la ville dans deux ans et demi. »
P. Lapousterle
C'est tellement bien la gestion de Toulon que vous avez quand même subi trois échecs consécutifs à Toulon : deux dans des législatives, et un dans les cantonales. Certains disent : le Front national, après être monté très haut, commence à connaître le déclin. Qu'est-ce que vous pensez de cette analyse politique ?
B. Mégret
- « Je viens de vous donner la réponse, d'une certaine façon : il n'y pas déclin et pas échec, puisque si l'on regarde ce qui est comparable, c'est-à-dire les premiers tours des élections, là où les gens votent Front national pur jus, si je puis m'exprimer ainsi, il y a une nette progression : un peu plus de 30 % aux municipales au premier tour, et maintenant 41 % - plus de 40 % systématiquement. C'est donc que les électeurs sont de plus en plus nombreux à voter Front national. Et c'est vrai que ce qui a manqué à J.-M. Chevallier ou à sa femme, aux trois élections dont vous parlez, c'est d'un nombre suffisant d'électeurs RPR-UDF au deuxième tour. Mais, là, c'est le problème de l'abstention. Vous comprenez qu'il y a un grand nombre d'électeurs à l'UDF qui ne vont même pas voter pour leur candidat au premier tour. Comment voulez-vous qu'ils aillent voter pour le candidat du Front national au deuxième tour ? »
P. Lapousterle
Vos relations avec J.-M. Le Pen sont quand même très importantes pour vos électeurs et les autres. On sait que ce n'est pas la lune de miel entre vous deux, et que vous avez des divergences politiques? Comment les résoudre ces divergences politiques ?
B. Mégret
- « Il n'y a pas de divergences. »
P. Lapousterle
Vous n'avez pas la même vision politique…
B. Mégret
- « Il y a une divergence sur la configuration de notre liste européenne pour l'élection de juin prochain au cas - que j'espère improbable - … »
P. Lapousterle
Que J.-M. Le Pen soit invalidé ?
B. Mégret
- « Voilà ! Et là, il y a deux conceptions qui sont en débat : une conception disons de type plus affective avec une tête de liste que serait Janny Le Pen, et une conception plus politique que je défends en présentant ma candidature. Mais le Front national est un mouvement... »
P. Lapousterle
Comment résoudre ces divergences ?
B. Mégret
- « Il y aura une décision, et lorsque la décision sera prise - je l'ai déjà dit 20 fois je m'inclinerai. Ce qui veut dire que le Front national, contrairement à ce qui est dit, est un mouvement beaucoup plus uni et cohérent que ceux de la classe politique. Parce lorsqu'il n'y a pas de divergences c'est facile d'être uni. Lorsqu'il y a un point de débat, nous sommes capables de l'assumer, d'en débattre, et une fois la décision prise, d'être parfaitement cohérents et unis. »
P. Lapousterle
On entend dire que M. de Gaulle pourrait être la solution, entre Janny Le Pen et vous, comme tête de liste du Front national aux européennes ? C'est une possibilité ?
B. Mégret
- « Cela me paraîtrait quand même un peu paradoxal que, pour résoudre ce problème, on fasse appel à une personnalité extérieure. »
P. Lapousterle
La Corse : les déclarations du préfet Bonnet ont été entendues, et ont fait beaucoup de bruit. Elles manifestent la politique de fermeté du Gouvernement vis-à-vis de la Corse Est-ce que vous approuvez ?
B. Mégret
- « Je suis partisan de la fermeté en Corse, c'est-à-dire de la fermeté contre les fauteurs de troubles, contre ceux qui ne respectent pas l'ordre républicain. Il faut qu'en Corse, comme ailleurs, ce soit la loi et les règles de notre République qui s'appliquent. Maintenant il faut faire attention que les propos de fermeté ne remplacent pas la fermeté, et que les propos de fermeté ne soient pas adressés à l'ensemble des Corses qui sont, pour la plupart, tout à fait étrangers à ces débordements malsains. Alors, dans cette affaire, moi, je souhaiterais déjà qu'on arrête les auteurs de l'assassinat du préfet Erignac. Ce qui serait la plus belle forme de fermeté qui puisse être prouvée en Corse. »
P. Lapousterle
Un juge d'instruction français a lancé un mandat d'arrêt international, hier, contre M. Pinochet avec l'accord du Gouvernement. Votre réaction ?
B. Mégret
- « M. Pinochet a sans doute beaucoup de choses à se reprocher. Mais je constate qu'il y a beaucoup de chefs d’État dans le monde, dont certains sont encore en activité, qui mériteraient ces mises en cause et ces mises en examen. Je pense notamment à F. Castro qui est actuellement adulé par toute l'intelligentsia française et européenne. Une justice internationale qui pratique deux poids deux mesures est injuste et donc, de ce fait, illégitime. Alors, il faut se méfier de ce genre d'initiatives. »
P. Lapousterle
Alors, C. Millon commence à mordre sur le Front national ?
B. Mégret
- « Oh non, de ce côté, je pense qu'il n'y a pas de danger, car M. Millon, on ne sait pas très bien où il se place. Il a, c'est vrai, un certain soutien populaire qui lui vient des rangs du RPR et de I'UDF, des déçus du RPR et de I'UDF, et qui est motivé par l'accord qu'il a passé avec le Front national pour se faire élire à la présidence de la région Rhône-Alpes. »
P. Lapousterle
Il n'y a pas d'accord, dit-il, il n'y a pas de compromis, de compromission avec le Front national…
B. Mégret
- « C'est justement là la grande ambiguïté, c'est qu'il a passé un accord - c'est pour cela que les gens le soutiennent - et en même temps, il dit qu'il n'a pas d'accord et qu'il ne veut pas d'entente avec le Front national. Alors quand on est assis entre deux chaises, eh bien on court le risque de se casser la figure. »
P. Lapousterle
Mais qui tient l'autre ? Le Front national, ou C. Millon, qui dénonçait encore hier la xénophobie, le racisme, etc.
B. Mégret
- « Si M. Millon veut combattre le politiquement correct, et reprend toutes les antiennes du politiquement correct, là aussi, c'est une façon de ne pas se situer et de rester dans l'ambiguïté. »
P. Lapousterle
Est-ce qu'il était nécessaire que B. Gollnisch aille faire de la provocation à son congrès ? Est-ce que c’était pour rappeler C. Millon au bon souvenir du Front national ?
B. Mégret
- « Je pense que c'était, précisément, pour pousser M. Millon à être plus clair sur la question du Front national. Ou il est contre nous, et à ce moment-là, il faut qu'il en tire toutes les conclusions, ou il est d'accord pour des accords de désistement réciproque, par exemple, avec le Front national, et à ce moment-là, qu'il l'assume pleinement, et qu'il le dise. »
P. Lapousterle
A Lyon, vous allez continuer à le soutenir ou le bousculer, le faire tomber ?
B. Mégret
- « B. Gollnisch l'a toujours dit : le Front national est un mouvement politique fiable. Nous faisons ce que nous avons dit, et ce que nous avons dit, c'est que ce serait le soutien sans participation, tant que M. Millon appliquerait les six points du programme pour lequel il s'était engagé dans le cadre des accords. »
P. Lapousterle
La vérité, c'est que le Front national a intérêt au maintien de C. Millon à la tête de la région ?
B. Mégret
- « Je crois que ce qui est important, c'est l'intérêt des habitants de la région, et l'intérêt des habitants de la région, en effet, c'est que cette région, où la gauche est minoritaire, ne soit pas gérée, demain, par la gauche. »
P. Lapousterle
Le Pacs s'embourbe à l'Assemblée, dans les méandres de la procédure et de l'obstruction. Vous n'êtes pas à l'Assemblée. Qui parle plutôt comme vous ?
B. Mégret
- « Ceux qui sont les plus hostiles au Pacs... »
P. Lapousterle
Par exemple ?
B. Mégret
- « Peu importe, nous n'avons pas de porte-parole attitré. Je ne voudrais pas causer du tort à ceux qui ont, là-bas, l'attitude la plus offensive et la plus utile, parce que ce Pacs est tout à fait scandaleux. Le Pacs, c'est créer un mariage bis, auquel on donnera les mêmes avantages qu'aux couples mariés, ce qui veut dire qu'on détruit la famille, la cellule fondamentale de la société. »
P. Lapousterle
On vous a dit non. Mme Guigou répète 150 fois que ce n'est pas cela !
B. Mégret
- « C'est quoi, alors ? »
P. Lapousterle
C'est ce qu'elle vous dit !
B. Mégret
« On ne sait pas, justement. Parce que je ne vois pas, si ce n'est pas un mariage homosexuel, pourquoi il faut donner un statut à des gens qui, précisément, ont refusé le statut du mariage. »
P. Lapousterle
Est-ce que vous jugez, vous, que l'opposition se bat convenablement et qu'est-ce qu'elle devrait viser, dans ce débat ?
B. Mégret
- « Mais c'est l'abandon du projet, purement et simplement. Et je peux le dire : le Front national, arrivant au pouvoir, abrogera ce projet, tout simplement parce qu'il est totalement scandaleux de vouloir, sur une question aussi fondamentale, touchant aux valeurs de la société, imposer par la loi quelque chose qui ne relève pas d'un consensus. »
P. Lapousterle
Quand vous dites : quand le Front national arrivera au pouvoir, vous plaisantez, là !
B. Mégret
- « Je ne plaisante pas du tout. Le Front national va arriver au pouvoir. »
P. Lapousterle
Mais qui, quand ?
B. Mégret
- « Je pense dans les années qui viennent. C'est, je dirais, inscrit dans les évolutions politiques. Le Front national incarne les valeurs, les idées qu'une grande majorité de Français rejoignent maintenant. »
P. Lapousterle
Vous vous gargarisez de cette idée, mais vous ne la réaliserez jamais !
B. Mégret
- « C'est votre opinion. »
P. Lapousterle
Remarquez, si c’est une consolation pour vous. Je ne sais pas ! C'est un rapport de forces !
B. Mégret
- « C'est un rapport de forces, mais vous voyez bien que le RPR et l'UDF sont en train de décliner progressivement, et que les deux mouvements politiques structurants de la vie publique française, c'est le PS d'un côté, le Front national de l'autre. Tout s'oriente autour de ces deux forces. »
P. Lapousterle
M. Giscard d'Estaing estimait, hier, au Club de la presse que la déclaration du Premier ministre sur les mutins de 1917 était justifiée, mais qu'il ne fallait pas aller jusqu'à leur réhabilitation. Ces révoltés de 1917, fusillés pour l'exemple, ceux qui ont été condamnés aux travaux forcés, par ailleurs, est-ce qu'ils ont, pour vous, une place dans la mémoire collective ?
B. Mégret
- « Une place dans la mémoire, cela ne veut rien dire. Ils font partie de l'histoire de France, et l'histoire de France, nous devons nous en souvenir. En effet. Mais je trouve tout à fait scandaleuse la déclaration du Premier ministre, parce qu'il va, 80 ans après, rouvrir une polémique qui n'avait pas lieu d'être. Et je crois que ce n'est pas le rôle du chef du Gouvernement de la France que de placer sur le même plan ceux qui ont failli et ceux qui ont accompli leur devoir. »
P. Lapousterle
Ce n'est pas exactement ce qu'il voulait faire !
B. Mégret
- « C'est ce qu'il donne l'impression de faire, en tout cas. Et cela, c'est vraiment tout à fait inadmissible. Un responsable politique, un Premier ministre se doit d'exalter les valeurs positives sans lesquelles il n'y a pas de Nation. »
P. Lapousterle
Un mot sur la Nouvelle-Calédonie. Elle a répondu « oui » au référendum, après un débat démocratique sur son avenir. Le « oui », est-ce qu'il est bon pour cette île du Pacifique et pour la France ?
B. Mégret
- « D'abord, je constate, quand même, que toute la classe politique était pour le "oui". Seul, le Front national était pour le "non". Le "non" a fait, quand même, 30 % des voix, ce qui n'est pas rien. Il y a, ceci dit, quelque chose de tout à fait surprenant, c'est que les Kanaks ont voté "oui" pour l'indépendance, et les Caldoches du RPCR ont voté "oui" pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France. C'est un formidable malentendu, et les malentendus, sur des questions aussi fondamentales, cela conduit généralement à de grands drames historiques. Et, j'ajoute qu'il est quand même étonnant de voir le Gouvernement expliquer que c'est un grand progrès, que cette marche du peuple kanak - selon la formule - vers la souveraineté est quelque chose de positif, alors que dans le même temps, on explique que le peuple français doit abandonner sa souveraineté dans le cadre de l'Europe de Maastricht. Pourquoi ce qui est bon pour les Kanaks ne serait-il pas bon pour les Français plus globalement ? »
P. Lapousterle
Vous avez votre balai ? On va balayer devant votre porte aussi !
B. Mégret
- « Il n'y a pas besoin. »
P. Lapousterle
Dans une semaine, la justice dira si M. Le Pen est, ou non, éligible. Est-ce que vous restez candidat à conduire la liste Front national aux européennes ?
B. Mégret
- « Oui, on ne va pas en revenir sur cette question. J'ai déjà tout dit. »
P. Lapousterle
Elle est à nouveau d'actualité. Dans une semaine, il y a ce jugement. Qu'est-ce que vous faites si M. Le Pen n’est pas éligible ?
B. Mégret
- « Attendons la décision de la cour de justice de Versailles. Moi, j'espère que la justice sera juste, et que J.-M. Le Pen ne sera pas scandaleusement invalidé, rendu inéligible. Pour le reste, j'ai déjà dit tout ce que j'avais à dire, je le maintiens. Mais je crois qu’il n'y a pas lieu d'y revenir sans cesse. Il n'y a pas d'élément nouveau. »
P. Lapousterle
Pourquoi ? Parce que quand on le maintient, on reçoit des claques ?
B. Mégret
- « Je ne vois pas à quoi vous voulez faire allusion. Cela va bien, je vous remercie ! »
P. Lapousterle
Non, vous avez une dose de résistance. Par exemple, quand il s'agit de problèmes extérieurs, politiques généraux, on voit bien le coq Mégret qui se dresse sur ses ergots et qui y va. Mais quand vous êtes au sein du Front national, vous endurez, en silence, des brimades ?
B. Mégret
- « Vous faites allusion au coq gaulois ! C'est un compliment, cela ! »
P. Lapousterle
Comment faites-vous pour assumer autant d'humiliations, de brimades à l'intérieur ?
B. Mégret
- « Moi, vous savez, j'ai une ligne très simple, très claire. Je suis fondamentalement engagé pour la défense de mes idées, pour le combat qui est le nôtre, au service de notre pays. Je suis très attaché à l'unité du mouvement, et moi, je ne me livre pas à des attaques contre qui que ce soit à l'intérieur du Front national. »
P. Lapousterle
Vous ne faites pas comme d'autres ?
B. Mégret
- « Je ne veux pas rentrer du tout dans la moindre polémique. Vous essayez de faire croire, si je comprends bien, qu'il y aurait une querelle. Il n'y a pas de querelle. Il y a simplement un débat, en effet, c'est à cela que vous faites allusion, sur la meilleure configuration de la liste européenne. C'est une chose. Pour le reste, il n'y a pas, de mon point de vue, de querelle au Front national. »
P. Lapousterle
Moi, je fais croire qu’il y a une querelle, et vous, vous faites semblant de penser que l’on peut vous croire quand vous dites qu’il n’y en a pas ! Entre nous, vous qui êtes partisan de franchise pour les autres !
B. Mégret
- « Mais je suis tout à fait franc. Je vous le dis : moi, j'ai dit ce que je pensais sur la configuration de la liste européenne, dans le cas, tout à fait scandaleux, ou J.-M. Le Pen serait inéligible, et je ne vois pas pourquoi cela pourrait susciter une querelle. »
P. Lapousterle
Mais pour départager les deux thèses, qui doit trancher ? Le roi, celui qui se reconnaît lui-même le monarque, c'est-à-dire M. Le Pen, ou un congrès ?
B. Mégret
- « Il n'est pas question de congrès en l'état actuel des choses. »
P. Lapousterle
C'est-à-dire que c'est lui qui décidera de toute façon ?
B. Mégret
- « J'ai dit, pour ce qui me concerne, que je me rallierai à la décision qui serait prise. Donc voilà, je n'ai pas plus à en dire. Tout cela parce que je donne la priorité à l'unité, à la cohésion, à l'harmonie au sein du mouvement. »
P. Lapousterle
Et vous accepteriez de ne pas être sur la liste. Si M. Le Pen est tête de liste, vous ne seriez pas sur la liste européenne, cela ne vous ferait rien, au nom de l'unité ?
B. Mégret
- « Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas sur la liste. Entre nous, il ne faut pas oublier une chose, c'est que le président du mouvement à une fonction fondamentale, c'est peut-être la première de ses fonctions, c'est d'assurer l'unité et la cohésion, l'harmonie au sein du mouvement. Alors, je ne vois pas pourquoi le président du mouvement s'en prendrait à son second en ne le prenant pas sur la liste. Cela me paraît tout à fait délirant. »
P. Lapousterle
Cela, c'est intéressant, c'est un avertissement !
B. Mégret
- « Non, pas du tout. »
P. Lapousterle
Et quand M. Le Pen prévient, dans France-Soir, que Jany, sa femme, ne serait pas porte-parole mais porte-drapeau. Porte-drapeau, éventuellement, cela vous va !
B. Mégret
- « Porte-drapeau, J.-M. Le Pen veut dire par là que, dans la mesure où elle n'est pas, elle le dit elle-même, une femme politique, eh bien il serait amené à symboliser, en quelque sorte, le nom de J.-M. Le Pen en tête de liste. C'est l'idée d'une candidature affective, et c'est vrai qu'il y a deux options : une candidature affective, avec Jany Le Pen en tête de liste, une candidature politique, pour laquelle j'ai présenté ma candidature. »
P. Lapousterle
L'initiation d'un chef, au Front national, passe décidément par trois étapes : la pénitence, la patience d'abord, non ?
B. Mégret
- « Je ne sais pas de quoi vous parlez. »
P. Lapousterle
Et la troisième, la vengeance ? Il faut attendre ?
B. Mégret
- « Mais non, mais non. Ce sont autant de sentiments qui me sont totalement étrangers. »